COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 53A
chambre 1-2
ARRET N°
PAR DEFAUT
DU 03 SEPTEMBRE 2024
N° RG 22/04430 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VJQR
AFFAIRE :
S.A. CREATIS
C/
M. [P] [W] [R] [K]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Mai 2022 par le Juge des contentieux de la protection de CHARTRES
N° RG : 22/00399
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 03/09/24
à :
Me Sabrina DOURLEN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A. CREATIS
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Ayant son siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentant : Maître Sabrina DOURLEN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 453
Représentant : Maître Jean-Pierre HAUSSMANN de la SELARL HAUSMANN KAINIC HASCOËT, Plaidant, avocat au barreau d'ESSONNE -
APPELANTE
****************
Monsieur [P] [W] [R] [K]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Assigné par Procès-Verbal de recherches infructueuses (article 659 du code de procédure civile)
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 Mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Isabelle BROGLY, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
EXPOSE DU LITIGE
Selon offre préalable acceptée le 23 juin 2016, la société anonyme Créatis a consenti à M. [P] [R] [K] un regroupement de crédits pour un montant en capital de 35 900 euros remboursable au taux nominal de 5,82 %, soit un TAEG de 7,54 %, en 144 mensualités de 347 euros hors assurance, soit 378,41 euros avec assurance.
Se prévalant d'échéances demeurées impayées, la société Créatis a, par acte de commissaire de justice délivré le 25 janvier 2022, assigné M. [R] [K] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Chartres, aux fins d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- sa condamnation à lui payer la somme de 30 754,30 euros au titre du crédit, avec intérêts contractuels au taux de 5,82 % à compter du 26 mai 2021 et, à titre subsidiaire, à compter de l'assignation,
- de voir ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil,
- de voir, à titre infiniment subsidiaire, constater les manquements graves et réitérés de M. [R] [K] et prononcer la résolution judiciaire du contrat sur le fondement des articles 1224 à 1229 du code civil,
- de voir condamner alors M. [R] [K] à lui payer la somme de 30 754,30 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
En tout état de cause,
- voir condamner M. [H] [V] à lui payer la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.
Par jugement réputé contradictoire du 10 mai 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Chartres a :
- prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la société Créatis au titre du contrat de regroupement de crédits souscrit par M. [R] [K] 23 juin 2016, à compter de cette date,
- réduit l'indemnité sollicitée par la société Créatis au titre de la clause pénale à un euro,
- écarté l'application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier,
- condamné en conséquence M. [R] [K] à payer à la société Créatis la somme de 17 813,94 euros au titre du capital restant dû et de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter du 26 mai 2021, sans application de la majoration légale de l'article L.313-3 du code monétaire et financier,
- rejeté la demande de la société Créatis au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [R] [K] aux dépens,
- rejeté le surplus des demandes,
- rappelé que le jugement était exécutoire de plein droit à titre provisoire.
Par déclaration reçue au greffe le 6 juillet 2022, la société Créatis a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 9 septembre 2022, elle demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions d'appel,
- y faire droit,
- infirmer le jugement entrepris en ses dispositions critiquées dans la déclaration d'appel,
Statuant à nouveau,
- condamner M. [R] [K] à lui payer la somme de 30 754,30 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,82 % l'an à compter du jour de la mise en demeure du 26 mai 2021,
Subsidiairement, si la cour confirmait la déchéance du droit aux intérêts contractuels,
- condamner M. [R] [K] à lui payer la somme de 17 813,94 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 mai 2021, sans suppression de la majoration de 5 points,
En tout état de cause,
- condamner M. [R] [K] à lui payer la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [R] [K] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
M. [R] [K] n'a pas constitué avocat. Par acte de commissaire de justice délivré le 5 septembre 2022, la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelant lui ont été signifiées selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile.
L'arrêt sera, dès lors, rendu par défaut.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 9 mars 2023.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la déchéance du droit aux intérêts
La société Créatis, appelante, fait grief au premier juge de l'avoir déchue de son droit aux intérêts contractuels, après avoir relevé qu'aucun bordereau de rétractation n'apparaissait dans les documents fournis par le prêteur.
Elle fait valoir que la signature par l'emprunteur de l'offre préalable, comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur, qui doit rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations, lui a remis le bordereau de rétractation, constitue seulement un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.
Elle indique que l'article L.311-12 du code de la consommation dans sa version applicable aux faits dispose que " afin de permettre l'exercice de ce droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit ". Si l'exemplaire détachable n'est à joindre qu'à l'exemplaire du contrat de prêt de l'emprunteur, c'est qu'il n'a pas à figurer sur l'exemplaire du prêteur.
Elle relève que M.[R] [K] a bien reconnu rester en possession d'un exemplaire du contrat doté d'un formulaire détachable de rétractation.
Elle soutient que la reconnaissance, par cette clause, ne constitue ainsi, en effet, qu'un indice pouvant être corroboré par tout moyen.
Elle verse aux débats l'exemplaire de l'emprunteur " à conserver " dont M.[R] [K] a été destinataire et est resté en possession et relève que le bordereau de rétractation figure en page 28/40 de l'exemplaire emprunteur " à conserver ".
Elle produit la liasse contractuelle qui corrobore la clause de reconnaissance signée par M.[R] [K].
Elle estime ainsi avoir respecté les dispositions du code de la consommation ainsi que la jurisprudence de la Cour de cassation.
L'appelante sollicite l'infirmation du jugement entrepris sur ce point, et demande à la cour de dire n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts contractuels et de condamner M.[R] [K] à lui payer la somme de 30 754,30 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,82 % l'an à compter du jour de la mise en demeure du 26 mai 2021.
Sur ce,
Il résulte des dispositions des articles L.312-21 et R.312-9 du code de la consommation qu'un formulaire détachable de rétractation, conforme au modèle type joint en annexe de ce code, doit être joint à l'exemplaire du contrat de prêt remis à l'emprunteur.
Par arrêt du 18 décembre 2014 (CA Consumer Finance, C-449/13), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil, doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à ce qu'en raison d'une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l'exécution desdites obligations de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48.
Il importe, en conséquence, à la société Créatis de rapporter la preuve qu'elle a satisfait aux obligations que lui impose le code de la consommation en fournissant à M.[R] [K] un bordereau de rétractation conforme au modèle type.
En l'espèce, la société Créatis, soutient que si l'exemplaire détachable n'est à joindre qu'à l'exemplaire du contrat de prêt de l'emprunteur, c'est qu'il n'a pas à figurer sur l'exemplaire du prêteur.
En matière de crédit à la consommation, la clause de l'offre de prêt par laquelle l' emprunteur reconnaît avoir bien eu connaissance d'un bordereau de rétractation conforme au code de la consommation ne suffit pas, à elle seule, à prouver la bonne exécution de l'obligation d'information. Cette clause n' est qu'un indice que le prêteur doit corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires. Il ne peut s'agir de la liasse contractuelle, car, s'agissant d'un document émanant de la seule banque, elle ne peut corroborer l'offre de prêt telle qu'acceptée par l'emprunteur.
En l'espèce, l'exemplaire de l'emprunteur " à conserver " dont M. [R] [K] a été destinataire contient un bordereau de rétractation figure en page 28/40 de la liasse contractuelle produite aux débats. La liasse contractuelle non signée des emprunteurs est toutefois un document émanant de la seule banque qui n'est pas de nature à corroborer l'offre de prêt et la connaissance du bordereau de rétractation par M. [R] [K] en l'absence de toute signature de cet emprunteur.
Ainsi, la société Créatis ne justifie pas avoir respecté les dispositions du code de la consommation en fournissant à la cour, par le dépôt de la seule liasse contractuelle qui constitue un document émanant de la seule banque, des éléments complémentaires venant corroborer l'obligation d'information effective faite à l'emprunteur, dont elle ne prouve pas qu'il ait été informé du bordereau de rétractation.
Par suite, la société Creatis doit être déchue en totalité de son droit aux intérêts contractuels et le jugement confirmé de ce chef.
Sur le montant de la créance
A l'appui de sa demande, la société Créatis produit aux débats en cause d'appel :
- l'offre de prêt signée le 23 juin 2016 et exemplaire emprunteur contenant le bordereau de rétractation
- une notice d'assurance
- le FIPEN
- un document d'information propre au regroupement de créances
- une fiche de dialogue
- un justificatif de consultation du FICP
- un tableau d'amortissement
- un historique du prêt
- une mise en demeure préalable LRAR du 14 avril 2021
- une mise en demeure LRAR du 26 mai 2021
- un décompte de créance au 26 octobre 2021
- des éléments d'identité et de solvabilité
Le décompte de créance à la date de la déchéance du terme le 9 février 2021 se décompose comme suit :
intérêts : 2096, 66 euros
capital restant dû : 26 830, 57 euros
Assurance : 365, 13 euros
Indemnité conventionnelle : 2146, 65 euros
Total : 31 438, 81euros
Le prêteur étant déchu du droit aux intérêts, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande formulée au titre des intérêts échus et les sommes versées au titre des intérêts seront imputées sur le capital restant dû.
Au regard de l'historique du prêt, il y a lieu de faire droit à la demande en paiement de la société Creatis à hauteur de la somme de 24 733, 91 euros après déduction des intérêts contractuels sur le seul capital restant dû.
Le jugement est infirmé de ces chefs.
Sur l'indemnité de 8%
Aux termes de l'article 1152 du code civil alors applicable, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.
Il convient pour apprécier, d'office ou en cas de contestation, le montant contractuellement prévu de l'indemnité, de se référer à l'économie globale du contrat et à son équilibre, ainsi qu'à son application, et notamment au montant du crédit, à la durée d'exécution du contrat, au bénéfice déjà retiré par le prêteur, au taux pratiqué et au pourcentage fixé pour l'indemnité.
Compte tenu de la durée du prêt et du taux pratiqué, qui est élevé par rapport au taux légal actuellement en vigueur, l'indemnité contractuelle de 8 % sollicitée à hauteur de 2146, 45 euros apparaît manifestement excessive au regard du bénéfice déjà retiré par le prêteur, elle sera donc réduite à la somme d'un euro que les emprunteurs seront condamnés à payer à la banque.
Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur la suppression de la majoration de 5 points du taux d'intérêt légal,
Le prêteur, bien que déchu de son droit aux intérêts, demeure fondé à solliciter le paiement des intérêts au taux légal, en vertu de l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction applicable, sur le capital restant dû, majoré de plein-droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier.
Ces dispositions légales doivent cependant être écartées s'il en résulte pour le prêteur la perception de montants équivalents ou proches de ceux qu'il aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n'avait pas été prononcée, sauf à faire perdre à cette sanction ses caractères de dissuasion et d'efficacité.
En l'espèce, le crédit personnel a été accordé à un taux d'intérêt annuel fixe de 5,82 %. Dès lors, les montants susceptibles d'être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points ne seraient pas significativement inférieurs à ce taux conventionnel.
Il convient en conséquence de ne pas faire application de l'article 1153 du code civil dans son intégralité et de dire que la somme restant due en capital au titre de ce crédit portera intérêts au taux légal, à compter de la mise en demeure de payer effectuée simultanément au prononcé de la déchéance du terme sans majoration de retard de 5 points.
Le jugement est confirmé de cet autre chef.
Sur l'indemnité procédurale et les dépens
Il convient de condamner M. [P] [R] [K], qui succombe, aux dépens d'appel, le jugement entrepris étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrepetibles.
Il y a lieu de faire droit aux demandes de la société Créatis sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner M. [P] [R] [K] à lui payer à ce titre la somme de 1000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt rendu par défaut, par mise à disposition au greffe,
Infirme partiellement le jugement déféré,
Statuant à nouveau sur les chefs du jugement infirmés,
Condamne M. [P] [R] [K] à verser à la société Créatis les sommes de :
- 24 733, 91 euros au titre du solde du crédit du 23 juin 2016, outre les intérêts au taux légal sans majoration de retard de 5 points, à compter de la signification du présent arrêt,
Déboute la société Créatis de ses demandes plus amples ou contraires,
Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris,
Condamne M. [P] [R] [K] à verser à la société Créatis la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [P] [R] [K] aux dépens d'appel.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Céline KOC, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,