COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 56F
Chambre civile 1-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 03 SEPTEMBRE 2024
N° RG 23/02535 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VZWJ
AFFAIRE :
S.A.S. DJAY La Société DJAY, exploitant sous le nom commercial GOLDEN VOYAGES
C/
Association BUREAU DES ELEVES DE L'INSA CENTRE VAL DE LOIRE (B DE INSA CVL)
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Février 2023 par le Tribunal de proximité d'ASNIERES SUR SEINE
N° chambre :
N° Section :
N° RG : 1122000043
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 03/09/24
à :
Me Dan ZERHAT
SCP C R T D ET ASSOCIES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.S. DJAY, exploitant sous le nom commercial GOLDEN VOYAGES, SAS inscrite au RCS de NANTERRE sous le numéro 442 133 468, dont le siège social est sis [Adresse 3], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731 - N° du dossier 23078053 -
Représentant : Me Karen ANCONINA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0277
APPELANTE
****************
Association BUREAU DES ELEVES DE L'INSA CENTRE VAL DE LOIRE (B DE INSA CVL)
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentant : Me Anne-sophie DUVERGER et Me Astrid LOMONT de la SCP C R T D ET ASSOCIES, Plaidants et Postulants, avocats au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 713 - N° du dossier 2210335 -
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 Mai 2024, Madame Anne THIVELLIER, Conseillère, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Anne THIVELLIER, Conseillère,
qui en ont délibéré,
Greffière, lors des débats : Madame Julie FRIDEY
Greffière lors du prononcé de la décision : Madame Céline KOC
EXPOSE DU LITIGE
Le 14 avril 2020, le bureau des élèves de l'INSA Centre Val de Loire a réservé un séjour touristique prévu les 25, 26 et 27 septembre 2020 auprès de la société Djay exploitant sous le nom commercial Golden Voyages, à savoir un week-end d'intégration comprenant 684 participants pour un montant total de 45 828 euros.
Par courrier recommandé du 10 août 2020, le bureau des élèves de l'INSA Centre Val de Loire a informé la société Golden Voyages de son annulation du séjour compte tenu de la persistance de la situation de covid-19.
Par courriel du 19 août 2020, la société Golden Voyages a accusé réception de la résiliation du contrat en refusant de procéder à une annulation sans frais en application de ses conditions générales et contractuelles et précisant que ces frais s'élevaient à 13 748,40 euros.
L'acompte de 5 958 euros versé par le bureau des élèves de l'INSA Centre Val de Loire a été encaissé par la société Golden Voyages en septembre 2020.
Par acte d'huissier de justice en date du 17 janvier 2022, le bureau des élèves de l'INSA Centre Val de Loire a saisi le tribunal de proximité d'Asnières-sur-Seine afin d'obtenir :
A titre principal,
- la condamnation de la société Travel Factory à lui rembourser la somme de 5 958 euros outre les intérêts légaux à compter de la mise en demeure ou d'établir un avoir d'un montant égal en application de l'article L. 211-14 du code du tourisme,
A titre subsidiaire,
-la condamnation de la société Travel Factory à lui rembourser la somme de 5 958 euros outre les intérêts légaux à compter de la mise en demeure en application de la clause covid-19 prévue au contrat,
En tout état de cause,
- la condamnation de la société Travel Factory à lui verser la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice subi,
- la condamnation de la société Travel Factory à lui verser la somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions visées à l'audience du tribunal de proximité du 6 décembre 2022, le bureau des élèves de l'INSA Centre Val de Loire a formulé les mêmes demandes, dans les mêmes termes, mais à l'encontre de la société Djay.
Par jugement contradictoire du 6 février 2023, le tribunal de proximité d'Asnières-sur-Seine a :
- déclaré recevable l'association du bureau des élèves de l'INSA Centre Val de Loire en l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre de la société Djay exploitant sous le nom commercial de Golden Voyages,
- condamné la société Djay exploitant sous le nom commercial de Golden Voyages à payer à l'association du bureau des élèves de l'INSA Centre Val de Loire la somme de 5 958 euros outre les intérêts légaux à compter du 17 janvier 2022,
- condamné la société Djay à verser au bureau des élèves de l'INSA Centre Val de Loire la somme de 500 euros en réparation de son préjudice,
- débouté l'association du bureau des élèves de l'INSA Centre Val de Loire et la société Djay du surplus et de leurs autres demandes,
- condamné la société Djay à verser la somme de 700 euros à l'association du bureau des élèves de l'INSA Centre Val de Loire en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Djay exploitant sous le nom commercial de Golden Voyages aux dépens,
- constaté l'exécution provisoire.
Par déclaration déposée au greffe le 18 avril 2023, la société Djay a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 29 avril 2023, la société Djay, appelante, demande à la cour de :
- constater et la juger recevable et bien fondée en son appel à l'encontre du jugement du 6 février 2023,
- constater et juger l'absence de circonstances exceptionnelles et inévitables à l'occasion de la résolution du contrat à la date du 10 août 2022,
- constater et juger l'absence de la preuve que la situation ne pouvait rendre le séjour possible à la date du 25 septembre et à l'occasion de la résolution du contrat à la date du 10 août 2022,
- constater et juger de l'inapplication de l'article L. 211-14-II du code du tourisme et de la clause covid inscrite en page 4 du contrat,
En conséquence,
- infirmer le jugement en date du 6 février 2023 rendu par le tribunal de proximité d'Asnières-sur-Seine,
Et statuant à nouveau,
- constater et juger de l'application des CGV inscrites au contrat et notamment de son article 6 à la résiliation opérée par le bureau des élèves de l'INSA Centre Val de Loire le 10 août 2020,
- constater et juger de l'inapplication de la clause dite covid-19 inscrite au contrat et notamment à la résiliation opérée par le bureau des élèves de l'INSA Centre Val de Loire le 10 août 2020,
- condamner le bureau des élèves de l'INSA Centre Val de Loire à lui payer les sommes suivantes:
* 7 790 euros, au titre du soldes des frais contractuels de résiliation,
* 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 12 octobre 2023, le bureau des élèves de l'INSA Centre Val de Loire, intimé, demande à la cour de :
- confirmer l'ensemble des dispositions du jugement rendu le 6 février 2023 par le tribunal de proximité d'Asnières-sur-Seine,
Et y ajoutant,
- condamner la société Djay à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 14 mai 2024.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande au titre des frais contractuels de résiliation
La société Djay fait grief au premier juge d'avoir jugé, pour faire application de la clause covid-19 du contrat, que l'appréciation de la situation devait se faire à la date de la résiliation, soit le 10 août 2020, tout en retenant des éléments postérieurs dont les parties n'avaient pas connaissance à cette date.
Elle fait valoir que:
- l'application de la clause covid-19 du contrat permettant une annulation sans frais du contrat nécessite la démonstration de la persistance de la situation qui, au jour de la résiliation du contrat, rend la réalisation du séjour impossible avec certitude, ce que le courrier de résiliation ne précise pas ;
- l'interprétation de cette clause doit se faire de manière restrictive compte tenu de son caractère dérogatoire aux conditions générales de vente et par comparaison entre les situations sanitaires à la date de la signature du contrat et à la date de sa résiliation ; qu'au 14 avril 2020, en visant une situation persistant, les parties envisageaient une situation de confinement et de limitation de déplacement et de réunion, ou en tout cas, une situation à ce point paralysante que le séjour ne serait pas possible ; que, cependant, à la date du 10 août, aucune visibilité négative n'existait quant à la réalisation ou non d'un séjour devant se réaliser plus de 6 semaines plus tard; que la situation de covid-19, telle qu'elle existait au moment de la conclusion du contrat, ne persistait pas et ne rendait pas impossible la réalisation du séjour ; que toutes les dispositions étaient prises par les prestataires pour organiser l'événement comme le reconnaît la préfecture dans son courriel produit par l'intimée, de sorte qu'elle ne pouvait que refuser l'application de la clause litigieuse et faire application des conditions générales de vente ;
- la simple crainte d'une évolution défavorable de la situation ne peut permettre une résolution libre et sans frais du contrat.
Le bureau des élèves de l'INSA Centre Val de Loire rétorque que:
- les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; qu'en application de l'article L. 211-1 du code de la consommation, les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs s'interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable à ces derniers ;
- la clause litigieuse est le résultat de discussions précontractuelles entre les parties, lui-même étant soucieux de pouvoir annuler sans frais le contrat dans le cas où ce week-end d'intégration serait interdit ou les prestations prévues impossibles à organiser en raison de la persistance de la situation sanitaire de covid-19 ;
- contrairement à ce que soutient la société Djay, la clause indique uniquement que le contrat sera résilié sans frais si la réalisation du séjour n'est pas possible et cela en lien avec la situation covid-19; que l'appelante tente de l'interpréter de façon très restrictive en y ajoutant des conditions alors qu'en raison de la persistance de la situation sanitaire, tant les activités proposées que les espaces pour se restaurer, ne pouvaient accueillir les 684 participants prévus tout en respectant les mesures sanitaires, les soirées dansantes étant en outre alors interdites ; que dans ces conditions, la réalisation du séjour tel qu'il était prévu, était impossible.
Sur ce,
A titre liminaire, il convient de relever qu'en cause d'appel, le bureau des élèves de l'INSA Centre Val de Loire n'invoque plus les dispositions de l'article L. 211-14 du code du tourisme au soutien de sa demande que le juge avait rejetée sur ce fondement en retenant que ses conditions n'étaient pas remplies, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner ces dispositions.
L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
En application de l'article 1190 du code civil, dans le doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d'adhésion contre celui qui l'a proposé.
En l'espèce, le contrat litigieux signé le 14 avril 2020 contient une clause selon laquelle 'si la situation Covid 19 persistait, ne pouvant rendre la réalisation du séjour possible, Golden Voyages s'engage à rendre le contrat à l'association sans frais'.
Le bureau des élèves de l'INSA Centre Val de Loire a annulé le contrat par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 10 août 2020 en invoquant cette clause contractuelle. C'est donc à cette date que doit s'apprécier si les conditions d'annulation sans frais telles que prévues par cette clause étaient remplies.
Il apparaît que les parties diffèrent sur l'interprétation de cette clause et il convient ainsi de rechercher leur intention commune au moment de sa rédaction.
Il est constant que le contrat a été conclu après le début de l'épidémie de covid-19 et que cette clause est le résultat de discussions précontractuelles entre les parties.
La cour relève que la condition de persistance de la situation covid-19 est rédigée en des termes généraux ne permettant pas d'établir que les parties avaient entendu limiter ses effets à la seule situation de persistance du confinement et de limitation de déplacement comme le soutient la société Djay. Dans cette période d'incertitude quant à l'évolution de la situation au moment de la rédaction de la clause, il doit être retenu, comme l'a justement fait le premier juge, qu'elle avait pour objet de permettre l'annulation sans frais du contrat en cas de persistance de l'épidémie de covid-19 de manière telle qu'elle devait rendre impossible la réalisation du séjour comme prévue par le contrat.
A la date du 10 août 2020, si les restrictions sanitaires avaient été allégées, l'épidémie de covid-19 était toujours présente, ce que ne conteste pas la société Djay.
Il ressort du courriel de la préfecture d'Indre-et-Loire du 11 août 2020 que la manifestation pouvait être organisée sous réserve du respect des consignes sanitaires et qu'il était toujours (souligné par la cour) formellement interdit d'organiser des soirées dansantes. Si ce courriel est postérieur à la date de la résiliation, il en ressort que les mesures sanitaires et cette interdiction étaient déjà en cours précédemment. La sous-préfète y attire également l'attention du bureau des élèves de l'INSA Centre Val de Loire sur la complexité à faire respecter les gestes barrières sur l'ensemble d'un week-end auprès d'un si grand nombre de personnes.
Il est en effet rappelé que l'objet du contrat était l'organisation d'un week-end d'intégration de 3 jours comprenant 684 participants, prévoyant notamment une holy-color, un apéro-mousse d'une durée de deux heures, la fourniture d'une salle couverte de 500 m² équipée d'une scène DJ d'un bar professionnel pour les soirées (démontrant ainsi que des soirées dansantes étaient envisagées) et d'un chapiteau de 600 m² couvert et équipé en tables et bancs pour les repas, ainsi qu'un parc aquatique. Quant à l'hébergement, il était prévu que les étudiants seraient logés dans des mobil-home de 5 à 7 personnes.
Dans ces conditions, il doit être retenu qu'à la date de la résolution du contrat, la situation de covid-19 et les mesures sanitaires (gestes barrières / interdiction des soirées dansantes) ne permettaient pas la réalisation des prestations contractuellement prévues rappelées ci-dessus compte tenu de leur nature et du nombre très important de participants, sans que la société Djay n'apporte d'éléments permettant de démontrer le contraire.
Il convient en conséquence de constater, en application de la clause contractuelle litigieuse, l'annulation du contrat sans frais et de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Djay à rembourser au bureau des élèves de l'INSA Centre Val de Loire la somme de 5 958 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2022, date de l'assignation, et débouté la société Djay de sa demande en paiement de la somme de 7 790 euros au titre du solde des frais contractuels de résiliation.
Sur les dommages et intérêts
La cour rappelle qu'en l'absence de telle ou telle prétention au dispositif des conclusions d'une partie, le juge ne peut statuer dessus et une demande d'infirmation du jugement ne suffit pas à constituer une prétention au sens de l'article 954 sur le fond des demandes qui ont été tranchées par ce jugement (Civ. 2ème, 10 décembre 2020, n°19-16.137).
En l'espèce, si la société Djay demande l'infirmation du jugement déféré, elle ne formule aucune prétention relative au chef du jugement l'ayant condamnée à payer au bureau des élèves de l'INSA Centre Val de Loire la somme de 500 euros et notamment, elle ne demande pas à la cour de le débouter de sa demande à ce titre.
En conséquence, la cour, qui n'est saisie d'aucune demande au titre de ces dommages et intérêts, ne peut que confirmer ce chef du jugement déféré de ce chef.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La société Djay, qui succombe en son appel, est condamnée aux dépens exposés devant la cour, les dispositions du jugement relatives aux dépens de première instance et aux frais irrépétibles étant confirmées.
En cause d'appel, il convient de condamner la société Djay à payer au bureau des élèves de l'INSA Centre Val de Loire la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions dévolues à la cour ;
Y ajoutant,
Condamne la société Djay à payer à le bureau des élèves de l'INSA Centre Val de Loire la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Djay aux dépens d'appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Céline KOC, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière, Le président,