La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/07/2024 | FRANCE | N°23/01453

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-6, 18 juillet 2024, 23/01453


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 30B



Chambre civile 1-6



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 18 JUILLET 2024



N° RG 23/01453 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VW3M



AFFAIRE :



COMMUNE DE [Localité 4]



C/



[J] [G]



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Janvier 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PONTOISE

N° RG : 22/02084



Expéditions exécutoires

Expéditions>
Copies

délivrées le : 18.07.2024

à :



Me Eric AZOULAY de la SELARL SELARL INTER-BARREAUX FEDARC, avocat au barreau de VAL D'OISE



Me Claire QUETAND-FINET, avocat au barreau de VERSAILLES



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 30B

Chambre civile 1-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 18 JUILLET 2024

N° RG 23/01453 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VW3M

AFFAIRE :

COMMUNE DE [Localité 4]

C/

[J] [G]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Janvier 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PONTOISE

N° RG : 22/02084

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 18.07.2024

à :

Me Eric AZOULAY de la SELARL SELARL INTER-BARREAUX FEDARC, avocat au barreau de VAL D'OISE

Me Claire QUETAND-FINET, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX HUIT JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

COMMUNE DE [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Eric AZOULAY de la SELARL SELARL INTER-BARREAUX FEDARC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 10 - N° du dossier 20212532, substitué par Me Cathy ALPHONSE, avocat au barreau du VAL D'OISE

APPELANTE

****************

Monsieur [J] [G]

né le 15 Juin 1978 à [Localité 5] (Turquie)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Claire QUETAND-FINET, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 678 - Représentant : Me Christophe YOUSSIF, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Juin 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Fabienne PAGES, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne PAGES, Présidente,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseillère,

Madame Florence MICHON, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 22 novembre 2017, la mairie de [Localité 4] a consenti à M [J] [G] un bail commercial portant sur des locaux situés [Adresse 2], constitués de 2 pièces principales et une pièce avec WC, d'une superficie de 55,15 m2, pour une durée de neuf années entières et consécutives à compter du 22 novembre 2017, moyennant un loyer annuel de 12 048 euros charges comprises, payable mensuellement et d'avance, pour un commerce 'point chaud'. Un dépôt de garantie de 2 008 euros a été versé.

Par acte du 12 janvier 2022, la commune de [Localité 4] a fait délivrer à M [G] une sommation d'avoir, dans un délai de 48 heures, à lui déclarer ce qui s'oppose à l'achalandage des locaux commerciaux consentis à la location, et à lui indiquer la nature et la durée des travaux entrepris dans les lieux loués.

Par deux lettres recommandées du 24 janvier 2022, la commune de [Localité 4] a, d'une part, demandé à M [G] de démonter sous 48 heures son enseigne qui n'aurait pas été autorisée, et lui a d'autre part, demandé de déposer un dossier de demande d'autorisation d'effectuer des travaux d'aménagement. Par courrier en réponse du 31 janvier 2022, M [G] a contesté ces demandes.

Le 16 février 2022, la commune de [Localité 4], reprochant toujours des infractions au bail à M [G], a mis en demeure ce dernier de mettre son établissement en conformité dans un délai de 15 jours, faute de quoi l'établissement serait fermé.

En réponse, par lettre de son conseil en date du 28 février 2022, M [G] a à nouveau contesté les infractions invoquées.

Par acte du 8 mars 2022, la commune de [Localité 4] a fait délivrer à M [G] un commandement de payer visant la clause résolutoire, pour un montant de 7 149,58 euros en principal, correspondant aux loyers et charges arrêtés au 25 février 2022.

Par acte du même jour, la commune de [Localité 4] a fait délivrer à M [G] une sommation visant la clause résolutoire d'avoir à justifier de l'assurance des lieux loués, de l'obtention des autorisations administratives requises applicables aux établissement recevant du public, et de remettre en état les lieux loués tels qu'ils étaient lors de la prise à bail suite aux travaux effectués sans autorisation du bailleur.

M [G] a fait citer la commune de Moisselles par assignation du 7 avril 2022, devant le tribunal judiciaire de Pontoise en opposition à commandement et à sommation.

Par jugement contradictoire rendu le 23 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Pontoise a :

dit que le commandement de payer du 8 mars 2022 a été valablement délivré pour la somme de 2 128,06 euros en principal

dit que la sommation du 8 mars 2022 est partiellement fondée

accordé à M [G] deux mois de délai à compter de la signification du présent jugement, d'une part pour régler l'arriéré de loyer de 2 128,06 euros et d'autre part pour compléter sa demande d'autorisation d'ouverture selon les prescriptions contenues dans l'arrêté du 19 mai 2022 et justifier de l'accomplissement des mesures préconisées pour isoler l'établissement par rapport aux tiers

dit que les effets de la clause résolutoire seront suspendus pendant le délai ainsi accordé, mais que la clause résolutoire reprendra ses effets en cas de non-respect des conditions fixées

débouté M [G] du surplus de ses demandes

débouté la commune de [Localité 4] de l'ensemble de ses demandes

condamné M [G] à payer à la commune de [Localité 4] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

condamné M [G] aux dépens

rappelé que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.

Le 28 février 2023, la commune de [Localité 4] a relevé appel de cette décision.

Il a été procédé à l'expulsion de M [G] [J] des lieux donnés à bail selon procès verbal en date du 8 janvier 2024.

Dans ses dernières conclusions n°4 transmises au greffe le 16 mai 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la commune de [Localité 4], appelante, demande à la cour de :

infirmer partiellement le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Pontoise le 23 janvier 2023 (RG n°2202084)

Et statuant à nouveau,

débouter M [G] de l'ensemble de ses demandes

prononcer l'acquisition de la clause résolutoire insérée dans le bail commercial du 22 novembre 2017 par suite du non-respect dans le délai d'un mois du commandement de payer et de la sommation visant la clause résolutoire signifiés le 8 mars 2022

dire et juger que faute pour M [G] d'avoir déféré au commandement de payer visant la clause résolutoire, il est devenu occupant sans droit ni titre depuis le 8 avril 2022 des locaux sis [Adresse 2] et ce en application de la clause résolutoire du bail commercial

ordonner en conséquence l'expulsion immédiate de M [G] et de tout occupant de son chef des dits locaux sis [Adresse 2] avec l'assistance d'un officier de police judiciaire, de la force publique et d'un serrurier

ordonner le transport et la séquestration des meubles et objets laissés dans les lieux dans tels garde-meubles qu'il appartiendra aux frais, risques et périls de M [G]

condamner M [G] à payer une indemnité d'occupation mensuelle majorée d'un montant de 1 652,58 euros à compter du 5 avril 2022 et ceci jusqu'à la complète libération des locaux, soit jusqu'au mois de janvier 2024 inclus

condamner M [G] à acquitter les charges dues en application du bail résilié jusqu'à la complète libération des locaux

condamner M [G] à payer à la commune la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts

condamner M [G] à payer à la commune la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

condamner M [G] aux entiers dépens d'instance.

Dans ses dernières conclusions n°3 transmises au greffe le 17 mai 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M [G], intimé et appelant incident, demande à la cour de :

juger M [G] recevable et bien fondé en son appel incident

infirmer partiellement le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Pontoise le 23 janvier 2023

Et, statuant à nouveau :

A titre principal,

juger nul et de nul effet le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré à M [G] le 8 mars 2022 à la demande de la commune de [Localité 4]

juger nulle et de nul effet la sommation visant la clause résolutoire délivrée à M [G] le 8 mars 2022 à la demande de la commune de [Localité 4]

A titre subsidiaire,

confirmer le jugement en ce qu'il a accordé deux mois de délai à M [G] permettant de suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation

En tout état de cause,

condamner la commune de [Localité 4] à payer à M [G] la somme de 7 721,50 euros au titre de charges locatives indûment facturées pour les années 2018 et 2019 par voie de provisions et de régularisations annuelles

condamner la commune de [Localité 4] à payer à M [G] la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts

débouter la commune de [Localité 4] de l'ensemble de ses demandes

condamner la commune de [Localité 4] à payer à M [G] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

condamner la commune de [Localité 4] aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 21 mai 2024.

L'audience de plaidoirie a été fixée au 5 juin 2024 et le délibéré au 4 juillet et prorogé au 18 juillet suivant.

MOTIFS DE LA DÉCISION

À titre liminaire, il sera relevé que M [G] ne prétend plus en cause d'appel à la délivrance du commandement de payer ou de la sommation de mauvaise foi au motif notamment que le bail conclu entre les parties serait contraire au statut des baux commerciaux ni ne sollicite sur ce fondement une quelconque indemnisation.

Sur la validité du commandement de payer en date du 8 mars 2022 visant la clause résolutoire

Le tribunal a considéré que la demande de nullité du commandement de payer du 8 mars 2022 devait être rejetée et que cet acte avait été valablement délivré pour la somme de 2 128,06 euros représentant les loyers impayés de décembre 2021 et février 2022.

En cause d'appel, pour s'opposer à la demande de la bailleresse tendant au prononcé de l'acquisition de la clause résolutoire, M [G] fait en premier lieu valoir la nullité du commandement de payer litigieux aux motifs qu'il est dépourvu de toute précision sur la nature des sommes dont le règlement est demandé tout comme les annexes au commandement.

Il convient de relever que la bailleresse invoque le défaut de paiement du loyer par le preneur, manquement à une stipulation expresse du bail et que la clause résolutoire prévue à l'article 10 du bail précise 'à défaut de paiement d'un seul terme de loyer, accessoires et charges à leur échéance...' cette clause sanctionne dès lors expressément ce manquement.

Pour autant, le manquement reproché par le commandement doit être suffisamment explicite pour permettre au preneur d'y remédier dans le délai imparti à peine de résiliation du bail, ce qui impose de mentionner à l'acte un décompte de nature à permettre à son destinataire de comprendre les causes des sommes réclamées.

Force est de constater que le commandement de payer en date du 8 mars 2022 mentionne 'loyers et charges arrêtés au 25/02/2022 : 7.149,58 euros' et l'annexe précise :

'situation de [G] [J] du 25/02/2022

budget n° de titre date du titre montant 22300 titre(s) ordinaire(s) fonctionnement 17 25 février 2022 2 246,72 euros

22300 titre(s) ordinaire(s) fonctionnement 109 27 mai 2021 2 808,51 euros

22300 titre(s) ordinaire(s) fonctionnement 15 8 février 2022 1064,03 euros

22300 titre(s) ordinaire(s) fonctionnement 233 1 décembre 2021 1064,03 euros

22300 titre(s) ordinaire(s) fonctionnement 108 27 mai 2021 1 610,90 euros

et montant dû cumul

-2246,72 euros 2 246,72 euros

-2808,51 euros 5055,23 euros

-1064,03 euros 6119,26 euros

-864,03 euros 6983,29 euros

-166,29 euros 7149,58 euros'

Il sera précisé que la bailleresse verse aux débats les titres exécutoires n° 17, 109, 15, 233 et 108 (pièces 7 à 11) , précisant pour chacun des titres l'objet de la créance :

-pour le titre n° 108, 1610,90 euros (pièce 7), régularisation des charges locatives

-pour le titre n° 109, 2808,51 euros (pièce 8), régularisation de charges locatives

-pour le titre n° 233, 1064,03 euros (pièce 9), loyer décembre 2021

-pour le titre n° 15, 1064,03 euros (pièce 10), loyer février 2022

-pour le titre n°17, 2 246,72 euros (pièce 11), régularisation de charges 2020

Le preneur ne conteste pas avoir été destinataire de ces différents titres exécutoires.

Il en résulte qu'il disposait à la date du commandement de tous les éléments pour connaître précisément la cause de chacune des sommes détaillées en annexe de cet acte lui permettant d'opposer au bailleur toute contestation utile pour chacun de ces montants ou de procéder aux régularisations nécessaires dans le délai imparti.

Il sera d'ailleurs relevé que le preneur développe dans ses conclusions une contestation pour chacune des sommes visée à l'annexe de l'acte querellé et ce, en fonction de la nature de la dite somme, démontrant au contraire de son affirmation qu'il disposait pour ce faire des éléments suffisants.

La cour relève que le commandement de payer litigieux mentionne clairement qu'à défaut de paiement de 7149,58 euros représentant l'arriéré locatif, dans le délai d'un mois à compter de sa date, le bail conclu entre les parties sera résilié, et ce en application de la clause résolutoire prévue au bail.

Il s'en déduit que le locataire a été clairement informé du risque encouru en cas de défaut de paiement de la somme mentionnée au commandement susvisé avant le 8 avril 2022.

La nullité de cet acte n'est dès lors pas encourue pour ce premier motif.

Le preneur fait en deuxième lieu valoir la nullité de ce commandement de payer au motif que les sommes visées à cet acte sont contestées en totalité car elles portent sur des créances infondées pour les charges locatives ou annulées par voie de compensation pour le loyer de décembre 2021 ou payé pour le loyer de février 2022.

Il sera précisé que la preuve de l'absence de dette à la date du commandement de payer n'est pas une cause de nullité de l'acte mais s'oppose au constat de l'acquisition de la clause résolutoire comme demandé par la commune au motif du défaut de régularisation de l'arriéré locatif prétendu dans le délai imparti.

La commune oppose au preneur la prescription des contestations relatives aux titres visés par le commandement pour ne pas avoir été soulevées avant l'expiration du délai de deux mois applicable et prévu par l'article L1615-5 du code général des collectivités territoriales et le caractère exécutoire et définitif des ces différents titres.

Or, comme retenu par le premier juge au constat de l'absence de clause exorbitante de droit commun résultant du bail commercial conclu entre les parties, ce bail étant un contrat de droit privé, les dispositions de l'article précité ne sont pas applicables et la commune ne peut exercer en exécution de ce contrat aucune prérogative de droit public comme celle de délivrer un titre exécutoire. Il en résulte que M [G] peut contester le bien fondé des sommes résultant des différents titres visés au commandement, contestations soumises à la prescription de droit commun prévue à l'article 2224 du code civil de telle sorte que M [G] était recevable à contester les différentes sommes mentionnées par le commandement critiqué devant le premier juge tout comme devant la cour.

Concernant la somme de 1 064,03 au titre du loyer de février 2022, visée par le commandement contesté, le bordereau de situation en date du 10 février 2022, émanant de la direction générale des finances publiques et adressé au preneur, (pièce 30 de M [G]) mentionne en page 7, le titre n° 15, ayant pour objet le loyer de févier 2022 de 1 064,03 euros, et précise que cette somme a été payée en totalité par virement en date du 8 mars 2022.

Il en résulte que le loyer de février 2022 était payé à la date du commandement de payer également en date du 8 mars 2022.

Concernant la somme de 864,03 euros au titre du solde du loyer de décembre 2021, visée par le commandement précité, ce même bordereau de situation mentionne cette fois en page 6 le titre n° 233 ayant pour objet le loyer de décembre 2021 de 1 064,03 euros et précise que cette somme a été versée en totalité par virements ( de 200 euros le 3 décembre 2021, de 644 euros le 24 mars 2022 et de 220,03 euros le 12 avril 2022), versements confirmés par le preneur dans ses conclusions en page 22.

Il en résulte que le loyer de décembre 2021 n'était pas payé à hauteur du solde de 864,03 euros à la date du commandement et de 200 euros à l'expiration du délai imparti par cet acte. Le décompte de l'annexe à cet acte mentionne à ce titre à raison la somme de 864,03 euros.

Le commandement de payer en date du 8 mars 2022 a par conséquent été valablement délivré mais pour la somme de 864,03 euros correspondant au solde impayé du loyer de décembre 2021, le jugement critiqué ayant à ce titre retenu la somme de 2 128,06 euros sera infirmé en ce sens.

Concernant les charges, le commandement de payer précité vise les titres n° 17 pour 2 246,72 euros, n° 109 pour 2 808,51 euros et n° 108 pour 166,29 euros.

Le tribunal a considéré que les sommes susvisés étaient demandées au titre d'un solde impayé de taxes foncières et de consommations d'électricité qui ne pouvaient en application des dispositions du bail être à la charge du preneur de telle sorte qu'elles ne pouvaient être retenues.

En cause d'appel, la bailleresse fait au contraire d'une part valoir que le bail commercial en cause prévoit que la taxe foncière est à la charge du preneur et d'autre part qu'elle a payé des consommations d'électricité pour le compte de la partie adverse et est dès lors bien fondée à en solliciter la restitution.

Il sera précisé que les parties ne contestent pas l'application des dispositions du statut des baux commerciaux au bail précité. Par ailleurs, il incombe au bailleur qui réclame au preneur de lui rembourser différentes sommes d'établir que conformément au contrat de bail commercial, les dépenses et taxes sollicitées sont à la charge du preneur et de démontrer l'existence et le montant de sa créance à ce titre.

Le bail commercial conclu entre les parties mentionne en son article 4.1 'le présent bail est consenti et accepté moyennant un loyer annuel charges comprises de 12 048 euros'.

Un mail du maire en date du 31 octobre 2017 adressé au preneur précise 'je vous confirme que le montant du loyer sera de 800 euros par mois payable d'avance le 1er de chaque. Viendront s'ajouter à cette somme les charges de copropriété pour un montant de 110 euros mensuel ainsi que 94 euros pour les différentes taxes.'

L'article L145-40-2 du code de commerce impose au contrat de bail de comporter un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts et redevances à la charge du locataire et l'article R 145-35 3° du code précité prévoit que les impôts, notamment la contribution économique territoriale, taxes et redevances dont le redevable légal est le bailleur ou le propriétaire du local ou de l'immeuble ne peuvent être imputés au locataire ; toutefois, peuvent être imputés au locataire la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière ainsi que les impôts, taxes et redevances liés à l'usage du local ou de l'immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement.

En application des dispositions susvisées ne peuvent être sollicitées à l'encontre du preneur que les charges expressément visées dans l'inventaire requis par la loi.

Le bail susvisé précise en son article 5-2 que sont à la charge du preneur 'les taxes locales, contributions, ou redevances diverses à payer au titre de régies municipales, afférentes à l'immeuble ou l'ensemble immobilier', la taxe foncière étant une taxe locale afférente à l'immeuble, cet impôt est par conséquent explicitement prévu comme devant être pris en charge par le preneur contrairement à ce qu'a retenu le premier juge.

La bailleresse est par conséquent fondée à solliciter le paiement des taxes foncières à l'encontre du preneur notamment pour les années 2018, 2019 et 2020.

L'article précité prévoit que sont à la charge du preneur ' les fluides : frais de consommation de chauffage, climatisation, électricité, et tous les autres fluides, abonnement et frais des fluides.'

Le tribunal a considéré que la bailleresse ne justifiait pas avoir pris en charge des factures d'électricité pour le compte de son preneur de telle sorte qu'elle ne pouvait pas en demander la restitution.

Devant la cour la bailleresse prétend à nouveau que M [G] n'a souscrit un contrat d'abonnement d'électricité à son nom qu'à compter du 15 janvier 2020 qu'elle est par conséquent bien fondée à solliciter à l'encontre de ce dernier le remboursement des factures de consommation d'électricité acquittées pour lui jusqu'à cette date.

Par mail du 31 octobre 2017, la commune informe le preneur de la nécessité suite à la signature du bail qui devait avoir lieu en date du 22 novembre 2017 de justifier de la reprise du compteur auprès d'un fournisseur de son choix dont le point de livraison est référencé sous le numéro 21251374758311.

Force est de constater que le preneur ne verse aux débats aucun contrat d'abonnement d'électricité pour le local donné à bail mais une facture d'électricité de juin 2018 à son nom et à l'adresse du local donné à bail situé au [Adresse 2] à [Localité 4] [Localité 4] (pièce 24) et mentionnant comme point de livraison le numéro 21265846450294, pièce également produite par la partie adverse (pièce 48) ainsi qu'une deuxième facture (pièce 49) de décembre 2018 également au nom du preneur et mentionnant le même point de livraison 21265846450294.

Par mail de novembre 2018, adressé à la bailleresse (pièce 50) M [G] faisait valoir que le compteur d'électricité de la coiffeuse, autre commerce situé également au [Adresse 2] [Localité 4], ayant comme point de livraison le n° 21265846450294 avait par erreur été enregistré par Engie à son nom de telle sorte que par la production des deux factures susvisées (pièces 48 et 49 de la commune) il est démontré que M [G] a payé par erreur les consommations d'électricité de la coiffeuse pour l'année 2018 mais n'a pas justifié avoir souscrit un contrat d'abonnement d'électricité pour le point de livraison n° 21251374758311, correspondant au local qui lui a été donné à bail lors de son entrée dans les lieux alors qu'il avait été convenu qu'il devait y procéder. En revanche, la commune justifie avoir réglé des factures d'électricité pour ce point de livraison (pièce 38) à compter de novembre 2017 jusqu'en janvier 2020 par conséquent pour le compte de M [G], son locataire.

La bailleresse est dès lors bien fondée à demander le remboursement de ces factures d'électricité à l'encontre du preneur.

Le bordereau de situation en date du 10 février 2022, précité mentionne :

en page 4, le titre n° 108, ayant pour objet les charges locatives pour 1 610,90 euros payées par virements de 400,04 euros en date du 7 septembre 2021, de 1 044,57 euros en date du 12 janvier 2022 et le solde de 166,29 euros le 1er avril 2022.

Il en résulte que les charges résultant de ce titre étaient impayées à hauteur de la somme de 166,29 euros à la date du commandement,

en page 5, le titre n°109, ayant pour objet les charges locatives pour 2 808,51 payées par prélèvements de 333,71 euros le 1er avril 2022, de 317,40 euros le 26 avril 2022, de 182,60 euros le 4 mai 2022, de 500 euros le 7 juin 2022, de 100 euros le 30 novembre 2022 et de 76,89 euros le 1er février 2023 de telle sorte que les charges résultant de ce titre étaient impayées à hauteur de la somme de 2 808,51 euros à la date du commandement,

en page 7 le titre n° 17, ayant pour objet les charges locatives pour 2 246,72 euros payées par prélèvements de 150 euros le 2 mai 2022, de 150 euros le 7 juin 2022 et de 0,54 euros le 13 septembre 2022 de telle sorte que les charges résultant de ce titre étaient impayées à hauteur de la somme de 2 246,72 euros à la date du commandement.

Le commandement de payer en date du 8 mars 2022 a par conséquent été valablement délivré mais pour la somme de 5 221,52 euros au titre des charges impayées de 2018, 2019 et 2020.

Le commandement de payer qui n'est pas autrement critiqué par le preneur a par conséquent été valablement délivré pour la somme de 5221,52 euros au titre des charges, comme demandé à l'acte.

Par voie d'infirmation, il sera par conséquent jugé que le commandement a été valablement délivré pour la somme totale de 6085,55 euros ( 5221,52 euros pour les charges et 864,03 euros pour les loyers).

Il convient de constater qu'à l'expiration du délai d'un mois imparti par le commandement de payer, la somme de 644,03 euros à titre de loyer impayé avait été versée le 24 mars 2022 et celles de 166,29 euros et 333,71 euros le 1er avril 2022 au titre des charges, laissant un solde de 4941,52 euros impayé à cette date permettant de constater l'acquisition de la clause résolutoire au 8 avril 2022, comme demandé par la commune.

Le preneur demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il lui a accordé un délai de deux mois pour notamment régler le solde impayé, délai suspensif des effets de la clause résolutoire et de constater la régularisation dans le délai accordé.

S'il y a lieu de confirmer le délai de 2 mois accordé par le tribunal, la cour constate que le preneur justifie uniquement du versement de la somme de 200 euros au titre du solde du loyer de décembre 2021 dans ce délai et de la somme de 1 300 euros au titre des charges.

Il résulte des développements précédents que le preneur devait régulariser dans le délai de 2 mois non pas la somme de 1500 euros mais celle de 4 941,52 euros. Or, le preneur ne demande à la cour que la confirmation des délais suspensifs accordés par le tribunal de telle sorte qu'elle ne peut que constater que ce dernier ne justifie pas avoir réglé la totalité des causes du commandement dans ce délai suspensif de 2 mois.

L'acquisition de la clause résolutoire au 8 avril 2022 doit dès lors être constatée.

Il sera par conséquent fait droit à la demande d'expulsion de M [G] et de tout occupant de son chef des locaux situés au [Adresse 1] et au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer majoré de 50% comme prévu à l'article 10 du bail et non contestée par le preneur représentant la somme de 1 652,58 euros demandée, jusqu'à la libération des lieux.

Le commandement de payer ayant été valablement délivré et la clause résolutoire visée par cet acte acquise au 8 avril 2022 la nullité de la sommation est inopérante pour s'opposer au constat de la résiliation du bail.

Sur la demande de remboursement des sommes indûment encaissées par le bailleur au titre des charges locatives

M [G] demande le remboursement de charges locatives versées à tort à la bailleresse pour les années 2018 et 2019.

Pour rejeter cette demande, le tribunal a considéré que le preneur ne justifiait pas du versement des sommes dont il demandait la restitution.

En cause d'appel, il produit en ce sens, le décompte de charges pour l'année 2018 et 2019 du 22 avril 2021 et celui du 23 février 2023 adressés au preneur tout comme le bordereau de situation (pièce 30). Or ces pièces ne justifient pas davantage en cause d'appel du versement de la somme dont la restitution est réclamée.

Le jugement contesté sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur la demande de dommages et intérêts de M [G]

Il résulte des développements précédents que le preneur auquel a été valablement délivré un commandement de payer et qui n'a pas régularisé les sommes impayées dans le délai imparti par cet acte tout comme dans le délai de 2 mois suspensif accordé par le tribunal ne peut sérieusement prétendre à un acharnement procédural de son bailleur.

Cette demande d'indemnisation sera rejetée par voie de confirmation du jugement déféré à ce titre.

Sur la demande de dommages et intérêts de la commune

La commune ne démontre pas davantage devant la cour le caractère fallacieux des motifs allégués par la partie adverse dans le cadre de la présente procédure.

Le jugement déféré ayant rejeté cette demande sera confirme de ce chef.

Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Aucune considération d'équité ne commande faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement par décision contradictoire et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement contesté en toutes ses dispositions sauf sur le montant pour lequel le commandement de payer a été valablement délivré ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Dit que le commandement de payer du 8 mars 2022 a été valablement délivré pour la somme totale de 6085,55 euros ;

Y ajoutant,

Constate l'acquisition de la clause résolutoire le 8 avril 2022 ;

Ordonne par conséquent l'expulsion de M [J] [G] et de tout occupant de son chef des locaux situés au [Adresse 2] avec l'assistance de la force publique si besoin ;

Condamne M [J] [G] à payer la somme de 1 652,58 euros par mois à titre d'indemnité d'occupation à compter de la résiliation du bail et jusqu'au 8 janvier 2024, date de l'expulsion du preneur des lieux donnés à bail ;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M [G] aux entiers dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Présidente et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-6
Numéro d'arrêt : 23/01453
Date de la décision : 18/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-18;23.01453 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award