COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 52Z
Chambre civile 1-2
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 03 SEPTEMBRE 2024
N° RG 21/02983 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UPWG
AFFAIRE :
S.C. SC [Localité 13]
C/
S.A.R.L. HARAS DE [Localité 13] société au capital de 99 000 euros
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Avril 2021 par le Tribunal paritaire des baux ruraux de SAINT GERMAIN EN LAYE
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 03/09/24
à :
Me Olivier BAULAC
Me Gabriel RIMOUX
+ parties
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.C. SC [Localité 13]
N° SIRET : 479 077 364
[Adresse 9]
[Localité 6]
Représentée
Ayant pour avocat Me Olivier BAULAC de la SCP CABINET BAULAC & ASSOCIES, Plaidant et Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0207
APPELANTE
****************
S.A.R.L. HARAS DE [Localité 13] société au capital de 99 000 euros
N° SIRET : 538 03 5 7 00
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée
Ayant pour avocat Me Gabriel RIMOUX de la SCP NAUDEIX & RIMOUX, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 198 - Et Me Samuel CREVEL de la SELEURL SCILLON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
S.E.L.A.R.L. JSA mandataire judiciaire de la SARL HARAS DE [Localité 13]
N° SIRET : 419 48 8 6 55
[Adresse 2]
[Localité 4]
Non représentée
S.E.L.A.R.L. AJ ASSOCIES Es qualité de « Administrateur judiciaire » de la « SARL HARAS DE [Localité 13] »
[Adresse 1]
[Localité 4]
Non représentée
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue en audience publique, le 20 Février 2024, Monsieur Philippe JAVELAS, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,
Madame Anne THIVELLIER, Conseillère,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Françoise DUCAMIN
EXPOSE DU LITIGE
En vertu d'une cession de bail commercial intervenue dans un acte de cession du fonds de commerce du 3 octobre 2011 consentie par la SARL [Adresse 10], la SARL Haras de [Localité 13] est devenue locataire de 60 box, 8 selleries, 1 salle de douche aire de pansage, 1 local atelier, 2 remises, 1 bureau, 3 logements et 1 chambre, situées au lieudit "[Adresse 11], appartenant à la SCI [Localité 13].
Par contrat signé le 1er novembre 2011, celle-ci lui a consenti un bail rural sur les mêmes éléments de ce centre équestre. Deux avenants des 1er octobre 2014 et 1er avril 2015 ont ajouté la location d'un appartement, de 6 box et d'autres locaux liés à l'exploitation de l'activité.
La SARL Haras de [Localité 13] fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire en vertu d'un jugement du tribunal de grande instance de Versailles, ayant nommé 1e 13 décembre 2018 la SELARL AJ Associés comme administrateur judiciaire et la SELARL JSA en qualité de mandataire judiciaire.
Par acte d'huissier du 24 avril 2019, la SCI [Localité 13] a donné à la SARL Haras de [Localité 13] congé pour les biens loués en vue de la reprise par son associé M. [G] [E], sur le fondement de l'article L411- 60 du code rural avec effet au 31 octobre 2020.
Par requête enregistrée 1e 31 juillet 2019 la SARL Haras de [Localité 13] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Germain-en-Laye, afin de contester la validité de ce congé, au visa des articles L331-1-1, R331-1, L411-47, L411-58, L411-59 et L411-60 du code rural et de la pêche maritime.
La société locataire soutenait que le congé était nul pour des motifs de forme et de fond en ce que les conditions de la reprise de son activité équestre exigées ne sont pas réunies par la bailleresse, à savoir l'objet agricole, la détention d'un cheptel, une autorisation d'exploitation et un projet d'exploitation a titre effectif. Elle ajoutait que M. [T] [B] ne remplit pas les conditions de détention des parts sociales depuis plus de 9 ans ni ne prouve qu'il va participer de manière effective aux travaux agricoles de l'exploitation; s'agissant de M. [E], la SARL affirmait ne disposer d'aucune information sur ses conditions de capacité ou d'expérience professionnelle ni sur l'obtention d'une autorisation personnelle d'exploiter. Elle relevait enfin avoir reçu le 11 mai 2020 un congé pour changement de destination d'une partie des terres occupées.
Les SELARL AJ Associés et JSA s'associaient à la demande d'annulation du congé.
La société civile [Localité 13] concluait à la validation du congé avec libération des lieux, sous astreinte de 500€ par jour de retard à compter du 16 novembre 2020, à titre subsidiaire au constat de la nullité du bail à ferme et de ses avenants au grief de la locataire et en conséquence la libération des lieux, et, à titre reconventionnel, au prononcé de la résiliation judiciaire du bail rural aux torts de la SARL pour non-détention d'autorisation préfectorale d'exploitation.
Par jugement contradictoire du 7 avril 2021, le tribunal paritaire des baux ruraux du tribunal de proximité de Saint-Germain-en-Laye a:
- prononcé la nullité du congé délivré le 24 avril 2019 par la SC [Localité 13] à la SARL Haras de [Localité 13] concernant le bail signe le 1er novembre 2011 pour les locaux sis "[Adresse 11],
- dit qu'en conséquence ledit contrat est renouvelé pour 9 années à compter du 1er novembre 2020,
- dit que la demande subsidiaire est sans objet,
- rejeté la demande d'annulation et de résiliation du bail,
- rejeté la demande d'expulsion sous astreinte,
- condamné la SC [Localité 13] aux entiers dépens mais a rejeté la demande de distraction,
- condamné la SC [Localité 13] à allouer une indemnité de procédure de 1 200 euros à la SELARL AJ Associés et à la SELARL JSA, et a rejeté les autres demandes présentées a ce titre,
- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la décision.
Par déclaration déposée au greffe le 7 mai 2021, la SC [Localité 13] a relevé appel de ce jugement.
Au terme de ses dernières conclusions signifiées le 19 février 2024 et soutenues oralement par M. [E], gérant, à l'audience du 20 février 2024, la SC [Localité 13], appelante, demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- de valider le congé pour reprise délivré le 24 avril 2019 à l'encontre de la SARL Haras de [Localité 13] et, en conséquence, ordonner la libération par elle des lieux occupés sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 1er novembre 2020
- de condamner la SARL Haras de [Localité 13] à la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens et prononcer l'exécution provisoire de votre décision à intervenir.
Au terme de ses dernières conclusions signifiées le 30 mai 2023 et soutenues oralement à l'audience du 20 février 2024, la SARL Haras de [Localité 13], intimée, demande à la cour de :
- déclarer irrecevables les écritures et les pièces de l'appelante, en raison du fait que les conclusions n'ont pas été soutenues oralement à l'audience de plaidoirie du 20 février 2024 par l'avocat de la société appelante,
- rejeter l'ensemble des prétentions de la SC [Localité 13],
- confirmer le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Saint- Germain-en- Laye du 7 avril 2021 en toutes ses dispositions,
- condamner la société civile [Localité 13] à verser à la SARL Haras de [Localité 13] la somme de sept mille euros (7 000 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner la société civile [Localité 13] aux entiers dépens, dont distraction au profit du cabinet Scillon, avocat.
La société JSA, ès qualités de mandataire de la société Haras de [Localité 13], qui a accusé réception le 12 janvier 2024 de la convocation qui lui a été adressée par lettre recommandée pour l'audience du 20 février 2024, n'a pas comparu et n'était pas représentée à cette audience. Elle a fait connaître à la cour, par courrier du 22 janvier 2024, qu'elle n'avait plus de mission dans ce dossier depuis le 1er juin 2021.
La société AJ Associés, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Haras de [Localité 13], qui a accusé réception le 15 janvier 2024 de la convocation qui lui a été adressée par lettre recommandée pour l'audience du 20 février 2024, n'a pas comparu et n'était pas représentée à cette audience.
Les sociétés JSA et AJ Associés ayant été intimées à personne morale, la cour statuera par arrêt réputé contradictoire, en application des dispositions de l'article 474, alinéa 1er, du code de procédure civile.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I) Sur la recevabilité des conclusions de la SC [Localité 13]
La société Haras de [Localité 13] soutient que les conclusions de la société [Localité 13] sont irrecevables, en raison du fait qu'elles n'ont pas été soutenues oralement à l'audience par le conseil de l'appelante.
Réponse de la cour
Selon l'article 892 du code de procédure civile, « lorsque les décisions du tribunal paritaire sont susceptibles d'appel, celui-ci est formé, instruit et jugé suivant la procédure sans représentation obligatoire », laquelle est orale selon le premier alinéa de l'article 946 du même code.
L'article 446-1 de ce code précise que « les parties présentent oralement à l'audience leurs prétentions et les moyens à leur soutien. Elles peuvent également se référer aux prétentions et aux moyens qu'elles auraient formulés par écrit. Les observations des parties sont notées au dossier ou consignées dans un procès-verbal ».
L'article 931 du code de procédure civile énonce, enfin, que les parties se défendent elles-mêmes devant la cour mais qu'elles ont la faculté de se faire assister ou représenter selon les règles applicables devant la juridiction dont émane le jugement.
Par ailleurs, en matière de procédure orale, une demande en justice présentée dans un écrit n'est valablement formée que lorsqu'elle est oralement soutenue à l'audience des débats (Cass. Soc. 13 septembre 2017, n°16-13.578).
Au cas d'espèce, M. [E], gérant de la société [Localité 13], s'est présenté à l'audience et a soutenu, dans le cadre de l'oralité des débats, les conclusions rédigées par son conseil absent.
Par suite, le grief manquant en fait, les conclusions de l'appelante seront jugées recevables.
II) Sur la validité du congé pour reprise
Moyens des parties
La bailleresse fait grief aux premiers juges d'avoir annulé le congé pour reprise délivré à son preneur le 24 avril 2019, au motif que, s'il n'existait pas de cause de nullité de forme du congé, la bailleresse s'était livrée à un montage frauduleux, en modifiant, très peu de temps avant la délivrance du congé litigieux, sa dénomination et son objet social pour mettre en avant ses activités agricoles et, au second plan, les activités civiles qu'elle exerçait depuis 15 ans, en désignant un nouvel associé, M. [B], et en sollicitant, au surplus et avant de délivrer un nouveau congé pour changement de destination, l'autorisation de déplacer sur la partie basse du site les trente box qu'elle avait été condamnée par décision de justice à détruire puis à reconstruire, aux fins de libérer les parcelles AI [Cadastre 7] et [Cadastre 8] située sur la partie haute du site et d'y construire des bâtiments à usage d'habitation, opération économiquement plus intéressante.
Poursuivant à hauteur de cour la validation du congé litigieux, la bailleresse fait valoir que:
- M. [E] justifie bien de sa qualité d'associé au visa des statuts de la société [Localité 13], de sa qualité de gérant de cette société, de même qu'il rapporte la preuve de son affiliation au régime de la protection sociale des non salariés des professions agricoles,
- le congé litigieux mentionne que la bailleresse reprend les biens loués et que l'exploitation sera assurée par M. [G] [E],
- elle justifie de son objet agricole depuis au moins neuf ans en produisant le KBIS d'immatriculation de la société du 13 octobre 2004, qui fait apparaître qu'elle est bien une société à objet agricole et qu'elle ne constitue qu'une seule et unique personne morale inchangée depuis son origine, à savoir une société civile d'exploitation agricole dont l'objet social - la création et la gestion d'un centre hippique - n'a jamais été modifié, qui n'a jamais été immatriculée en qualité de société civile immobilière, et sous le même numéro,
- elle dispose des moyens humains et matériels suffisants pour exploiter le fonds agricole objet de la reprise,
- l'autorisation préfectorale a été sollicitée, même si elle ne sera délivrée qu'à compter de la reprise,
- M. [E] respecte les dispositions des articles L.4111-60 et L. 331-2 du code rural, contrairement à ce que soutient le preneur, et, afin de le prouver, verse aux débats sa déclaration de revenus démontrant que ses revenus proviennent exclusivement de la société Hyksos dans laquelle il est gérant associé et dont l'objet social est l'élevage de chevaux,
- M. [E] justifie avoir eu la qualité d'associé depuis l'immatriculation de la société,
- le congé pour changement de destination délivré postérieurement au congé pour reprise est sans emport sur la validité de ce dernier, dans la mesure où il ne concerne que 15 % des surfaces du haras, et il est logique que la société [Localité 13] ait décidé d'implanter les box à reconstruire sur la parcelle A112, afin que le centre équestre ne soit plus traversé par une voie de circulation, qui constitue une gêne pour l'exploitation et un danger pour les chevaux,
- le tribunal n'a donné aucune base légale à sa motivation et l'objet social n'a pas été modifié mais simplement complété; le changement de dénomination sociale est sans incidence sur la validité du congé, dès lors qu'il s'agit de la même société, du même numéro RCS, du même objet social consistant en la gestion et l'exploitation d'un centre hippique, avec le même gérant ayant la qualité d'exploitant agricole,
- elle a pris l'engagement d'exploiter le fonds agricole et c'est à tort que le tribunal a pu retenir que ce ne serait pas le cas au seul motif qu'un congé pour changement de destination a été délivré ultérieurement, ce congé ne portant que sur une partie infime de l'exploitation qui n'est pas utile à cette dernière,
- c'est également à tort que le tribunal a retenu qu'elle ne disposait d'aucune autorisation notifiée à la date de validité du congé, l'autorisation administrative ne pouvant être délivrée qu'au moment de la reprise de l'exploitation, et la préfecture ayant confirmé par courrier que la reprise n'était pas soumise à l'autorisation préalable,
- le preneur est mal fondé à contester le congé qui lui a été délivré, dès lors que, dans le cadre de l'indemnisation de la partie haute des lieux, il sollicite désormais devant le tribunal paritaire la résiliation totale de son bail et la reprise du bail par le bailleur.
La société Haras de [Localité 13], preneur intimé, conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a annulé le congé pour reprise qui lui a été délivré en faisant valoir que:
- le congé ne mentionne pas le nom de M. [B] et l'absence de cette mention l'a induite en erreur en ne lui permettant pas de connaître l'identité de tous les associés exploitants ni d'être informée sur les conditions concrètes d'exploitation par le bénéficiaire de la reprise,
- la modification de l'objet social dans l'unique but de se trouver dans une situation conforme aux dispositions de l'article L. 411-60 du code rural afin de faire échec au droit au renouvellement du preneur caractérise une fraude de nature à emporter la nullité du congé, et, la société de [Localité 13] a modifié sa dénomination sociale d'origine: ' société civile immobilière' en société civile, cette dernière dénomination étant moins patrimoniale, et a ajouté une mention concernant la description de son objet social: ' la société a pour objet l'exercice d'activités réputées agricoles au sens de l'article L.311-1 du code rural, ainsi que toute activité civile qui lui demeurerait l'accessoire, il en est ainsi de l'exploitation, de la gestion, et l'entretien d'un centre hippique et ses annexes achetées et créées', et ces modifications statutaires, qui ne reflètent pas le véritable et unique objet de la société qui est de donner à bail des biens ruraux, n'avaient pour seule finalité que de faire échec au droit de renouvellement du preneur,
- la bailleresse, qui a toujours été une société à vocation immobilière, ne justifie pas être en possession du cheptel et du matériel suffisant pour l'exploitation du fonds objet de la reprise, pour une durée d'au moins neuf années: selles, matériel de pansage et de soins, tracteurs de manutention, véhicules, vans équins,
- le bénéficiaire ne justifie pas d'une autorisation préfectorale d'exploiter à la date d'effet du congé, ce qui commande d'annuler le congé litigieux par application combinée des articles L. 411-59 et L. 411-60 du code rural et de la pêche maritime,
- M. [B], présenté comme associé exploitant, ne détient pas de parts sociales de la société bailleresse depuis plus de neuf ans, ainsi que l'exige l'article L.411-60 du code rural et de la pêche maritime,
- il n'est pas démontré que le bénéficiaire de la reprise satisferait aux exigences de l'article L.411-59 du code rural selon lesquelles les membres de la personne morale qui entendent exercer le droit de reprise doivent justifier des conditions de capacités et d'expérience exigées par la loi: M. [E] ne justifie être titulaire d'aucun diplôme agricole ni d'expérience professionnelle, et s'agissant de M. [B], la production d'une attestation d'affiliation à la MSA, impropre à caractériser la participation effective aux travaux agricoles de l'exploitation ne satisfait pas aux exigences de l'article L.411-59 du code rural.
Réponse de la cour
Pour contester la validité du congé qui lui a été délivré, la société de [Localité 13] fait valoir, en premier lieu, que le congé litigieux ne mentionne pas le nom de l'un des associés, M. [B], ce dont il résulte que, ne connaissant pas l'identité de tous les associés, elle n'a pas été informée sur les conditions concrètes d'exploitation.
L'article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime dispose:
'Le propriétaire qui entend s'opposer au renouvellement doit notifier congé au preneur, dix-huit mois au moins avant l'expiration du bail, par acte extrajudiciaire.
A peine de nullité, le congé doit:
-mentionner expressément les motifs allégués par le bailleur;
-indiquer, en cas de congé pour reprise, les nom, prénom, âge, domicile et profession du bénéficiaire ou des bénéficiaires devant exploiter conjointement le bien loué et, éventuellement, pour le cas d'empêchement, d'un bénéficiaire subsidiaire, ainsi que l'habitation ou éventuellement les habitations que devront occuper après la reprise le ou les bénéficiaires du bien repris;
-reproduire les termes de l'alinéa premier de l'article L. 411-54.
La nullité ne sera toutefois pas prononcée si l'omission ou l'inexactitude constatée ne sont pas de nature à induire le preneur en erreur'.
Au cas d'espèce, si le congé litigieux délivré le 24 avril 2019 mentionne le motif de la reprise - exploitation agricole par le bailleur - et l'exploitation par M. [E], dont les nom, prénom, date, lieu de naissance, profession et domicile sont indiqués, il omet de mentionner le nom de M. [T] [B], admis comme associé par l'assemblée générale extraordinaire du 10 mars 2019, alors même que la bailleresse indiquait, dans ses conclusions (p.5) devant les premiers juges qu'il participerait à l'exploitation: ' la société [Localité 13] n'est pas non plus dépourvue de moyens humains puisque l'autre associé gérant est également exploitant agricole. Ainsi M. [B] justifie de sa qualité d'exploitant agricole et de son affiliation à la MSA' (Pièce N°9 de la société intimée Haras de [Localité 13]).
La cour considère que cette omission était, comme le soutient la société Haras de [Localité 13], de nature à induire en erreur le preneur, en lui dissimulant l'identité de l'un des associés exploitants de la personne morale bénéficiaire de la reprise et en ne lui permettant pas d'être informé sur les conditions concrètes d'exploitation du bien par le bénéficiaire de la reprise.
La bailleresse appelante soutient que M. [B] n'aurait point la qualité d'associé, en produisant les statuts de la société (pièce n°3 et n°14 de l'appelante). Toutefois, comme l'ont pertinemment relevé les premiers juges, la qualité d'associé de M. [B] ressort de l'extrait K Bis délivré le 2 septembre 2020, sans que la bailleresse puisse utilement invoquer 'une simple erreur du greffe', aucun extrait Kbis postérieur rectificatif n'étant produit, et les statuts versés aux débats par la bailleresse ne sont pas signés - pièce n°3 - et ont été enregistrés à la recette principale des impôts de [Localité 12], le 26 juillet 2004, soit bien antérieurement à l'admission en qualité d'associé de M. [B] (pièce n°14).
En outre, le preneur intimé, fait valoir en deuxième lieu qu'un mois avant la délivrance du congé litigieux, la société bailleresse a modifié sa forme juridique et son objet social pour les besoins de la cause, afin de se donner une ' meilleure apparence agricole', alors même que l'unique objet de cette société, qui est une société civile immobilière, est de donner à bail des biens ruraux.
La cour considère que les premiers juges ont fait une exacte appréciation des faits de la cause en considérant que la société bailleresse avait procédé à un 'habillage agricole', caractérisant une fraude de nature à emporter la nullité du congé litigieux, afin de faire échec au droit au renouvellement du preneur, cet habillage s'inférant, d'une part, des modifications statutaires opérées par la bailleresse un mois avant la délivrance du congé litigieux: abandon de la dénomination de société civile immobilière pour celle, moins patrimoniale, de société civile, modification de son objet social pour mettre en avant ses activités agricoles, par ajout de la mention ' la société a pour objet l'exercice d'activités réputées agricoles au sens de l'article L.311-1 du code rural, ainsi que toute activité civile qui lui demeurerait l'accessoire, il en est ainsi de l'exploitation, de la gestion, et l'entretien d'un centre hippique et ses annexes achetées et créées', acceptation d'un nouvel associé, M. [B], et, d'autre part, de la demande de la bailleresse visant à obtenir le déplacement sur la partie basse du site loué, les trente box qu'elle avait été condamnée
à démolir et à reconstruire, pour construire des bâtiments à usage d'habitation sur la partie haute de ce site aux fins d'accroître la rentabilité de sa location.
C'est en vain que la bailleresse soutient que la modification de sa dénomination serait sans incidence sur la validité du congé, cette modification ayant eu pour conséquence, comme il a été dit, de dissimuler sa vocation immobilière, et fait valoir qu'elle a toujours eu un objet purement agricole, alors que ses statuts initiaux indiquaient qu'elle avait comme objet l'acquisition de divers terrains et la création d'un centre hippique et de ses annexes, l'exploitation et l'entretien d'un centre hippique et ses annexes, ainsi que la gestion par baux ou autres, des biens sociaux en vue de l'exploitation par des tiers.
La bailleresse est mal fondée à soutenir que son objet est agricole depuis l'origine, dès lors que, lorsque la société s'est créée, l'activité des centres hippiques était tenue pour commerciale (Cass. 3e civ., 29 mars 1995) et que la date d'enregistrement des statuts initiaux - 26 juillet 2004 (pièce n°14 de l'appelante), est antérieure à la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, selon laquelle sont réputées agricoles les 'activités de préparation et d'entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation, à l'exclusion des activités de spectacle' ( L. n° 2005-157, 23 févr. 2005, art. 38, I).
En outre, il convient de relever que le code NAF de la bailleresse qui indique que son activité consiste en la 'location de terrains et autres biens immobiliers', même si ce code n'a en lui-même qu'une valeur indicative, vient corroborer la vocation essentiellement immobilière de la bailleresse dont témoignait sa dénomination antérieure de société civile immobilière.
Enfin, et contrairement à ce que soutient l'appelante, le fait que le preneur, exposé à un autre congé délivré pour changement de destination, ait pu solliciter, dans le cadre d'une nouvelle procédure postérieure à la décision déférée à la cour, sur le fondement de l'article L. 411-32 du code rural et du fait des conséquences d'une résiliation partielle sur l'équilibre économique de son exploitation résiduelle, une extension de la résiliation de son bail à partie basse du domaine loué, demeure sans incidence sur la validité du congé pour reprise litigieux.
Il résulte de ce qui précède que le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a annulé le congé pour reprise du 24 avril 2019, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens invoqués par le preneur au soutien de sa demande d'annulation.
III) Sur les demandes accessoires
La société [Localité 13], qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel, les dispositions du jugement de première instance relatives aux dépens et aux frais irrépétibles non compris dans ces mêmes dépens étant, par ailleurs, confirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition au greffe
Déclare recevables les conclusions de la société [Localité 13] ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant
Déboute la société civile [Localité 13] de la totalité de ses demandes ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société civile [Localité 13] à payer à la société à responsabilité limitée Haras de [Localité 13] une indemnité de 3 500 euros ;
Condamne la société civile [Localité 13] aux dépens de la procédure d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par le cabinet Scillon, avocat en ayant fait la demande.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame KOC, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président