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03/09/2024 | FRANCE | N°22/06347

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre commerciale 3-2, 03 septembre 2024, 22/06347


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 4DC



Chambre commerciale 3-2



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 3 SEPTEMBRE 2024



N° RG 22/06347 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VPB2



AFFAIRE :



S.A. BANQUE FEDERATIVE DU CREDIT MUTUEL (BFCM)





C/

S.E.L.A.R.L. FHB

...







Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 29 Septembre 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE



N° RG : 2022M03453





Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Oriane DONTOT



Me Martine DUPUIS





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de V...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 4DC

Chambre commerciale 3-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 3 SEPTEMBRE 2024

N° RG 22/06347 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VPB2

AFFAIRE :

S.A. BANQUE FEDERATIVE DU CREDIT MUTUEL (BFCM)

C/

S.E.L.A.R.L. FHB

...

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 29 Septembre 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° RG : 2022M03453

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Oriane DONTOT

Me Martine DUPUIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

APPELANTE

S.A. BANQUE FEDERATIVE DU CREDIT MUTUEL (BFCM)

N° SIRET : 355 801 929 RCS STRASBOURG

Ayant son siège

[Adresse 4]

[Localité 5]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20220785

Plaidant : Me Arnaud MOLINIER, de la SQUAIR AARPI avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R 041

****************

INTIMEES

S.E.L.A.R.L. FHB en qualité d'administrateur judiciaire puis de commissaire à l'exécution du plan de la Société VALLOUREC, mission conduite par Maître [V] [X]

Ayant son siège

[Adresse 3]

[Localité 7]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 2270049 -

Plaidant : Me Anne-sophie NOURY, Cabinet Weil, Gotshal, & Manges LLP avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0132

S.C.P. B.T.S.G. ² en qualité de mandataire judiciaire de la Société VALLOUREC, mission conduite par Maître [H] [S]

Ayant son siège

[Adresse 2]

[Localité 7]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 2270049 -

Plaidant : Me Anne-sophie NOURY, Cabinet Weil, Gotshal, & Manges LLP avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0132

S.A. VALLOUREC

Ayant son siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité aud siège social

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 2270049 -

Plaidant : Me Anne-sophie NOURY, Cabinet Weil, Gotshal, & Manges LLP avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0132

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 Juin 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Ronan GUERLOT, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Ronan GUERLOT, Président,

Monsieur Cyril ROTH, Conseiller,

Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,

EXPOSE DU LITIGE

 

Le 4 février 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société Vallourec, a désigné la SELARL FHB comme administrateur judiciaire et la SCP BTSG² comme mandataire judiciaire.

 

Le 6 avril 2021, la Banque fédérative du Crédit mutuel (la banque) a déclaré à la procédure, au titre d'un contrat « RCF Syndiqué 2014 », une créance chirographaire de 90 794 158, 90 euros se décomposant comme suit :

- 89 555 222, 44 euros en principal ;

- 1 134 812, 37 euros pour les intérêts contractuel courus au 3 février 2021 inclus ;

- 104 481, 09 euros en commissions contractuelles courues au 3 février 2021 inclus;

- 1,00 euros, montant à parfaire, au titre des intérêts à échoir, intérêts de retard, commissions contractuelles à échoir ;

- 1,00 euros, montant à parfaire, au titre des coûts additionnels ;

- 1,00 euros, montant à parfaire, pour les autres indemnités, coûts et frais additionnels.

 

Un plan de sauvegarde a été adopté par jugement du 19 mai 2021, rectifié le 20 mai 2021, la Selarl FHB, prise en la personne de Mme [X], étant désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

 

Par lettre recommandée avec avis de réception du 22 février 2022, le mandataire judiciaire a informé la banque que ses créances à échoir déclarées à hauteur d'un euro étaient contestées.

Le 14 mars 2022 la banque a répondu en indiquant qu'elle s'opposait à la contestation et maintenait sa demande d'admission dans son intégralité.

 

Par ordonnance du 29 septembre 2022, le juge-commissaire du tribunal de Commerce de Nanterre a notamment :

- prononcé l'admission de la créance à hauteur de : 1,00 euros ;

- prononcé le rejet de la créance à hauteur de : 0,00 euros ;

 

Le 19 octobre 2022, la banque a interjeté appel de cette ordonnance en toutes ses dispositions.

 

Par dernières conclusions du 19 avril 2024, elle demande à la cour de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé ;

- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit que la créance devait être traitée selon les dispositions du jugement du 19 mai 2021 et admise pour 1,00 euros ;

Statuant à nouveau,

- prononcer l'admission de sa créance au passif de la procédure de sauvegarde de la société Vallourec, au titre de la créance 117, à la somme de 1,00 euro, sauf à parfaire, à titre chirographaire, à échoir, correspondant aux intérêts à échoir, intérêts de retard, commissions contractuelles à échoir, conformément aux modalités décrites dans sa déclaration de créances et aux stipulations du contrat de crédit RCF annexé à la déclaration, nonobstant l'ouverture de la procédure de sauvegarde au titre du Contrat de RCF Syndiqué 2014 ;

- rejeter toutes les demandes formées par la société Vallourec ;

- laisser les dépens à la charge de la procédure collective.

 

Par dernières conclusions du 17 avril 2023, les sociétés Vallourec, BTSG, ès qualités, et FHB, ès qualités, demandent à la cour de :

- prononcer l'irrecevabilité de l'appel interjeté par la banque au motif que la valeur de la créance litigieuse n° 117 n'excède pas le taux de compétence en dernier ressort du tribunal de commerce de Nanterre ;

A titre subsidiaire,

- rejeter la demande d'admission de cette créance pour un montant « à parfaire » au passif de la société Vallourec, en raison de son caractère mal fondé et en raison de l'annulation d'une partie de la créance aux termes de l'accord de principe ;

- confirmer l'ordonnance ;

- débouter la banque de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause,

- condamner la banque au paiement de la somme de 6 000 euros aux intimés au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

 

La clôture de l'instruction a été prononcée le 2 mai 2024.

 

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

 

 

MOTIFS

 

      1- Sur la recevabilité de l'appel

 

La société Vallourec soutient, comme lors de sa procédure d'incident, que l'appel de la banque est irrecevable au motif que le montant de la créance contestée n'excède pas 5 000 euros, de sorte que le juge commissaire a statué en dernier ressort.

 

Dans ses dernières conclusions, la banque ne développe pas d'argumentation sur ce point.

 

Réponse de la cour

 

Selon l'article 794 du code de procédure civile rendu applicable par renvoi de l'article 907 du même code, « les ordonnances du juge de la mise en état n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée à l'exception de celles statuant sur les exceptions de procédure, sur les fins de non-recevoir, sur les incidents mettant fin à l'instance et sur la question de fond tranchée en application des dispositions du 6° de l'article789. »

En droit, la cour d'appel ne peut statuer sur des prétentions contenues dans des conclusions jugées irrecevables par une ordonnance définitive du conseiller de la mise en état (voir par exemple 2e Civ., 17 septembre 2020, n°19-17.673).

 

En l'espèce, dans ses conclusions signifiées le 17 avril 2023, les sociétés Vallourec, BTSG et FHB sollicitent à titre principal que soit prononcée l'irrecevabilité de l'appel interjeté par la banque contre l'ordonnance n°2022M03453, dans la mesure où la valeur de la créance litigieuse n'excède pas le taux de compétence en dernier ressort du tribunal de commerce de Nanterre.

 

Par conclusions du 17 avril 2023, la société Vallourec et les organes de la procédure ont saisi le conseiller de la mise en état d'un incident d'irrecevabilité de l'appel de la banque contre l'ordonnance susvisée pour la même raison.

 

Par une ordonnance contradictoire d'incident du 11 octobre 2023, ce conseiller a déclaré l'appel de la banque recevable, en retenant que, sans préjuger de la validité de la déclaration d'intérêts pour la somme d'un euro « à parfaire », il y avait lieu de constater cette déclaration portait sur une créance d'un montant indéterminé, en sorte que le juge-commissaire n'a pas statué en dernier ressort.

 

Il n'est ni allégué ni démontré que cette décision ait été déférée à la cour dans les quinze jours de son prononcé de sorte qu'elle a acquis l'autorité de la chose jugée.

 

De là il résulte que la demande d'irrecevabilité concernant les mêmes parties a déjà était tranchée. Il y a donc lieu de déclarer cette demande irrecevable.

 

2- Sur l'admission de la créance

 

    a- Sur l'existence de la créance déclarée

 

La banque fait valoir que la contestation de la société Vallourec fondée sur le fait que la créance litigieuse a été cédée au CIC le 28 mai 2021 n'est pas justifiée au regard de l'article L. 622-25 du code de commerce aux termes duquel la déclaration porte sur le montant de la créance dû au jour du jugement d'ouverture peu important les évènements affectant ensuite cette créance. Pour les mêmes raisons, elle conteste ensuite les motifs de l'ordonnance selon lesquels la créance litigieuse été traitée conformément au plan de sauvegarde adopté par le tribunal.

Répondant aux arguments de la société Vallourec, elle soutient qu'elle n'a pas renoncé à sa créance à la suite de la conclusion le 3 février 2021 d'un accord de principe. Sur ce point, elle fait valoir qu'elle était fondée à déclarer la créance litigieuse sans la limiter aux seules sommes devant lui revenir en vertu de cet accord dans la mesure où au jour du jugement d'ouverture cet accord n'était pas encore définitif et soumis à des conditions suspensives.

Elle ajoute qu'elle n'a pas renoncé ni aux intérêts et commissions portant sur la période antérieure au 1er février 2021 et ni à ceux relatifs à la période courant du 2 février au 30 juin 2021. Elle fait observer que les intérêts postérieurs au 4 février 2021, date du jugement de sauvegarde, sont visés d'ailleurs de jugement du 19 mai 2021 arrêtant le plan de sauvegarde. Elle en déduit que les intérêts de la période du 4 février au 30 juin 2021 sont compris dans la créance litigieuse.

Elle précise enfin qu'en application de l'accord de principe, elle a droit en tout état de cause aux intérêts courus entre le 2 juin et 30 juin 2021 ainsi que cela ressort également du jugement du 19 mai 2021 arrêtant le plan de sauvegarde.

 

Les intimées répondent d'abord que si elle a renoncé à sa contestation, cette renonciation ne concernait que les créances portant sur un  euro et non sur celles portant sur un euro « à parfaire » ainsi qu'elle l'a indiqué lors de l'audience du juge-commissaire du 23 juin 2022. Ils soulignent que l'oralité des débats lui permettait de présenter d'autres motifs de contestation que ceux mentionnées dans la lettre de contestation. Ils font valoir qu'en tout état de cause, le juge-commissaire a la possibilité d'admettre ou non la créance litigieuse sans prendre en compte les observations du débiteur ou sa renonciation à contestation.

 

Ils soutiennent également que la banque n'apporte aucun élément justifiant de l'existence et du montant de la créance litigieuse n°117.

Ils considèrent en outre que le banque a renoncé au paiement des intérêts, intérêts de retard, commissions d'engagement, de non-utilisation ou d'utilisation autres que ceux prévus au titre du contrat de RCF syndiqué 2014 jusqu'au 1er février 2021 et ceux courus entre 2 février 2021 et le 30 juin 2021 contenus dans l'accord de principe. Ils font valoir que selon cet accord, les intérêts et les commission courus au titre du contrat RCF syndiqué 2014 doivent être payés à la date de la réalisation des opérations envisagées par l'accord et que s'agissant des intérêts et commissions courus entre le 2 février inclus et le 30 juin 2021 inclus au titre du contrat RCF syndiqué 2014, ceux-ci doivent être en partie remboursés, en partie convertis en capital et en partie refinancés.

 

Réponse de la cour

 

La déclaration de créance doit contenir les éléments de nature à prouver l'existence et le montant de la créance si elle ne résulte pas d'un titre (par exemple, Com. 19 mars 1996, n° 94-13630, publié).

 

Son contenu est fixé par l'article L. 622-25 du code de commerce, aux termes duquel la déclaration porte le montant de la créance due au jour du jugement d'ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances.

 

Une créance d'intérêts à échoir peut être déclarée « à parfaire » si les modalités de calcul de ces intérêts sont précisées dans la déclaration (voir par exemple Com., 25 février 2004, n°02-18.314)

 

En l'espèce,  en premier lieu, comme il sera indiqué ci-après, dès lors que la banque a précisé soit dans la déclaration de créance elle-même, soit dans ses annexes, les modalités de calculs des intérêts ou des commissions à échoir, elle satisfait aux exigences rappelées ci-dessus quant à la preuve de sa créance.

 

En deuxième lieu, les intimées concluent qu'à la suite de l'accord de principe du 3 février 2021, la banque a renoncé aux paiements des intérêts autres que ceux courus jusqu'au 1er février inclus et entre le 2 février 2021 inclus le 30 juin 2021 inclus.

 

L'article B 10 de l'annexe F de l'accord de principe du 3 février 2021 stipule d'une part, que « les intérêts, intérêts de retard et commissions courus au titre du contrat RCF syndiqué 2014 jusqu'au 1er février 2021 inclus seront payés en numéraire à la date de la réalisation de l'ensemble des opérations envisagées par l'accord de principe » et d'autre part que « les intérêts, les intérêts de retard et les commissions courus entre le 2 février inclus et le 30 juin 2021 au titre du contrat de RCF syndiqué 2014 seront restructurés dans le plan de sauvegarde en étant en partie remboursés, en parties en capital et en partie refinancés. »

 

Cet accord prévoit également que « toute autre créance accessoire due au titre du contrat de RCF syndiqué 2014 est annulée à la date de la réalisation à la condition que celle-ci intervienne avant le 31 juillet 2021. »

 

Les intimées ne peuvent utilement soutenir que la banque a renoncé aux intérêts litigieux à la suite de l'intervention de cet accord. En effet, dès lors que l'accord du 3 février 2021 n'était pas encore définitif car soumis à des conditions suspensives, ce que ne contestent pas les intimées, la banque ne pouvait pas lors de sa déclaration de créance du 6 avril 2021 se limiter à déclarer les sommes lui revenant au titre de l'accord.

 

En outre, s'il n'est pas discuté que l'accord de principe est devenu définitif, que le jugement du 19 mai 2021 a adopté le plan de sauvegarde, y compris en ce qui concerne les intérêts et commissions portant sur la période courant du 4 février au 30 juin 2021, que ces intérêts et commissions ont été remboursés selon les modalités du plan, il n'en demeure pas moins que l'article L. 622-25 du code de commerce prévoit qu'une déclaration de créance doit indiquer le montant des créances dues au jour du jugement d'ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances.

 

Le moyen fondé sur l'inexistence de la créance doit donc être rejeté.

 

      b-Sur la validité d'une déclaration d'une créance « à parfaire »

 

La banque soutient qu'elle pouvait déclarer une créance « à parfaire » portant sur des intérêts à échoir à titre provisionnel car elle a précisé à la section IV de sa déclaration les modalités de leur calcul ainsi que le montant du principal.

 

Les intimées répondent, sur le fondement de l'article L. 622-25 du code de commerce, que la banque ne pouvait pas déclarer une créance « à parfaire ». Ils font valoir à cet égard que le juge-commissaire ne peut pas admettre un créancier à titre provisionnel sauf pour les créances fiscales et sociales. Ils en déduisent que l'admission d'une créance pour un euro sauf mémoire n'est pas possible et que la décision d'admission contenant la mention « intérêts mémoire », sans indication des modalités de calcul ne vaut pas admission de la créance d'intérêts.

 

 

Réponse de la cour

 

Comme indiqué ci-dessus, s'agissant des intérêts à échoir, y compris les intérêts de retard, dont le cours n'est pas arrêté en application de l'article L. 625-28, alinéa 1er, du code de commerce, le créancier doit se conformer aux dispositions de l'article R. 622-23 du même code en vertu duquel « la déclaration de créance contient les modalités de calcul des intérêts dont le cours n'est pas arrêté, cette indication valant déclaration pour le montant ultérieurement arrêté. »

 

Le créancier est donc tenu d'indiquer les modalités de calcul et le taux des intérêts à échoir doivent être mentionnés si leur montant ne peut être chiffré au jour de la déclaration de créance (par exemple, Com., 15 mars 2005, n° 03-18.607, publié).

 

Ainsi, une déclaration de créance au titre d'intérêts libellée ' à parfaire' ou 'pour mémoire', sans mention de la base de calcul ni du taux applicable, ne peut être admise (par exemple : Com., 27 oct. 1998, n° 96-17.717 ; Com., 9 juil. 2002, n° 98-23.044).

 

Une telle déclaration est toutefois valable si elle est complétée par l'indication du taux d'intérêt applicable et des modalités de calcul des intérêts, le cas échéant par renvoi à des documents annexés à la déclaration comportant ces renseignements (par exemple : Com., 14 oct. 1997, n° 95-12.110 ; Com., 15 mars 2005, n° 03-18.607, précité, Com., 17 octobre 2018, pourvoi n° 17-17.268).

 

Le juge doit admettre une créance, sans tenir compte des événements pouvant influer sur le cours des intérêts à échoir, sans prendre en considération les modalités d'un plan ou les sommes pour lesquelles le créancier sera effectivement retenu dans les répartitions et les dividendes (Com., 13 février 2019, pourvoi n° 17-26.361, publié).

 

Lorsque les intérêts continuant à courir après le jugement d'ouverture ont fait l'objet d'une déclaration du créancier, le juge-commissaire, qui décide de les admettre, doit indiquer leurs modalités de calcul, sans en fixer le montant, sa décision valant admission, dans la limite de ces modalités, de la créance d'intérêts telle qu'arrêtée ultérieurement et la mention « intérêts mémoire » ne peut valoir admission (Com., 13 novembre 2007, pourvoi n° 06-16.696, publié).

 

En l'espèce, il résulte de la section IV de la déclaration de créance (pièce 1 de l'appelante) qu'au titre des créances à échoir, la banque a déclaré au mandataire :

 

« Intérêts à échoir, intérêts de retard, commissions contractuelles à échoir nonobstant de la procédure de sauvegarde au titre du contrat syndiqué 2014 : 1,00 euros (montant à parfaire). » 

 

Elle a également déclaré au titre des créances à échoir les sommes de 89 555 222,44 euros (somme en principal en vertu du contrat syndiqué 2014), de 1 134 812,34 euros (intérêts contractuels courus au 3 février 2021 inclus au titre du contrat RCF syndiqué 2014) et de 104 481,09 euros (commissions contractuelles courues au 3 février 2021 inclus au titre du contrat RCF syndiqué 2014) et de un euro, montant à parfaire (intérêts à échoir, intérêt de retard, commissions contractuelles à échoir, nonobstant l'ouverture de la procédure de sauvegarde au titre du contrat de RCF syndiqué 2014) soit la somme totale de 90 794 718,90 euros au jour du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde de la société Vallourec.

 

Comme rappelé ci-dessus, une déclaration d'intérêts ou de commission pour un montant « à parfaire » n'est valable que si les modalités de calcul et le taux des intérêts à échoir sont indiqués ainsi que le montant du principal.

 

A cet égard, la cour relève que le paragraphe A « intérêts à échoir » de la section IV de la déclaration de créance en cause mentionne que le calcul du taux annuel exprimé en pourcentage déterminé par « l'agent » est décrit à la section II A de la déclaration de créance.

 

Selon le paragraphe « a » de la section II, le taux annuel exprimé en pourcentage par « l'agent » est la somme de a) soit « la marge applicable, telle que celle-ci est définie à l'article 9-3 du contrat RCF syndiqué 2014 (joint à la déclaration de créance en annexe 2) tel que modifié par l'article 3.2 de l'amendment letter au contrat RCF Syndiqué 2014 en date du 1er mars 2017 (jointe à la déclaration de créance en annexe 5).

 

Le contrat de crédit renouvelable produit en anglais (contrat de RCF syndiqué 2014) est annexé à la déclaration de créance. Son article 9-3 (« Margin ») donne les modalités de calcul de la « marge »..

 

S'agissant des intérêts de retard, le paragraphe B « intérêts de retard » de la section IV stipule que « toute somme due par la société Vallourec au titre des documents de financement qui ne serait pas payé à sa date d'échéance porte intérêts sur le montant impayé, à la demande de l'agent, à compter de la date d'exigibilité de ce montant et jusqu'à la date de son paiement effectif au taux de 1% majoré du plus élevé des montants suivants, à savoir d'une part, « le taux applicable à l'impayé immédiatement avant sa date d'échéance, conformément à l'article 9-1 (interest rate) du contrat de RCF syndiqué 2014 ; d'autre part, le taux qui aurait été applicable, conformément à l'article 9-1 (« interest rate ») du contrat de RCF syndiqué 2014, si le montant payé avait pendant la période de non-paiement, constitué une avance (dans la devise du montant impayé) au titre des périodes d'intérêts successives d'une durée que l'agent détermine (ne pouvant pas excéder trois mois). »

 

L'article 9.1 du contrat de prêt définit le taux d'intérêt de chaque emprunt pour chaque période d'intérêts.

 

Enfin, le paragraphe C de la section IV prévoit que « conformément à l'article 12.1 (a) (« Utilisation fee ») du contrat de RCF syndiqué 2014, la société Vallourec s'engage à verser à l'agent, pour le compte de chaque prêteur, une commission d'utilisation, dont le calcul est décrit à la section III A de la déclaration de créance. »

 

Il résulte de ce qui précède que les modalités de calcul des commissions et intérêts conventionnels ou de retard sont fixés soit directement dans la déclaration de créance elle-même, soit par le contrat de prêt annexé à la déclaration de prêt et auquel la déclaration renvoie.

 

Précisant les modalités de calcul des commissions et intérêts à échoir, la déclaration de créance était donc régulière.

 

Le juge-commissaire ne pouvait donc admettre la créance à hauteur d'un euro au motif que la créance avait été traitée conformément au plan de sauvegarde adopté par le tribunal de commerce par jugement du 19 mai 2021.

 

En effet, la créance devait être admise pour son montant au moment du jugement d'ouverture de la procédure collective

 

En conséquence, il y a lieu, par voie d'infirmation, d'admettre la créance de la banque au titre de la créance litigieuse référencée n° 117 selon les écritures des parties, à la somme d'un euro, sauf à parfaire, à titre chirographaire, correspondant aux intérêts à échoir, intérêts de retard, commissions contractuelles à échoir, conformément aux modalités de calcul décrites dans la déclaration de créances et aux stipulations du contrat de crédit RCF annexé à la déclaration, nonobstant l'adoption du plan de sauvegarde.

 

3- Sur les demandes accessoires

 

L'issue du litige commande de rejeter la demande des intimées fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

 

 

PAR CES MOTIFS,

 

La cour, statuant contradictoirement,

 

 

Dit irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée la demande tendant à l'irrecevabilité de l'appel interjeté par la société Banque fédérative du crédit mutuel ;

 

Infirme l'ordonnance en ce qu'elle a admis la créance à hauteur d'un euro ;

 

Statuant à nouveau et y ajoutant,

 

Admet la créance n° 117 de la société Banque fédérative du crédit mutuel, pour la somme d'un euros, sauf à parfaire, à titre chirographaire, correspondant aux intérêts à échoir, intérêts de retard, commission contractuelles à échoir, conformément aux modalités de calcul décrites dans la déclaration de créances et aux stipulations du contrat de crédit RCF annexé à la déclaration ;

 

Dit que les dépens seront employés en frais de procédure collective ;

 

Rejette la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président, et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre commerciale 3-2
Numéro d'arrêt : 22/06347
Date de la décision : 03/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-03;22.06347 ?
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