CHAMBRE SOLENNELLE
GROSSES + EXPEDITIONS
la SCP LAVAL-LUEGER Me Estelle GARNIER
09 / 11 / 2007 ARRÊT du : 09 NOVEMBRE 2007
No :
No RG : 06 / 02458
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Tribunal de Grande Instance de CHATEAUROUX en date du 12 Novembre 2002
PARTIES EN CAUSE
DEMANDERESSES devant la Cour de Renvoi :
La COMMUNE DE VATAN agissant poursuites et diligences en la personne de son Maire en exercie domicilié en cette qualité à l'Hôtel de ville de ladite commune Hôtel de Ville Place de la RépubliquePlace de la République 36150 VATAN
Madame Nicole X...... 36150 VATAN
représentés par la SCP LAVAL-LUEGER, avoués à la Cour
ayant pour avocat Me PERROT-BRIZIOU HENNERON, du barreau de CHATEAUROUXD'UNE PART
DÉFENDEURS devant la Cour de Renvoi :
Madame Simone Z... épouse A...... 36150 VATAN
Monsieur Bernard Z...... 25200 MONTBELIARD
représentés par Me Estelle GARNIER, avoué à la Cour
ayant pour avocat la SCP GUIET et COURTHES, du barreau de CHATEAUROUX
D'AUTRE PART
DÉCLARATION de SAISINE devant la COUR DE RENVOI EN DATE DU 07 Septembre 2006
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 20 juin 2007
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats
Monsieur Bernard BUREAU, Président de Chambre,
Monsieur Alain RAFFEJEAUD, Président de Chambre,
Madame Marie-Brigitte NOLLET, Conseiller,
Monsieur Yves FOULQUIER, Conseiller,,
Madame Anne GONGORA, Conseiller,.
Greffier :
Madame Nadia FERNANDEZ, Greffier lors des débats Madame Anne-Chantal PELLÉ, Greffier lors du prononcé.
DÉBATS :
A l'audience publique du 14 Septembre 2007, ont été entendus : Monsieur FOULQUIER, Conseiller, en son rapport, les avocats des parties en leurs observations,
ARRÊT :
Prononcé publiquement le 09 NOVEMBRE 2007 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
Melle Jeanne, Hélène D... est décédée le 27 mai 2001, à l'âge de 79 ans, au centre hospitalier d'Issoudun où elle se trouvait momentanément, laissant pour lui succéder Mme Simone A... née Z... et M. Bernard Z..., cousins germains au quatrième degré dans la ligne maternelle.
Postérieurement à ce décès, Maître E..., notaire à Vatan (Indre), a trouvé au domicile de la défunte un écrit revêtu d'une signature censée émaner de celle-ci et ainsi rédigé :
« Ceci est mon testament, Je soussignée D... Jeanne, Hélène, demeurant à Vatan (36150),
..., déclare désigner pour légataires :-la commune de VATAN en ce qui concerne l'immeuble susvisé sis... à Vatan,-Mme X... Nicole demeurant... en ce qui concerne l'ensemble de mes biens mobiliers (meubles, argent, etc …). Fait à Vatan le 4 décembre 2001 ».
Cette date postérieure au décès et incontestablement erronée interdisant selon eux de vérifier les conditions exactes de rédaction de ce document, Mme Simone A... et M. Bernard Z... ont assigné la commune de VATAN et Mme Nicole X... devant le Tribunal de Grande Instance de Châteauroux, par acte d'huissier du 26 décembre 2001, aux fins de voir dire et juger nul et de nul effet, sur le fondement de l'article 970 du Code civil, le testament olographe attribué à Mlle D....
Par jugement du 12 novembre 2002, le Tribunal de Grande Instance de Châteauroux, après avoir relevé que la date du testament ne pouvait être le 4 décembre 2001 ni être établie par ailleurs avec certitude, a déclaré nul et de nul effet le testament litigieux pour violation des exigences de l'article 970 du Code civil.
La Cour d'appel de Bourges, infirmant cette décision par un arrêt du 4 novembre 2003, a débouté Mme Simone A... et M. Bernard Z... de toutes leurs prétentions, aux motifs qu'il convenait d'admettre, compte tenu des circonstances de la cause, le 4 décembre 2000 comme étant la véritable date du testament.
Par un arrêt du 7 juin 2006, la première chambre civile de la Cour de Cassation a cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 novembre 2003 par la Cour d'appel de Bourges et renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel d'Orléans, laquelle a été saisie par déclaration remise au greffe le 7 septembre 2006.
La Cour de Cassation reproche à la cour d'appel de n'avoir pas donné de base légale à sa décision en s'abstenant d'établir la date exacte du testament à partir d'éléments intrinsèques de l'acte, éventuellement complétés par des éléments extrinsèques, tirés des circonstances de l'espèce.
Par conclusions récapitulatives signifiées le 12 février 2007, la commune de VATAN et Mme Nicole X... demandent à la Cour de dire que le testament a été rédigé par Mlle D... le 4 décembre 2000, d'ordonner le cas échéant une expertise graphologique à l'effet de déterminer si l'auteur du testament est bien Mlle D..., de débouter en conséquence Mme Simone A... et M. Bernard Z... de l'ensemble de leurs prétentions et de les condamner solidairement aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La Commune de VATAN et Mme Nicole X... soutiennent que le testament comporte comme élément intrinsèque une date manifestement erronée quant à l'année, puisque postérieure au décès de Mlle D..., mais susceptible d'être rétablie comme étant le 4 décembre 2000 au regard des éléments extrinsèques qui résultent, d'une part, des confusions commises régulièrement par le testateur et portant sur partie des dates et, d'autre part, de la trop grande différence de chiffres et de prononciation entre l'année 2001 et les années antérieures remontant tout au plus à 1993, date d'embauche de Mme X... par Mlle D... comme aide-ménagère. Ils font également valoir que l'inexactitude ou même l'omission de la date n'entraîne pas la nullité du testament dès lors que, comme en l'espèce, le défunt n'a pas rédigé un autre testament révoquant le précédent et que sa capacité de tester n'est pas en cause.
Réfutant l'accusation d'abus de faiblesse formulée implicitement par les consorts Z... à l'endroit de Mme Nicole X..., les appelants fort observer, d'une part, que celle-ci n'a pas été désignée comme seule légataire et, d'autre part, que le legs se comprend parfaitement au regard de l'isolement affectif dans lequel Mlle D... était laissée de la part de ses cousins et de l'attention dont elle était au contraire l'objet de la part de son aide-ménagère. Ils prétendent enfin qu'une expertise graphologique permettrait, si nécessaire, de lever toute ambiguïté sur l'identité du testateur mais également d'interpréter l'écriture de l'auteur pour déterminer, par comparaison avec des éléments extrinsèques, la date du testament.
Par conclusions récapitulatives signifiées le 13 mars 2007, Mme Simone A... et M. Bernard Z... demandent à la Cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, de débouter la commune de VATAN et Mme Nicole X... de l'ensemble de leurs prétentions et de les condamner solidairement aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Mme Simone A... et M. Bernard Z... font valoir que l'inexactitude de la date énoncée dans un testament olographe équivaut, aux termes de l'article 970 du Code civil, à son absence et entraîne sa nullité, dès lors que les légataires ne sont pas en mesure de rétablir cette date à partir des éléments intrinsèques de l'acte, éventuellement complétés par des éléments extrinsèques, tirés des circonstances de l'espèce. Ils prétendent également que l'objet du litige porte essentiellement sur la détermination de sa date, que la question de la capacité de Mlle D... d'exprimer ses dernières volontés ne se pose pas au regard du fondement donné à leur demande, même s'ils sont parfaitement informés que leur cousine était totalement soumise à sa femme de ménage, qu'enfin l'écriture du testateur n'a pas été remise en cause et qu'une expertise est dès lors sans intérêt,
LA COUR,
Attendu que le premier juge, après avoir rappelé les termes de l'article 970 du Code civil, a retenu pertinemment que l'énonciation de la date, qui correspond au double souci de vérifier la capacité du testateur et de déterminer, en cas de pluralité de testaments, celui qui doit recevoir application, est une condition essentielle de la validité d'un testament olographe, de sorte que le testament non daté ou comportant une date erronée et impossible à rétablir avec certitude est frappé de nullité ;
Attendu qu'il résulte de ce même texte que la date d'un testament olographe, lorsque elle est inexacte, ne peut être rectifiée qu'à l'aide d'éléments intrinsèques de l'acte, éventuellement complétés par des éléments extrinsèques, tirés des circonstances de l'espèce ;
Attendu que les appelants, pour établir l'élément intrinsèque de l'acte, se bornent à faire référence à la date mentionnée sur le testament, alors même qu'ils reconnaissent que cette date, postérieure de plusieurs mois au décès, est à l'évidence erronée, ce dont il découle nécessairement qu'elle ne peut servir d'élément intrinsèque propre à permettre sa rectification ;
Attendu, de surcroît, que si l'une des pièces produites démontre que Mlle D... a pu commettre, à l'occasion de la rédaction d'un bulletin de paye, une confusion affectant partiellement la date de ce dernier document, cet élément extrinsèque, même rapproché de la différence de chiffres et de prononciation entre les millésimes des années 1990 et ceux des années 2000, ne permet pas de rétablir avec suffisamment de certitude la date du testament comme étant le 4 décembre 2000 ou une date proche de ce jour ;
Attendu que l'absence de contestation relativement au défaut de rédaction d'un autre testament révoquant le précédent ou à la capacité de tester du de cujus ne dispense pas les appelants de rétablir préalablement la date erronée avec suffisamment de précision, une telle absence de contestation constituant seulement un tempérament jurisprudentiel à la rigueur de la règle posée ci-dessus lorsque la date s'inscrit dans une plage de temps relativement courte mais déterminée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
Attendu, enfin, qu'une expertise graphologique n'apparaît ni nécessaire pour lever toute ambiguïté sur l'identité du testateur, laquelle n'est pas contestée, ni susceptible de fournir, grâce à l'interprétation de l'écriture par rapport à d'autres éléments de comparaison, des informations permettant de déterminer avec suffisamment de précision la date du testament ;
Attendu que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré nul le testament de Melle D... pour non respect des exigences de l'article 970 du Code civil ;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des consorts Z... l'ensemble de leurs frais non inclus dans les dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Chateauroux le 12 novembre 2002 ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
CONDAMNE la Commune de VATAN et Mme Nicole X... aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Bourges, et accorde à Maître GARNIER le droit prévu à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Arrêt signé par Monsieur Bernard BUREAU, président et Madame Anne-Chantal PELLÉ, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.