COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 53B
Chambre civile 1-2
ARRET N°
PAR DEFAUT
DU 03 SEPTEMBRE 2024
N° RG 23/06847
N° Portalis DBV3-V-B7H-WDSL
AFFAIRE :
S.A.S. SOGEFINANCEMENT
C/
[N] [W]
[J] [Y] épouse [W]
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 13 juin 2023 par le juge des contentieux de la protection de Chartres
N° RG : 23/00248
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 03/09/24
à :
Me Patricia BUFFON
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.S. SOGEFINANCEMENT
Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentant : Me Patricia BUFFON de la SELARL JOLY & BUFFON, plaidant et postulant, avocat au barreau de Chartres, vestiaire : 000025 - N° du dossier 230979
APPELANTE
****************
Monsieur [N] [W]
Né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 7] (SENEGAL)
De nationalité Sénégalaise
Demeurant : [Adresse 3]
[Localité 4]
Madame [J] [Y] épouse [W]
Née le [Date naissance 2] 1987 à [Localité 8]
De nationalité Française
Demeurant : [Adresse 3]
[Localité 4]
INTIMÉS DEFAILLANTS
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 mai 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne THIVELLIER, conseillère chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, président,
Monsieur Jean-Yves PINOY, conseiller,
Madame Anne THIVELLIER, conseillère,
Greffière, lors des débats : Madame Zoé AJASSE,
Greffière lors du prononcé de la décision : Madame Céline KOC,
EXPOSE DU LITIGE
Le 1er juillet 2020, la société Sogefinancement a consenti à M. [N] [W] et à Mme [J] [Y] épouse [W] un contrat de prêt personnel pour un montant total de 18 000 euros, remboursable en 60 mensualités d'un montant de 338,04 euros hors assurances facultatives, au taux débiteur de 4,80 % et au taux annuel effectif global de 5,27%.
Le 9 mars 2021, un avenant de réaménagement du contrat de crédit a souscrit prévoyant notamment un réaménagement de la somme de 17 044,52 euros au taux effectif annuel global de 4,91%.
Suivant exploits d'huissier de justice en date des 10 et 11 janvier 2022, la société Sogefinancement a fait citer M. et Mme [W] devant le juge du contentieux de la protection de Chartres, sur le fondement des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation, à l'effet d'obtenir, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 14 824,30 euros, outre intérêts au taux contractuel à compter du 10 mai 2022, la somme de 1 163,72 euros au titre de l'indemnité contractuelle avec intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2022, outre la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des dépens,
- à titre infiniment subsidiaire, le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de prêt et leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 14 824,30 euros, outre intérêts au taux contractuel à compter du 10 mai 2022, la somme de 1 163.72 euros au titre de l'indemnité contractuelle avec intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2022, outre la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en plus des dépens.
Par jugement contradictoire du 13 juin 2023, le juge des contentieux et de la protection du tribunal judiciaire de Chartres a :
- déclaré la société Sogefinancement recevable en son action en paiement à l'encontre de M. et Mme [W] en l'absence de forclusion,
- constaté que la société Sogefinancement ne justifie pas avoir consulté le FICP avant la conclusion du contrat,
- dit que la société Sogefinancement est déchue de son droit aux intérêts conventionnels,
- condamné en conséquence, solidairement, M. et Mme [W] à payer à la société Sogefinancement la somme de 8 891,25 euros au titre du solde de l'offre de crédit personnel du 1er juillet 2020,
- écarté le taux légal et la majoration de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier,
- accordé à M. et Mme [W] la faculté d'apurer leur dette au plus tard le 10 de chaque mois à compter du mois suivant la signification du présent jugement, en 22 mensualités de 400 euros et en une 23ème mensualité soldant le tout,
- dit qu'à défaut de paiement d'un règlement à l'échéance prescrite la totalité du solde de restant dû deviendra immédiatement exigible,
- rappelé que l'application des dispositions de l'article 1343-5 du code civil suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier et que les majorations d'intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessent d'être dues pendant les délais accordés,
- débouté la société Sogefinancement de sa demande en paiement au titre de l'indemnité contractuelle,
- débouté M. et Mme [W] de leur demande reconventionnelle en mainlevée de l'inscription au FICP à l'encontre de Mme [W],
- dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum M. et Mme [W] aux dépens de l'instance,
- rappelé que le présent jugement bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire.
Par déclaration déposée au greffe 6 octobre 2023, la société Sogefinancement a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 13 novembre 2023, la société Sogefinancement, appelante, demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel et ce faisant, en toutes ses demandes, fins et conclusions,
Y faisant droit, en conséquence,
- confirmer le jugement en ce qu'il :
* l'a déclarée recevable en son action en paiement à l'encontre de M. et Mme [W] en l'absence de forclusion,
* a débouté M. et Mme [W] de leur demande reconventionnelle en mainlevée de l'inscription au FICP à l'encontre de Mme [W],
* a condamné in solidum M. et Mme [W] aux dépens de l'instance,
* a rappelé que le présent jugement bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire,
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
* constaté qu'elle ne justifie pas avoir consulté le FICP avant la conclusion du contrat,
* dit qu'elle est déchue de son droit aux intérêts conventionnels,
* condamné en conséquence, solidairement, M. et Mme [W] à lui payer la somme de
8 891,25 euros au titre du solde de l'offre de crédit personnel du 1er juillet 2020,
* écarté le taux légal et la majoration de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier,
* accordé à M. et Mme [W] la faculté d'apurer leur dette au plus tard le 10 de chaque mois à compter du mois suivant la signification du présent jugement, en 22 mensualités de 400 euros et en une 23ème mensualité soldant le tout,
* dit qu'à défaut de paiement d'un règlement à l'échéance prescrite la totalité du solde de restant dû deviendra immédiatement exigible,
* rappelé que l'application des dispositions de l'article 1343-5 du code civil suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier et que les majorations d'intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessent d'être dues pendant les délais accordés,
* l'a déboutée de sa demande en paiement au titre de l'indemnité contractuelle,
* dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Et statuant de nouveau, de :
- la déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes,
Y faisant droit, en conséquence,
A titre principal,
- juger que la déchéance du terme s'est trouvée régulièrement acquise au jour de l'expiration du délai de 15 jours suite à la délivrance de la mise en demeure préalable du 5 mai 2022,
A titre subsidiaire,
- juger que la déchéance du terme s'est trouvée acquise soit par la signification de la sommation de payer du 1er août 2022, soit par la signification de la présente assignation,
A titre infiniment subsidiaire,
- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de prêt pour manquement grave des emprunteurs à leurs obligations contractuelles,
En tout état de cause,
- condamner solidairement M. et Mme [W] à lui payer la somme de 14 824,30 euros au titre du principal, à parfaire des intérêts au taux contractuel de 4,80% à compter du 10 mai 2022 jusqu'à complet paiement,
- limiter la sanction de la déchéance du droit aux intérêts contractuels à une application partielle qu'il plaise à la cour d'apprécier et fixer, par effet sur la somme demandée en capital et intérêts de 14 824,30 euros,
- donner acte à M. et Mme [W] de ce qu'à la date du 13 décembre 2022, ils ont versé une somme totale de 2 600 euros, à parfaire des règlements postérieurs, laquelle somme sera déduite du montant des condamnations,
- condamner solidairement M. et Mme [W] à lui payer la somme de la somme de 1 163,72 euros au titre de l'indemnité contractuel à parfaire des intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2022 jusqu'à complet paiement,
- condamner solidairement M. et Mme [W] à lui payer la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,
- condamner solidairement M. et Mme [W] aux entiers dépens de première instance et d'appel, en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
M. et Mme [W] n'ont pas constitué avocat. Par acte de commissaire de justice délivré le 15 novembre 2023, la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelante leur ont été signifiées par dépôt à l'étude.
L'arrêt sera donc rendu par défaut conformément aux dispositions de l'article 474 alinéa 2 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 23 mai 2024.
Par message RPVA du 3 juillet 2024, la cour a adressé le message suivant à l'avocat de l'appelante:
'La cour relève que vous produisez un état détaillé des versements effectués par les débiteurs émanant de l'étude Atout Huissier du 6 janvier 2023 (pièce 9) faisant apparaître des versements de 2 600 euros entre le 16 août et le 13 décembre 2022.
Cependant, le décompte des sommes dues à la date du 26 octobre 2022 (pièce 7) mentionne des 'encaissements huissier' entre le 30 août 2022 et le 26 octobre 2022 d'un montant total de 1 517,78 euros qui n'apparaissent pas dans le décompte du 6 janvier 2023 susvisé.
En application de l'article 446-3 du code de procédure civile, la cour vous prie de bien vouloir lui fournir les explications utiles sur ces éléments contradictoires et de préciser/ justifier des règlements effectués par les emprunteurs depuis la déchéance du terme du contrat, et ce avant le 19 juillet 2024.'
Par message RPVA du 4 juillet 2024, la société Sogefinancement explique que la différence entre ces montants correspond au paiement des frais et honoraires de l'huissier de justice, la somme de 1 517,78 euros comprenant en fait les trois premiers versements effectués en août, septembre et octobre 2022 d'un montant total de 1 800 euros déduction faite des frais et honoraires d'huissier d'un montant de 282,22 euros. Elle produit un décompte du commissaire de justice arrêté au 3 juillet 2024 faisant apparaître des versements d'un montant total de 6 600 euros.
Par message RPVA du 12 juillet 2024, la cour a adressé l'intégralité du jugement déféré à la l'avocat de la société Sogefinancement, la page n°4 de la copie du jugement produite par ce dernier étant manquante et l'a autorisé à faire valoir ses observations éventuelles avant le 23 juillet 2023.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il convient de rappeler, qu'en application de l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Il n'est alors fait droit à la demande que dans la mesure où elle est régulière, recevable et bien fondée.
Il est précisé que l'offre préalable ayant été régularisée postérieurement à la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 14 mars 2016, les articles du code de la consommation visés dans le présent arrêt s'entendent dans leur version issue de cette ordonnance.
Sur la déchéance du droit aux intérêts
La société Sogefinancement fait grief au premier juge d'avoir prononcé la déchéance du droit aux intérêts tant conventionnels que légaux et ce en totalité au motif qu'elle ne justifiait pas d'une consultation régulière du FICP avant l'octroi du crédit.
Elle fait valoir qu'elle a préalablement et suffisamment vérifié la solvabilité des emprunteurs au sens des dispositions de l'article L. 312-16 du code de la consommation en ce qu'elle a fait régulariser aux emprunteurs une fiche de dialogue et a sollicité auprès d'eux les pièces justificatives correspondantes.
Elle relève qu'elle n'est pas en mesure de justifier de ce qu'elle avait bien interrogé le FICP entre la date d'émission de l'offre et la date de la formation définitive du prêt mais que pour autant, elle justifie avoir vérifié la solvabilité des emprunteurs à partir d'un nombre suffisant d'informations démontrant ainsi sa bonne foi et sa loyauté envers les emprunteurs.
Elle ajoute que le non-respect des dispositions de l'article L. 312-14 du code de la consommation n'est pas sanctionné par une déchéance totale du droit aux intérêts automatique, celle-ci pouvant être partielle, et qu'au vu de ses diligences, elle demande de limiter les effets de la sanction à une déchéance partielle des intérêts qu'il plaira à la cour d'apprécier.
Elle relève que le jugement dont appel n'est pas motivé sur la sanction de la déchéance du droit aux intérêts, le jugement passant d'une page 3 à 5.
Sur ce,
En application de l'article L. 312-16 du code de la consommation, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l'article L. 751-1, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 751-6, sauf dans le cas d'une opération mentionnée au 1 de l'article L. 511-6 ou au 1 du I de l'article L. 511-7 du code monétaire et financier.
Il résulte de l'article L. 341-2 du code de la consommation que le prêteur qui n'a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 312-14 et L. 312-16 est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
En l'espèce, il ressort du jugement déféré que la déchéance du droit aux intérêts a été prononcée en raison de l'absence de preuve d'une consultation régulière du FICP avant l'octroi du prêt.
La société Sogefinancement verse aux débats une fiche de dialogue mentionnant les revenus et charges des emprunteurs datée du 1er juillet 2020 ainsi que des justificatifs corroborant leurs déclarations (fiches de paye, contrat de travail de M. M. et Mme [W], avis d'imposition 2019 sur les revenus 2018, avis d'échéance du mois de mai 2020 ainsi que des relevés de compte de Mme M. et Mme [W]).
En revanche, la société Sogefinancement ne justifie pas de la consultation du FICP, ce qui constitue un manquement suffisamment grave de la part du prêteur pour prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels quand bien même la banque a fait remplir aux emprunteurs une fiche de dialogue quant à leurs revenus et charges et demandé les justificatifs y afférents, étant relevé que des impayés sont apparus dès le mois de janvier 2021 et qu'un avenant de réaménagement a été conclu le 9 mars 2021 pour diminuer le montant des échéances.
Il convient en conséquence de la débouter de sa demande et de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné une déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels.
Sur le montant de la créance
La société Sogefinancement fait grief au premier juge d'avoir retenu des versements d'un montant total de 9 108,75 euros à déduire du capital emprunté en faisant valoir que les règlements effectués par les emprunteurs s'élèvent à la somme totale de 7 908,75 euros y compris en incluant les versements postérieurs à la déchéance du terme d'un montant de 2 600 euros.
Sur ce,
En application de l'article L. 341-8 du code de la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts dans les conditions prévues aux articles L. 341-1 à L. 341-7, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu.
M. et Mme [W] ne seraient donc être tenus au paiement de l'indemnité contractuelle comme demandé par la société Sogefinancement et le jugement déféré est confirmé de ce chef.
La créance de la société Sogefinancement s'établit dès lors comme suit :
- capital emprunté : 18 000 euros
- à déduire les versements intervenus avant la déchéance du terme à hauteur de 5 308,75 euros.
Il convient également de déduire les versements intervenus postérieurement à la déchéance du terme s'élevant à la somme de 2 600 euros arrêtée au 6 janvier 2023 (pièce 9) et 6 600 euros selon le décompte arrêté au 3 juillet 2024 produit par l'appelante en cours de délibéré.
Etant précisé que la cour ne peut aggraver le sort de l'appelant sur son unique appel en l'absence d'appel incident (Civ. 2ème, 4 mars 2021, n°19-23.502). Dans ces conditions, la cour ne peut prendre en compte que les versements arrêtés au 6 janvier 2023 et condamner en conséquence solidairement M. et Mme [W] au paiement de la somme de 10 091,25 euros (18 000 - 7 908,75).
Il convient cependant de rappeler que tous les versements effectués par les intimés postérieurement au 6 janvier 2023 devront être déduits de cette somme.
Le jugement déféré est en conséquence infirmé de ce chef.
Bien que déchue de son droit aux intérêts, la société Sogefinancement est fondée, en vertu de l'article 1231-6 du code civil à réclamer à l'emprunteur le paiement des intérêts au taux légal sur le capital restant dû à compter de la mise en demeure, soit le 1er août 2022, date de la sommation de payer.
En application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier, le taux d'intérêt légal est en principe majoré de plein droit deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision.
L'article 23 de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs prévoit que les États membres définissent le régime de sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à la directive et prennent toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte qu'elles soient appliquées. Les sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.
Par arrêt du 27 mars 2014, la Cour de Justice de l'Union Européenne (affaire C-565/12) a dit pour droit que l'article 23 de la directive 2008/48 s'oppose à l'application d'intérêts à taux légal lesquels sont en outre majorés de plein droit deux mois après le caractère exécutoire d'une décision de justice prononçant la déchéance du droit aux intérêts si les montants susceptibles d'être effectivement perçus par le prêteur à la suite de l'application de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s'il avait respecté ses obligations découlant de la directive.
Il appartient donc au juge du fond d'apprécier la portée de la sanction prononcée et de vérifier si elle revêt un caractère suffisamment dissuasif et effectif comme l'a rappelé la Cour de cassation (1ère civ. 28 juin 2023, pourvoi n°22-10.560). Il convient ainsi de comparer les montants que le prêteur aurait perçus en rémunération du prêt dans l'hypothèse où il aurait respecté son obligation avec ceux qu'il percevrait en application de la sanction de la violation de cette obligation.
En l'espèce, le taux d'intérêt contractuel est de 4,80 %, l'intérêt légal était de 0,77 % à la date de la mise en demeure et de 4,92 % à la date du présent arrêt, de sorte que l'application de l'intérêt légal, même sans la majoration de 5 points, conduirait à permettre à la société Sogefinancement de percevoir des sommes d'un montant qui serait supérieur à celui dont elle aurait pu bénéficier au titre des intérêts conventionnels qu'elle a perdu le droit de percevoir.
Ainsi, pour assurer l'effectivité et le caractère proportionné et dissuasif de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts prononcée, il convient d'écarter tout intérêt légal ainsi que la majoration prévue par l'article L313-3 alinéa 1er du Code monétaire et financier et de confirmer le jugement déféré de ce chef.
Sur la demande de délais de paiement
Il est rappelé qu'en l'absence de telle ou telle prétention au dispositif des conclusions d'une partie, le juge ne peut statuer dessus et une demande d'infirmation du jugement (ou de tel ou tel chef de ce jugement), ne suffit pas à constituer une prétention au sens de l'article 954 sur le fond des demandes qui ont été tranchées par ce jugement (Civ. 2ème, 10 décembre 2020, n°19-16.137).
En l'espèce, si la société Sogefinancement a bien demandé l'infirmation du chef du jugement relatif aux délais de paiement accordés à M. et Mme [W], elle ne formule aucune prétention à ce titre et notamment, elle ne demande pas à la cour de les débouter de leur demande et n'a formulé aucun moyen à ce titre.
En conséquence, n'étant saisie d'aucune demande au titre des délais de paiement accordés par le premier juge, la cour ne peut que confirmer ce chef du jugement déféré.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La société Sogefinancement, qui succombe en son appel, est en conséquence condamnée aux dépens exposés devant la cour, les dispositions du jugement relatives aux dépens de première instance et aux frais irrépétibles étant par ailleurs confirmés.
Elle est en conséquence déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt rendu par défaut et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné M. et Mme [W] solidairement à lui verser la somme de 8 891,25 euros ;
Statuant à nouveau,
Condamne M. [N] [W] et à Mme [J] [Y] épouse [W] solidairement à payer à la société Sogefinancement la somme de 10 091,25 euros sans intérêts ;
Rappelle que tous les versements effectués par M. [N] [W] et à Mme [J] [Y] épouse [W] postérieurement au 6 janvier 2023 devront être déduits de cette somme ;
Déboute la société Sogefinancement du surplus de ses demandes ;
Condamne la société Sogefinancement aux dépens d'appel.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, président et par Céline KOC, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière Le président