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09/07/2024 | FRANCE | N°22/06883

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-1, 09 juillet 2024, 22/06883


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Chambre civile 1-1





ARRÊT N°







CONTRADICTOIRE

Code nac : 74D





DU 09 JUILLET 2024





N° RG 22/06883

N° Portalis DBV3-V-B7G-VQSM





AFFAIRE :



S.A.S. LPN GLOBAL SERVICES

C/

LA SAUVEGARDE DE L'ENFANCE ET DE L'ADOLESCENCE DU VAL D'OISE





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Septembre 2022 par le Tribunal Judiciaire de PONTOISE

Chambre :

N° Section :

N° RG :



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-l'ASSOCIATION AVOCALYS,



-la SELARL INTER- BARREAUX FEDARC







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE NEU...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Chambre civile 1-1

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 74D

DU 09 JUILLET 2024

N° RG 22/06883

N° Portalis DBV3-V-B7G-VQSM

AFFAIRE :

S.A.S. LPN GLOBAL SERVICES

C/

LA SAUVEGARDE DE L'ENFANCE ET DE L'ADOLESCENCE DU VAL D'OISE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Septembre 2022 par le Tribunal Judiciaire de PONTOISE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG :

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-l'ASSOCIATION AVOCALYS,

-la SELARL INTER- BARREAUX FEDARC

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. LPN GLOBAL SERVICES

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 824 644 827

[Adresse 5]

[Localité 12]

représentée par Me Monique TARDY de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 005424

Me Véronique DAGONET, avocat - barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : PC 003

APPELANTE

****************

LA SAUVEGARDE DE L'ENFANCE ET DE L'ADOLESCENCE DU VAL D'OISE

prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 3]

[Localité 13]

représentée par Me Katy CISSÉ substituant Me Eric AZOULAY de la SELARL INTER-BARREAUX FEDARC, avocat - barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 10 - N° du dossier 2201650

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sixtine DU CREST, Conseiller chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

FAITS ET PROCÉDURE

L'association Sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence du Val d'Oise (ci-après « l'association La Sauvegarde ») est propriétaire, suite à la dévolution du patrimoine de l'association « Notre maison » constatée par acte du 12 novembre 2003, des parcelles cadastrées section AV n°[Cadastre 2], AV n°[Cadastre 7], AV n°[Cadastre 8] consistant en une maison et un terrain, situés [Adresse 4] et [Adresse 9], à [Localité 15].

Par acte du 6 juin 2019, la société LPN Global services a acquis des coindivisaires [B] la propriété des parcelles cadastrées section AV n°[Cadastre 11], [Cadastre 1] et [Cadastre 6], situées [Adresse 10] à [Localité 15], les deux premières étant situées en haut d'une falaise et la troisième au pied de la falaise et permettant l'accès à une carrière souterraine.

L'association La Sauvegarde empruntait le chemin situé sur la parcelle AV[Cadastre 6] pour accéder à la maison dont elle est propriétaire.

Au cours de l'été 2019, la société LPN Global services a édifié deux poteaux en ciment à l'entrée de la parcelle [Cadastre 6] et a posé une chaîne fermée par un cadenas à code, dont le code a été communiqué à des membres de l'association La Sauvegarde. Elle a également effectué des travaux de raccordement au réseau électrique pour alimenter en électricité les carrières.

Par acte d'huissier de justice du 24 janvier 2020, l'association La Sauvegarde a fait assigner en référé d'heure à heure la société LPN Global Services aux fins notamment d'obtenir la remise en état du chemin et la suppression du poteau qu'elle estimait se trouver sur la partie du chemin lui appartenant.

Par ordonnance du 21 avril 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Pontoise a notamment :

condamné, sous astreinte, la société LPN Global services à remettre en l'état dans lequel se trouvait le chemin dans les quinze jours suivant la notification de l'ordonnance ;

condamné la société LPN Global services à enlever tout panneau ou barrière destinés à dissuader l'accès au chemin, y compris les poteaux réalises à l'entrée dans les quinze jours suivant la notification de cette ordonnance.

Par arrêt du 11 mars 2021, la cour d'appel de Versailles a infirmé l'ordonnance du 21 avril 2020 dans toutes ses dispositions et dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de l'association La Sauvegarde.

Le 30 avril 2021, la société LPN Global services a édifié une clôture à l'entrée de la parcelle AV[Cadastre 6], empêchant tout accès par les membres de l'association La Sauvegarde.

Cette dernière a de nouveau saisi le juge des référés le 4 mai 2021, qui par ordonnance du 12 mai 2021 déclarait son action irrecevable eu égard à l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 11 mars 2021 et à l'absence de circonstance nouvelle.

Par arrêt du 3 février 2022, la cour d'appel de Versailles a infirmé l'ordonnance du 12 mai 2021 et statuant à nouveau, a déclaré l'action de l'association La Sauvegarde recevable et dit n'y avoir lieu à référé sur sa demande.

Par acte d'huissier de justice du 18 mai 2021, l'association La Sauvegarde a saisi au fond le tribunal judiciaire de Pontoise afin de voir trancher la question de la propriété de la parcelle litigieuse AV [Cadastre 6] et du chemin s'y trouvant dessus.

Par jugement contradictoire rendu le 23 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Pontoise a :

Déclaré recevable les demandes de l'association Sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence du Val d'Oise.

Dit que l'association Sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence du Val d'Oise et la société LPN Global services sont propriétaires en indivision et à parts égales du chemin constitué d'une bande de 4 mètres de largeur située sur la parcelle cadastrée section AV n°[Cadastre 6], sise [Adresse 9] , qui sert de chemin pour accéder du chemin de Halage à la carrière de la société LPN Global services et à la propriété bâtie sur la parcelle AV [Cadastre 2] appartenant à l'association Sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence du Val d'Oise.

Dit qu'il incombera à la partie la plus diligente de procéder aux formalités de publicité foncière utiles.

Dit que la société LPN Global services devra s'abstenir de toute mesure de nature à faire obstacle à l'accès au chemin indivis à l'association La sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence du Val d'Oise.

Débouté l'association Sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence du Val d'Oise de toutes ses autres demandes.

Débouté la société LPN Global services de toutes ses demandes.

Condamné la société LPN Global services aux dépens.

Condamne la société LPN Global services à payer à l'association Sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence du Val d'Oise la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ordonne l'exécution provisoire.

La société LPN Global services a interjeté appel de ce jugement le 16 novembre 2022 à l'encontre de l'association Sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence du Val d'Oise.

Par une ordonnance d'incident du 29 juin 2023, la cour d'appel de Versailles a :

Rejeté la demande de radiation formée par l'association Sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence du Val d'Oise.

Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit qu'il sera statué sur les dépens de l'incident dans le cadre de l'instance au fond.

Rejeté toutes autres demandes.

Par dernières conclusions notifiées le 18 juillet 2023, la société LPN Global services demande à la cour de :

La juger recevable et bien fondée en son appel

Réformer le jugement en ce qu'il juge que l'association Sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence du Val d'Oise et la société LPN Global services sont propriétaires en indivision et à parts égales du chemin et rejette ses demandes de dommages et intérêts

Statuant à nouveau

Débouter l'association la Sauvegarde de l'ensemble de ses demandes principales et subsidiaires ;

Juger qu'elle est propriétaire de l'entièreté de la parcelle AV[Cadastre 6] ;

Condamner l'association la Sauvegarde à lui verser 20 000 euros à titre de dommages et intérêts et 284 212,80 euros à titre de préjudice matériel ;

Confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'astreinte de l'association la Sauvegarde, la demande de dommages et intérêts pour voies de fait et intention de nuire et la demande de dommages et intérêts pour préjudice économique ;

Condamner l'association la Sauvegarde à lui verser la somme de 6000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 31 octobre 2023, l'association La Sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence du Val d'Oise demande à la cour de :

La recevoir en toutes ses demandes, fins et conclusions,

L'y déclarant bien fondée,

Au principal,

Confirmer le jugement rendu le 23 septembre 2022 par le tribunal judiciaire de Pontoise en ce qu'il a :

Dit que l'association Sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence du val d'Oise et la société LPN Global services sont propriétaires en indivision et à parts égales du chemin constitué d'une bande de 4 mètres de largeur située sur la parcelle cadastrée section AV n° [Cadastre 6], sise [Adresse 9], qui sert de chemin pour accéder du chemin de Halage à la carrière de la société LPN Global services et à la propriété bâtie sur la parcelle AV [Cadastre 2] appartenant L'association Sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence du Val d'Oise ;

Dit qu'il incombera à la partie la plus diligente de procéder aux formalités de publicité foncière utile ;

Dit que la société LPN Global services devra s'abstenir de toute mesure de nature à faire obstacle à l'accès au chemin indivis à l'association Sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence du val d'Oise ;

Débouté la société LPN Global services de toutes ses demandes ;

Condamné la société LPN Global services aux dépens ;

Condamné la société LPN Global services à payer à l'association Sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence du Val d'Oise la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

A titre subsidiaire,

Constater la prescription acquisitive, à son profit, d'une servitude de passage sur le chemin situé sur la parcelle cadastrée section AV n° [Cadastre 6], sise [Adresse 9] ;

La recevoir en son appel incident et l'y déclarer bien fondé ;

Statuant à nouveau :

Fixer à la somme de 2000 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir l'astreinte qui assortira l'obligation faite à la société LPN Global services de s'abstenir de toute mesure de nature à faire obstacle à l'accès au chemin indivis à l'association Sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence du Val d'Oise ;

Condamner la société LPN Global services à :

Lui payer une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

Lui payer une somme de 88 291,75 euros en réparation du préjudice économique subi.

Y ajoutant :

Condamner la société LPN Global services à lui payer une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi sur la période du 3 mai 2021 jusqu'au jour du prononcé de l'arrêt à intervenir ;

A titre infiniment subsidiaire,

Lui accorder un droit de passage sur le chemin situé sur la parcelle cadastrée section AV n° [Cadastre 6], sise [Adresse 9] ;

Juger que ce droit de passage ne donnera lieu à aucune indemnité.

En tout état de cause,

Débouter la société LPN Global services de l'ensemble de ses demandes comme mal fondées ;

Condamner la société LPN Global services au paiement de la somme de 20 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel qui devront également comprendre le coût de tous les procès-verbaux de constat dressés par les commissaires de justice depuis l'engagement de cette procédure.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 11 janvier 2024.

SUR CE, LA COUR,

Sur les limites de l'appel et à titre liminaire

Il résulte des écritures de la société LPN Global services qu'elle sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a considéré que les parties étaient propriétaires en indivision et à parts égales du chemin litigieux, et en ce qu'il a rejeté ses demandes de dommages et intérêts.

Elle demande à la cour de juger qu'elle est « propriétaire de l'entièreté de la parcelle AV[Cadastre 6] », et de condamner l'intimée à l'indemniser à hauteur de 20 000 euros « à titre de dommages et intérêts » et 284 212,80 euros « à titre de préjudice matériel », outre les frais irrépétibles et les dépens.

L'association La Sauvegarde demande sur ces deux points la confirmation du jugement, à titre subsidiaire une servitude de passage acquise par prescription trentenaire, et à titre infiniment subsidiaire un droit de passage sans indemnité.

La cour note qu'elle n'est pas saisie d'une demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a dit que cette dernière devra s'abstenir de toute mesure de nature à faire obstacle à l'accès au chemin indivis à l'association La Sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence du Val d'Oise.

Par ailleurs, l'association La Sauvegarde formule à nouveau, à hauteur d'appel, une demande d'astreinte, une demande d'indemnisation d'un préjudice « pour résistance abusive » (qui est identique, à la lecture des motifs, au préjudice « pour voie de fait » qu'elle a sollicité en première instance), une demande d'indemnisation au titre d'un préjudice économique ainsi qu'une demande au titre des dépens de première instance.

Cependant, elle n'a pas demandé l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté ces demandes émises en première instance.

Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que l'appelant doit, au dispositif de ses dernières conclusions, mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement. En cas de non-respect de cette règle, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626 ; 2e Civ., 4 novembre 2021, pourvoi n° 20-16.208).

Il s'ensuit que, sur ces quatre points, la cour ne pourra que confirmer le jugement.

La cour est en outre saisie, pour la première fois à hauteur d'appel, d'une demande émise par l'association La Sauvegarde aux fins d'indemnisation au titre d'un préjudice de jouissance (50 000 euros).

En résumé, le jugement n'est contesté qu'en ce qu'il a :

Dit que l'association Sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence du Val d'Oise et la société LPN Global services sont propriétaires en indivision et à parts égales du chemin constitué d'une bande de 4 mètres de largeur située sur la parcelle cadastrée section AV n°[Cadastre 6], sise [Adresse 9], qui sert de chemin pour accéder du chemin de Halage à la carrière de la société LPN Global services et à la propriété bâtie sur la parcelle AV [Cadastre 2] appartenant à l'association Sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence du Val d'Oise.

Débouté la société LPN Global services de ses demandes d'indemnisation à hauteur de 20 000 euros et 284 212,80 euros (préjudice matériel).

Les autres chefs de dispositif, à l'exception du rejet des demandes de l'Association la Sauvegarde portant sur l'astreinte, un préjudice pour résistance abusive, un préjudice économique, et les dépens de première instance, que la cour ne pourra que confirmer, sont désormais irrévocables.

La cour est donc saisie :

des demandes portant sur la propriété du chemin litigieux sur la parcelle AV[Cadastre 6],

des demandes de dommages et intérêts de la société LPN,

de la demande de l'association La Sauvegarde d'indemnisation au titre d'un préjudice de jouissance,

ainsi que les frais irrépétibles et les dépens exposés en cause d'appel.

Sur la propriété du chemin litigieux situé sur la parcelle AV[Cadastre 6]

Le tribunal a retenu que l'analyse du titre de propriété du 16 juin 1950, de l'acte notarié du 12 juillet 1954 et du titre de propriété de la société LPN Global Services du 6 juin 2019 démontrait la volonté des propriétaires successifs des parcelles mitoyennes AV[Cadastre 2] et AV[Cadastre 6] de transférer aux différents propriétaires successifs de ces parcelles la propriété indivise, à parts égales, d'un terrain d'une contenance de 5 ares et 5 centiares formé d'une bande de quatre mètres de largeur servant de chemin pour accéder à la carrière appartenant à la société LPN Global Services et à la maison appartenant à l'association La Sauvegarde.

Moyens des parties

Poursuivant l'infirmation du jugement en ce qu'il a considéré que les parties étaient propriétaires indivis et à parts égales d'une bande de quatre mètres de long ' constitutive du chemin d'accès aux carrières et à la « maison russe » - sur la parcelle AV[Cadastre 6], la société LPN Global Services demande à la cour de dire qu'elle est propriétaire de l'entièreté de la parcelle AV[Cadastre 6]. Elle explique avoir acquis cette parcelle par acte notarié du 6 juin 2019, parcelle « que l'association avait pris l'habitude de s'approprier en y garant des véhicules et en y laissant accéder ses usagers ». Elle ajoute que cette parcelle donne accès à des carrières/champignonnières exploités depuis plus de 30 ans de façon paisible, publique et non équivoque par les précédents propriétaires. Elle ajoute que sans ce chemin situé sur le bord intérieur de la parcelle AV[Cadastre 6], elle serait enclavée, contrairement à l'association La Sauvegarde. Elle explique avoir fermé ce chemin d'accès par un portail avec un cadenas dont elle a communiqué le code à la Sauvegarde lors de son installation, en raison de l'obligation impérieuse de sécuriser le site imposé par la mairie. Elle déplore une négligence de l'association dont les salariés auraient laissé ouvert le cadenas, occasionnant des intrusions et un risque pour son activité de tir et d'entraînement.

Elle conteste l'analyse des titres de propriété opérée par les premiers juges qui ont, selon elle à tort, retenu que la volonté des propriétaires précédents successifs des parcelles AV[Cadastre 2] (côté Sauvegarde) et AV[Cadastre 6] (côté LPN Global Services) étaient de posséder en indivision, à parts égales, la bande de terre large de quatre mètres permettant l'accès à la maison russe et aux carrières. La société LPN Global Services soutient que l'acte du 16 juin 1950, repris par la transcription du 12 juillet 1954, prévoyait que chaque partie était propriétaire de la moitié du chemin, sans indivision, et que les titres suivants n'ont donné aucun droit à l'association la Sauvegarde.

Se fondant sur le cadastre d'après lequel le chemin est positionné à l'intérieur de la parcelle AV[Cadastre 6], et sur les états hypothécaires, elle fait valoir qu'elle est seule propriétaire du chemin litigieux. Elle ajoute qu'à supposer qu'une indivision ait été prévue par les actes de propriété, elle n'a jamais été publiée au service de la publicité foncière, mais que seul a été publié une pleine propriété de la parcelle AV[Cadastre 6] par les consorts [B] (dont elle a acquis ses parcelles) depuis 1976.

La société LPN conteste la possession trentenaire en tant qu'indivisaire invoquée par l'intimée, estimant que cette possession n'a pas duré 30 ans, n'est pas en qualité de propriétaire et est équivoque.

Elle rejette également une acquisition d'une servitude de passage par La Sauvegarde, cette servitude, discontinue, ne pouvant s'acquérir que par titre selon l'article 691 du code civil. Or, selon elle, aucun acte notarié ne prévoit une telle servitude. Elle ajoute que la Sauvegarde n'est pas enclavée et pourrait se passer de l'utilisation du chemin. Elle indique que l'intimée ne peut se prévaloir d'une utilisation de trente années.

Elle estime, enfin, que les conditions nécessaires à l'octroi d'un droit de passage, demandé infiniment subsidiairement par l'intimée, ne sont pas remplies.

Poursuivant la confirmation du jugement, se fondant sur les titres de 1950, 1954, son acte de vente de 2003 et sur l'acte du 6 juin 2019, l'association La Sauvegarde considère qu'elle est propriétaire indivise, pour moitié, du chemin litigieux (dont elle ne conteste pas qu'il se situe sur la parcelle AV270) au motif que la moitié indivise du chemin est entrée au patrimoine de ses auteurs successifs. Elle ajoute que le caractère indivis de cette bande de terre est cohérent avec la géographie des lieux puisqu'elle constitue le seul accès carrossable aux carrières et à la maison russe. Selon elle, il est vain de prendre en compte le cadastre puisque cette indivision n'a jamais été formalisée ni publiée, et qu'il n'existe aucune contenance cadastrale. A défaut, elle considère qu'elle a acquis cette moitié indivise par usucapion, au fondement des articles 711 et 712 du code civil.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de constater qu'elle a acquis, par prescription trentenaire, une servitude de passage. Au fondement de l'article 690 du code civil, elle estime que cette servitude est continue et apparente et peut s'acquérir par prescription trentenaire.

A titre infiniment subsidiaire, elle demande à la cour de lui accorder un droit de passage, compte tenu de son état d'enclavement, sans indemnité au motif que l'action en indemnité est prescrite.

Appréciation de la cour

Les modes de preuve de la propriété immobilière sont libres mais la charge de la preuve de la propriété incombe au revendiquant et non à celui qui est en possession du bien litigieux. La liberté de la preuve du droit de propriété exclut toute hiérarchie entre les modes de preuve.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le chemin litigieux est situé à l'intérieur de la parcelle AV[Cadastre 6], sur le bord intérieur, laquelle est la propriété de la société LPN Global services (pièce 22 appelante).

Force est de constater que l'examen des titres de propriété successifs établit que ce chemin, contrairement au reste de la parcelle, est la propriété indivise, à parts égales, du propriétaire de la parcelle AV[Cadastre 6] (la société LPN) et du propriétaire de la parcelle AV[Cadastre 2]A (l'association La Sauvegarde).

Il résulte de l'acte notarié du 16 juin 1950 par lequel l'association des Israélites pratiquants de France a vendu à la société coopérative « Notre Maison » (aux droits de laquelle vient aujourd'hui l'association La Sauvegarde) les parcelles contenant la maison russe et situées entre la [Adresse 17] et le [Adresse 14] à [Localité 15], aujourd'hui propriété de l'association La Sauvegarde, que :

« (') et d'autre côté le chemin dont il sera parlé ci-après qui est mitoyen avec M. [J] (propriétaire antérieur à la société LPN Global services) et au-delà de ce chemin M. [J] (') Fait partie de la présente vente, quoique non comprise dans la contenance ci-dessus indiquée, la moitié indivise (avec M. [J] acquéreur de M. [Z], lui-même acquéreur des consorts [I], ci-après nommés) d'un terrain sis même lieudit d'une contenance de 5 ares 5 centiares tenant d'un côté la propriété présentement vendue et de l'autre côté M. [J] d'un bout le chemin du Halage et d'autre bout M. [J].

Observation étant faite que ce terrain est formé d'une bande de 4 mètres de largeur qui sert de chemin pour accéder à la carrière de M. [J] lequel terrain deviendra par suite la propriété pour moitié de l'acquéreur et pour moitié de M. [J] » (souligné par la cour) (pièce 1 intimée).

Les termes « mitoyen » et « moitié indivise » établissent sans conteste la volonté de faire de ce chemin, dont l'usage est partagé par les deux parties, une propriété indivise à parts égales. La dernière phrase laisse penser que par la suite, le chemin doit être coupé en deux et appartenir, pour moitié, à chacune des parties. Toutefois, aucune modalité quant à la division de la bande de quatre mètres n'est prévue.

Par la suite, M. [J], propriétaire de nombreuses parcelles et associé au sein de la société dénommée « Société Civile des Champignonnières d'[Localité 15] » au sein de laquelle sont associés les consorts [B], auteurs de la société LPN Global Services, procède à une augmentation de capital de la société par acte notarié du 12 juillet 1954, en faisant apport, notamment, de : « La moitié indivise seulement d'un terrain sis terrain d'[Localité 15] (S & O) lieudit « [Localité 16] » d'une contenance de 5a 5ca tenant d'un côté les consorts [I] d'autre côté Monsieur [Z], d'un bout le chemin de halage et d'autre l'entrée de la carrière. Observation étant faite que ce terrain est formé d'une bande de quatre mètres de largeur qui sert de chemin pour accéder à la carrière et à la propriété appartenant aux consorts [I] ; lequel terrain est la propriété pour moitié des consorts [I], coindivisaires » (pièce 2 de l'intimée, p.4) (souligné par la cour).

Le caractère indivis de la bande de terrain ressort clairement des termes de l'acte.

L'association La Sauvegarde a ensuite acquis la propriété des parcelles AV[Cadastre 2], AV[Cadastre 7] et AV[Cadastre 8] suivant acte de dévolution universelle de patrimoine de l'association « Notre Maison » du 12 novembre 2003 (pièce 53 de l'intimée). La lettre de M. [Y], notaire instrumentaire, du 18 décembre 2018 adressé au directeur de l'association « La Sauvegarde » reprend la désignation des biens vendus, en ce compris : « la moitié indivise (avec M. [J] acquéreur de M. [Z], lui-même acquéreur des consorts [I], ci-après nommés) d'un terrain sis même lieudit d'une contenance de 5 ares 5 centiares tenant d'un côté la propriété présentement vendue et de l'autre côté M. [J] d'un bout le chemin du Halage et d'autre bout M. [J].

Observation étant faite que ce terrain est formé d'une bande de 4 mètres de largeur qui sert de chemin pour accéder à la carrière de M. [J] lequel terrain deviendra par suite la propriété pour moitié de l'acquéreur et pour moitié de M. [J] ». Et le notaire précise : « Les véhicules automobiles peuvent actuellement emprunter, à partir du chemin du bac, une voie privée, non asphaltée, située sur la parcelle AV[Cadastre 6], le long des parcelles AV[Cadastre 8] et AV[Cadastre 2] (') » (pièce 33 de l'intimée).

Il résulte de ces actes que les propriétaires successifs des parcelles contigües AV[Cadastre 6] d'une part, et AV[Cadastre 2] et AV[Cadastre 8] d'autre part, ont considéré que la bande de terre large de quatre mètres, constitutive d'un chemin d'accès aux carrières et à la maison russe, était une propriété indivise, à parts égales, de chacun des propriétaires des parcelles sus-désignées.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que cette bande de terre était la propriété indivise, à parts égales, des parties.

La société LPN Global Services échoue à apporter la preuve contraire.

L'absence de publication du caractère indivis du cette bande de terre n'est pas de nature à établir une absence d'indivision, mais la rend seulement inopposable aux tiers. Le moyen tiré de cette absence de publication est dès lors inopérant.

Le cadastre, qui a une vocation fiscale d'établissement des impôts locaux, et les états hypothécaires produits par l'appelante sont insuffisants à apporter la preuve contraire (pièces 5 et 16 de l'appelante). Il en est de même du plan « du siècle dernier » produit en pièce 26 par l'appelante sur lequel le chemin apparaît sur la parcelle AV[Cadastre 6], ce qui n'est pas contesté.

L'acte d'acquisition de la société LPN Global Services du 6 juin 2019 reprend, au paragraphe « Servitudes », les dispositions antérieures quant à la propriété indivise du chemin : « Observation étant faite que ce terrain est formé d'une bande de quatre mètres de largeur qui sert de chemin pour accéder à la carrière et à la propriété appartenant aux consorts [I] ; lequel terrain est la propriété pour moitié des consorts [I], coindivisaires » (pièce 1 de l'appelante).

Ainsi, il ne fait aucun doute que la volonté des propriétaires successifs était de faire de ce chemin une propriété indivise, à parts égales, entre les propriétaires des parcelles contigües AV270 d'une part, et AV14 et AV419 d'autre part.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit que l'association Sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence du Val d'Oise et la société LPN Global services sont propriétaires en indivision et à parts égales du chemin litigieux.

Sur les demandes de dommages et intérêts de la société LPN Global Services

Le tribunal a considéré que le comportement de La Sauvegarde ne pouvait être considéré comme fautif et que les frais de gardiennage n'étaient pas liés à une faute imputable à l'association La Sauvegarde.

Moyens des parties

Poursuivant l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes, la société LPN Global Services demande à la cour 20 000 euros en réparation de son préjudice d'image, lié à un dénigrement auprès de la municipalité qu'elle impute à l'association La Sauvegarde, et 284 212,80 euros en raison des frais de gardiennage qu'elle a dû payer pour « se substituer » aux clôtures.

L'association La Sauvegarde réplique que le préjudice d'image n'est pas démontré et qu'il n'est pas non plus établi que les agissements dénoncés soient fautifs. Elle ajoute que l'accès au chemin est clôturé de sorte que le préjudice relatif aux frais de gardiennage est « un leurre ».

Appréciation de la cour

L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, il résulte de ce qui précède que le « préjudice d'image » et les frais de gardiennage invoqués par la société LPN Global Services ne résultent pas d'un comportement fautif de l'association La Sauvegarde.

Il s'ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ces demandes.

Sur la demande de dommages et intérêts de l'association La Sauvegarde au titre d'un préjudice de jouissance

Moyens des parties

L'association La Sauvegarde demande la condamnation de la société LPN Global Services à lui verser 50 000 euros au titre de son préjudice de jouissance constitué par son impossibilité d'accéder et de jouir du chemin depuis le 3 mai 2021 jusqu'au jour du prononcé de l'arrêt. Elle précise qu'elle a fermé son ancienne activité le 30 juin 2023 et va développer une activité d'Ateliers Chantiers d'Insertion avec des salariés en insertion.

La société LPN Global service ne conclut pas sur ce point.

Appréciation de la cour

En l'espèce, il résulte du procès-verbal de constat du 6 décembre 2022 que le portail n'est pas verrouillé (pièce 98 de l'intimée). En revanche, les procès-verbaux de constat du 4 octobre 2022, 15 novembre 2022 et du 16 janvier 2023 établissent que le portail installé et cadenassé empêche un accès normal au chemin (pièces 88, 97 et 102 de l'intimée). Toutefois, compte tenu de l'appel interjeté contre le jugement du 23 septembre 2022, la situation du chemin n'était alors pas définitivement établie, de sorte que le comportement de la société LPN Global services dont l'activité exige rigueur et sécurité dans le contrôle des allers et venues au site, et sachant que le chemin litigieux est situé sur sa parcelle AV270, ne peut être considéré comme fautif.

Il s'ensuit que cette demande sera rejetée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement de première instance n'est pas contesté en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens.

Partie perdante, la société LPN Global Services sera condamnée aux dépens d'appel, en ce compris le coût des procès-verbaux de constat du 4 octobre 2022, 15 novembre 2022, 6 décembre 2022 et du 16 janvier 2023.

L'équité commande en outre de condamner la société LPN Global Services à verser à l'association La Sauvegarde la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

Dans les limites de l'appel,

CONFIRME le jugement ;

Y ajoutant,

REJETTE la demande d'indemnisation au titre d'un préjudice de jouissance de l'association La Sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence du Val d'Oise ;

CONDAMNE la société LPN Global services à verser à l'association La Sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence du Val d'Oise la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société LPN Global Services aux dépens d'appel, en ce compris le coût des procès-verbaux de constat du 4 octobre 2022, 15 novembre 2022, 6 décembre 2022 et du 16 janvier 2023.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-1
Numéro d'arrêt : 22/06883
Date de la décision : 09/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-09;22.06883 ?
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