COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 53B
Chambre civile 1-2
ARRET N°
PAR DEFAUT
DU 03 SEPTEMBRE 2024
N° RG 23/06658 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WDBZ
AFFAIRE :
S.A. SOCIETE GENERALE
C/
[I] [J]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Juin 2023 par le Juge des contentieux de la protection de VERSAILLES
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 11-22-747
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 03/09/24
à :
Me Alexandre OPSOMER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A. SOCIETE GENERALE venant aux droits et obligations de la société CREDIT DU NORD, agissant poursuites et diligences de son Président demeurant en cette qualité audit siège.
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentant : Me Alexandre OPSOMER de la SCP OPSOMER, Plaidant et Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 269 - N° du dossier 82/22
APPELANTE
****************
Madame [I] [J]
née le [Date naissance 3] 1979 à [Localité 7] (Ukraine)
de nationalité Ukrainienne
[Adresse 2]
[Localité 6]
INTIMEE DEFAILLANTE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Mai 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne THIVELLIER, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Anne THIVELLIER, Conseiller,
Greffière lors des débats : Madame Julie FRIDEY,
Greffière lors du prononcé de la décision : Madame Céline KOC,
EXPOSE DU LITIGE
Suivant une convention signée le 6 octobre 2018, la société Le Crédit du Nord a ouvert dans ses livres un compte de dépôt au nom de Mme [I] [J] sous le numéro [XXXXXXXXXX01].
Selon offre préalable du 12 octobre 2018, la société Le Crédit du Nord a consenti à Mme [J] un prêt personnel d'un montant en capital de 40 000 euros remboursable en 72 mensualités de 608,64 euros hors assurance suivant un taux débiteur fixe de 3,050% et un TAEG de 3,093 %.
Mme [J] a été déclarée recevable au bénéfice de la procédure de surendettement par la commission de surendettement des particuliers de Yvelines le 5 novembre 2020, laquelle a élaboré des mesures imposées le 3 février 2021 entrées en vigueur le 30 avril 2021.
Suivant un courrier recommandé avec accusé de réception en date du 10 août 2021 reçu le 14 août 2021, la société Le Crédit du Nord a mis en demeure la débitrice de respecter les échéances du plan et de régler les mensualités de mai 2021 à août 2021, rappelant qu'à défaut de règlement dans un délai de 15 jours le plan serait caduc et le recouvrement par voie judiciaire engagé.
Par un courrier recommandé avec accusé de réception en date du 1er mars 2022 reçu le 4 mars 2022, la société Le Crédit du Nord a réclamé la totalité des sommes dues au titre d'une part du prêt personnel, soit 32 481,33 euros incluant les intérêts au taux contractuel depuis le 10 novembre 2020 et d'autre part du découvert en compte courant, soit 222,94 euros.
Par acte d'huissier de justice en date du 10 mai 2022, la société Le Crédit du Nord, aux droits de laquelle intervient la société Société Générale, a fait citer Mme [J] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Versailles, en demandant, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de :
- condamner Mme [J] au paiement de la somme de 222,94 euros au titre du découvert en compte augmenté des intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2022 et jusqu'à parfait paiement,
- condamner Mme [J] au paiement de la somme de 32 481,33 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 3,05% l'an du 1er mars 2022 jusqu'à complet paiement,
- condamner Mme [J] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Par jugement réputé contradictoire du 29 juin 2023, le juge des contentieux et de la protection du tribunal judiciaire de Versailles a :
- pris acte du désistement de la société Société Générale de ses demandes au titre du découvert en compte courant,
- constaté que les demandes formées par la société Société Générale au titre du prêt personnel en date du 12 octobre 2018 sont forcloses,
- déclaré irrecevables les demandes formées par la société Société Générale,
- débouté la société Société Générale de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Société Générale au paiement des entiers dépens de la présente procédure,
- rappelé que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.
Par déclaration déposée au greffe le 26 septembre 2023, la société Société Générale a relevé appel de ce jugement.
Au termes de ses dernières conclusions signifiées le 30 octobre 2023, la société Société Générale, appelante, demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
Y faisant droit,
- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- condamner Mme [J] à lui payer la somme de 32 086,40 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 3,05% l'an, du 21 février 2023 jusqu'à complet paiement,
- condamner Mme [J] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.
Mme [J] n'a pas constitué avocat. Par acte de commissaire de justice délivré le 3 novembre 2023, la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelante lui ont été signifiées selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile.
L'arrêt sera donc rendu par défaut conformément aux dispositions de l'article 473 alinéa 1 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 2 mai 2024.
Le 19 juin 2024, la cour a adressé à l'avocat de la société Société Générale le message suivant:
« En application de l'article 446-3 du code de procédure civile, la cour vous invite à lui produire un historique du prêt débutant à la date de conclusion du prêt (12 octobre 2018), les éléments versés aux débats débutant au 31 décembre 2019, et ce avant le 3 juillet 2024.
A défaut, la cour en tirera toute conséquence quant à la forclusion de l'action de la Société Générale et le bien-fondé de sa créance. »
Aucune note en délibéré n'a été adressée à la cour.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il convient de rappeler, qu'en application de l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Il n'est alors fait droit à la demande que dans la mesure où elle est régulière, recevable et bien fondée.
Il est précisé que l'offre préalable ayant été régularisée postérieurement à la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 14 mars 2016, les articles du code de la consommation visés dans le présent arrêt s'entendent dans leur version issue de cette ordonnance.
Sur la forclusion
La société Société Générale fait grief au premier juge d'avoir déclaré son action forclose au motif qu'elle n'a pas produit d'historique de compte sur la période allant de la conclusion de l'offre de prêt (octobre 2018) à la date de recevabilité du dossier de surendettement de Mme [J] (novembre 2020), de sorte qu'elle ne démontre pas que les mensualités allant de novembre 2018 à juillet 2020 ont été réglées et que le premier incident de paiement non régularisé doit être fixé au mois d'octobre 2018.
Elle soutient que le point de départ de la prescription biennale est le 10 juillet 2020, date de la première échéance impayée ce qui ressort des relevés de compte produits pour la période allant du 31 décembre 2019 au 31 décembre 2020 et que l'assignation du 10 mai 2022 a interrompu ce délai.
Elle ajoute que le premier juge a également méconnu l'effet suspensif de la procédure de surendettement l'empêchant d'agir en recouvrement en application des articles 2234 du code civil et L. 722-3 du code de la consommation, rappelant que Mme [J] a été déclarée recevable en sa demande de traitement de sa situation de surendettement le 5 novembre 2020.
Sur ce,
L'article R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement engagées à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par:
- le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ;
- ou le premier incident de paiement non régularisé ;
- ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d'un contrat de crédit renouvelable ;
- ou le dépassement, au sens du 13° de l'article L. 311-1, non régularisé à l'issue du délai prévu à l'article L. 312-93.
Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l'objet d'un réaménagement ou d'un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l'article L. 732-1 ou après décision de la commission imposant les mesures prévues à l'article L. 733-1 ou la décision du juge de l'exécution homologuant les mesures prévues à l'article L. 733-7.
Le délai de forclusion est un délai préfix, non susceptible de suspension ni d'interruption selon les règles applicables en matière de prescription en application de l'article 2220 du code civil, de sorte que les dispositions de l'article 2234 ne sont pas applicables en l'espèce.
En application de l'article 1342-10 du code civil, tous les règlements reçus par le créancier s'imputent sur les échéances les plus anciennement impayées par le débiteur.
En l'espèce, la société Société Générale verse aux débats:
- les relevés du compte de dépôt de Mme [J] pour la période du 31 décembre 2019 au 31 décembre 2020 faisant apparaître que les échéances ont été acquittées du 10 janvier 2020 au 14 avril 2020 à hauteur de 632,21 euros chacune puis du 11 mai 2020 au 10 juin 2020 à hauteur de 538 euros chacune.
- la décision de la commission de surendettement ayant déclaré la demande de Mme [J] recevable le 5 novembre 2020, étant rappelé qu'elle n'a aucun effet interruptif de forclusion à la différence de la décision du 3 février 2021 imposant des meures du désendettement.
La banque ne justifie donc pas du règlement des échéances avant le 10 janvier 2020.
Cependant, pour que la forclusion ne soit pas acquise avant la décision de la commission de surendettement du 3 février 2021, les échéances du prêt doivent avoir été réglées par Mme [J] jusqu'au 3 février 2019. Les versements justifiés pour la période comprise entre janvier et juin 2020 (3 604,84 euros) correspondent à 5 mensualités, de sorte que le premier impayé non régularisé peut être fixé au 10 mai 2019 quand bien même les mensualités antérieures au 10 janvier 2020 n'auraient pas été réglées par l'emprunteur. Il n'est donc pas établi que l'action de la banque était forclose avant la décision imposant des mesures de désendettement.
Le prêteur a engagé son action le 10 mai 2022, date de l'assignation, soit avant l'expiration d'un délai de deux années à compter de la décision de la commission de surendettement du 3 février 2021.
Dès lors, aucune forclusion de l'action du prêteur ne saurait être envisagée et la société Société Générale sera dite recevable en ses demandes.
Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur le montant de la créance
Aux termes de l'article L. 312-39 du code de la consommation, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.
En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application de l'article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.
L'article D. 312-16 dudit code dispose que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l'article L. 312-39, il peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.
La société Société Générale verse aux débats :
- le contrat de crédit,
- le tableau d'amortissement,
- la synthèse des garanties de l'assurance emprunteur et la notice d'information,
- la fiche ressources et charges,
- la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées,
- le justificatif de la consultation du FICP,
- la situation du prêt arrêtée au 10 novembre 2020,
- les courriers de mise en demeure des 10 août 2021 et 1er mars 2022,
- un décompte de la créance arrêté au 21 février 2023.
Il ressort de ces éléments que Mme [J] est redevable envers la société Société Générale des sommes suivantes :
* 28 472,98 euros au titre du capital restant dû au 10 novembre 2020, date de la décision de recevabilité de la commission de surendettement,
* 2 690 euros au titre des échéances impayées entre le 10 juillet et le 10 novembre 2020 (5 X 538 euros),
* à déduire la somme de 1 230,96 euros (pièce 20 et 21)
soit 29 932,02 euros.
Il convient donc de condamner Mme [J] au paiement de cette somme qui portera intérêts au taux contractuel de 3,05%, à compter du 1er mars 2022, date de la mise en demeure.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Mme [J], qui succombe, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens étant infirmées.
En équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt rendu par défaut et par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes formées par la société Société Générale et l'a condamnée aux dépens ;
Statuant à nouveau,
Déclare l'action de la société Société Générale recevable ;
Condamne Mme [I] [J] à payer à la société Société Générale, au titre du prêt, la somme de 29 932,02 euros avec les intérêts au taux contractuel de 3,050% à compter du 1er mars 2022;
Déboute la société Société Générale du surplus de ses demandes ;
Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [I] [J] aux dépens de première instance et d'appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Céline KOC, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,