DOSSIER N : 2005/00738 ARRÊT du : 13 janvier 2006 N 36 /2006 André DE SOUSA
COUR D'APPEL D'ORLÉANS CHAMBRE DE L'INSTRUCTION
La Chambre de l'Instruction d'ORLÉANS, réunie en Chambre du Conseil à l'audience du 11 janvier 2006, a prononcé le présent arrêt en Chambre du Conseil le 13 janvier 2006, PARTIE EN CAUSE : - André DE SOUSA né le 24 mai 1957 à ALMENDRA (PORTUGAL) de Manuel et de Maria BARBOSA demeurant : 5, Route des Marronniers - 41290 RHODON - profession : plombier - nationalité française - DÉTENU au Centre de Détention de CHATEAUDUN CONDAMNÉ du chef de : viols NON COMPARANT, Ayant pour avocat à l'audience Maître CARIOU Sandrine, 11 rue du Père Brottier - 41000 BLOIS - COMPOSITION DE LA COUR lors des débats, du délibéré et du prononcé de l'arrêt : Monsieur Pierre MOREAU, Président de la Chambre de l'Instruction, Monsieur François BEYSSAC, Conseiller, Monsieur Gérard ALGIER, Conseiller, tous trois désignés en application de l'article 191 du Code de Procédure Pénale. Madame Dominique X..., Avocat Général, lors des débats et du prononcé de l'arrêt, Madame Marie-Claude Y..., Greffier, lors des débats et du prononcé de l'arrêt. RAPPEL DE LA PROCÉDURE VU la requête en difficulté d'exécution présentée le 25 octobre 2005 par Maître
CARIOU, Avocat, Conseil d'André DE SOUSA, VU les notifications de la date d'audience adressées le 3 janvier 2006 au requérant et à son conseil conformément à l'article 197 du Code de Procédure Pénale, VU les réquisitions de Madame la Procureure Générale datées du 3 janvier 2006, DÉROULEMENTS DES DÉBATS A l'audience en Chambre du Conseil du 11 janvier 2006 ont été entendus : Monsieur le Président MOREAU, en son rapport, Maître CARIOU, Avocat, Conseil d'André DE SOUSA, au soutien de sa requête, Madame X..., Avocat Général, en ses réquisitions. DÉCISION Prise après en avoir délibéré conformément à l'article 200 du Code de Procédure Pénale et prononcé le 13 janvier 2006, EN LA FORME La requête régulière en la forme est recevable. AU FOND André DE SOUSA, actuellement détenu au Centre de Détention de CHATEAUDUN. pour l'exécution d'une peine de 10 ans de réclusion criminelle prononcée le 30 janvier 2002 par la cour d'assises du Loir et Cher pour viols sur mineure de 15 ans par ascendant a saisi la chambre de l'instruction sur le fondement de l'article 710 du code de procédure pénale, aux fins de voir statuer sur la difficulté d'exécution résultant de l'application de l'article 721 du code de procédure pénale concernant le calcul du crédit de réduction de peine dont il doit bénéficier. Ce texte issu de la loi du 9 mars 2004, entré en vigueur le 1er janvier 2005, est en effet ainsi rédigé: "Chaque condamné bénéficie d'un crédit de réduction de peine calculé sur la durée de la condamnation prononcée à hauteur de trois mois pour la première année, de deux mois pour les années suivantes et de sept jours par mois". En application de ce texte, il a d'abord bénéficié d'une réduction de peines de trois mois depuis son incarcération du 16 décembre 1998, puis à compter du 1er janvier 2005 sur la période restant à exécuter, d'un crédit de réduction de peine de 5 mois et 7 jours. Cette décision lui a été régulièrement notifiée. L'intéressé et son Conseil contestent ce calcul, estimant
qu'il aurait dû bénéficier, en application de l'article 721 du code de procédure pénale, d'une réduction de peine supplémentaire de sept jours par mois, en plus des trois mois pour la première année et des deux mois pour les années suivantes. A l'audience, son Conseil défend cette interprétation stricte et soutient qu'elle est bien exacte puisque le législateur a dû intervenir sans imposer un effet rétroactif à la nouvelle rédaction de l'article 721 du code de procédure pénale. Madame l'Avocat Général requiert le rejet de la requête. Elle constate que le texte de l'article 721 du code de procédure pénale pose effectivement une difficulté d'interprétation qui est de la compétence, s'agissant d'une condamnation criminelle, de la chambre de l'instruction. La difficulté provient de la disparition, au cours des débats parlementaires, après la mention "...de sept jours par mois", des termes "pour une durée d'incarcération moindre". Elle rappelle que l'article 721 du code de procédure pénale issu de la loi du 9 mars 2004 reprend les principes posés par les dispositions antérieures notamment quant au quantum de réduction de peine octroyé en fonction de celui de la peine prononcée ou du reliquat restant à effectuer. Elle fait en outre valoir que la loi du 12 décembre 2005, en son article 12 qui est venu compléter l'article 721 du code de procédure pénale, consacre cette interprétation relative au calcul des crédits de réduction de peine, en mettant en évidence que les jours de crédit de réduction de peine correspondant à chaque mois de détention ne se cumulent pas avec les mois de crédit de réduction de peine correspondant aux années de détention.
SUR CE, la COUR, La chambre de l'instruction est compétente en application de l'article 710 du code de procédure pénale. Le principe de l'interprétation stricte de la loi pénale interdit au juge de substituer au sens clair que comporte la lettre d'un texte de loi sa
propre interprétation. A l'inverse, ce n'est que lorsque la loi reste, malgré tous ses efforts d'analyse, définitivement obscure ou portant en elle des dispositions absconses , que le juge, qui ne peut se soustraire à son obligation de juger, doit statuer dans le sens le plus favorable à la personne concernée. Entre ces deux cas de figure, il appartient au juge pénal, en présence d'un texte de loi qui peut recevoir des interprétations différentes, de rechercher la volonté du législateur s'il peut la déduire avec certitude, non de textes réglementaires ultérieurs, mais des travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi, notamment en ce qui concerne la finalité de celle-ci, et du soutien de la raison lorsqu'elle lui permet de vérifier que l'une des interprétations possibles de la loi peut conduire à une application manifestement contraire à son esprit et doit être écartée. Dans le cas présent, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne découle pas nécessairement de la lettre de l'article 721 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 9 mars 2004, que le condamné doive bénéficier, pour les peines exprimées en années pleines, en plus du crédit de réduction de peine calculé sur cette base, d'un crédit supplémentaire de 7 jours afférent à chacun des mois de cette même période. Une telle interprétation est soutenue à partir de la suppression, dans la rédaction actuelle de l'article 721, des mots pour une durée d'incarcération moindre qui, dans la rédaction antérieure, par leur précision, permettaient de distinguer, sans le moindre effort d'interprétation, deux régimes de réduction de la peine selon que celle-ci était exprimée en années ou en fraction d'année. Dans cette rédaction, la conjonction de coordination "et" qui, dans la langue française, sert à opérer une addition ou à exprimer un rapprochement entre deux corps de texte, avait, sans possibilité de doute, ce second sens. La question est aussi de savoir si la conjonction de
coordination "et", déjà présente dans le texte antérieur, peut cependant avoir pris le sens nouveau d'une addition. Il ressort des débats parlementaires que l'Assemblée Nationale a inséré dans le projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, à l'initiative du rapporteur de la commission des lois, une nouvelle rédaction à l'article 721 du code de procédure pénale, dont la finalité était de substituer au régime de réduction de peine pour bonne conduite un crédit de réduction de peine pouvant être remis en cause en cas de mauvaise conduite du condamné. Dans une première rédaction, le texte prévoyait un crédit de réduction de peine de trois mois pour la première année, deux mois pour les années suivantes, sept jours par mois pour les condamnations inférieures à un an et cinq par mois au moins pour les autres condamnations . Il ressort des débats menés au Sénat que la commission des lois de celui-ci a proposé une réécriture de ce texte afin de ne pas modifier les règles relatives aux durées de réduction de peine qui peuvent être accordées. L'amendement no 220, présenté par Monsieur Z..., au nom de la commission des lois du Sénat, a proposé de rédiger ainsi l'article 721 : Chaque condamné bénéficie d'un crédit de réduction de peine calculé sur la durée de la condamnation prononcée à hauteur de trois mois par année et de sept jours par mois . C'est à ce moment des travaux du législateur que la précision pour une durée d'incarcération moindre a disparu, sans qu'à aucun moment n'ait été débattue ni même envisagée dans les travaux la possibilité, pour les peines prononcées en années, d'un cumul entre le crédit de réduction de peine afférent à chaque année et celui afférent à chaque mois. Approuvé par le Gouvernement en la personne de Monsieur A..., Secrétaire d'Etat, puis modifié à nouveau jusqu'à sa rédaction finale dans laquelle ont été distingués le crédit afférent à la première année de détention et
celui afférent à chacune des années suivantes, ce texte n'a pas davantage par la suite été accompagné d'une quelconque discussion laissant penser que le législateur aurait substitué un sens différent à la conjonction "et " dans l'article 721 du code de procédure pénale issu de la loi du 9 mars 2004. De surcroît, l'interprétation allant dans le sens d'un cumul proposée par le requérant aboutirait, dans certaines hypothèses, à un résultat contraire à l'intention clairement exprimée par le législateur dans les débats ayant précédé l'adoption de la loi, de distinguer les condamnés entre eux, pour l'attribution d'une réduction de peine, selon le seul critère du mérite. En effet, à titre d'exemple, en suivant l'analyse du texte proposée par le requérant, par le seul effet automatique de la loi, une personne condamnée à dix mois d'emprisonnement, qui bénéficie d'un crédit de réduction de peine de sept jours par mois, serait libérée après 235 jours de détention et une personne condamnée un an d'emprisonnement, qui bénéficierait d'un crédit de réduction de peine de trois mois serait libérée, non après 275 jours de détention, mais, par l'effet du cumul revendiqué, après seulement 191 jours. En conséquence, il est permis d'interpréter strictement la loi de la manière suivante : le crédit de réduction de peine de sept jours par mois ne bénéficie, d'une part, qu'aux personnes condamnées à une peine formulée en mois et non en années et, d'autre part, pour la fraction de la peine formulée en mois, qu'aux personnes condamnées à des peines dont une partie, excédant la durée exprimée en années, est formulée en mois. Enfin, la loi du 12 décembre 2005, en son article 12 qui est venu compléter l'article 721, a consacré cette interprétation conforme à la raison de la disposition relative au calcul des crédits de réduction de peine, en mettant en évidence que les jours de crédit de réduction de peine correspondant à chaque mois de détention ne se cumulent pas avec les mois de crédit de réduction
de peine correspondant aux années de détention. La demande présentée par André DE SOUSA doit donc être rejetée. PAR CES MOTIFS LA COUR, VU les articles 710 et 721 du code de procédure pénale, DÉCLARE la requête recevable mais mal fondée, LA REJETTE, ORDONNE que le présent arrêt sera exécuté à la diligence de Madame la Procureure Générale. LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT, MC Y... P. MOREAU Le Greffier soussigné certifie avoir notifié le dispositif du présent arrêt à l'Avocat de André DE SOUZA et ce en application des dispositions de l'article 217 du Code de Procédure Pénale. LE GREFFIER