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12/01/2007 | FRANCE | N°05/3116

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambres reunies, 12 janvier 2007, 05/3116


COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE SOLENNELLE

GROSSES + EXPEDITIONS

SCP DESPLANQUES - DEVAUCHELLE

Me Estelle GARNIER

Madame le PROCUREUR GENERAL

12/01/2007

ARRÊT du : 12 JANVIER 2007

No :

No RG : 05/03116

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Cour de Cassation de PARIS en date du 25 Octobre 2005

PARTIES EN CAUSE

DEMANDERESSE devant la Cour de Renvoi :

Madame Véronique X... épouse Y...

Le Moulin Couillin

Route de la Vallée des Moulins

61110 BELLOU SUR HUISNE

représentée par Me E

stelle GARNIER, avoué à la Cour

ayant pour avocat Me Raphaël NACCACH, du barreau de PARIS

D'UNE PART

DÉFENDEURS devant la Cour de Renvoi :

Monsieur Gérard...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE SOLENNELLE

GROSSES + EXPEDITIONS

SCP DESPLANQUES - DEVAUCHELLE

Me Estelle GARNIER

Madame le PROCUREUR GENERAL

12/01/2007

ARRÊT du : 12 JANVIER 2007

No :

No RG : 05/03116

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Cour de Cassation de PARIS en date du 25 Octobre 2005

PARTIES EN CAUSE

DEMANDERESSE devant la Cour de Renvoi :

Madame Véronique X... épouse Y...

Le Moulin Couillin

Route de la Vallée des Moulins

61110 BELLOU SUR HUISNE

représentée par Me Estelle GARNIER, avoué à la Cour

ayant pour avocat Me Raphaël NACCACH, du barreau de PARIS

D'UNE PART

DÉFENDEURS devant la Cour de Renvoi :

Monsieur Gérard A...

...

94230 CACHAN

représenté par la SCP DESPLANQUES - DEVAUCHELLE, avoués à la Cour

ayant pour avocat Me Gilbert COLLARD, du barreau de MARSEILLE, substitué par Me Carole RIVALAY, du barreau de MARSEILLE

En présence de MADAME Le PROCUREUREGENERAL

D'AUTRE PART

DÉCLARATION de SAISINE devant la COUR DE RENVOI EN DATE DU 14 Novembre 2005

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 25 octobre 2006

DOSSIER RÉGULIÈREMENT COMMUNIQUÉ AU MINISTÈRE PUBLIC LE 16 février 2006

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats

Monsieur Alain RAFFEJEAUD, Président de Chambre,

Madame Marie-Brigitte NOLLET, Conseiller,

Monsieur Yves FOULQUIER, Conseiller,

Monsieur Gérard PICQUE, Conseiller, ,

Madame Elisabeth HOURS, Conseiller, .

Greffier :

Madame Anne-Chantal PELLÉ, Greffier, lors des débats et du prononcé de l'arrêt.

DÉBATS :

A l'audience, en Chambre du Conseil, du 10 Novembre 2006, ont été entendus :

Monsieur Yves FOULQUIER, Conseiller, en son rapport,

les avocats des parties en leurs observations,

ARRÊT :

Prononcé publiquement le 12 JANVIER 2007 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile .

M. Gérard A..., né le 28 octobre 1954 à Paris (14e), a été enregistré à l'état civil conformément aux dispositions de l'article 58 du Code civil, sans filiation maternelle ni paternelle.

Par actes des 28 avril 2000 et 2 janvier 2001, il a engagé devant le Tribunal de Grande Instance de Créteil, d'abord à l'encontre de Monsieur le Procureur de la République puis de Mme Véronique Y..., fille et seule héritière de Jacques X..., condamné à mort et exécuté le 1er octobre 1957, une action tendant à faire constater qu'il a la possession d'état d'enfant naturel de ce dernier et à obtenir le droit de porter son nom.

Par un jugement du 21 février 2002, le Tribunal de Grande Instance de Créteil, après avoir retenu que le Ministère Public avait été assigné à tort en qualité de partie principale, a déclaré recevable et bien fondée l'action en constatation de possession d'état, dit en conséquence que M. Gérard A... est le fils naturel de Jacques X... et qu'il portera désormais son nom, débouté Mme Véronique Y... de sa demande de dommages et intérêts et d'indemnité de procédure et mis les dépens à sa charge.

Considérant que la filiation naturelle peut être légalement établie par la possession d'état et que l'action en constatation de ladite position d'état est soumise à la seule règle de la prescription trentenaire résultant des dispositions de l'article 311-7 du Code civil, laquelle est suspendue pendant la minorité de l'enfant, le tribunal a d'abord déclaré recevable cette action introduite moins de trente ans après l'accession de M. Gérard A... à la majorité.

Sur le fond, après avoir relevé que Jacques X..., dans des documents écrits notamment en septembre 1957 et adressés pour certains à son avocat, avait manifesté solennellement son intention de reconnaître son fils Gérard E... et émis le souhait que sa fille fasse tout pour le retrouver et que l'administration, par une mention portée sur la fiche nominative de l'enfant, savait parfaitement que celui-ci était le fils de Jacques X..., le tribunal a estimé pouvoir retenir, compte tenu du contexte très particulier qui limite nécessairement les marques de filiation, une réunion suffisante de faits susceptibles de caractériser la possession d'état au sens de l'article 311-2 du Code civil.

La Cour d'appel de Paris, infirmant cette décision par un arrêt du 4 avril 2003, a débouté M. Gérard A... de toutes ses prétentions, rejeté la demande de dommages et intérêts de Mme Véronique Y... et condamné l'intimé aux dépens ainsi qu'au paiement envers l'appelante d'une somme de 3500 € en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Pour écarter la possession d'état, l'arrêt retient que si Jacques X..., dans des documents adressés à son avocat en septembre 1957, déclarait « par ces quelques mots, je voudrais confirmer mon intention de reconnaître mon fils Gérard E... » puis, dans son journal toujours en septembre 1957, faisait allusion à son fils en souhaitant que sa fille fasse tout pour le retrouver, enfin faisait également mention de l'existence de cet enfant dans des lettres à son père et à sa femme ainsi que dans la dédicace d'une image religieuse, ces écrits doivent être considérés, compte tenu de la période très brève pendant laquelle ils ont été rédigés, comme un fait unique et non comme une réunion de faits au sens de l'article 311-1 du Code civil.

Par un arrêt du 25 octobre 2005, la première chambre civile de la Cour de Cassation a cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 avril 2003 par la Cour d'appel de Paris et renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel d'Orléans, laquelle a été saisie par déclaration remise au greffe le 14 novembre 2005.

La Cour de Cassation reproche à la cour d'appel de n'avoir pas donné de base légale à sa décision en considérant isolément chacun des faits précités sans rechercher si, précisément et compte tenu qu'un temps très bref s'était écoulé entre la naissance de l'enfant, alors que Jacques X... était déjà emprisonné, et l'exécution de celui-ci, ces écrits, confortés par l'ensemble des faits invoqués par M. Gérard A..., ne constituaient pas une réunion suffisante de faits établissant sa possession d'état.

Par conclusions signifiées le 7 août 2006, Mme Véronique Y... demande à la Cour de débouter M. Gérard A... de l'ensemble de ses prétentions et de le condamner à lui payer la somme de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Soulignant que la lettre de Jacques X... ne peut valoir reconnaissance de paternité au sens de la loi et de la jurisprudence et que l'action en recherche de paternité ne peut être fondée en l'espèce que sur la possession d'état, Mme Véronique Y... prétend que M. Gérard A... n'a jamais porté le nom de FESCH, n'a jamais été traité par Jacques X... comme son fils ni n'a lui-même traité celui-ci comme son père, et n'a été considéré comme tel ni par la société ou l'autorité publique, ni par la famille. Elle estime que le tribunal a dénaturé la notion de possession d'état en essayant, pour l'essentiel, de la caractériser au travers de circonstances de fait expliquant au contraire l'absence de ses éléments constitutifs, sans chercher au surplus à mettre en évidence la continuité requise par l'article 311-1 du code civil.

Par conclusions signifiées le 26 septembre 2006, M. Gérard A... demande à la Cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, de débouter Mme Véronique Y... de l'ensemble de ses prétentions, de la condamner au paiement de la somme de un euro de dommages-intérêts pour appel abusif et de 7.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et de mettre tous les dépens à sa charge.

M. Gérard A... expose que son acte de naissance ne comportant aucune mention de filiation, il a cherché à connaître l'identité de sa mère ; que si la commission d'accès aux documents administratifs, comme les services de la DASS, ont refusé de lui communiquer le nom de celle-ci en opposant le secret de sa naissance, en revanche il lui a été indiqué que son père pouvait être Jacques X... exécuté en 1957 ; qu'à travers divers documents, principalement des courriers de Jacques X... et son journal, il est parvenu à acquérir la certitude qu'il était son fils naturel et à retrouver la trace de sa mère, Thérèse E..., dont le nom légèrement modifié lui avait été donné par les services de l'assistance publique.

M. Gérard A... soutient que la lettre adressée par Jacques X... à son conseil, Me BAUDET, le 30 septembre 1957, vaut reconnaissance de paternité, nonobstant les dispositions de l'article 335 du Code civil, dès lors que sa remise entre les mains d'un avocat manifeste clairement sa volonté d'engager une procédure utile pour l'établissement du lien de filiation et que seul le secret de la naissance opposé par l'administration a fait obstacle à la réussite de cette mission.

En toute hypothèse, il fait valoir qu'il existait une réunion suffisante de faits traduisant la possession d'état, lesquels doivent être examinés au regard du contexte particulier tenant à l'incarcération de Jacques X... plusieurs mois avant la naissance, à son exécution trois ans plus tard, ainsi qu'à la volonté de la mère de garder le secret de la naissance ; que, s'il ne pouvait évidemment pas porter le nom de FESCH, il résulte notamment de la lettre de reconnaissance, d'autres courriers échangés avec des membres de sa famille et de son journal que Jacques X... l'a toujours considéré comme son fils ; que d'autres personnes l'ont considéré comme tel, ainsi Me BAUDET ou M. G..., compagnon de cellule, ou encore l'appelante elle-même qui l'a accueilli dans un premier temps comme un membre de la famille, ou enfin la propre sœur de Jacques X... qui, après avoir accepté de se soumettre à un test ADN qui s'est avéré positif, lui a fait part de son soutien ; qu'enfin, au regard de divers articles de presse se faisant l'écho de sa filiation à Jacques H..., il a été considéré comme son fils par la société elle-même .

Invoquant enfin les articles 8 et 14 de la convention européenne des droits de l'homme, M. Gérard A... soutient que la restriction à l'établissement ou la reconnaissance d'une filiation naturelle serait contraire au droit fondamental du respect de la vie privée et familiale et que tel serait le cas d'une appréciation par trop rigoureuse de la notion de possession d'état en présence d'une filiation admise par le père et largement reconnue par l'administration.

Le Ministère Public a eu communication de l'affaire le 17 février 2006.

LA COUR,

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article 334-8 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 4 juillet 2005, que la filiation naturelle peut être légalement établie par la reconnaissance volontaire, la possession d'état ou l'effet d'un jugement ;

Attendu qu'il n'est plus contesté, dans le cadre du présent appel, que l'action en recherche de paternité naturelle prévue par les articles 340 et suivants du Code civil, enfermée par l'article 340-4 dans un délai préfix de deux ans à compter de la majorité de l'enfant, n'est plus ouverte à M. Gérard A... ;

Attendu que M. Gérard A... persiste en revanche à soutenir que constituent une reconnaissance le courrier adressé en septembre 1957 par Jacques X... à son conseil, Maître BAUDET, indiquant « … je joins la lettre de reconnaissance de mon fils Gérard. Vous savez dans quel but j'ai décidé d'écrire cette lettre, aussi vous laissé-je toute liberté pour l'utiliser de la façon qui vous paraîtra le plus profitable … » et la lettre annoncée, dûment signée et datée du 30 septembre 1957, ainsi libellée « A mon fils Gérard. Par ces quelques mots, je voudrais confirmer mon intention de reconnaître pour mon fils Gérard I.... Qu'il sache que s'il n'a pu être mon fils selon la loi, il l'est selon la chair et son nom est gravé dans mon cœur… » ;

Attendu que le premier juge a exactement retenu que ces documents ne peuvent valoir reconnaissance au sens de l'article 335 du Code civil et, plus spécialement, que leur remise à un avocat n'est pas de nature à leur conférer le caractère d'acte authentique exigé par ce texte ;

Attendu que les prétentions de M. Gérard A... ne peuvent, dès lors, prospérer que sur le fondement de la possession d'état et que la demande tendant à sa constatation, qui n'est pas assimilable à l'action en recherche de paternité naturelle et se prescrit, en application de l'article 311-7 du Code civil, par trente ans à compter de la majorité de l'enfant, délai non encore écoulé à la date de l'assignation introductive d'instance, est recevable ;

Attendu que, selon les dispositions de l'article 311-1 de ce même code, la possession d'état, qui doit être continue, s'établit par une réunion suffisante de faits qui indiquent le rapport de filiation et de parenté entre un individu et la famille à laquelle il est dit appartenir ; que l'article 311-2 indique, sans être exhaustif, que les principaux faits sont le port du nom de ceux dont on dit l'enfant issu, le traitement dont l'enfant a bénéficié de leur part et la façon dont lui-même les a traités comme ses père et mère, enfin la reconnaissance pour tel par la société, la famille ou l'autorité publique ; que la réunion de tous les éléments énumérés par l'article 311-2 n'est pas nécessaire pour que la possession d'état puisse être considérée comme établie, dès lors que l'apparence du lien de filiation et de parenté résulte suffisamment de certains d'entre eux seulement;

Attendu que, pour caractériser la possession d'état, M. Gérard A... invoque, outre les deux correspondances précitées,

- la lettre adressée au président de la cour d'assises par une prénommé Thérèse, jeune femme séduite par Jacques X... en janvier 1954, faisant état de la naissance d'un enfant qu'elle a portée à la connaissance de la famille X...,

- deux documents émanant de l'assistance à l'enfance de la Seine puis de l'aide sociale à l'enfance dont il ressort que son nom était initialement E... et a été modifié pour devenir A... lors de la reconstitution de son acte de naissance en 1964,

- un autre document de l'assistance à l'enfance où il est porté à la main la mention « le père de l'enfant serait Jacques X... exécuté il y a un an pour assassinat d'un agent de police ; les parents de Jacques X... sont au courant de cette naissance ».

- un courrier du 6 juillet 1962 par lequel Maître BAUDET demande au directeur de l'assistance publique à pouvoir être mis en relation avec Gérard, né le 28 octobre 1954, et abandonné par sa mère,

- divers passages du journal de Jacques FESCH faisant allusion à son fils, notamment un passage daté du 25 septembre 1957 à propos de « mon petit garçon Gérard qui risque de devenir orphelin » où il manifeste le souhait que « Véronique fasse tout son possible pour retrouver son frère Gérard I... »,

- une lettre adressée en septembre 1957 à son père aux termes de laquelle Jacques X... lui demande de penser à sa fille « et si tu le peux à mon petit garçon »,

- une autre lettre envoyée en septembre 1957 à sa femme où Jacques X..., parlant de son journal, écrit « je le dédie à toi, à Véronique et à mon fils Gérard (qui pourra le lire bien entendu) », ainsi qu'une dédicace d'une image de la vierge « à ma femme, à ma fille, à mon fils »,

- une attestation de M. G..., compagnon de détention de Jacques X... en 1956, témoignant de ce que celui-ci, en plusieurs occasions, lui a parlé de son fils qui était placé à la DASS ;

Attendu que le premier juge, après avoir relevé que le secret demandé par la mère rendait beaucoup plus difficile toute démarche officielle de reconnaissance et qu'un temps très bref s'était écoulé entre la naissance de l'enfant, alors que Jacques X... était déjà emprisonné, et l'exécution de celui-ci, a pu considérer que ce contexte très particulier limitait nécessairement les marques de filiation ainsi que leur persistance dans le temps ;

Attendu que Jacques X..., à défaut de pouvoir, dans de semblables circonstances, veiller même indirectement à l'entretien et à l'éducation d'un enfant qui était par ailleurs placé dans une famille d'accueil dont il ignorait les coordonnées, a posé un certain nombre d'actes, à un moment crucial de son existence, permettant d'établir qu'il a considéré l'enfant Gérard I... comme son fils et en a fait très largement état non seulement auprès de son avocat mais encore auprès d'un compagnon de détention et de son entourage familial, spécialement au travers de plusieurs correspondances ainsi que d'un journal intime destiné à son épouse, à sa fille et à son fils, seul et unique moyen d'établir ou de maintenir avec eux un lien au-delà de l'issue fatale qui l'attendait ;

Attendu que le défaut de port par M. Gérard A... du nom de FESCH n'est pas, à lui seul, un obstacle à la reconnaissance de la possession d'état et peut d'autant moins lui être opposé en l'espèce que le secret de la naissance demandé par la mère a constitué un obstacle certain à l'adoption du nom du père et a même abouti, ainsi que le révèlent les documents administratifs produits, à une légère déformation, dans l'acte d'état civil reconstitué dix ans plus tard, du nom de la mère supposée (A... au lieu de E...) ;

Attendu qu'il est certes délicat de considérer, comme a pu le faire le premier juge, que le service de l'assistance à l'enfance, autorité publique au sens de l'article 311-2 du Code civil, a tenu Jacques X... comme étant le père de l'enfant Gérard E..., dès lors que l'emploi du conditionnel, à propos de ce lien de parenté, démontre que cette administration a entendu faire preuve de prudence au sujet d'une information, manifestement fournie par un tiers, qu'elle n'était pas en mesure de contrôler ;

Attendu néanmoins que cette mention, dont les termes eux-mêmes révèlent qu'elle a été portée un an après l'exécution de Jacques X..., établit qu'une ou plusieurs personnes, autres que ce dernier, ont été elles-mêmes suffisamment convaincues de l'apparente paternité de celui-ci à l'égard de l'enfant pour estimer devoir en informer le service de l'assistance à l'enfance ;

Attendu qu'en ce qu'elle ajoute, de manière affirmative, que les parents de Jacques X... étaient au courant de la naissance de Gérard E... devenu A..., cette mention, rapprochée des autres éléments du dossier, a également pour mérite de démontrer qu'il existe bien une identité entre Gérard A..., le demandeur au présent procès, et l'enfant désigné par Jacques X... dans ses correspondances et son journal intime sous l'orthographe approximative de I..., qu'il soit ou non son fils biologique, question étrangère au présent litige ;

Attendu qu'il est certes constant que Gérard A... n'a pas bénéficié d'une prise en charge par la famille de Jacques X..., pourtant relativement fortunée, et n'a pas été considéré non plus comme l'un de ses membres, si ce n'est très momentanément semble-t-il par Véronique X... épouse Y..., à l'occasion de leurs retrouvailles près de quarante ans après le décès du père, et de manière tardive, postérieurement à l'introduction de la demande, par Monique X..., propre sœur de Jacques X... ;

Attendu que les documents et articles de presse versés aux débats, parfois marqués par l'exaltation ou l'attrait du sensationnel, sont pour l'essentiel le reflet des propos de M. Gérard A... lui-même et ne sont pas de nature à établir qu'il aurait été reconnu par la société, au sens article 311-2 du Code civil, comme le fils de Jacques X... ;

Attendu que, nonobstant ces dernières observations, M. Gérard A... établit qu'il existe en l'espèce, au regard du contexte très particulier qui limite les marques de filiation ainsi que leur persistance dans le temps, une réunion suffisante de faits permettant de caractériser une possession d'état continue d'enfant naturel de Jacques X..., de sorte que sa demande doit être déclarée bien fondée ;

Attendu qu'il doit également être fait droit à la demande corrélative de changement de nom formée par application de l'article 334-3 du code civil, dès lors que, d'une part, Madame Véronique Y..., qui s'était présentée en première instance sous le nom de sa mère ainsi que sous son nom d'épouse, fait apparemment un usage pour le moins modéré du nom paternel qui risque de disparaître avec elle et que, d'autre part, l'action n'a guère d'autre but, tout intérêt patrimonial étant exclu, que de permettre à M. Gérard A..., qui déclare aujourd'hui pouvoir l'assumer, de prendre le nom du père ;

Attendu que la demande de dommages-intérêts pour appel abusif, même particulièrement modérée en son montant, n'est pas fondée en son principe et doit être rejetée, la preuve n'étant pas apportée que Madame Véronique Y..., dont les prétentions ont été favorablement accueillies par l'arrêt cassé, a commis un quelconque abus de procédure dans une affaire posant une question de droit indéniablement délicate ;

Attendu qu'en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, il est équitable d'accorder à M. Gérard A... une somme de 3000 € en compensation des frais non inclus dans ses dépens qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après débats en chambre du conseil, contradictoirement et en dernier ressort

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Créteil le 21 février 2002 ;

CONDAMNE Mme Véronique Y... à payer à M. Gérard A... la somme de trois mille euros (3.000 €) sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

CONDAMNE Mme Véronique Y... aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Paris, et ACCORDE à la SCP DESPLANQUES et DEVAUCHELLE le droit prévu à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Arrêt signé par Monsieur Alain RAFFEJEAUD, président et Madame Anne-Chantal PELLÉ, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambres reunies
Numéro d'arrêt : 05/3116
Date de la décision : 12/01/2007
Type d'affaire : Chambre mixte

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Paris, 21 février 2002


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2007-01-12;05.3116 ?
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