ORDONNANCE DE TAXE DU 26 NOVEMBRE 2007
SA HUET HOLDINGS agissant poursuites et diligences de son représentant légal C \ Francis X... pris en sa qualité de mandataire ad hoc des sociétés Huet et Lanoë, Lépissier-Patriat, Quinofer, société Nouvelle Pétré et Fils, Société Nouvelle Etablissement Henri Réyé
Expéditions le 26 novembre 2007 aux parties
ORDONNANCE
L'AN DEUX MILLE SEPT ET LE VINGT SIX NOVEMBRE (26 / 11 / 2007),
Nous, Alain RAFFEJEAUD, président de chambre à la cour d'appel d'Orléans, agissant en qualité de délégué du premier président de la cour d'appel,
Assisté de Gaëlle BRONDANI, greffier en chef lors des débats,
Vu le recours formé par :
La SA HUET HOLDINGS agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège, demeurant 70 Boulevard de Courcelles-75017 PARIS
COMPARANTE, Représentée par Maître Armelle SIMON, avocat au barreau d'ORLÉANS
contre l'ordonnance rendue le 30 mars 2007 par le Président du Tribunal de Commerce de TOURS dans la procédure en contestation d'honoraires de mandataire ad hoc qui l'oppose à :
Maître Francis X... pris en sa qualité de mandataire ad hoc des sociétés Huet et Lanoë, Lépissier-Patriat, Quinofer, société Nouvelle Pétré et Fils, Société Nouvelle Etablissement Henri Réyé, demeurant ...37000 TOURS
COMPARANT, Représenté par Maître Antoine BRILLATZ, avocat au barreau de TOURS, membre de la SCP CHAS-BRILLATZ-GAZZERI-CARVALHO
Après avoir entendu les parties à notre audience publique du 17 octobre 2007,
Vu les pièces du dossier,
PRONONCE publiquement le 26 novembre 2007 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Par jugements des 28 juin et 23 août 1988, Maître X... a été désigné en qualité de mandataire ad hoc de cinq sociétés, aujourd'hui fusionnées sous la dénomination HUET HOLDINGS, pour poursuivre une action en comblement de passif engagée à l'encontre des anciens dirigeants de ces sociétés.
Il s'en est suivi de multiples procédures, tant en première instance, qu'en appel, en cassation et en renvoi de cassation, au terme desquelles les dirigeants ont été condamnés à combler la totalité de l'insuffisance d'actif, soit la somme en principal de 31 932 172,23 euros, outre les intérêts.
Par requête en date du 20 octobre 2006, Maître X... a sollicité la fixation de sa rémunération sur les bases suivantes :-honoraires de résultat de 5 % : 1 781 712,65 € H. T-rémunération du temps passé : 338 400,00 € H. T 1 692 h X 200 €-remboursement de frais divers : 240 000,00 € H. T Total H. T : 2 360 112,65 € H. T TVA 19,6 % : 462 582,08 € H. T
La société HUET HOLDINGS s'est opposée à sa demande dans des termes que Maître X... a estimé injurieux et diffamatoires. C'est dans ces conditions que, faisant application des dispositions de l'article 41 alinéa 4 de la loi du 29 juillet 1881, le président du tribunal de commerce de Tours a ordonné la suppression de 116 lignes de la requête du 15 janvier 2007 et de 108 lignes du complément du 1er février 2007, ces lignes étant jugées outrageantes et diffamatoires, et a condamné en conséquence la société HUET HOLDINGS à payer à Maître X... la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts. Ce magistrat a ensuite taxé la rémunération de Maître X... à la somme de 999 211,44 euros H. T, soit à la somme de 1 195 056,88 euros T. T. C., se décomposant comme suit :
-honoraires de résultat : 638 643,44 € H. T-rémunération du temps passé : 260 568,00 € H. T-frais de chancellerie : 100 000,00 € H. T
Le premier juge a encore alloué à Maître X... une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société HUET HOLDINGS a formé un recours devant Nous, reçu au greffe le 22 mai 2007. Elle conteste sa condamnation à des dommages et intérêts pour injures et diffamation, tout en reconnaissant que les termes employés dans ses écritures étaient " juridiquement inappropriés et inutilement vifs ". Elle critique surtout le montant excessif de la rémunération de Maître X..., la comparant notamment à celle d'autres professionnels intervenus dans les dossiers litigieux ou à celle qui aurait résulté de l'application du décret no85-1309 du 27 décembre 1985. Elle considère en définitive que la rémunération de Maître X... ne peut excéder la somme de 122 035,89 euros, sachant que pour recouvrer les 45 % du passif qui faisaient l'objet d'un concordat, les commissaires avaient perçu la somme de 99 847,55 euros.
Maître X..., quant à lui, estime justifiée la condamnation à des dommages et intérêts pour injures et diffamation, tout en admettant que les écrits litigieux étaient étrangers à la cause. Sur le fond, sans remettre en cause la décision du premier juge, il estime que, compte tenu de la durée et de la difficulté de sa mission, sa demande n'était pas excessive. Il sollicite en définitive la confirmation de l'ordonnance entreprise, et, y ajoutant, jugeant encore outrageants plusieurs passages du recours de la société HUET HOLDINGS, il sollicite une somme complémentaire de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
A l'audience, Nous avons invité les parties à s'expliquer sur la demande de dommages et intérêts pour discours injurieux, outrageants ou diffamatoires au regard des dispositions de l'article 41 alinéas 4 et 5 de la loi du 29 juillet 1881 et de la prescription, et les avons autorisées à nous adresser une note en délibéré dans les huit jours, ce que seul Maître X... a fait le 23 octobre 2007 pour indiquer que la prescription abrégée de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ne s'appliquait pas lorsque la demande était fondée sur les dispositions de l'article 41 alinéa 4.
SUR CE,
-Sur le délit de presse
Attendu que dès lors que Maître X... rappelle, au demeurant à juste titre, dans ses conclusions " qu'en toute hypothèse les discours et écrits litigieux sont parfaitement étrangers à la cause " (page 6, 1ère ligne) ou encore (page 4, 4è paragraphe) " qu'à cet égard et bien qu'encore cette question soit hors de la saisine de la présente juridiction ", il ne pouvait pas solliciter la suppression des écrits prétendument injurieux, outrageants et diffamatoires ainsi que l'allocation de dommages-intérêts en application des dispositions de l'article 41 alinéa 4 de la loi du 29 juillet 1881, mais il devait demander au premier juge, puis à nous-même pour les écrits d'appel, sur le fondement de l'alinéa 5 de l'article 41, de lui réserver l'action publique ou l'action civile qu'il lui aurait alors appartenu d'exercer devant la juridiction compétente ; Qu'il s'ensuit que la décision entreprise doit être infirmée en ce qu'elle a prononcé la suppression d'écrits étrangers à la cause dont le juge était saisi, sans au demeurant indiquer précisément quels étaient les passages des écritures de la société HUET HOLDINGS qui étaient jugés injurieux, outrageants ou diffamatoires, ainsi qu'en ce qu'elle a alloué des dommages-intérêts à Maître X... ; Attendu que s'il est exact que l'application de l'article 41 alinéa 4 n'est pas soumise à la prescription abrégée de trois mois prévue par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, dans la mesure où le juge ne statue pas sur l'action publique ou l'action civile résultant des crimes, délits ou contraventions prévus par ladite loi, il en va différemment lorsqu'il y a lieu, comme en l'espèce, à application de l'article 41 alinéa 5, dans la mesure où l'action réservée sera soumise à ladite prescription ; Attendu que, dans le cas présent, le dernier acte interruptif de prescription est le recours déposé devant nous par la société HUET HOLDINGS en date du 22 mai 2007 ; Que la prescription était ainsi acquise le 22 août 2007, sans que Maître X... qui n'a conclu que le 12 octobre 2007, l'ait préalablement interrompue ; Qu'il est dès lors inutile de lui réserver une action qui est manifestement irrecevable ;
-Sur la rémunération de Maître X...
Attendu qu'à défaut de convention entre les parties, le salaire d'un mandataire est fonction des diligences faites et des services rendus, mais ne doit pas non plus être disproportionné par rapport à ce que le mandant pouvait raisonnablement s'attendre à devoir payer, cette disproportion pouvant s'apprécier au regard des rémunérations sollicitées et obtenues par les autres professionnels intervenus dans l'affaire ; Attendu que Maître X... sollicite une rémunération basée à la fois sur le temps passé et le résultat ; Attendu qu'une rémunération au temps passé se conçoit essentiellement dans une mission traditionnelle et simple, où il est aisé d'apprécier le temps qu'il faut à un mandataire professionnel, normalement compétent et diligent, pour la réaliser ; Qu'en revanche, lorsque, comme en l'espèce, la mission est longue et difficile, le calcul du temps passé qui est nécessairement très approximatif, n'a que peu de sens, a fortiori si la rémunération est fixée dès l'origine, et on préférera donc une rémunération au résultat ; Que certes, il est toujours possible, pour atténuer les conséquences extrêmes de ces deux modes de rémunération, soit celles de la rémunération au temps passé dans l'hypothèse où un excellent résultat a été atteint très rapidement ou bien celles de la rémunération au résultat dans l'hypothèse où, malgré un travail important du mandataire et sans faute de sa part, un piètre résultat a été obtenu, d'opérer un panachage entre les deux ; Que toutefois, dans ce cas, les rémunérations doivent être calculées sur une base minorée, sans quoi on aboutit à un cumul de rémunérations, et donc à une double rémunération injustifiée ; Attendu qu'en l'espèce, Maître X... avait pour mission de poursuivre une action en comblement de passif à l'encontre des anciens dirigeants des sociétés aujourd'hui absorbées par la société HUET HOLDINGS ; Qu'il s'est parfaitement acquitté de son mandat puisque, non seulement les anciens dirigeants sociaux ont été condamnés à régler l'intégralité de l'insuffisance d'actif, mais encore ils ont exécuté la décision les condamnant ; Que la société HUET HOLDINGS n'est donc pas fondée à contester le droit de Maître X... à une juste rémunération ; Attendu que la comparaison de cette rémunération avec celle obtenue par les commissaires à l'exécution du concordat n'est pas pertinente, dans la mesure où la mission de ces derniers était limitée au recouvrement de 45 % du passif, tandis que Maître X... avait pour mission d'obtenir, dans un premier temps, une condamnation des anciens dirigeants qui n'était guère assurée, puis, dans un second temps, de recouvrer les 55 % restants du passif, alors qu'il est évident qu'il est plus difficile de récupérer les cinquante-cinq derniers pour cent d'une créance que les quarante-cinq premiers pour cent ; Qu'il n'est ainsi pas anormal que Maître X... soit mieux rémunéré que les commissaires à l'exécution du concordat ; Attendu que plus pertinente est, en revanche, la comparaison avec les honoraires de Maître Y..., avocat, lequel, aux termes d'une convention d'honoraires, s'est vu accorder un pourcentage de 2 % sur les sommes obtenues ; Attendu que pour octroyer une somme supérieure à Maître X..., le premier juge a considéré, par un motif dubitatif et donc sans portée, que Maître X... avait très probablement eu davantage d'implication et de responsabilités dans le traitement du dossier que Maître Y... ; Qu'en réalité, rien ne permet de l'affirmer, le mandataire et l'avocat ayant eu des rôles complémentaires et également utiles, le premier intervenant essentiellement en amont et en aval du second, d'abord pour la fourniture des éléments nécessaires à la procédure, ensuite au stade de l'exécution de la décision de condamnation, le second traitant la phase judiciaire proprement dite qui fut longue et difficile ; Qu'en tout cas, Maître X... ne démontre pas avoir travaillé ou pris des initiatives heureuses au-delà de ce qui est communément attendu d'un mandataire normalement diligent ;
Qu'il n'existe donc aucun motif de lui allouer une rémunération supérieure à celle de l'avocat ; Qu'il n'en existe non plus aucun de lui en allouer une qui soit inférieure, les critiques formulées par la société HUET HOLDINGS à son encontre, à les supposer même justifiées, n'étant pas de nature à influer sur le montant de sa rémunération ; Qu'ainsi, en définitive, il sera attribué à Maître X... une rémunération de 638 643 euros H. T, soit 763 817,55 euros T. T. C.
-Sur le remboursement des frais
Attendu qu'aux termes de l'article 1999 du Code civil, le mandant doit rembourser au mandataire les avances et frais que celui-ci a faits pour l'exécution du mandat ; Attendu qu'il n'est pas douteux que, pendant les presque vingt ans de son mandat, Maître X... a dû engager des frais pour son exercice ; Que l'on peut seulement s'étonner, s'ils sont de l'importance qu'il indique, qu'il n'ait jamais sollicité de provision ; Qu'en tout cas, les justificatifs de ses frais qu'il produit sont très partiels et concernent essentiellement l'année 2006 ; Que cette année n'est toutefois pas caractéristique de l'ensemble de la période considérée, dès lors que Maître X... a dû déployer cette année-là une activité plus importante que les autres années : recouvrer la créance, la distribuer entre les créanciers, assurer sa défense dans des procédures parasites engagées par les débiteurs pour paralyser l'exécution de l'arrêt de condamnation de la cour d'appel de Bourges ; Qu'il apparaît ainsi, que, même réduite à 100 000 euros par le premier juge, l'indemnisation des frais divers est encore trop élevée et qu'elle doit être ramenée à 50 000 euros H. T, soit 59 800 euros T. T. C ; Attendu qu'il revient en définitive à Maître X... une somme de 763 817,55 € + 59 800 € = 823 617,55 euros.
-Sur l'article 700 du Nouveau code de procédure civile et les dépens
Attendu que dès lors que le premier juge réduisait de près des deux-tiers les prétentions de Maître X..., l'équité commandait de ne pas l'indemniser de ses frais non compris dans les dépens ; Qu'il en est de même pour les frais d'appel ; Attendu qu'enfin, dès lors qu'il n'est fait droit que partiellement aux demandes, les dépens doivent être partagés par moitié.
PAR CES MOTIFS,
INFIRMONS l'ordonnance déférée.
Statuant à nouveau,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881.
TAXONS la rémunération due à Maître X... à la somme de huit cent vingt-trois mille six cent dix-sept euros et cinquante-cinq centimes T. T. C.
DIT que les dépens seront partagés par moitié.
Ordonnance de taxe signée par M. Alain Raffejeaud, Président de Chambre, et Mme Gaëlle Brondani, greffier en chef, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.