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28/11/2006 | FRANCE | N°672

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Ct0200, 28 novembre 2006, 672


COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE DE LA FAMILLE

ARRÊT du : 28 NOVEMBRE 2006 No : No RG : 05 / 03349

Grosses + Expéditions
la SCP LAVAL-LUEGER
Me Estelle GARNIER

APPEL d'un jugement du Juge aux affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de BLOIS en date du 10 novembre 2005.

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT
Ahmed X...
...
41200 ROMORANTIN
Représenté par la SCP LAVAL-LUEGER, avoués à la Cour
Assisté de Me Anne-Laure VERY, avocat au barreau d'ORLEANS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2006 / 000

657 du 20 / 04 / 2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ORLEANS)

INTIMÉE
Fouzia Z...
Chez Accuei...

COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE DE LA FAMILLE

ARRÊT du : 28 NOVEMBRE 2006 No : No RG : 05 / 03349

Grosses + Expéditions
la SCP LAVAL-LUEGER
Me Estelle GARNIER

APPEL d'un jugement du Juge aux affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de BLOIS en date du 10 novembre 2005.

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT
Ahmed X...
...
41200 ROMORANTIN
Représenté par la SCP LAVAL-LUEGER, avoués à la Cour
Assisté de Me Anne-Laure VERY, avocat au barreau d'ORLEANS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2006 / 000657 du 20 / 04 / 2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ORLEANS)

INTIMÉE
Fouzia Z...
Chez Accueil Femmes en Difficultés
49 rue Dumont d'Urville
41000 BLOIS
Représentée par Me Estelle GARNIER, avoué à la Cour
Assistée de Me Florence DEVOUARD, avocat au barreau de BLOIS
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2006 / 1585 du 16 / 03 / 2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ORLEANS)

COMPOSITION DE LA COUR :

Madame GONGORA, Conseiller, désigné par ordonnance du Premier Président en date du 26 juin 2006
Monsieur PICQUE, Conseiller,
Monsieur BERSCH, Conseiller,

Les débats ont eu lieu en Chambre du Conseil le 07 Novembre 2006 après rapport de Monsieur PICQUE, Conseiller.

L'arrêt a été prononcé, en audience non publique, le VINGT HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE SIX (28 / 11 / 2006), par Monsieur PICQUE, Conseiller, qui a signé la minute.

La Cour a été assistée lors des débats et lors du prononcé de l'arrêt par Madame PIERRAT, Greffier.

Ahmed X...et Fouzia Z...se sont mariés le 9 août 2000 au Maroc.

Deux enfants, tous nés en France, Hamid le 17 août 2002, et Malika le 7 novembre 2003, sont issus de leur union.

La famille étant arrivée en vacances au Maroc le 9 juin 2004, une procédure de divorce a été engagée le 21 juin suivant par le mari devant les autorités et suivant les règles de ce pays. Le tribunal de MEKNÈS a autorisé le divorce des époux X.../ Z..., par jugement du 9 septembre 2004, l'acte de " répudiation révocable " ayant été dressé le lendemain 10 septembre par les deux adels du tribunal et une traduction certifiée conforme à l'original ayant été dressée le 11 septembre 2004.

Les deux ex-époux sont chacun rentrés vivre en France, le père avec sa fille Malika et la mère avec son fils Hamid.

Par requête en date du 15 octobre 2004 et déposée le 18 octobre suivant, Ahmed X...a demandé au juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de BLOIS, de fixer la résidence d'Hamid chez le père.

Le 12 novembre 2004, Fouzia Z...a assigné son ex-mari en référé devant la même juridiction aux fins de lui attribuer l'exercice exclusif de l'autorité parentale sur les deux enfants, outre l'allocation d'une contribution paternelle à leur éducation et à leur entretien, et de fixer la résidence de Malika chez la mère en accordant au père un droit de visite médiatisé sur les deux enfants et de lui interdire de sortir les enfants du territoire français.

Les deux instances ont été jointes et, par ordonnance du 21 décembre 2004, le juge aux affaires familiales a ordonné une enquête sociale en sursoyant à statuer sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale tout en fixant provisoirement la résidence des deux enfants au domicile de leur mère en octroyant au père, un droit de visite s'exerçant dans le cadre d'une mission " point rencontre-médiation " au " lieu-rencontre parents-enfants de BLOIS ".

Le rapport d'enquête sociale a été déposé le 26 mai 2005 et l'organisme " point rencontre-médiation " a déposé son rapport le 7 juillet suivant.

Par jugement du 10 novembre 2005, le juge aux affaires familiales a :

-attribué l'exercice exclusif de l'autorité parentale sur les deux enfants à Fouzia Z..., en fixant corrélativement leur résidence au domicile de la mère,

-désigné le " lieu-rencontre parents-enfants de BLOIS " à l'effet de rechercher, en fonction des besoins des enfants, la solution la plus conforme à leur intérêt pour l'exercice du droit de visite du père, en prévoyant les contacts père-enfants à un rythme déterminé par les réactions de chacun, tout en précisant :

. que l'exercice du droit de visite paternel devait avoir lieu hors la présence des grand-parents paternels, sauf autorisation exceptionnelle donnée par l'équipe du " lieu-rencontre parents-enfants ",

. que le rapport global des opérations sera déposé au greffe du tribunal le 1er mai 2006 au plus tard, par l'organisme " lieu-rencontre parents-enfants ",

-fixé à hauteur de 100 € par enfant, le montant mensuel de la contribution paternelle à leur entretien et à leur éducation, outre indexation annuelle selon les modalités usuelles.

Vu les actes d'appel des 8 et 14 décembre 2005 d'Ahmed X...et les ultimes écritures qu'il a signifiées le 25 octobre 2006 tendant à l'infirmation du jugement déféré en sollicitant :

-à titre principal, l'exercice conjoint de l'autorité parentale sur les deux enfants et la fixation de leur résidence chez le père avec droit " habituel " de visite et d'hébergement au profit de la mère tout en demandant que ceux-ci ne puissent sortir du territoire français sans l'autorisation du père,

-subsidiairement, si la résidence des enfants demeurait fixée au domicile de la mère, un droit de visite et d'hébergement classique et la suspension de l'obligation alimentaire jusqu'à ce que le père revienne à meilleure fortune ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 3 novembre 2006, par Fouzia Z...tendant à la confirmation pure et simple de la décision attaquée ;

Vu l'ordonnance de jonction du 8 février 2006 du magistrat de la mise en état ;

LA COUR :

Attendu qu'Ahmed X..., tout en niant tout comportement violent de sa part, prétend que son ex-épouse serait violente à son endroit et aurait tenté de l'agresser à l'arme blanche à l'occasion d'une rencontre lors d'un mariage où ils étaient l'un et l'autre présents ;

Qu'en contestant tout autant le prétendu fonctionnement clanique de la famille paternelle, dont l'enquêtrice sociale " de culture occidentale " aurait insuffisamment compris " une évidence culturelle des pays méditerranéens ", il affirme que Fouzia Z...ne l'aurait épousé " que pour obtenir des documents administratifs lui permettant de résider en France " et refuserait au père la possibilité d'entretenir des rapports normaux avec ses enfants en l'écartant de toute décision les concernant ;

Qu'il prétend également que, ne maîtrisant pas la langue française en ne faisant rien pour y remédier, Fouzia Z...vit socialement isolée et ne permet pas une bonne intégration des enfants à la société française ;

Qu'Ahmed X...déduit les carences éducatives de la mère de la suggestion de l'enquêtrice de recourir à l'intervention d'un travailleur social et d'une puéricultrice mais fait aussi grief au rapport d'enquête sociale de n'avoir pas tenu compte de l'avis du médecin-psychiatre le traitant, lequel considère, selon l'appelant, que l'état de santé du père ne l'empêche pas de pouvoir être en contact avec ses enfants ;

Qu'il estime être en mesure d'accueillir les enfants dans des conditions matérielles acceptables et s'inquiète des intentions de Fouzia Z...de retourner s'installer au Maroc avec les enfants, d'autant que celle-ci aurait fait circoncire leur fils " dans des conditions d'hygiène déplorables " ;

Qu'étant handicapé il indique ne percevoir qu'une pension d'invalidité de 616,50 € par mois ;

Attendu que pour part, Fouzia Z...considère que l'appelant ne démontre pas l'exactitude de ses affirmations et les conteste intégralement ;

Qu'elle prétend qu'alors qu'il s'était fait remettre Malika par les autorités marocaines pendant leur séjour dans le courant de l'été 2004, Ahmed X...se serait engagé, devant le Procureur du Roi à MEKNÈS, d'emmener la fillette en France pour la remettre à sa mère, qui y était entre temps retournée pour y faire soigner l'aîné, après avoir initialement laissé la fille puînée à la garde de la grand-mère maternelle ;

Qu'elle nie toute violence à l'endroit de quiconque et précise que sans avoir été défendue par son mari, elle a été agressée par son beau-père au cours de l'épisode du mariage, qui a voulu l'empêcher d'approcher Malika avec laquelle, tant Ahmed X...que la famille paternelle, lui interdisaient tout contact ;

Qu'elle dénonce l'alibi culturel pour justifier la présence " quasi permanente " de la famille paternelle auprès d'Ahmed X..., et au vu de la modestie des consommations de gaz et d'électricité dans le logement de celui-ci, en déduit qu'il vit en réalité en permanence auprès d'eux, dont il a besoin de l'aide constante compte tenu de son état de santé psychique et des soins qui doivent lui être prodigués ;

Qu'elle conteste aussi son prétendu isolement social et assure faire elle-même toutes les démarches nécessaires aux enfants tout en démentant toute intention de retourner s'installer au Maroc, en précisant par ailleurs, que les deux parents étant de religion musulmane, la circoncision du fils a été pratiquée au Maroc par un médecin avec l'accord du père qui était présent au Pays à cette époque, même s'il a décliné l'invitation à la fête donnée en cette occasion ;

Qu'elle considère aussi que l'interdiction de sortie des enfants du territoire français sans l'accord du père est demandée dans un but vexatoire, d'autant qu'au temps de la vie commune, parents et enfants passaient chaque année leurs vacances d'été en famille au Maroc ;

CECI EXPOSÉ :

Sur l'exercice de l'autorité parentale

Attendu qu'en application des articles 372 et 373-2 du Code civil, les père et mère exercent en commun l'autorité parentale, leur séparation étant sans incidence sur la dévolution de ladite autorité ;

Qu'en se bornant à revendiquer l'exercice exclusif de l'autorité parentale sur les deux enfants du couple, Fouzia Z...ne démontre pas en quoi cette exclusivité serait conforme aux intérêts des enfants concernés ;

Qu'il convient aussi de relever :

-qu'il n'est pas établi que la santé du père pourrait être un obstacle à l'exercice de l'autorité parentale, l'enquêtrice sociale ayant indiqué que le psychiatre traitant Ahmed X...lui avait précisé rapport page 6 que l'état de santé de celui-ci ne l'empêchait pas de pouvoir être en contact avec ses enfants,

-que la simple situation perçue comme envahissante des grands-parents paternels est insuffisante à elle seule, à caractériser un intérêt des enfants justifiant de ne confier qu'à la mère l'exercice de l'autorité parentale ;

Que le jugement déféré sera réformé de ce chef ;

Sur la résidence des enfants et les modalités des droits de visite

Attendu qu'il ressort aussi des termes du rapport d'enquête sociale que si le médecin-psychiatre estime que l'état de santé du père ne l'empêche pas de pouvoir être en contact avec ses enfants, c'est en précisant que dans la mesure où culturellement il vit en grande proximité avec les grands-parents paternels, ceux-ci assument le quotidien que Monsieur Ahmed X...ne peut pas faire ;

Qu'il s'en déduit que de l'avis même de ce praticien, tel qu'il est rapporté par l'enquêtrice sociale, Ahmed X...n'est pas en mesure d'assumer quotidiennement ses deux enfants encore en bas âge et que c'est à juste titre que la résidence de ceux-ci a été fixée chez leur mère ;

Qu'il résulte par ailleurs des pièces du dossier que les propres père et mère d'Ahmed X...exercent une grande emprise sur leur fils et que la famille paternelle nourrit un large ressentiment à l'encontre de Fouzia Z...et s'interpose volontiers pour empêcher les rapports entre celle-ci et ses enfants ;

Qu'il apparaît tout autant qu'Ahmed X...n'a jamais manifesté à ce jour une volonté suffisante pour inviter les membres de sa famille à ne pas tenter de jouer un rôle qui n'est pas le leur ni de prendre auprès de ses enfants, une place qui ne leur revient pas ;

Qu'en conséquence, c'est à juste titre que le juge aux affaires familiales a prévu un droit de visite du père médiatisé à un rythme déterminé par les réactions de chacun, chaque partie pouvant le cas échéant ultérieurement saisir à nouveau ce magistrat en fonction de l'évolution de la situation ;

Sur la sortie des enfants du territoire français

Attendu que c'est initialement Fouzia Z..., dans l'assignation en référé du 12 novembre 2004, qui avait sollicité la restriction de sortie des enfants du territoire national ;

Que par ailleurs, Ahmed X...ne peut pas tout à la fois prétendre que Fouzia Z...ne l'aurait épousé que pour obtenir des documents administratifs lui permettant de résider en France et soutenir qu'elle aurait l'intention de retourner s'installer définitivement au Maroc avec les enfants ;

Qu'en se bornant à demander l'interdiction de sortie du territoire des enfants avec leur père, Fouzia Z...ne rapporte pas davantage la démonstration que son ex-mari aurait l'intention de s'installer durablement hors de France ;

Qu'aucun des anciens époux, ne démontre la réelle volonté de l'autre de quitter définitivement le territoire français ;

Que la demande de chacun des parents, de restriction de sortie des enfants du territoire, sera rejetée ;

Sur la contribution paternelle à l'éducation et à l'entretien des enfants

Attendu qu'Ahmed X...indique ne percevoir qu'une pension d'invalidité, outre l'allocation logement et que Fouzia Z...n'allègue pas, et a fortiori ne démontre pas qu'il disposerait d'autres revenus ;

Qu'en 2005, Ahmed X...a perçu à ce titre 616,48 € en moyenne par mois, ce montant étant porté à 628,29 € en 2006 ;

Qu'outre l'allocation logement, Fouzia Z...a perçu en moyenne 778,91 € par mois de prestations sociales en 2005, ce montant étant porté à 792,93 € en 2006 ;

Que les parties exposent mensuellement des charges comparables de la vie courante, Fouzia Z...ayant en outre la charge quotidienne des deux jeunes enfants ;

Qu'en application de l'article 371-2 du Code civil, chaque parent contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant ;

Que nonobstant la modicité des ressources d'Ahmed X...il est important qu'il participe à l'entretien de ses deux enfants en fonction de ses possibilités ;

Qu'au regard de celles-ci, le montant mensuel de sa contribution sera fixé à hauteur de 65 € par enfant, soit au total 130 €, à compter du jugement du 10 novembre 2005 dont appel ;

PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement en chambre du conseil après débats non-publics,

Réforme le jugement entrepris des chefs de l'autorité parentale et du montant de la contribution paternelle à l'éducation et à l'entretien des deux enfants,

Statuant à nouveau,

Dit que l'autorité parentale sera conjointement exercée par les deux parents sur Hamid, né le 17 août 2002, et Malika, née le 7 novembre 2003,

Fixe à hauteur de 65 € par enfant à compter du 10 novembre 2005, soit globalement 130 €, le montant mensuel de la contribution d'Ahmed X...à leur éducation et à leur entretien et dit qu'elle sera réglée à Fouzia Z...et annuellement ré-évaluée selon les modalités prévues par le jugement dont appel,

Confirme pour le surplus le jugement entrepris,

Laisse à chaque partie, la charge des dépens d'appel qu'elle a avancée et dit qu'il seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle,

Admet en tant que de besoin la SCP LAVAL-LUEGER au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile étant observé que Maître GARNIER n'en a pas expressément requis l'application.

Et le présent arrêt a été signé par Monsieur PICQUE, Conseiller et par Madame PIERRAT, Greffier.

E. PIERRAT G. PICQUE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Ct0200
Numéro d'arrêt : 672
Date de la décision : 28/11/2006

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Blois, 10 novembre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.orleans;arret;2006-11-28;672 ?
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