COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 58E
Chambre civile 1-5
ARRET N°
PAR DEFAUT
DU 04 JUILLET 2024
N° RG 23/07737 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WGEP
AFFAIRE :
[X] [W]
...
C/
[K] [C] ÉPOUSE [T]
...
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 13 Novembre 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Nanterre
N° RG : 23/01931
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 04.07.2024
à :
Me Denis LATREMOUILLE, avocat au barreau de PARIS,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [X] [W]
de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 10]
Compagnie d'assurance MACSF
Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 12]
Représentant : Me Denis LATREMOUILLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0178
APPELANTES
****************
Madame [K] [C] épouse [T]
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 11]
(défaillante)
Mutuelle MUTUELLE GÉNÉRALE DE L'EDUCATION NATIONALE DES YVE LINES
[Adresse 5]
[Localité 9]
(défaillante)
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 Mai 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marina IGELMAN, Conseillère chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas VASSEUR, Président,
Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère,
Madame Marina IGELMAN, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,
EXPOSE DU LITIGE
Mme [K] [C] épouse [T] était suivie par le docteur [X] [W], gynécologue, depuis 2005.
Le 11 octobre 2021, le docteur [U] [L] a remis une note non contradictoire concluant à une faute de la part du docteur [W] résidant dans l'absence de prise en charge de Mme [T] en 2017 et ayant entraîné un retard de soins de 40 mois à l'origine de préjudices pour cette dernière.
Par acte de commissaire de justice délivré les 3 et 8 août 2023, Mme [T] a fait assigner en référé Mme [W], son assureur la société MACSF et la société Mutuelle Générale de l'Education Nationale (MGEN) des Yvelines aux fins d'obtenir principalement la désignation d'un expert cancérologue pour évaluer le préjudice corporel et déterminer les éventuelles responsabilités encourues.
Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 13 novembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre a :
- renvoyé les parties à se pourvoir sur le fond du litige,
par provision, tous moyens des parties étant réservés,
- ordonné une expertise et désigné pour y procéder : M. [V] [F] [Adresse 4] tel : [XXXXXXXX01] port : [XXXXXXXX02] mail : [Courriel 13]
assisté de tous sachants, avec pour mission de :
- se faire communiquer par le demandeur ou son représentant légal, ou par un tiers avec l'accord de l'intéressé ou de ses ayants-droits, tous documents utiles à sa mission ;
- fournir le maximum de renseignements sur l'identité de la partie demanderesse, ses conditions de vie, son niveau d'études, son statut exact, sa formation ;
- entendre contradictoirement les parties, leurs conseils convoqués ou entendus (ceci dans le respect des règles de déontologie médicale ou relatives au secret professionnel) ;
- recueillir toutes informations orales ou écrites des parties : se faire communiquer puis examiner tous documents utiles (dont le dossier médical y compris avant l'opération, notamment d'éventuels compte rendu d'opérations précédentes et plus généralement tous documents médicaux relatifs au fait dommageable dont la partie demanderesse a été victime);
- rechercher l'état médical du demandeur avant l'acte critiqué ;
- procéder à l'examen clinique du demandeur et décrire les lésions et séquelles directement imputables aux soins et traitements critiqués ;
- rechercher si les actes médicaux réalisés étaient indiqués, si le diagnostic pouvait être établi avec certitude et si les soins ou actes médicaux ont été attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science médicale ;
- dire s'il y a eu un retard dans la prise en charge, et le cas échéant ses conséquences notamment en termes de préjudices ;
- rechercher si le patient a reçu une information préalable et suffisante sur les risques que lui faisait courir l'intervention et si c'est en toute connaissance de cause qu'il s'est prêté à cette intervention ;
- analyser, le cas échéant, de façon détaillée et motivée la nature des erreurs, imprudences, manques de précaution nécessaires, négligences, pré, per ou postopératoires, maladresses ou autres défaillances de nature à caractériser une faute en relation de cause à effet direct et certaine avec le préjudice allégué, éventuellement dire si les lésions et séquelles sont imputables relèvent d'une infection ;
en ne s'attachant qu'à la seule part imputable aux éléments susceptibles d'être retenus comme fautifs éventuellement relevés (c'est-à-dire en ne retenant pas les éléments de préjudice corporel se rattachant soit aux suites normales des soins qui étaient nécessaires, soit à l'état antérieur),
- à partir de ces éléments et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités du traitement, en précisant autant que possible les durées exactes d'hospitalisation et, pour chaque période d'hospitalisation, la nature et nom de l'établissement, le ou les services concernés et la nature des soins ;
- à partir des déclarations de la partie demanderesse imputables au fait dommageable et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités du traitement, en précisant autant que possible les durées exactes d'hospitalisation, pour chaque période d'hospitalisation, la nature et nom de l'établissement, le ou les services concernés et la nature des soins ;
- indiquer la nature de tous les soins et traitements prescrits imputables au fait dommageable et, si possible, la date de la fin de ceux-ci ;
- décrire, en cas de difficultés particulières éprouvées par la partie demanderesse, les conditions de reprise de l'autonomie et, lorsque la nécessité d'une aide temporaire est alléguée, la consigner et émettre un avis motivé sur sa nécessité et son imputabilité ;
- recueillir les doléances de la partie demanderesse en l'interrogeant sur les conditions d'apparition, l'importance des douleurs et de la gêne fonctionnelle et leurs conséquences ;
- décrire un éventuel état antérieur en interrogeant la partie demanderesse et en citant les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles. Dans cette hypothèse :
* au cas où il aurait entraîné un déficit fonctionnel antérieur, fixer la part imputable à l'état antérieur et la part imputable au fait dommageable ;
* au cas où il n'y aurait pas de déficit fonctionnel antérieur, dire si le traumatisme a été la cause déclenchante du déficit fonctionnel actuel ou si celui-ci se serait de toute façon manifesté spontanément dans l'avenir.
- procéder à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la partie demanderesse ;
- analyser dans une discussion précise et synthétique l'imputabilité entre les faits dommageables, les lésions initiales et les séquelles invoquées en se prononçant sur :
- la réalité des lésions initiales ;
- la réalité de l'état séquellaire ;
- l'imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales et en précisant l'incidence éventuelle d'un état antérieur ;
- déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire, période pendant laquelle, pour des raisons médicales en relation certaine, directe et exclusive avec le fait dommageable, la partie demanderesse a dû interrompre totalement ses activités professionnelles ou habituelles ;
si l'incapacité fonctionnelle n'a été que partielle, en préciser le taux,
- fixer la date de consolidation, qui est le moment où les lésions se fixent et prennent un caractère permanent tel qu'un traitement n'est plus nécessaire, si ce n'est pour éviter une aggravation ;
- chiffrer, par référence au "barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun" le taux éventuel de déficit fonctionnel permanent (incapacité permanente) imputable au fait dommageable, résultant de l'atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation, le taux de déficit fonctionnel devant prendre en compte, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la partie demanderesse mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes qu'elle ressent, la perte de qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence qu'elle rencontre au quotidien après consolidation ; dans l'hypothèse d'un état antérieur, préciser en quoi l'accident a eu une incidence sur celui-ci et décrire les conséquences de cette situation ;
- lorsque la partie demanderesse allègue une répercussion dans l'exercice de ses activités professionnelles, recueillir les doléances, les analyser, les confronter avec les séquelles retenues, en précisant les activités professionnelles rendues plus difficiles ou impossibles ;
- décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales endurées pendant la maladie traumatique (avant consolidation) du fait des blessures subies. Les évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés ;
- donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique, en précisant s'il est temporaire ou définitif. L'évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés, indépendamment de l'éventuelle atteinte fonctionnelle prise en compte au titre du déficit ;
- lorsque la partie demanderesse allègue l'impossibilité de se livrer à des activités spécifiques de sport et de loisir, donner un avis médical sur cette impossibilité et son caractère définitif, sans prendre position sur l'existence ou non d'un préjudice afférent à cette allégation ;
- dire s'il existe un préjudice sexuel ; le décrire en précisant s'il recouvre l'un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la morphologie, l'acte sexuel (libido, impuissance ou frigidité) et la fertilité (fonction de reproduction) ;
- indiquer, le cas échéant :
- si l'assistance d'une tierce personne constante ou occasionnelle, spécialisée ou non est, ou a été nécessaire, en décrivant avec précision les besoins (niveau de compétence technique, durée d'intervention quotidienne) ;
- si des appareillages, des fournitures complémentaires et si des soins postérieurs à la consolidation sont à prévoir (préciser le cas échéant la périodicité du renouvellement des appareils et des fournitures) ;
- le cas échéant, donner un avis sur l'aptitude à mener un projet de vie autonome ;
si la date de consolidation ne peut pas être fixée, l'expert établira un pré-rapport décrivant l'état provisoire de la partie demanderesse et indiquera dans quel délai celle-ci devra être réexaminée,
fait injonction aux parties de communiquer aux autres parties les documents de toute nature qu'elles adresseront à l'expert pour établir le bien fondé de leurs prétentions ;
- dit que l'expert pourra se faire communiquer tant par les médecins que par les caisses de sécurité sociale et par les établissements hospitaliers concernés, tous les documents médicaux qu'il jugerait utiles aux opérations d'expertise,
- dit que l'expert ne communiquera directement aux parties les documents médicaux ainsi obtenu
directement de tiers concernant la partie demanderesse qu'avec son accord; qu'à défaut d'accord de celui ci, ces éléments seront portés à la connaissance des parties par l'intermédiaire du médecin qu'elles auront désigné à cet effet,
- dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu'il déposera son rapport en un exemplaire original sous format papier et en copie sous la forme d'un fichier PDF enregistré sur un CD-ROM au greffe du tribunal judiciaire de Nanterre, service du contrôle des expertises, extension du palais de justice, [Adresse 7] (01 40 97 14 82), dans le délai de quatre mois à compter de l'avis de consignation, sauf prorogation de ce délai dûment sollicité en temps utile auprès du juge du contrôle (en fonction d'un nouveau calendrier prévisionnel préalablement présenté aux parties),
- dit que l'expert devra, dès réception de l'avis de versement de la provision à valoir sur sa rémunération, convoquer les parties à une première réunion qui devra se tenir avant l'expiration d'un délai de deux mois, au cours de laquelle il procédera à une lecture contradictoire de sa mission, présentera la méthodologie envisagée, interrogera les parties sur d'éventuelles mises en cause, établira contradictoirement un calendrier de ses opérations et évaluera le coût prévisible de la mission, et qu'à l'issue de cette première réunion il adressera un compte-rendu aux parties et au juge chargé du contrôle,
dans le but de limiter les frais d'expertise, nous invitons les parties, pour leurs échanges contradictoires avec l'expert et la communication des documents nécessaires à la réalisation de la mesure, à utiliser la voie dématérialisée via l'outil opalexe,
- dit que, sauf accord contraire des parties, l'expert devra adresser à celles-ci une note de synthèse
dans laquelle il rappellera l'ensemble de ses constatations matérielles, présentera ses analyses et proposera une réponse à chacune des questions posées par la juridiction,
- dit que l'expert devra fixer aux parties un délai pour formuler leurs dernières observations ou réclamations en application de l'article 276 du code de procédure civile et rappelons qu'il ne sera pas tenu de prendre en compte les transmissions tardives,
- désigné le magistrat chargé du contrôle des expertises pour suivre la mesure d'instruction et statuer sur tous incidents,
- dit que l'expert devra rendre compte à ce magistrat de l'avancement de ses travaux d'expertise et des diligences accomplies et qu'il devra l'informer de la carence éventuelle des parties dans la communication des pièces nécessaires à l'exécution de sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et 275 du code de procédure civile,
- fixé à la somme de 2 000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, qui devra être consignée par Mme [C] entre les mains du régisseur d'avances et de recettes du tribunal, dans le délai maximum de six semaines à compter d'ordonnance, sans autre avis,
- dit qu'il convient de privilégier le paiement par virement, la partie demanderesse devant solliciter les coordonnées de la régie par mail (avec une copie scannée de la décision) : [Courriel 14],
- dit que, faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet,
- dit qu'en déposant son rapport, l'expert adressera aux parties et à leurs conseils une copie de sa
demande de rémunération,
- laissé à chacune des parties la charge des dépens qu'elle a exposés,
- rejeté les demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration reçue au greffe le 16 novembre 2023, la compagnie d'assurance MACSF et Mme [W] ont interjeté appel de cette ordonnance en ce qu'elle a ordonné une expertise et désigné pour y procéder M. [V] [F].
Dans leurs dernières conclusions déposées le 22 avril 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, Mme [W] et la société MACSF demandent à la cour, au visa des articles 145, 700, 789 du code de procédure civile, L.1110-4 et R. 4127-4 du code de la santé publique, 6 §1 de la CEDH et 10 de la DUDH, de :
'- infirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés de Nanterre le 13 novembre 2023, sous le numéro RG 23/01931, en ce qu'elle prévoit dans sa mission d'expertise que l'expert devra : « se faire communiquer par le demandeur ou son représentant légal, ou par un tiers avec l'accord de l'intéressé ou de ses ayants-droits, tous documents utiles à sa mission ; »
statuant à nouveau :
- modifier le premier point de la mission d'expertise en le remplaçant par :
« se faire communiquer par la patiente ou son représentant légal tous éléments médicaux relatifs aux actes critiqués, et se faire communiquer par tous tiers détenteurs l'ensemble des documents médicaux nécessaires ainsi que ceux détenus par tous médecins et établissements de soins concernant la prise en charge de la patiente » ; '
Mme [C] épouse [T], à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 30 novembre 2023 et les conclusions, le 5 janvier 2024, à étude de commissaire de justice, n'a pas constitué avocat.
La société Mutuelle Générale de l'Education Nationale des Yvelines, à qui la déclaration d'appel a été signifiée, à personne, le 6 décembre 2023 et les conclusions ont été signifiées, à étude de commissaire de justice, le 4 janvier 2024, n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 avril 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Le docteur [W] et son assureur, la MACSF, rappellent qu'ils ne s'étaient pas opposés en première instance à la mesure sollicitée, sous réserve d'une mission d'expertise médicale complète, prévoyant notamment que l'expert pourrait : « Se faire communiquer par la victime, ou son représentant légal tous éléments médicaux relatifs à l'acte critiqué, et se faire communiquer par tous tiers détenteurs l'ensemble des documents médicaux nécessaires ainsi que ceux détenus par tous médecins et établissements de soins concernant la prise en charge de la patiente ».
Ils contestent la rédaction retenue par l'ordonnance dont appel, qui donne notamment mission à l'expert de :« Se faire communiquer par le demandeur ou son représentant légal, ou par un tiers avec l'accord de l'intéressé ou de ses ayants-droits, tous documents utiles à sa mission », soutenant que ce faisant, le juge des référés soumet la conduite des opérations d'expertise au bon vouloir du seul demandeur, en totale méconnaissance du droit au procès équitable tel qu'il résulte de l'article 6§1 de la CESDH et de l'article 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.
Ils font valoir que la portée du secret médical, tel qu'encadré par l'article L. 1110-4 du code de la santé publique, est relative en matière civile et n'empêche pas le professionnel de santé de verser au débat des informations médicales indispensables pour sa propre défense lorsque sa responsabilité professionnelle est en jeu, comme l'a jugé la chambre criminelle de la Cour de cassation le 20 décembre 1967, position reprise par le Conseil National de l'Ordre des Médecins.
Ils soutiennent que la mission telle que définie par le premier juge accorde une primauté au secret médical au détriment des droits de la défense et au droit au procès équitable.
Ils avancent que laisser au demandeur l'opportunité de sélectionner les informations médicales qu'il accepte de voir ou non débattues constitue une atteinte disproportionnée et illégitime aux droits de la défense, de sorte que la communication d'un dossier médical complet est indispensable à la conduite des opérations d'expertise.
Sur ce,
Il résulte de l'article 472 du code de procédure civile que si, en appel, l'intimé ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés.
Le mesure d'expertise n'est pas critiquée par les parties en son principe mais en ce que le premier a prévu que l'expert ne pourrait se faire communiquer par un tiers les documents utiles à sa mission, qu'avec l'accord de Mme [C] épouse [T], les appelants soutenant en substance que cet accord préalable à la communication de pièces médicales concernant la victime porte atteinte aux droits de la défense.
Aux termes de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique, toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins, a droit au respect de sa vie privée et au secret des informations la concernant. En outre selon l'article R. 4127-4 du même code, le secret professionnel, institué dans l'intérêt des patients, s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi.
Le caractère absolu de ce secret destiné à protéger les intérêts du patient, qui souffre certaines dérogations limitativement prévues par la loi, peut entrer en conflit avec le principe fondamental à valeur constitutionnelle des droits de la défense, étant rappelé que constitue une atteinte au principe d'égalité des armes résultant du droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le fait d'interdire à une partie de faire la preuve d'éléments de fait essentiels pour l'exercice de ses droits et le succès de ses prétentions.
Si la soumission de la production de pièces médicales par la partie défenderesse, dont la responsabilité est susceptible d'être ultérieurement recherchée, à l'accord préalable de l'autre partie au litige, alors que ces pièces peuvent s'avérer utiles voire même essentielles à la réalisation de la mesure d'instruction et, par suite, à la manifestation de la vérité, est de nature à porter une atteinte disproportionnée aux droits de la défense, en revanche, compte tenu du caractère absolu du secret médical, il appartient à la victime d'accepter de remettre ou de voir transmettre à l'expert des éléments couverts par le secret médical qui seraient en sa possession ou dans les mains d'un tiers.
En conséquence, le chef de mission tel que retenu par le premier juge, confiant à l'expert le soin de « se faire communiquer par le demandeur ou son représentant légal, ou par un tiers avec l'accord de l'intéressé ou de ses ayants-droits, tous documents utiles à sa mission » procède d'un juste équilibre entre la protection du secret médical et les droits de la défense.
En effet, permettre d'emblée à un tiers de produire les éléments médicaux qu'il détient à un expert judiciaire, sans même lui laisser la possibilité de rechercher, directement ou par l'intermédiaire de l'expert, l'accord du patient, viendrait à priver de sens le secret médical qui veut que la communication ne doit résulter que de la décision de l'intéressée, le juge ayant, quant à lui, la possibilité de tirer des conclusions, ou non, d'informations qui n'auraient pas été produites.
L'ordonnance dont appel sera en conséquence confirmée en ses dispositions critiquées.
Mme [W] et la société MACSF supporteront les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt rendu par défaut en dernier ressort,
Confirme l'ordonnance du 13 novembre 2023 en ses dispositions critiquées,
Dit que Mme [X] [W] et la société Mutuelle d'Assurances du Corps de Santé Français (MACSF) supporteront les dépens d'appel.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Thomas VASSEUR, président, et par Madame Élisabeth TODINI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière Le Président