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09/07/2024 | FRANCE | N°22/06379

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre commerciale 3-2, 09 juillet 2024, 22/06379


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 40C



Chambre commerciale 3-2



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 9 JUILLET 2024



N° RG 22/06379 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VPEZ



AFFAIRE :



BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE



C/

S.A.S. ALLIANCE ES QUALITE DE MANDATAIRE JUDICIAIRE DE LA SARL BPH20







Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 11 Octobre 2022 par le Juge commissaire de NANTERRE



N° RG : 20

22M04771



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Mélina PEDROLETTI



Me Anne-laure WIART





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE NEUF JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 40C

Chambre commerciale 3-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 9 JUILLET 2024

N° RG 22/06379 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VPEZ

AFFAIRE :

BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE

C/

S.A.S. ALLIANCE ES QUALITE DE MANDATAIRE JUDICIAIRE DE LA SARL BPH20

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 11 Octobre 2022 par le Juge commissaire de NANTERRE

N° RG : 2022M04771

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Mélina PEDROLETTI

Me Anne-laure WIART

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE

Ayant son siège

[Adresse 5]

[Localité 4]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 25922

Représentant : Me Justin BEREST de la SELEURL JB AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D538, substituté par Me Victoria GROSU, Plaidante, avocat au barreau de Paris

APPELANTE

****************

S.A.S. ALLIANCE ES QUALITE DE MANDATAIRE JUDICIAIRE DE LA SARL BPH20

Ayant son siège

[Adresse 3]

[Localité 6]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Anne-laure WIART, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 437 - N° du dossier 26493

Représentant : Me Romain OLIVARES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R 041

S.A.R.L. BPH20

N° SIRET : 822 929 667 RCS Nanterre

Ayant son siège

[Adresse 1]

[Localité 7]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Anne-laure WIART, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 437 - N° du dossier 26493 -

Représentant : Me Romain OLIVARES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Mai 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique MULLER, Magistrat honoraire chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Ronan GUERLOT, Président,

Monsieur Cyril ROTH, Conseiller,

Mme Véronique MULLER, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Madame Emilie CAYUELA,

 

Exposé du litige

 

Par acte du 2 novembre 2016, la SARL BPH2O a acquis, pour un prix de 636 957 euros, les titres de la société Arts de Rueil, celle-ci exploitant une brasserie à [Localité 8].

 

Préalablement, la société BPH2O avait, par contrat du 14 octobre 2016, souscrit un prêt auprès de la société Banque populaire Val de France (la Banque populaire) pour un montant de 660 000 euros.

 

Par courrier recommandé du 27 avril 2021, la Banque populaire a mis en demeure la société BPH2O de lui régler dans un délai de huit jours la somme de 50 501, 22 euros, représentant les échéances impayées du prêt, sur la période du 2 novembre 2020 au 2 avril 2021.

 

Par jugement du 15 février 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé le redressement judiciaire de la société BPH2O, désigné la société BCM en qualité d'administrateur judiciaire et la SAS Alliance, en qualité de mandataire judiciaire.

 

Le 24 février 2022, la Banque populaire a déclaré sa créance entre les mains de la société Alliance, ès qualités, à hauteur de 377 699,55 euros à titre privilégié, outre intérêts. Par lettre recommandée du 28 avril 2022, le mandataire a contesté cette créance.

 

Par jugement du 4 août 2022, le tribunal de commerce a arrêté le plan de redressement de la société BPH2O.

 

Par ordonnance du 11 octobre 2022, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Nanterre a :

- déclaré irrecevable la demande de la Banque populaire d'admission de créance au passif de la société BPH2O ;

- constaté son inopposabilité [inopposabilité de la créance] à la procédure de redressement de la société BPH2O ;

- rejeté la créance déclarée par l'établissement secondaire BPVF en raison d'une irrégularité de fond, faute de capacité à ester en justice ;

- déclaré recevable la déclaration de créance effectuée par le débiteur pour le compte de son créancier, la Banque populaire ;

- constaté l'absence de contestation de cette créance ;

- admis la créance de la Banque populaire à hauteur de 298 510, 74 euros à titre chirographaire.

 

Par déclaration du 22 octobre 2022, la Banque populaire a interjeté appel de cette décision.

 

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 20 décembre 2023, elle demande à la cour de :

- la dire bien fondée en ses écritures ;

- constater que les sociétés BPH2O et Alliance, ès qualités, ne formulent aucune demande, de sorte que leurs conclusions sont irrecevables, à défaut les débouter de l'intégralité de leurs demandes ;

A titre principal,

- annuler l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

A défaut,

Réformer l'ordonnance en toutes ses dispositions ;

En tout état de cause et statuant à nouveau,

- débouter la société Alliance, ès qualités, de toutes ses demandes ;

- admettre au passif de la société BPH2O sa créance à hauteur de la somme échue de 377 633,55 euros outre intérêts au taux conventionnel majoré de 4,05% à compter du jugement d'ouverture, à titre privilégié ;

- juger que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective ;

En tout état de cause,

- condamner la société Alliance à lui payer la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 8 janvier 2024, la société BPH2O et la société Alliance ès qualités demandent à la cour de :

A titre principal,

- débouter la Banque populaire de sa demande de constat d'absence de demandes des intimés lesquelles sont exposées ci-après ;

- rejeter, en tout état de cause, en totalité la créance de la banque, cette dernière n'ayant pas régulièrement déclaré ladite créance, son établissement n'ayant ni la capacité juridique ni la qualité pour y procéder, elle est donc forclose pour opposer sa créance à la procédure de redressement judiciaire ;

A titre subsidiaire, si la cour considérait que la Banque populaire a régulièrement déclaré sa créance,

- dire et juger que le jugement du 4 août 2022 ayant arrêté le plan de redressement de BPH2O s'impose dans toutes ses dispositions à la Banque ;

- dire et juger, en conséquence, que seul le montant de 347 131 euros fait l'objet du jugement du 4 août 2022 tel qu'il a été accepté par la Banque populaire et que seul ce montant, peut donc, à date, faire l'objet d'une admission au passif de la procédure de redressement judiciaire de la société BPH2O ;

- admettre, en conséquence, la créance de la Banque à hauteur de 347 131 euros et ce, à titre chirographaire, le nantissement de la Banque étant devenu caduc ;

- rejeter, en conséquence, l'intégralité de ses créances d'intérêt de retard et d'indemnités contractuelles ;

- réviser les sommes à devoir au titre de la clause pénale invoquée par la Banque et rejeter l'intégralité de ces sommes eu égard à leur caractère excessif ;

- constater la présence d'une contestation sérieuse émise par la société BPH2O portant sur la créance d'intérêts à échoir de la Banque populaire, la société BPH2O soulevant une déchéance des droits de la Banque au titre de cette créance, cette dernière ayant exécuté de manière défectueuse ses relations contractuelles conclues avec la société BPH2O ;

- en conséquence, se déclarer incompétent pour statuer sur cette créance et inviter la société BPH2O à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification de son ordonnance et ce, en application des dispositions de l'article R. 624-5 du code de commerce.

En tout état de cause :

- débouter la Banque de sa demande de condamnation de la société BPH2O à la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ladite créance étant une créance relevant des dispositions de l'article L. 622-24 du code de commerce ;

- condamner la Banque à la somme de 7 293 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, telle que les coûts y afférents sont justifiés en pièces numéros 5 et 5 bis.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 18 janvier 2024.

 

 

En cours de délibéré, par message RPVA du 10 juin 2024, la cour a demandé aux avocats, de lui communiquer un exemplaire complet du courrier de déclaration de créance de la Banque populaire constituant sa pièce numéro 6 (hors annexes déjà en possession de la cour). Le même jour, la Banque populaire a transmis à la cour la déclaration de créance datée du 24 février 2022 jointe à son courrier d'accompagnement, ce dernier déjà transmis à la cour sous le numéro 6. Les avocats des parties ont ensuite adressé à la cour plusieurs messages RPVA, les intimés soutenant que la déclaration de créance communiquée par la banque constituait une pièce nouvelle devant être écartée dès lors qu'elle n'avait pas été transmise de manière contradictoire avant la clôture des débats.

 

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

  

MOTIFS DE LA DÉCISION

 

1 - sur la production, en cours de délibéré, de la pièce numéro 6 dans son intégralité

 

La pièce numéro 6 communiquée par la Banque populaire est intitulée 'lettre RAR de la BPRP à la SAS Alliance du 24 février 2022". Cette lettre indique : 'vous trouverez sous ce pli notre déclaration de créance se décomposant comme suit (...).'

 

La déclaration de créance, en elle-même, supposée jointe à la lettre du 24 février 2022, ne figurant pas dans le dossier de plaidoirie de la Banque populaire, la cour a sollicité la production d'un exemplaire complet du courrier de déclaration, incluant la déclaration elle-même.

 

Contrairement à ce que soutiennent les intimés, la déclaration de créance communiquée par la banque le 10 juin 2024, en cours de délibéré, ne constitue pas une pièce nouvelle transmise de manière non-contradictoire, la cour observant que les intimés eux-mêmes y font référence en page 21 de leurs conclusions, indiquant : 'concernant la déclaration de créance, il est à relever les mêmes constats (...).' Cette pièce, bien que régulièrement communiquée, ne figurait pas dans le dossier de plaidoirie de la banque, de sorte que la cour n'en avait pas connaissance avant sa transmission par message RPVA du 10 juin 2024.

 

Il est ainsi établi que la déclaration de créance a bien été communiquée aux parties de manière contradictoire avant même la clôture de la procédure, de sorte qu'il n'y a pas lieu de l'écarter des débats.

2 - sur la recevabilité des conclusions de la société BPH2O

 

La Banque populaire soulève « l'irrecevabilité » de toutes les conclusions de la société BPH2O  au motif que ces dernières ne contiennent aucune prétention tendant à l'infirmation ou à la confirmation de l'ordonnance attaquée, de sorte que la cour n'est saisie d'aucune 'demande' à ce titre.

 

La société BPH2O et son mandataire soutiennent que leurs conclusions sont parfaitement recevables dès lors qu'elles formulent différentes demandes, notamment de rejet de la créance qui n'a pas été régulièrement déclarée. Elles indiquent, à titre subsidiaire, que s'il devait être considéré qu'elles n'ont formulé aucune demande, la cour devrait alors considérer qu'elle 's'approprie les motifs' de l'ordonnance querellée.

 

Réponse de la cour

 

Il résulte de l'article 909 du code de procédure civile que l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

 

Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement ( Civ. 17 septembre 2020, n°18-23.626).  L'appel incident n'étant pas différent de l'appel principal par sa nature ou son objet, les conclusions de l'appelant, qu'il soit principal ou incident, doivent déterminer l'objet du litige porté devant la cour d'appel. (Civ, 1er juill. 2021, n° 20-10.694), Cette règle est sans incidence sur la recevabilité en la forme des conclusions ne comportant pas de demande d'infirmation ou d'annulation.

 

En l'espèce, force est de constater que, si les conclusions de la société BPH2O énoncent différentes prétentions - notamment une demande de rejet de la créance de la banque, en totalité ou à tout le moins au titre des intérêts à échoir et des indemnités contractuelles, ce qui s'analyse en un appel incident - elles ne contiennent aucune prétention tendant à l'infirmation ou à la confirmation de l'ordonnance critiquée, de sorte que cet appel incident n'est pas valablement formé.

 

Ces conclusions n'en restent pas moins recevables en la forme. La cour rejettera donc la demande d'irrecevabilité des conclusions des intimées.

3 - sur la demande principale d'annulation de l'ordonnance

La Banque populaire sollicite, à titre principal, l'annulation de l'ordonnance du juge-commissaire pour non-respect du principe de la contradiction, faisant valoir que celui-ci, après avoir rejeté sa créance au motif qu'elle avait été déclarée par un établissement secondaire dépourvu de capacité juridique a finalement retenu la 'déclaration de créance', effectuée par le débiteur BPH2O pour le compte de la banque à hauteur de 298 510,74 euros à titre chirographaire, cette 'déclaration' n'ayant jamais été portée à sa connaissance. Elle reproche ainsi au juge de s'être fondé sur une pièce communiquée en dehors de la procédure, de manière non contradictoire.

 

La société BPH2O indique qu'elle laisse ce point à l'appréciation souveraine de la cour.

Réponse de la cour

 

Il résulte de l'article 16 du code de procédure civile que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

 

Selon l'article L. 622-24 du code de commerce, lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n'a pas lui-même adressé de déclaration de créance.

 

A défaut d'énonciation contraire dans la décision, les documents sur lesquels les juges se sont appuyés et dont la production n'a donné lieu à aucune contestation devant eux, sont réputés, sauf preuve contraire, avoir été régulièrement produits aux débats et soumis à la libre discussion des parties (Cass. com., 28 janv. 2003, n° 99-11.765 ; 2e Civ., 13 juin 1985, n°83-162e Civ.446, publié ; 1re civ., 14 févr. 1995, n° 92-14.675).

 

 

En l'espèce, la Banque populaire soutient que la 'déclaration de créance' régularisée par la société BPH2O n'a jamais été portée à sa connaissance car elle ne fait pas partie des pièces communiquées par cette dernière et n'est pas évoquée dans ses conclusions .

Cependant, il ne résulte pas de la décision entreprise que l'utilisation de la déclaration litigieuse par le juge-commissaire, devant lequel la procédure est orale, ait été contestée par la Banque populaire, qui était représentée à l'audience par un avocat ; cette pièce est donc réputée avoir été régulièrement produite aux débats et soumise à la discussion des parties ; la Banque populaire, qui ne produit pas le bordereau des pièces communiquées par la société débitrice devant le juge-commissaire, n'établit la preuve d'aucun manquement au principe de la contradiction.

 

La demande d'annulation de l'ordonnance entreprise doit donc être écartée.

4 - sur la demande subsidiaire d'infirmation de l'ordonnance, et la recevabilité de la déclaration de créance de la Banque populaire

La Banque populaire sollicite l'infirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré irrecevable sa demande d'admission de créance au passif de la société BPH20. Elle soutient que l'entité qui a procédé à la déclaration de créance est la 'Banque populaire Val de France' dont le siège social est situé à [Localité 4], ainsi que cela figure en pied de page du courrier d'accompagnement de la déclaration de créance, et ce même si ce courrier mentionne également son établissement situé à [Localité 9], en charge du contentieux. Elle fait valoir que la déclaration de créance ne revêt aucune forme particulière, de sorte qu'il est incompréhensible de se focaliser sur une page de déclaration de créance, plutôt que sur le courrier d'accompagnement qui énonce clairement que c'est la 'Banque populaire Val de France', avec son numéro RCS, qui déclare la créance. Elle indique en outre justifier de la délégation de pouvoir au profit de Mme [J], signataire de la déclaration de créance.

 

La société BPH2O et son mandataire soutiennent que la déclaration de créance émane du seul établissement secondaire de la banque situé à [Localité 9], cet établissement n'indiquant pas agir pour le compte de la banque. Elle ajoute que la mention de bas de page figurant en police miniature sur le seul courrier d'accompagnement de la déclaration ne permet pas de renverser la preuve que la déclaration émane uniquement de l'établissement secondaire. Elle conclut dès lors que la déclaration émane d'un établissement secondaire ne disposant pas de la capacité juridique pour effectuer une telle déclaration, ajoutant que cet établissement n'indique pas agir pour le compte de la banque, de sorte qu'il ne s'agit pas d'une déclaration pour le compte d'autrui.

 

Réponse de la cour

 

Il résulte de l'article L. 622-24 du code de commerce que la déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix. Le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance.

 

En l'espèce, la Banque populaire a adressé au mandataire judiciaire, le 24 février 2022, un document établi sur papier libre, intitulé 'DECLARATION DE CREANCES', qui est joint à un courrier d'accompagnement daté du même jour, à en-tête de la 'Banque populaire Val de France'. Sont en outre jointes différentes annexes (contrat de prêt...).

 

Le courrier d'accompagnement est établi sur papier à en-tête : 'Banque populaire Val de France', avec indication, en pied de page, de son siège social situé à [Localité 4] et de son numéro RCS. Si ce courrier indique également en marge : 'BPVF contentieux' avec une adresse à [Localité 9], et mentionne que le courrier est rédigé à '[Localité 9], le 24/02/2022", cela ne permet pas pour autant de considérer que 'BPVF Contentieux', établissement secondaire, serait l'auteur de la déclaration de créance puisque le papier à en-tête est bien celui de l'établissement principal. Il est en outre justifié que le signataire de ce courrier, Mme [W] [U], bénéficie d'une délégation de pouvoirs de la Banque populaire. Ce courrier, à en-tête de la Banque populaire Val de France énonce : 'vous trouverez, sous ce pli, notre déclaration de créance, se décomposant comme suit : 377 699,55 euros + intérêts à titre de créancier privilégié (...)'.

 

Le document intitulé 'DECLARATION DE CREANCES', joint au courrier d'accompagnement, mentionne :

 

BPVF 

[Adresse 2]

[Localité 9]

 

De : Nom du débiteur : SARL BPH2O 

Numéro de SIREN : 822929667 

Adresse :  [Adresse 1] 

   [Localité 7] 

 

Date du jugement : 15.02.22

 

BPVF requiert l'admission de sa créance détaillée ci-après, au passif (...)

 

Ces deux documents, à savoir, déclaration de créance d'une part, et courrier d'accompagnement, d'autre part, énoncent tous deux que 'BPVF' requiert l'admission d'une créance.  La 'déclaration de créance', au nom de la société BPVF située à [Localité 9] ne peut être prise isolément, alors que le courrier l'accompagnant établit que c'est la Banque populaire Val de France, dont l'acronyme est BPVF, qui est située à [Localité 4] et qui constitue l'établissement principal, seul pourvu de la capacité juridique, qui adresse 'notre/sa' déclaration de créance.

 

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de faire prévaloir le courrier d'accompagnement de la créance - qui évoque bien 'notre créance' - qui seul peut avoir un effet, étant précisé que la Banque populaire ayant son siège à [Localité 4] est seule titulaire de la créance déclarée.

 

Il est ainsi établi que c'est la Banque populaire - établissement principal situé à [Localité 4] - ayant la qualité de créancier, qui a déclaré la créance, de sorte que cette déclaration est opposable à la procédure collective.

 

De surcroît, la Banque populaire, créancière, a par ses conclusions ratifié la déclaration de créance avant que la cour, saisie de la contestation relative à son admission par l'effet dévolutif de l'appel, ne statue.

 

L'ordonnance du juge-commissaire sera en conséquence infirmée en ce qu'elle a dit inopposable à la procédure collective la créance de la Banque populaire.

 

5 - Sur le montant de la créance de la Banque populaire

 

La Banque populaire sollicite l'admission de sa créance, à titre privilégié, à hauteur de la somme de 377 633,55 euros, outre intérêts au taux majoré de 4,05 % à compter du jugement d'ouverture. Elle soutient que, pour l'admission de créance, le juge-commissaire doit se placer au jour du jugement d'ouverture, et non pas au jour où il statue, de sorte qu'il n'y a pas lieu de tenir compte du plan de redressement décidé en août 2022. Elle indique être titulaire d'un nantissement, mais admet ne pas être en mesure de justifier de son renouvellement, sollicitant à titre subsidiaire l'admission de sa créance à titre chirographaire. Elle ajoute que l'indemnité forfaitaire ne constitue pas une clause pénale et qu'elle n'a aucun caractère excessif, de même que la majoration du taux d'intérêt qui aboutit à un taux inférieur à l'inflation.

 

La société BPH2O s'oppose à la demande d'admission à hauteur de 377 633,55 euros, faisant valoir que la banque a expressément accepté, dans le cadre du plan de redressement, de limiter sa créance à 347 131 euros, outre un abandon des intérêts, ce qui a été repris par le jugement du 4 août 2022 arrêtant le plan de redressement. Elle sollicite donc l'admission de la créance à hauteur de cette somme à titre chirographaire, soutenant que le nantissement invoqué par la banque lui est inopposable, du fait de sa caducité. Elle sollicite en outre le rejet de l'indemnité contractuelle au motif qu'elle n'est fondée sur aucune clause et que son montant est manifestement excessif. Elle soutient enfin que la cour n'a pas compétence pour statuer sur la créance au titre des intérêts à échoir, dès lors qu'elle entend invoquer la déchéance de la banque à ce titre, au motif d'un manquement à ses obligations contractuelles, indiquant au surplus que la majoration du taux d'intérêt constitue une clause pénale qui doit être réduite compte tenu de son caractère manifestement excessif.

 

Réponse de la cour

 

* sur le montant principal de la créance

 

S'agissant de l'admission d'une créance, le juge-commissaire doit se placer au jour du jugement d'ouverture, de sorte qu'il n'y a pas lieu de tenir compte - pour statuer sur l'admission de la créance - des accords survenus ultérieurement, même entérinés par le jugement arrêtant le plan de redressement.

 

La créance déclarée par la Banque populaire se décompose comme suit :

 

            - échéances impayées et capital restant dû :               349 011,96 euros

            - intérêts contractuels arrêtés au 15 février 2022 :       12 775,73 euros

            - indemnité :                                                                  17 450,59 euros

            - encaissements à déduire :                                         -   1 538,73 euros

            TOTAL :                                                                     377 699,55 euros

 

S'agissant de l'indemnité, l'article 7 du contrat de prêt prévoit qu'en cas de résiliation du contrat pour défaut de paiement, la banque peut demander une indemnité dont le montant est fixé à 5% des sommes dues au titre du capital restant dû, outre les intérêts échus.

 

Contrairement à ce que soutient la banque, cette clause a bien la nature d'une clause pénale dès lors qu'elle vise à sanctionner les conséquences de l'inexécution contractuelle par une évaluation forfaitaire et anticipée du préjudice. La seule affirmation de la société BPH2O de son caractère manifestement excessif ne permet pas toutefois de caractériser un tel excès, de sorte que cette indemnité ne peut être rejetée.

 

La demande d'admission de créance, telle que figurant au dispositif des conclusions de la banque, est limitée à 377 633,55 euros, à titre principal. Il convient de faire droit à cette demande.

 

La banque produit aux débats le bordereau d'inscription de nantissement de parts sociales daté du 23 novembre 2016, dont il n'est pas contesté qu'il n'a pas été renouvelé après sa durée de validité de 5 années, de sorte qu'il est devenu caduc. La créance de la banque ne peut dès lors être admise qu'à titre chirographaire.

 

* sur les intérêts à échoir et la compétence de la cour pour statuer sur ce point

 

Il résulte de l'article L.624-2 du code de commerce qu'au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.

 

L'article R. 624-5 du code de commerce dispose que lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins d'appel dans les cas où cette voie de recours est ouverte.

 

La société BPH2O conteste la créance d'intérêts à échoir, au motif d'un manquement de la banque à ses obligations contractuelles, invoquant en conséquence la déchéance du droit aux intérêts. Elle invoque la déloyauté de la banque, d'une part en ce qu'elle a prélevé l'échéance d'avril 2020 alors qu'elle s'était engagée à rééchelonner le prêt, d'autre part en ce qu'elle a affecté un prêt garanti par l'Etat au remboursement de son découvert.

 

La cour observe toutefois que la société BPH2O ne produit aucune pièce à l'appui de sa contestation, notamment aucun relevé bancaire, ni aucune lettre qu'elle aurait adressé à la banque pour justifier de son mécontentement. La contestation ainsi opérée n'apparaît pas sérieuse. En tout état de cause, un éventuel manquement de la banque à ses obligations ne pourrait donner lieu qu'à réparation du préjudice par le versement d'une indemnité, aucune déchéance n'étant encourue.

 

La demande de déchéance du droit aux intérêts à échoir sera dès lors rejetée.

 

La majoration du taux d'intérêt contractuel de 3 points, aboutissant à un taux de 4,05 % n'apparaît pas en outre manifestement excessive, de sorte qu'il n'y a pas lieu à révision de cette pénalité.

 

Il convient donc, infirmant la décision dont appel, d'admettre la créance de la Banque populaire au passif du redressement de la société BPH2O à hauteur de 377 633,55 euros, outre intérêts au taux majoré de 4,05 %, à compter du 15 février 2022, date du jugement d'ouverture, et ce à titre chirographaire.

 

Sur les demandes accessoires

Les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective. L'équité commande de mettre à la charge de la société BPH2O, qui succombe, l'indemnité de procédure prévue au dispositif.

 

PAR CES MOTIFS

 

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

 

Rejette la demande tendant à l'irrecevabilité des conclusions des sociétés BPH2O et Alliance ès qualités,

 

Rejette la demande d'annulation de l'ordonnance du juge-commissaire du tribunal de commerce de Nanterre du 11 octobre 2022 ;

 

Infirme cette ordonnance en toutes ses dispositions,

 

Et statuant à nouveau,

 

Admet au passif du redressement de la société BPH2O la créance de la Banque populaire Val de France à hauteur de 377 633,55 euros, outre intérêts au taux majoré de 4,05 %, à compter du 15 février 2022, à titre chirographaire,

 

Rejette toutes autres demandes,

 

Condamne la société BPH2O à payer à la Banque Populaire Val de France la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

 

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre commerciale 3-2
Numéro d'arrêt : 22/06379
Date de la décision : 09/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-09;22.06379 ?
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