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04/07/2024 | FRANCE | N°23/02443

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ch.protection sociale 4-7, 04 juillet 2024, 23/02443


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89A



Ch.protection sociale 4-7



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 04 JUILLET 2024



N° RG 23/02443 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WBJP



AFFAIRE :



CPAM DES YVELINES





C/

[L] [K]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Juin 2023 par le Pole social du TJ de VERSAILLES

N° RG : 22/0243





Copies exécutoires délivrées à :



Me Mylène BARRE

RE



Me Djamila RIZKI





Copies certifiées conformes délivrées à :



CPAM DES YVELINES



[L] [K]







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles,...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89A

Ch.protection sociale 4-7

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 JUILLET 2024

N° RG 23/02443 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WBJP

AFFAIRE :

CPAM DES YVELINES

C/

[L] [K]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Juin 2023 par le Pole social du TJ de VERSAILLES

N° RG : 22/0243

Copies exécutoires délivrées à :

Me Mylène BARRERE

Me Djamila RIZKI

Copies certifiées conformes délivrées à :

CPAM DES YVELINES

[L] [K]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

CPAM DES YVELINES

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Mylène BARRERE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D2104 substitué par Me Lilia RAHMOUNI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1946

APPELANTE

****************

Madame [L] [K]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Djamila RIZKI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1080

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Juin 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laëtitia DARDELET, conseillère chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, présidente,

Madame Marie-Bénédicte JACQUET, conseillère,

Madame Laëtitia DARDELET, conseillère,

Greffière, lors des débats : Madame Zoé AJASSE,

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [L] [K] (la victime), éducatrice Montessori dans l'établissement '[5]', depuis deux ans, a indiqué avoir été victime d'un accident le 26 avril 2021 que la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines (la caisse) a refusé de prendre en charge au titre de la législation professionnelle, par décision du 30 août 2021.

Après rejet de sa contestation par la commission de recours amiable de la caisse le 7 juillet 2022, la victime a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles aux fins de contester la décision de refus de prise en charge de la caisse.

Par jugement du 15 juin 2023, le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles a :

- infirmé la décision de refus de prise en charge de la caisse du 30 août 2021 ;

- condamné la caisse à prendre en charge au titre de la législation professionnelle l'accident dont a été victime Mme [K] le 26 avril 2021 ;

- condamné la caisse aux dépens.

La caisse a relevé appel de cette décision. Les parties ont été convoquées à l'audience du 5 juin 2024.

Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé complet des moyens et prétentions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la caisse demande à la cour :

- d'infirmer le jugement déféré ;

- de confirmer la décision de refus de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, de l'accident survenu à la victime le 26 avril 2021;

- de débouter Mme [K] de toutes ses demandes.

La caisse fait valoir tout d'abord, que l'accident litigieux n'a pas eu lieu sur le temps et le lieu du travail, et donc que la présomption ne peut s'appliquer.

Par ailleurs, elle critique le fait que le mail en question, qui aurait causé le malaise de la victime, ne lui a pas été communiqué et qu'elle ne puisse ainsi vérifier le lien entre le dit mail et l'activité professionnelle de la victime.

Elle estime également que les constatations médicales, telles que 'anxiété généralisée, insomnie, tachycardie...' ne correspondent pas au caractère soudain d'un accident.

Enfin, elle critique le fait que le médecin, lors du certificat médical initial, a décrit un 'harcèlement moral professionnel', qui ne ressort pas d'une constatation médicale.

Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé complet des moyens et prétentions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la victime demande à la cour :

- de confirmer le jugement déféré ;

- de débouter la caisse de ses demandes;

- de condamner la caisse aux entiers dépens.

La victime estime quant à elle que l'accident a bien eu lieu pendant le temps du travail et sous l'autorité de l'employeur, et que donc, la présomption s'applique.

Seule la victime forme une demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 3 000 euros.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la matérialité de l'accident du travail

Selon l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

À titre liminaire, comme l'ont fait les premiers juges, il convient de constater que, si la décision de refus de prise en charge de la caisse du 30 août 2021 précise qu'il 'n'est pas démontré que l'accident de trajet en relation avec le travail est survenu pendant l'aller ou le retour du travail', la caisse était bien saisie d'une demande de reconnaissance d'un accident du travail depuis le début de la procédure. Il convient donc de statuer, comme le tribunal l'a fait, sur la matérialité de l'accident de travail, la caisse ne sollicitant pas, par ailleurs, la requalification en accident de trajet.

En l'espèce, il ressort de la déclaration d'accident du travail (et non pas de trajet), effectuée le 29 mai 2021 par la victime, que le 26 avril 2021, à 13h30, elle a 'repris sa voiture (fin de la pause 'midi' pour retourner à l'école, (...) Malaise, crise de tachycardie, vertiges, crise d'angoisse, nausées'. Elle a été placée en arrêt de travail jusqu'au 28 mai 2021, dans un premier temps, le médecin ayant coché la case 'accident du travail'.

Elle a également précisé ses horaires de travail ce jour-là: 8h45-13h puis 13h30 à 16h15 et cité un témoin direct de l'accident, une de ses collègues, [M] [O].

Le certificat médical initial établi le jour de l'accident, au titre d'un accident du travail, fait état d'un 'malaise au travail dans le cadre d'un harcèlement moral professionnel avec anxiété généralisée, insomnie, tachycardie', corroborant ainsi les déclarations et les doléances de la victime.

Pour répondre au moyen avancé par la caisse, il importe peu, au vu de la cohérence relevée entre le certificat médical initial et les déclarations de la victime, que le médecin ait relaté les confidences de la victime, en reprenant l'expression de 'harcèlement moral professionnel', qui n'est pas, certes, d'ordre purement médical.

Par ailleurs, quant aux constatations médicales elles-mêmes, la caisse estime que la 'tachycardie, l'anxiété généralisée, l'insomnie', décrites par le médecin dans le certificat médical initial, ne peuvent être en lien avec un accident 'soudain'. Elle évoque ainsi l'hypothèse d'un état antérieur chez la victime, sans le nommer explicitement dans ses conclusions et sans le démontrer par des pièces versées au dossier. Ce moyen sera donc écarté.

De même, le moyen de la caisse selon lequel les seules déclarations de la victime ne suffiraient pas à caractériser le caractère professionnel de l'accident, doit être écarté.

En effet, le témoignage direct de [M] [O] vient conforter et étayer les déclarations de la victime.

Elle relate, lors de l'instruction menée par la caisse, que 'Mme [K] et moi avons prévu de passer notre pause ensemble. Ayant commencé ma pause en retard, Mme [K] est partie sans moi et nous avions tout de même convenu de nous appeler pour tenter de se retrouver afin de discuter de nos nombreux problèmes avec notre direction. J'ai commencé ma pause vers 13h15 et Mme [K] m'a appelée à l'aide sur son téléphone, sa voix était tremblante et paniquée, j'avais des difficultés à la comprendre. Elle m'a demandé de venir au plus vite car elle ne se sentait pas bien, j'ai réussi à comprendre où elle se trouvait, je suis donc partie la rejoindre.

Lorsque je suis arrivée, elle était assises sur le sol, dans la rue, avec vertiges et nausées.

Puis elle m'a donné son téléphone afin que je lise le mail de notre direction, élément déclencheur de sa crise. (...) Connaissant bien les circonstances et les difficultés relationnelles avec la direction, le lui ai demandé de se préserver et de cesser de lire. J'ai tenté de la calmer (...). j'ai d'abord prévenu notre direction de son malaise (par sms) auquel j'ai immédiatement reçu une réponse'. (pièce 6 de la caisse).

De même, lors de l'instruction, la victime a déclaré : 'assise à mon volant pour repartir au travail (fin de la pause méridienne), j'ai ouvert un mail dans mon téléphone provenant de la direction: à la lecture de ce mail, j'ai explosé en vol, j'ai hurlé de douleur, en larmes, avec une accélération cardiaque immédiate, je me suis sentie mal, envie de vomir, tête qui tourne (vertiges). J'ai appelé ma collègue [M] [O] au secours. Mon état s'empirait même en sa présence.' Elle a également précisé qu'elle lisait ses mails régulièrement pendant ses pauses à l'heure du déjeuner ou le soir. Et 'la lecture de ce mail fut la goutte qui a fait déborder le vase. Il était agressif et dégradant. Il faisait suite à un comportement anormal de ma direction à mon égard'.

Tout d'abord, la société soutient qu'elle n'a pas été prévenue tout de suite de l'accident, ce que conteste formellement le témoin direct de la scène qui déclare avoir prévenu sa hiérarchie du malaise de la victime, par SMS, et avoir reçu une réponse immédiatement.

Concernant l'horaire, il ressort que selon la déclaration, non contestée sur ce point précis, l'accident a eu lieu à 13h30, soit à l'heure de reprise du travail de la victime l'après-midi. Il doit être considéré que l'accident est donc bien intervenu dans le 'temps du travail'.

Concernant le lieu, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont estimé que, si l'accident litigieux n'a pas eu lieu sur les lieux du travail stricto sensu, mais à proximité du domicile de la victime, ils ont eu lieu alors qu'elle se trouvait 'sous l'autorité de l'employeur'.

En effet, le témoin relate qu'elle et la victime travaillaient régulièrement à leur domicile, pendant le moment de la pause méridienne. Le témoin comme la victime confirment que le jour des faits, elles étaient allées chercher chez la victime le matériel pédagogique pour rapporter à l'école. La victime étant partie un peu avant chez elle, le témoin devait la rejoindre rapidement après chez elle mais avait été appelée 'à l'aide', lorsque la victime s'était trouvée mal à la réception du mail.

Enfin, peu importe, comme le relèvent les premiers juges, que la caisse n'ait pas eu accès au mail en question, dans la mesure où la victime et le témoin direct de la scène confirment bien qu'il s'agissait d'un mail de la direction et qu'il a déclenché une réaction forte de malaise chez la victime.

Il ressort donc des pièces produites que la victime a subi une lésion traumatique apparue brutalement (le malaise) alors qu'elle venait de lire un mail de la direction de l'entreprise, se trouvant sous l'autorité de son employeur, pendant les horaires de travail.

La présomption d'imputabilité doit donc s'appliquer.

La caisse ne parvient pas à démontrer l'existence d'une cause totalement étrangère au travail dans la survenance de l'accident.

Il convient donc de confirmer le jugement entrepris et de dire que la caisse doit prendre en charge l'accident du 26 avril 2021 subi par la victime, au titre de la législation professionnelle.

La caisse, qui succombe, sera condamnée aux dépens éventuellement exposés en appel. Pour le même motif, elle sera également condamnée au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines au paiement de la somme de 2 000 euros ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines aux dépens éventuellement exposés en appel ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Aurélie PRACHE, présidente, et par Madame Juliette DUPONT, greffière, à laquelle le magistrat signataire a rendu la minute.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ch.protection sociale 4-7
Numéro d'arrêt : 23/02443
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;23.02443 ?
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