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04/07/2024 | FRANCE | N°23/07963

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-5, 04 juillet 2024, 23/07963


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 28Z



Chambre civile 1-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 04 JUILLET 2024



N° RG 23/07963 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WGYQ



AFFAIRE :



[T] [K]





C/



[O] [C]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Avril 2023 par le TJ de NANTERRE, rectifié par ordonnance du TJ de NANTERRE du 05 Juillet 2023





Expéditions exécu

toires

Expéditions

Copies

délivrées le : 04/07/2024.

à :

Me Dan ZERHAT, avocat au barreau de VERSAILLES (731)



Me Betty WOLFF, avocat au barreau de VERSAILLES (604)







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





LE QUATRE JUILL...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 28Z

Chambre civile 1-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 JUILLET 2024

N° RG 23/07963 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WGYQ

AFFAIRE :

[T] [K]

C/

[O] [C]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Avril 2023 par le TJ de NANTERRE, rectifié par ordonnance du TJ de NANTERRE du 05 Juillet 2023

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 04/07/2024.

à :

Me Dan ZERHAT, avocat au barreau de VERSAILLES (731)

Me Betty WOLFF, avocat au barreau de VERSAILLES (604)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [T] [K]

née le [Date naissance 8] 1960 à [Localité 20], (ALGÉRIE)

de nationalité Française et algérienne

[Adresse 9]

[Localité 14]

Représentant : Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT CABINET D'AVOCATS,Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731 - N° du dossier 23078173

Ayant pour avocat plaidant Maître MAHBOULI Badr ,du barreau de PARIS,

APPELANTE

****************

Madame [O] [D] [C]

née le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 16]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 13]

Représentant : Me Betty WOLFF, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 604

Ayant pour avocat plaidant Maître HAMMOUTENE Ali ,du barreau de PARIS,

Madame [J] [E] [C]

née le [Date naissance 5] 1986 à [Localité 16]

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 15]

Représentant : Me Betty WOLFF, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 604

Ayant pour avocat plaidant Maître HAMMOUTENE Ali ,du barreau de PARIS

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 29 Mai 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas VASSEUR, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas VASSEUR, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère,

Madame Marina IGELMAN, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,

EXPOSE DU LITIGE

M. [M] [C] est décédé le [Date décès 11] 2020.

Un acte de notoriété, dressé par Maître [A] [P], notaire, le 7 janvier 2021, à la requête de Mmes [O] et [J] [C], ses deux filles nées de l'union du défunt avec Mme [G] [N], indique qu'elles sont toutes deux ses ayants droit.

Cependant, Mme [T] [K], qui avait notamment travaillé avec le défunt, soutient qu'elle l'avait épousé religieusement en Algérie en 2012 et qu'étant à ce titre son conjoint survivant, elle est également bénéficiaire de droits dans la succession, qui comprend notamment un appartement à [Localité 18].

Par actes des 25 et 26 juillet 2022, Mme [K] a fait assigner Mmes [O] et [J] [C] devant le président du tribunal judiciaire de Nanterre selon la procédure accélérée au fond afin que soit ordonnée la désignation d'un administrateur provisoire à la succession de [M] [C].

Par jugement contradictoire rendu le 20 avril 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a :

déclaré irrecevable la demande de Mme [K] faute de qualité à agir ;

condamné Mme [K] à payer à Mmes [C] la somme globale de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné Mme [K] aux dépens ;

rappelé que le jugement est exécutoire de droit à titre provisoire.

Par déclaration reçue au greffe le 27 novembre 2023, Mme [K] a interjeté appel de ce jugement en l'ensemble de ses chefs de dispositif.

Dans ses dernières conclusions déposées le 22 avril 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [K] demande à la cour, au visa des articles 813 et suivants, 772, 794, 810-5, 812-3, 813-1, 813-9, 814 alinéa 2 du code civil, 1380, 30 et suivants et 122 du code de procédure civile, de :

'- infirmer le jugement rendu par le Président près le tribunal judiciaire de Nanterre en date du 20 avril 2023,

- infirmer l'ordonnance rendue par le président près le tribunal judiciaire de Nanterre en date du 5 juillet 2023,

statuant de nouveau,

à titre principal :

- débouter Mme [O] [C] et Mme [J] [C] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

- déclarer Mme [T] [K] bien fondée à faire valoir ses droits en qualité de conjoint survivant de M. [C] ;

- déclarer recevable et bien fondée Mme [T] [K] en toutes ses demandes,

- constater la mésentente existante entre les héritiers de M. [M] [C],

- nommer tel administrateur provisoire à la succession qu'il plaira au tribunal de nommer ;

- juger que l'administrateur aura pour mission de :

- d'évaluer l'appartement situé [Adresse 6],

- vendre de gré à gré cet appartement qui a le numéro de lot 2 ainsi que la cave qui a le numéro 21.

- condamner Mme [O] [C] et Mme [J] [C] à payer chacune la somme de 5 000 euros à Mme [T] [K], outre entiers dépens de première instance.

à titre subsidiaire :

- débouter Mme [O] [C] et Mme [J] [C] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

- surseoir à statuer dans l'attente de la transcription par l'état civil français du mariage entre Mme [K] et M. [C], reconnu par les autorités algériennes.

en tout état de cause :

- condamner Mme [O] [C] et Mme [J] [C] à payer chacune la somme de 5 000 euros à Mme [T] [K], outre entiers dépens de l'instance.'

Au soutien de son appel, Mme [K] indique qu'elle a vécu avec M. [C] depuis l'année 2011 jusqu'au décès de celui-ci. Elle expose que tous deux avaient la nationalité française et qu'en application de l'article 757 du code civil, elle a vocation à participer à la succession.

Elle expose que par un jugement du 11 juillet 2021, le tribunal d'Oran, section des affaires familiales, a reconnu la validité du mariage coutumier intervenu le [Date mariage 2] 2012 entre elle et M. [C] et a ordonné sa transcription sur le registre d'état civil algérien ; ce jugement a été confirmé par un arrêt de la cour d'appel d'Oran du 28 mars 2022 et aucun pourvoi n'a été formé contre cet arrêt, qui est donc définitif. Mme [K] indique être actuellement en train d'accomplir les démarches nécessaires à la transcription de ce mariage en marge des actes de l'état civil français, de sorte qu'une procédure d'exéquatur du jugement n'est pas nécessaire, un jugement étranger produisant des effets indépendamment d'une vérification de sa régularité internationale dans une procédure de reconnaissance ou d'exéquatur (Civ. 1ère, 11 juillet 2006, n° 01-02.593).

En réponse aux consorts [C] qui excipent de l'absence de mention des noms, prénoms et âges des témoins afin de dénier les effets juridiques de l'acte de mariage, elle produit un autre acte de mariage, daté du 11 novembre 2023.

Elle expose que pour obtenir le jugement, elle a pris soin d'attraire la mère du défunt, à son adresse en Algérie, de sorte que la saisine de la juridiction algérienne n'est pas déloyale et que le jugement rendu est opposable en France.

En réponse à Mmes [O] et [J] [C] qui se fondent sur un courriel de 2012 pour alléguer qu'elle et le défunt se trouvaient en France au moment du mariage, Mme [K] critique l'ancienneté de ce courriel ainsi que l'adresse e-mail attribuée au défunt, à savoir « expertimmo94 » avant l'arobase, exposant à cet égard que la correspondance entre cette adresse et le défunt ne procède que d'une supposition des intimées.

Mme [K] indique que la désignation d'un administrateur judiciaire à la succession, telle que prévue par l'article 813-1 du Code civil, est nécessaire afin de d'évaluer et de vendre l'appartement parisien qui se trouve dans la succession et d'en répartir le prix de vente entre les indivisaires.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 6 mai 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, Mmes [O] et [J] [C] demandent à la cour, au visa des articles 31, 122, 813-1 et 1380 du code de procédure civile, 1, 2 et 3 de la convention franco-algérienne relative à l'exequatur et à l'extradition du 27 août 1964, signée à [Localité 18] le 29 août 1964, 47 et 171-2 du code civil, de :

'à titre principal :

- juger la demande de Mme [T] [K] irrecevable en ce que cette dernière ne justifie d'aucune qualité pour agir ; Mme [K] ne rapportant pas la preuve irréfutable de sa qualité de conjoint survivant ou d'héritière de M. [M] [C].

- confirmer le jugement rendu par le président du tribunal judiciaire de Nanterre le 20 avril 2023 ;

- confirmer l'ordonnance rectificative rendue par le président du tribunal judiciaire de Nanterre le 5 juillet 2023 ;

- condamner Mme [T] [K] à verser à Mme [O] [C] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner Mme [T] [K] à verser à Mme [J] [C], la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner Mme [T] [K] aux entiers dépens.

à titre subsidiaire :

- débouter Mme [T] [K] de sa demande de désignation d'un administrateur provisoire à l'effet d'évaluer et de vendre l'appartement situé au [Adresse 6] à [Localité 19].

- débouter Mme [T] [K] de sa demande de sursoir à statuer dans l'attente de la transcription par l'état civil français.

- débouter Mme [T] [K] de sa demande tendant à condamner Mme [O] et Mme [J] [C] à lui verser la somme de 5 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- confirmer le jugement du 20 avril 2023 et l'ordonnance du 5 juillet 2023 rendus par le président du tribunal judiciaire de Nanterre.

- condamner Mme [T] [K] à verser à Mme [O] [C] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner Mme [T] [K] à verser à Mme [J] [C], la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner Mme [T] [K] aux entiers dépens.'

Mmes [O] et [J] [C] soulignent que Mme [K] se fonde sur un jugement qu'elle a obtenu du tribunal d'Oran le 11 juillet 2021 validant un mariage religieux qui aurait été célébré le [Date mariage 2] 2012, ainsi que sur un arrêt de la cour d'appel d'Oran confirmant ce jugement. Elles mentionnent que Mme [K] produit également deux actes de mariage, l'un du 25 décembre 2022 et l'autre du 11 novembre 2023, qui portent chacun des mentions différentes.

S'agissant des actes de mariage, elles considèrent que celui du 25 décembre 2022 n'est pas un acte d'état civil probant au sens de l'article 47 du code civil, dès lors qu'il n'a pas été rédigé dans les termes usités : elles indiquent à cet égard que l'article 73 du code de l'état civil algérien prévoit que l'acte de mariage dressé par l'officier de l'état civil ou le cadi doit expressément mentionner notamment les noms, prénoms et âges des témoins, ce qui n'est pas le cas de cet acte. Elles ajoutent que cet acte ne contient ni l'heure à laquelle il a été reçu ni les prénoms, nom et qualité de l'officier de l'état civil, en méconnaissance de l'article 30 du code de l'état civil algérien et qu'il ne fait référence à aucun jugement. Pour ce qui est de l'acte de mariage du 11 novembre 2023, Mmes [O] et [J] [C] indiquent qu'il comporte les mentions qui manquent à celui du 25 décembre 2022, sans que ce dernier n'ait fait l'objet d'une quelconque décision rectificative. Mmes [O] et [J] [C] considèrent que la multiplicité des actes de mariage produits ôte toute valeur probante à chacun d'eux. Elles font valoir que la demande de Mme [K] de transcription de ce mariage en marge des actes de l'état civil français auprès du service central d'état civil du ministère de l'Europe et des affaires étrangères a fait l'objet d'une opposition de leur part, qui a été actée par la cheffe du bureau des transcriptions pour le Maghreb au service central d'état civil.

Mmes [O] et [J] [C] considèrent ainsi que Mme [K] ne se prévaut pas d'actes d'état civil étrangers revêtant un caractère probant au sens de l'article 47 du Code civil.

S'agissant du jugement rendu par le tribunal d'Oran le 11 juillet 2021, Mmes [O] et [J] [C] relèvent que la procédure a été dirigée contre Mme [X] [H], née le [Date naissance 7] 1926 et mère du défunt ; elles considèrent que Mme [K] a volontairement omis de les faire citer alors que Mme [X] [H] n'est elle-même pas héritière de son fils. Elles ajoutent que Mme [X] [H] réside en France depuis des décennies et que Mme [K] l'a cependant fait citer à une adresse en Algérie, de sorte que Mme [X] [H] n'a pas comparu devant la juridiction algérienne. Elles exposent également que la traduction du jugement algérien a été réalisée en des termes approximatifs, soulignant notamment que s'agissant de la traduction qui a été versée devant la juridiction de première instance, le jugement indiquait être réputé contradictoire, alors que dans la version produite devant la cour, il y est mentionné qu'il est rendu par défaut. Il en va de même s'agissant de la différence de traduction concernant l'intervention de M. [Z] [K] en tant que « tuteur matrimonial » de sa s'ur. Elles ajoutent que tant le défunt que Mme [K] avaient la nationalité française et que, à supposer qu'il y ait eu un mariage religieux, il n'est pas démontré qu'un certificat de capacité à mariage ait été délivré par l'autorité diplomatique française en poste en Algérie, contrairement à ce que prévoit l'article 171-2 du Code civil. Elles exposent également que Mme [K] s'est bien gardée de solliciter l'exequatur de ce jugement.

Mmes [O] et [J] [C] indiquent encore que l'adresse à laquelle la mère du défunt a été citée, au [Adresse 12] correspond en réalité à l'adresse de Mme [K] elle-même, ainsi qu'il résulte d'un ensemble de pièces que la demanderesse produit elle-même, ensemble numéroté 26 dans son bordereau, ce qui démontre que Mme [K] a bien oeuvré de manière à ce que la procédure ne soit pas menée contradictoirement.

Mmes [O] et [J] [C] exposent également qu'elles ont découvert dans la boîte email de leur père une réservation de billets d'avion ainsi qu'une facture correspondant à un vol à destination de l'Algérie du 15 août 2012, de sorte qu'il est incohérent que Mme [K] ait pu se marier avec leur père en Algérie si peu de temps avant ce départ.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient à titre préalable de rappeler les deux dispositions suivantes.

En premier lieu, l'article 813-1 du Code civil, sur lequel se fonde Mme [K] pour sa demande dispose : « Le juge peut désigner toute personne qualifiée, physique ou morale, en qualité de mandataire successoral, à l'effet d'administrer provisoirement la succession en raison de l'inertie, de la carence ou de la faute d'un ou de plusieurs héritiers dans cette administration, de leur mésentente, d'une opposition d'intérêts entre eux ou de la complexité de la situation successorale.

La demande est formée par un héritier, un créancier, toute personne qui assurait, pour le compte de la personne décédée, l'administration de tout ou partie de son patrimoine de son vivant, toute autre personne intéressée ou par le ministère public. »

L'article 47 du même code dispose : « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. »

Enfin, l'article 171-1 de ce même code dispose, en son 1er alinéa : « Le mariage contracté en pays étranger entre Français, ou entre un Français et un étranger, est valable s'il a été célébré dans les formes usitées dans le pays de célébration et pourvu que le ou les Français n'aient point contrevenu aux dispositions contenues au chapitre Ier du présent titre. »

Mme [K] n'est recevable à solliciter la désignation d'un administrateur provisoire de la succession résultant du décès de M. [M] [C] qu'à la condition de justifier qu'elle a vocation à compter au nombre des héritières de ce dernier.

En l'état, l'acte de notoriété dressé par notaire et produit par les défenderesses ne désigne pas Mme [K] comme telle.

De même, aucun acte d'état civil français n'indique au jour où la cour de céans statue que Mme [K] aurait bien été l'épouse du défunt.

Dès lors, la recevabilité de la demande de Mme [K] ne repose que sur les deux actes de mariage du service de l'état civil algérien, datés respectivement du 25 décembre 2022 et du 11 novembre 2023, qui eux-mêmes se réfèrent à un jugement du tribunal d'Oran du 11 juillet 2021.

Or, chacun de ces deux actes diffère, sans d'ailleurs que le second n'indique corriger le premier, alors même qu'ils portent tous deux le même numéro d'acte, à savoir le n° 02531. Ces actes contiennent en outre des mentions incohérentes : pour ne prendre qu'un seul exemple, dans le second acte, du 11 novembre 2023, la mention indiquant « Et nous mariage devant tribunal d'Oran le 11/07/2021 Officier de l'Etat Civil », au-delà de sa syntaxe incompréhensible, évoque un mariage du [Date mariage 3] 2021, ce qui correspond en réalité à la date du jugement évoqué car à cette date, M. [C] était lui-même décédé.

En outre, le jugement en question, rendu par le tribunal d'Oran le 11 juillet 2021 résulte d'une procédure diligentée par Mme [K] à l'encontre de la mère du défunt, Mme [X] [H], qui a été assignée en Algérie et qui n'a pas comparu. Ce jugement indique valider le mariage coutumier célébré le [Date mariage 2] 2012 à [Localité 17] et un arrêt de la cour d'appel d'Oran du 28 mars 2022 le confirme. Le jugement, tel que versé aux débats par Mme [K], fait l'objet de deux traductions qui sont en partie contradictoires sur des mentions d'importance, étant observé que les deux versions du jugement sont communiquées dans le bordereau de l'appelante sous le n° 27, avec d'autres pièces, à savoir l'arrêt de la cour d'appel d'Oran et le certificat de non pourvoi délivré par le greffe central de la cour suprême d'Algérie. Dans l'une des versions du jugement, il est indiqué que la mère du défunt, Mme [X] [H] est « comparante en personne » alors que dans l'autre version, elle est indiquée comme étant « réputé présente » (sic). En tout état de cause, dans l'exposé du litige du jugement dans chacune de ces deux versions, il est bien mentionné que Mme [X] [H] n'a pas comparu. Aucune de ces décisions, qu'il s'agisse du jugement en cause ou de l'arrêt de la cour d'appel d'Oran qui le confirme, n'ont fait l'objet d'une décision d'exequatur. Les filles du défunt, très largement majeures au moment de la célébration du supposé mariage, ne sont pas mentionnées dans le jugement et n'ont pas été appelées à la procédure.

Enfin, Mme [X] [H] a été citée devant les juridictions algériennes à une adresse en Algérie et n'a pas comparu. Or, en premier lieu, il résulte de la carte de séjour de Mme [X] [H] qu'elle réside en France, à [Localité 18], ce qui est également confirmé par sa facture de gaz et son avis d'impôt sur le revenu, son avis de taxe foncière et l'appel de charges de copropriété de son syndic. En outre et surtout, l'adresse à laquelle a été citée la mère du défunt, à savoir « [Adresse 12] » correspond très exactement à l'adresse en Algérie de Mme [K] elle-même, ainsi qu'il résulte de l'ordre de virement bancaire qu'elle a elle-même produit en pièce n° 26. Mme [K] n'explique aucunement les raisons pour lesquelles elle a fait citer à sa propre adresse la mère de son supposé défunt mari.

Enfin et surabondamment, il résulte du procès-verbal de constat établi le 23 février 2023 par commissaire de justice que le défunt et Mme [K] avaient réservé, et réglé, un vol au départ de la France et à destination de l'Algérie pour le 15 août 2012, ce qui est à tout le moins peu cohérent avec un mariage qui aurait été célébré entre ces mêmes parties en Algérie quelques jours auparavant.

Il résulte de ces éléments que les deux actes de mariage supposés émaner des services de l'état civil algérien invoqués par Mme [K] résultent de la constatation d'un mariage par un jugement qui ne repose lui-même pas sur des éléments factuels avérés et qui ne procède pas du respect du principe de la contradiction.

Mme [K] ne justifiant pas d'un état civil fiable et certain ni d'aucune autre pièce revêtant ces mêmes qualités de ce qu'elle était l'épouse du défunt, il convient de confirmer la décision d'irrecevabilité prise en première instance.

En considération de ces éléments, il n'y a pas davantage lieu de faire droit à la demande subsidiaire de Mme [K] tendant à ce que soit ordonné le sursis à statuer dans l'attente de la transcription par l'état civil du mariage, alors que le terme d'un tel sursis serait lui-même éminemment hypothétique.

Partie succombante à la présente instance, Mme [K] sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, qui sera cependant allouée globalement aux deux intimées et fixée à la somme de 4.000 euros.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement et en dernier ressort,

Rejette la demande subsidiaire de sursis à statuer formulée par Mme [K] ;

Confirme le jugement entrepris ;

Condamne Mme [K] aux dépens ;

Condamne Mme [K] à verser à Mmes [O] et [J] [C] la somme globale de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Thomas VASSEUR, président, et par Madame Élisabeth TODINI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-5
Numéro d'arrêt : 23/07963
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;23.07963 ?
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