COUR D'APPEL D'ORLÉANS CHAMBRE COMMERCIALE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE GROSSES + EXPÉDITIONS SCP LAVAL-LUEGER SCP-DESPLANQUES-DEVAUCHELLE
ARRÊT du : 09 JUIN 2005 : No RG : 04/ 02380
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE :
Tribunal de Commerce d'ORLEANS en date du 19 Mai 2004 PARTIES EN CAUSE
APPELANTE : S. A. LES CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE agissant poursuites et diligences en la personne de son Président du Conseil d'Administration, domicilié en cette qualité audit siège, demeurant 25 avenue Kléber-75116 PARIS représentée par la SCP LAVAL-LUEGER, avoués à la Cour ayant pour avocat le Cabinet GUYON, du barreau de SAINT NAZAIRE D'UNE PART
INTIMÉS : S. A. FINANCIERE DE LA RUELLE, anciennement dénommée BEL ESPACIEL prise en la personne de son mandataire liquidateur Maître Christian X..., demeurant ...45000 ORLEANS, ... Non comparant ni représenté S. A. S. HERAUDET prise en la personne de son Président, demeurant et domicilié au dit siège, 10 Chemin du Pont Cotelle-ZI Les Montées-45073 ORLEANS CEDEX 2 représentée par la SCP DESPLANQUES-DEVAUCHELLE, avoués à la Cour ayant pour avocat la SCP PACREAU-COURCELLES, du barreau d'ORLEANS Maître Christian X...pris en sa qualité de liquidatuer de la liquidation judiciaire de la Société FINANCIERE DE LA RUELLE, ...-45000 ORLEANS Non comparant ni représenté D'AUTRE PART DÉCLARATION D'APPEL EN DATE DU 13 Juillet 2004
COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 26 Mai 2005, devant Madame Odile MAGDELEINE, Conseiller Rapporteur, et Monsieur Alain GARNIER Conseiller par application de l'article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile. Lors du délibéré :
Monsieur Jean-Pierre REMERY, Président de Chambre Madame Odile MAGDELEINE, Conseiller, qui en a rendu compte à la collégialité Monsieur Alain GARNIER, Conseiller. Greffier : Madame Nadia FERNANDEZ, lors des débats et du prononcé de l'arrêt.
Lecture de l'arrêt à l'audience publique du 09 Juin 2005, par Monsieur le Président REMERY, en application des dispositions de l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 11 juin 1999, la société Les Chantiers de l'Atlantique a commandé à la société Bel-Espaciel, devenue la société Financière de la Ruelle, l'exécution d'agencements à bord de plusieurs paquebots alors en construction aux chantiers de Saint-Nazaire et la société Bel-Espaciel a sous-traité, le 25 octobre 2000, la fourniture et la pose de la miroiterie à la société Héraudet, qui a été agréée par la société Les Chantiers de l'Atlantique suivant lettre du 17 novembre 2000. En outre, une délégation de paiement est intervenue le 11 décembre 2000, la société Les Chantiers de l'Atlantique s'engageant à régler le sous-traitant en l'absence de contestation de la qualité de ses travaux et dans la mesure " de ce qu'elle devra encore à la société Bel Espaciel à la date de réception des factures émises par la société Héraudet ". La convention du 11 décembre 2000 précisait aussi que " toute contestation ou interprétation relative à la présente convention seront de la compétence du Tribunal de Commerce de Saint-Nazaire ". La société Héraudet a adressé à la société Bel Espaciel-Financière de la Ruelle, une facture datée du 27 décembre 2000 pour un montant TTC de 331. 292 francs (50. 505, 14 euros), sur lequel, compte tenu des demandes formées par d'autres sous-traitants, la société Les Chantiers de l'Atlantique n'a réglé que la somme de 204. 695, 01 francs (31. 205, 55 euros). La société Héraudet a réclamé le solde (126. 596, 99 francs), outre le paiement de travaux supplémentaires et frais d'impayés (11. 115, 19 francs), à la société Bel Espaciel-Financière de la Ruelle par assignation délivrée devant le juge des référés du Tribunal de commerce d'Orléans puis devant ce Tribunal au fond le 16 juillet 2001. Au cours de cette instance, la société Bel-Espaciel-Financière de la Ruelle a appelé en intervention forcée la société Les Chantiers de l'Atlantique par acte d'huissier de justice du 14 août 2001 mais, requalifiant aussi ses propres relations avec cette société en relations de sous-traitance-le maître de l'ouvrage étant, selon elle, l'armateur et l'entrepreneur principal la société Les Chantiers de l'Atlantique-, la société Bel-Espaciel-Financière de la Ruelle en a déduit qu'en l'absence d'agrément et, surtout, de caution bancaire, le contrat passé entre elle et la société Les Chantiers de l'Atlantique était nul, ce qui l'autoriserait à écarter le prix forfaitaire convenu et à exiger le prix correspondant à ses prestations effectives, outre l'indemnisation de son préjudice financier, soit la somme globale de 15. 785. 442, 61 francs qu'elle réclamait. Par jugement du 31 octobre 2001, le Tribunal de commerce d'Orléans a prononcé la liquidation judiciaire de la société Bel-Espaciel-Financière de la Ruelle et Me X..., désigné en qualité de liquidateur judiciaire dans cette procédure collective, a repris l'instance devant le Tribunal de commerce. La société Héraudet a alors déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Bel-Espaciel-Financière de la Ruelle et, dans l'instance introduite par son assignation du 16 juillet 2001, puis étendue par l'assignation en intervention forcée du 14 août 2001, elle a demandé la fixation de sa créance tout en réclamant le paiement de la même somme aussi à la société Les Chantiers de l'Atlantique. Statuant sur l'ensemble des demandes, le Tribunal, par le jugement unique aujourd'hui déféré à la Cour, prononcé le 19 mai 2004, a retenu sa compétence contestée pour statuer dans les rapports de la société Héraudet avec le liquidateur judiciaire de la société Bel-Espaciel-Financière de la Ruelle et la société Les Chantiers de l'Atlantique et dans les rapports du liquidateur avec cette dernière société, mais exclusivement en ce qui concerne le litige Héraudet, se déclarant incompétent pour le surplus au profit du Tribunal de Commerce de Saint-Nazaire. Sur le fond, le jugement, après avoir décidé que la société Héraudet était la sous-traitante de la société Bel-Espaciel-Financière de la Ruelle, a condamné la société Les Chantiers de l'Atlantique à payer à la société Héraudet la somme de 19. 299, 59 euros, " le surplus étant dû par la société Bel-Espaciel-Financière de la Ruelle " et a fixé la créance de la société Héraudet au passif de la liquidation judiciaire de cette dernière à la somme de 20. 994, 09 euros.
*** Le jugement du 19 mai 2004 a fait l'objet de deux recours : *Le 26 mai 2004, Me X...a formé un contredit à son encontre ; celui-ci a été enregistré au greffe de la Cour d'appel d'Orléans sous le no 1583/ 2004 ; un autre arrêt de cette Cour rendu le même jour, 9 juin 2005, statuera sur ce contredit. *Le 13 juillet 2004, la société Les Chantiers de l'Atlantique a aussi relevé appel du même jugement et cet appel a été enregistré au greffe de la Cour d'appel d'Orléans sous le no 2380/ 2004 ; dans cette instance, Me X...ès qualités a été assigné le 26 novembre 2004 et réassigné le 15 décembre 2004 à son domicile professionnel, mais n'a pas constitué avoué, de sorte que le présent arrêt sera réputé contradictoire ;
les deux autres parties ont conclu :
- le 23 mai 2005 société Héraudet
-le 24 mai 2005 société Les Chantiers de l'Atlantique.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 24 mai 2005 et l'audience des plaidoiries fixée au 26 mai 2005. La Cour statuera sur l'appel par le présent arrêt.
MOTIFS DE L'ARRÊT :
Attendu, d'abord, que, dans ses dernières conclusions, la société Les Chantiers de l'Atlantique, développe des considérations sur l'absence de lien entre la demande initiale de la société Héraudet et la demande en intervention forcée aux fins de condamnation présentée à son encontre par la société Bel-Espaciel-Financière de la Ruelle et son liquidateur qui ont reçu réponse dans l'autre arrêt du même jour, la Cour y décidant que cette question sera appréciée par le Tribunal de Commerce de Paris, seul compétent pour dire si cette demande en intervention forcée est ou non recevable ; qu'il n'y a donc pas lieu d'examiner cette question ici ;
Attendu, ensuite, que la société Héraudet analysant à juste titre ses relations avec la société Les Chantiers de l'Atlantique, qui ne le conteste pas, pas plus que la compétence du Tribunal de commerce d'Orléans pour statuer sur ce point, malgré l'attribution de compétence au Tribunal de Commerce de Saint-Nazaire, en des relations de maître d'ouvrage et sous-traitant, estime que le maître d'ouvrage est débiteur envers elle de la somme globale de 20. 994, 09 euros se décomposant en 1. 694, 50 euros pour des travaux supplémentaires, selon facture no 01/ 01/ 40851, et 19. 299, 59 euros pour les travaux initialement compris dans le contrat de sous-entreprise ; Que, sur le premier point, la société Héraudet, comme l'a retenu le Tribunal, ne peut invoquer la délégation de paiement du 11 décembre 2000, qui ne visait que les travaux énoncés dans un bon de commande du 25 octobre 2000, qui ne sont pas ceux concernés par le bon de commande supplémentaire objet de la facture no 01/ 01/ 40851 ici en cause, travaux commandés postérieurement à la délégation limitée du 11 décembre 2000, sans nouvel engagement de délégation de la part de la société Les Chantiers de l'Atlantique et sans connaissance par celle-ci de la présence de la société Héraudet pour les exécuter en complément de ceux qu'elle avait commandés à l'entrepreneur principal ; Que, sur le second point, il convient de rappeler que la société Les Chantiers de l'Atlantique, en sa qualité de délégué, s'est engagée envers la société Héraudé, délégataire, sous condition, la condition étant ici de ne payer que dans les limites de ce qu'elle pouvait encore devoir au délégant, la société Bel-Espaciel-Financière de la Ruelle, ce qui rend la délégation incertaine et, par conséquent, non sujette à la règle habituelle de l'inopposabilité des exceptions ; que, dans ces circonstances, la société Les Chantiers de l'Atlantique était fondée, comme elle l'aurait pu en présence d'actions directes en paiement, dont elle a d'ailleurs été également destinataire, à ne régler la société Héraudet qu'en proportion du montant de sa créance, compte tenu des réclamations qu'elle recevait dans le même temps d'autres sous-traitants de la société Bel-Espaciel-Financière de la Ruelle (sociétés Moinet et Audiger), eux-mêmes titulaires, comme il en est désormais justifié en appel, de délégations de créances ; que, du chef de la délégation, la société Héraudet ne peut donc exiger de la société Les Chantiers de l'Atlantique le paiement du solde de sa créance, cette société ne disposant plus légitimement entre ses mains d'un solde disponible revenant à la société Bel-Espaciel-Financière de la Ruelle ; Qu'à titre subsidiaire, la société Héraudet, qui fait valoir que la délégation, qui ne permet pas le paiement intégral du sous-traitant, ne serait pas conforme aux dispositions de l'article 14, in fine de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance, dispensant l'entrepreneur principal de fournir caution, lorsqu'il délègue le maître d'ouvrage au sous-traitant, estime qu'ainsi la société Les Chantiers de l'Atlantique a méconnu les dispositions, seules invoquées, de l'article 14-1 de la même loi en ne mettant pas en demeure la société Bel-Espaciel-Financière de la Ruelle de fournir caution et a engagé, de ce fait, sa responsabilité à son égard ; que cependant, ces dispositions n'étant applicables qu'aux contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics, la construction navale, comme en l'espèce, n'entre pas dans leur domaine d'application et elles ne peuvent être utilement invoquées ; qu'en conséquence, la société Héraudet ne peut pas non plus prétendre, sur l'ultime fondement de la responsabilité délictuelle mis en oeuvre, que la société Les Chantiers de l'Atlantique aurait engagé sa responsabilité en lui accordant une garantie de paiement illusoire, alors que les conditions de la délégation étaient clairement définies par l'accord du 11 décembre 2000, que légalement, la société Les Chantiers de l'Atlantique n'était pas tenue de mettre l'entrepreneur principal en demeure de fournir caution et qu'en cas de pluralité de sous-traitants formant une réclamation au même moment, que ce soit en présence de délégations limitées ou d'actions directes en paiement, la société Héraudet ne disposait pas d'une priorité de paiement ; Qu'il résulte de ce qui précède que la société Héraudet ne peut en définitive obtenir, comme elle le demande, que la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société Bel-Espaciel-Financière de la Ruelle de sa créance déclarée, pour la somme globale de 20. 994, 09 euros, non contestée ; Attendu que les dépens exposés par la société Les Chantiers de l'Atlantique seront mis à la charge de la société Héraudet, les autres dépens étant passés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la société Bel-Espaciel-Financière de la Ruelle ; qu'en revanche, aucune somme ne sera allouée sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, STATUANT publiquement, par arrêt réputé contradictoire et rendu en dernier ressort : VU l'arrêt rendu ce même jour sur contredit de compétence :
DIT n'y avoir lieu à statuer par le présent arrêt sur la recevabilité de la demande en intervention forcée formée par la société Bel-Espaciel-Financière de la Ruelle et Me X..., son liquidateur, à l'encontre de la société Les Chantiers de l'Atlantique ;
INFIRMANT partiellement le jugement entrepris,
REJETTE les demandes en paiement formées par la société Héraudet à l'encontre de la société Les Chantiers de l'Atlantique et ADMET la société Héraudet au passif de la liquidation judiciaire de la société Bel-Espaciel-Financière de la Ruelle pour la somme de 20. 994, 09 euros ; à titre chirographaire ;
DIT que les dépens exposés par la société Les Chantiers de l'Atlantique seront à la charge de la société Héraudet, l'ensemble des autres dépens étant passé en frais privilégiés de liquidation judiciaire ;
REJETTE toute demande d'application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, tant en première instance qu'en appel ; ACCORDE à la SCP Laval-Lueger, titulaire d'un office d'avoué près la cour d'appel d'Orléans, le droit à recouvrement direct reconnu par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ; ET le présent arrêt a été signé par M. Rémery, Président et Mme Fernandez, Greffier ayant assisté au prononcé de l'arrêt.
LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT