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04/07/2024 | FRANCE | N°23/01607

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre commerciale 3-1, 04 juillet 2024, 23/01607


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 50D



Chambre commerciale 3-1



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 04 JUILLET 2024



N° RG 23/01607 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VXHU







AFFAIRE :



[U] [E]



C/



S.A.R.L. LEDRU









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Janvier 2023 par le Tribunal de Commerce de CHARTRES

N° RG : 2021J00166



Expéditions exécutoiresr>
Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Pascal KOERFER



Me Dominique JUGIEAU



TC CHARTRES









RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt s...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 50D

Chambre commerciale 3-1

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 JUILLET 2024

N° RG 23/01607 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VXHU

AFFAIRE :

[U] [E]

C/

S.A.R.L. LEDRU

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Janvier 2023 par le Tribunal de Commerce de CHARTRES

N° RG : 2021J00166

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Pascal KOERFER

Me Dominique JUGIEAU

TC CHARTRES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [U] [E]

né le 13 Août 1986 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représenté par Me Pascal KOERFER de la SCP BOULAN KOERFER PERRAULT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.31 et Me Olivier BAHOUGNE, Plaidant, avocat au barreau de Paris

APPELANT

****************

S.A.R.L. LEDRU

RCS Chartres n° 429 977 226

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Dominique JUGIEAU, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 53

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Mai 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseillère faisant fonction de président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Bérangère MEURANT, Conseillère faisant fonction de président,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseillère,

Madame Véronique MULLER, Magistrate honoraire,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSÉ DES FAITS

M. [U] [E], résidant de la commune de [Localité 6], est propriétaire d'une maison à usage d'habitation.

Le 12 septembre 2018, il a accepté un devis émis par la SARL Ledru pour la fourniture et l'installation d'un poêle à granulés Hoben H11 C Evolution avec les conduits de raccordement, les conduits de fumée, la pose de la sonde d'ambiance et son branchement électrique, moyennant le prix de 8.560,27 €.

Se plaignant de l'absence de chauffage, M. [E] a sollicité de la société Ledru une nouvelle intervention qui a eu lieu le 15 avril 2019. L'entreprise, suivant devis accepté du 20 février 2019, a installé un système complémentaire de soufflage par gaines, moyennant le prix de 2.477,75 €.

Instatisfait des travaux réalisés, M. [E] a fait dresser, le 9 novembre 2019, un procès-verbal de constat d'huissier portant sur l'insuffisance des performances de chauffe.

Par courier du 17 janvier 2020, M. [E] a mis en demeure la société Ledru de procéder, à ses frais, à l'installation d'un système de soufflage avec un réseau de gaines permettant de diffuser la chaleur émanant du poêle dans l'intégralité de la maison.

En l'absence de réponse de la société Ledru, M. [E] a, par courrier avec accusé réception du 6 juillet 2020, renouvelé ses demandes.

Par acte d'huissier du 18 septembre 2020, M. [E] a fait assigner la société Ledru devant le juge des référés du tribunal de commerce de Chartres afin d'obtenir une mesure d'expertise.

Par ordonnance de référé du 21 octobre 2020, M. [R] [F] a été désigné en qualité d'expert. Il a été remplacé par M. [K] [S] par ordonnance du 12 novembre 2020.

L'expert judiciaire a déposé son rapport définitif le 30 juin 2021.

Par acte d'huissier délivré le 3 décembre 2021, M. [E] a fait assigner la société Ledru devant le tribunal de commerce de Chartres.

Par jugement du 25 janvier 2023, le tribunal de commerce de Chartres a :

In limine litis,

- Déclaré M. [U] [E] recevable et bien fondé en ses demandes présentées devant le tribunal de commerce de Chartres ;

Sur le fond,

- Débouté M. [U] [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamné M. [U] [E] à payer à la SARL Ledru la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Laissé à la charge de M. [U] [E] les entiers dépens. Lesdits dépens afférents aux frais de jugement liquidés à la somme de 69,59 € TTC, en ceux compris les frais de signification du jugement et de ses suites s'il y a lieu.

Par déclaration du 8 mars 2023, M. [E] a interjeté appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 23 mai 2023, M. [E] demande à la cour de :

- Recevoir M. [E] en ses demandes et le dire bien fondé ;

- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Chartres le 25 janvier 2023 en ce qu'il a débouté M. [E] de ses demandes et l'a condamné au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Juger que la société Ledru n'apporte pas la preuve de la pleine et entière exécution de ses obligations professionnelles de conseil, renseignement et informations dont elle est tenue à l'égard de ce client M. [E] ;

- Juger la société Ledru responsable d'un défaut d'information et de conseil pour ne pas avoir clairement conseillé et informé son client, M. [E], sur les besoins thermiques pour parvenir au chauffage complet de sa maison ;

- Juger la société Ledru responsable d'avoir volontairement caché à son client l'insuffisance du poêle pour chauffer l'ensemble de la maison, voire le seul rez-de-chaussée ;

- Juger la société Ledru responsable d'un défaut de vigilance, et d'un manque à ses obligations professionnelles de moyen, pour ne pas avoir procédé à la réalisation d'un bilan thermique préalable avant de procéder à la vente à M. [E] de l'installation du système de chauffage aujourd'hui objet du présent litige ;

- Juger la société Ledru responsable d'une installation inadaptée du poêle à granulés en ce qu'il se révèle incapable d'assurer le chauffage de l'ensemble de la maison, voire du seul rez-de-chaussée ;

- Juger la société Ledru responsable d'une installation inadaptée et non conforme aux règles de l'art d'un système de soufflage ;

- Juger la société Ledru responsable d'un manque total de loyauté, voire d'honnêteté à l'égard de son client, privilégiant le choix de vendre un système inadapté en dépit du coût particulièrement élevé pour son client alors qu'elle avait parfaitement connaissance de l'inadéquation du système vendu ;

- Juger la société Ledru responsable d'un comportement inique en ce qu'elle a refusé de répondre à son client pour assumer ses responsabilités espérant que celui-ci ne parviendrait pas au regard des difficultés que cela peut générer, à saisir la justice ;

- Prononcer la résolution judiciaire du contrat de vente objet de la présente procédure et condamner la société Ledru à rembourser M. [E] de l'intégralité du prix de vente et d'installation ;

- Condamner la société Ledru au démontage et au retrait complet du système de chauffage (poêle et système de soufflage) ;

- Condamner la société Ledru à la remise en état du bien de M. [E] ;

- Condamner la société Ledru à régler à M. [E] en réparation du préjudice financier les sommes suivantes :

- 14.964,41 € correspondant au remboursement des sommes dépensées par M. [E] et augmentées du montant des frais bancaires réglés par M. [E] (intérêts + assurance groupe et frais) liés au crédit souscrit pour l'acquisition du poêle à granulés, montant à parfaire jusqu'à l'exécution définitive du jugement à intervenir. Ce montant est décomposé comme suit :

- 8.560,27 € en remboursement de l'achat du poêle à granulés ;

- 2.477,75 € en remboursement de l'installation du système de soufflage ;

- 310 € correspondant à l'achat non prévu d'une palette de granulés supplémentaire ;

- 500 € correspondant à l'achat non prévu de bois de chauffage supplémentaire ;

- 250 € correspondant à l'achat non prévu d'un convecteur électrique pour la chambre ;

- 366,39 € au titre des frais engagés pour le constat d'huissier supportés par M. [E] ;

- 2.500 € au titre des frais d'expertise supportés par M. [E] ;

- Condamner la société Ledru à régler à M. [E] la somme de 15.000 € du fait de son comportement déloyal et volontairement trompeur ;

- Condamner la société Ledru à régler à M. [E] la somme de 10.000 € en réparation du préjudice moral ;

- Condamner la société Ledru à payer à M. [E] la somme de 8.000 € au titre des frais irrépétibles par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Ledru aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 8 août 2023, la SARL Ledru demande à la cour de :

- Déclarer recevable et bien fondée la SARL Ledru en l'intégralité de ses demandes ;

- Débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Chartres le 25 janvier 2023 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

- Condamner M. [E] à payer à la SARL Ledru la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

- Condamner M. [E] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 mars 2024.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit par l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la résolution du contrat

M. [E] expose avoir informé la société Ledru de son souhait de remplacer le système de chauffage de son habitation et considère que l'entreprise a manqué à ses obligations de vigilance, d'information et de conseil en lui recommandant, sans étude thermique préalable et en parfaite connaissance de cause, l'achat d'un système de chauffage consistant en un poêle à granulés totalement inadapté à ses besoins, puisque l'expertise a établi que le poêle ne peut chauffer l'intégralité de la maison, ni même du rez-de-chaussée. Il soutient que la société Ledru ne démontre pas qu'il ne lui avait pas demandé de procéder à l'installation d'un système de chauffage principal pour l'intégralité de sa maison. Il souligne que l'entreprise l'a poussé à acheter une installation de soufflerie dénommée " booster " pour l'étage, alors même que la puissance du poêle était en réalité insuffisante même pour le rez-de-chaussée, ce qu'elle n'ignorait pas. Il estime que les éléments caractérisent un dol par réticence.

Se prévalant du rapport d'expertise, M. [E] considère, d'autre part, que la société Ledru a manqué à ses obligations de résultat en procédant sans aucun respect des règles de l'art, à l'installation d'un système de soufflage inadapté, voire dangereux. Il explique notamment que le positionnement du poêle ne permettait pas de chauffer la cuisine au rez-de-chaussée, que le système de chauffage était posé à même le sol dans la chambre et que l'entreprise a bouché les grilles d'aération du boitier de soufflage avec du scotch pour gagner en puissance de soufflage.

La société Ledru répond que le manquement à l'obligation de moyen de conseil n'est pas démontré. Elle explique que M. [E] ne lui a jamais demandé de procéder à l'installation d'un système de chauffage principal pour l'intégralité de sa maison, le système de chauffage par poêle à granulés ayant toujours été présenté comme complémentaire. Elle indique que l'étude de dimensionnement datée du 12 septembre 2018, remise à M. [E], précise que le mode de chauffage devait couvrir les seules pièces du salon et de la cuisine pour une superficie de 92,50 m², à l'exclusion des pièces situées à l'étage. L'intimée précise que la notice du fabricant et les règles de dimensionnement des poêles canalisables excluent que le système de chauffage à poêle de granulés puisse constituer un système principal de chauffage. Elle relève que l'expert a constaté que le poêle fonctionne conformément à ses caractéristiques techniques, de sorte qu'aucun manquement à son obligation de résultat se rapportant à l'installation du poêle n'est démontré..

*****

L'article 1217 du code civil dispose que : 'La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :

- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;

- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;

- obtenir une réduction du prix ;

- provoquer la résolution du contrat ;

- demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter'.

En l'espèce, M. [E] soutient avoir informé la société Ledru de son souhait de remplacer le système de chauffage de son habitation.

Comme le soutient la société Ledru, l'appelant, sur lequel pèse la charge de la preuve, ne justifie pas avoir communiqué cette demande particulière à la société Ledru. En effet, le devis accepté du 12 septembre 2018 portant sur la fourniture et pose d'un poêle à granulé Hoben H11C Evolution et l'étude de dimensionnement également datée du 12 septembre 2018 n'en font nulle mention, étant toutefois relevé que la société Ledru n'établit pas avoir communiqué cette étude à M. [E].

Cependant, l'expert [S] rappelle à juste titre en page 12 de son rapport que la société Ledru, en sa qualité de professionnel dans l'installation d'équipements de chauffage, " propose, dimensionne les équipements les mieux adaptés selon les besoins souhaités en terme de puissance ". Elle n'ignorait pas que le poêle vendu à M. [E] ne permettait pas d'assurer le chauffage de l'habitation, ce point étant d'ailleurs expressément précisé dans la notice du fabricant de l'appareil. Or, M. [S] qui conclut que l'installation ne peut servir que de chauffage d'appoint ou de confort, a relevé que l'étude de dimensionnement et le devis du 12 septembre 2018 ne précisent pas la destination de l'équipement vendu. Il appartenait pourtant à la société Ledru, au titre de son devoir de conseil, de s'enquérir du système de chauffage existant dans cette maison ancienne, ainsi que des besoins de son client et d'alerter ce dernier sur les limites de capacité de chauffe du poêle à l'occasion de la commande de l'appareil. Surtout, l'intimée se devait de porter une attention particulière à ces questions lors de la commande du système de soufflage le 20 février 2019, qui avait pour but d'étendre la surface de chauffe à la cuisine, pourtant déjà incluse dans la surface à chauffer du premier devis (cf infra), à la salle de bain et à la chambre. Ce manquement de la société Ledru à son obligation de moyen de conseil engage sa responsabilité contractuelle.

En outre, le rapport d'expertise a permis de mettre en évidence des défauts d'exécution des prestations imputables à l'entreprise. En effet, Il ressort de l'étude de dimensionnement réalisée par la société Ledru que le poêle devait permettre de chauffer une surface de 92,50 m² : " Surface à chauffer : 92,50 m² ". Il est constant que cette surface correspond au rez-de-chaussée, comprenant le séjour et la cuisine. Pourtant, M. [S] a pu constater qu'au regard de son positionnement dans le séjour, le poêle ne peut assurer le chauffage de la cuisine et qu'ainsi " le rayon de diffusion de la chaleur reste limité à la pièce principale ". Il apparaît donc qu'au regard de son installation, le poêle n'est pas en capacité d'assurer le chauffage de la surface contractuellement fixée. Le manquement de la société Ledru à son obligation de résultat est ainsi caractérisé.

Par ailleurs, suivant un second devis accepté du 20 février 2019, la société Ledru s'est engagée à fournir et installer un système de soufflage sur le poêle à granulés afin de desservir et donc de chauffer la cuisine au rez-de-chaussée, ainsi qu'une chambre et la salle de bain à l'étage.

La cour constate tout d'abord que la cuisine devait pouvoir être chauffée grâce au poêle uniquement compte tenu de la surface mentionnée sur l'étude de dimensionnement. M. [E] verse aux débats un procès-verbal de constat d'huissier réalisé le 9 novembre 2019, dont il ressort que pour une température extérieure de 6°C et le réglage du thermostat du poêle à 22 °C, il fait 17 °C dans la cuisine. Alors que l'étude de dimensionnement du 12 septembre 2018 prévoyait l'installation d'un poêle permettant d'atteindre une température d'ambiance de 19°C par une température extérieure de - 7°C, tant l'installation du poêle que celle du système de soufflage n'ont pas permis d'atteindre ce niveau de température dans la cuisine. De surcroît, l'expert a relevé que le distributeur de chaleur, autrement dénommé 'booster', mis en oeuvre dans le cadre du second devis, a été installé à même le sol dans la chambre située à l'étage et que la gaine d'amenée d'air chaud est également " posée en vrac sur le sol de la chambre ". M. [S] a souligné que cette installation n'était pas respectueuse des règles de l'art et des prescriptions du constructeur qui imposent la mise en place d'un tel équipement " dans une zone adaptée et sécurisée ". Ces éléments caractérisent également le manquement de la société Ledru à son obligation de résultat.

En revanche, aucun élément de preuve ne permet d'établir le dol invoqué par M. [E], la volonté de la société Ledru de tromper son cocontractant n'étant pas démontrée. L'obturation des grilles d'aération du boitier de soufflage avec du scotch n'est pas davantage justifiée.

Les manquements imputables à la société Ledru et leurs conséquences présentent un degré de gravité justifiant la résolution aux torts de la société Ledru, des contrats conclus entre les parties et portant sur la fourniture et l'installation d'un poêle à granulés Hoben H11C Evolution et d'un système de soufflage suivant devis acceptés des 12 septembre 2018 et 20 février 2019. Il sera ordonné à la société Ledru de procéder au démontage et au retrait de ces équipements. En revanche, M. [E] sera débouté de sa demande tendant à ce que l'entreprise soit condamnée à la remise en état de son bien, la demande étant imprécise et donc indéterminée.

Sur l'indemnisation des préjudices

M. [E] expose avoir supporté une dépense de 11.038,02 € pour un système de chauffage inadapté à ses besoins. Il précise avoir dû procéder à l'achat imprévu de sacs de granulés (310 €), alors qu'il lui avait été indiqué qu'il réaliserait des économies de combustible, de bois supplémentaire (500 €), ainsi que d'un convecteur électrique (250 €). Il indique avoir dû souscrire un deuxième crédit qu'il rembourse à concurrence de 198,23 € par mois, pour financer l'installation d'un nouveau système de chauffage performant. L'appelant considère que la société Ledru par son manque de loyauté et sa mauvaise foi a contribué à l'aggravation de son dommage financier et matériel, lui causant ainsi un préjudice moral particulièrement important du fait de la nécessité, avec sa compagne, de reporter leur projet d'avoir un enfant.

Enfin, il réclame le remboursement du coût du procès-verbal de constat d'huissier soit 366.39 €, outre celui de l'expertise judiciaire, soit 2.500 €.

La société Ledru répond que le préjudice moral n'est pas justifié. Par ailleurs, s'agissant du préjudice matériel, elle estime que le manquement à l'obligation de conseil ne peut se résoudre qu'en l'allocation de dommages et intérêts réparant la perte de chance d'obtenir un système conforme à ses attentes et non en l'octroi de dommages et intérêts réparant l'obligation de fourniture dudit système. Elle ajoute que certaines factures dont M. [E] sollicite le remboursement ne sont pas établies à son nom, que l'attestation de Mme [Y] n'est pas conforme à l'article 202 du code de procédure civile, qu'il n'est pas démontré que le crédit invoqué a été affecté au paiement d'un autre système de chauffage, ni que le chauffage d'appoint a été utilisé pour pallier les prétendues insuffisances de chauffe du poêle à granules. Enfin, la société Ledru conteste toute déloyauté ou comportement trompeur et conclut au débouté de la demande indemnitaire à ce titre.

*****

Dès lors que la résolution des contrats a été prononcée, M. [E] peut prétendre à la restitution des sommes payées en exécution des conventions et non uniquement à l'indemnisation de la perte de chance d'obtenir un système conforme à ses attentes comme le soutient la société Ledru. Cette dernière sera par conséquent condamnée à rembourser à M. [E] le prix payé au titre des deux devis acceptés, soit la somme totale de 11.038,02 € TTC. Si l'appelant demande que cette somme soit " augmentée des frais bancaires (intérêts + assurance groupe et frais compris) supportés pour le prêt financier contracté pour l'acquisition de ce poêle ", cette demande ne peut aboutir dès lors qu'elle est indéterminée.

Par ailleurs, concernant le coût d'achats imprévus de sacs de granulés et de bois, aucun élément de preuve ne permet d'établir d'une part, le niveau de consommation de granulés convenu sur une période considérée et d'autre part, le niveau de consommation atteint, de sorte que la demande indemnitaire ne peut aboutir.

Comme indiqué précédemment, le comportement déloyal et trompeur de la société Ledru n'est pas démontré, de sorte que la demande de dommages et intérêts formulée par M. [E] à ce titre doit être rejetée.

En revanche, dès lors que l'expert a indiqué que le poêle et le système de soufflage ne permettaient pas de chauffer normalement le séjour, la cuisine, la chambre et la salle de bain, la société Ledru sera condamnée à rembourser à M. [E] la somme de 250 € au titre de l'achat d'un convecteur le 8 janvier 2019.

Les demandes de remboursement du coût du procès-verbal de constat d'huissier et de l'expertise judiciaire relèvent pour la première, des frais irrépétibles et pour la seconde, des dépens et seront donc examinées infra.

Enfin, il ne peut être contesté que l'impossibilité de chauffer correctement les pièces précitées avec l'installation vendue par la société Ledru a été source de préjudice moral pour M. [E], notamment en hiver. En revanche, il n'est pas justifié que les niveaux de températures étaient tels que M. [E], qui est seul partie à l'instance, a été contraint de reporter son projet d'enfant, étant souligné qu'il avait procédé à l'installation d'un convecteur électrique dans la chambre. En conséquence, la société Ledru sera condamnée à payer à M. [E] la somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Au regard de la solution du litige, le jugement sera infirmé des chefs des dépens et des frais irrépétibles.

La société Ledru qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel, comprenant le coût de l'expertise judiciaire (2.500 €). Elle sera par ailleurs condamnée à payer à M. [E] la somme de 5.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile comprenant le coût du constat d'huissier du 9 novembre 2019.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Prononce la résolution des contrats conclus entre la société Ledru et M. [U] [E] portant sur la fourniture et l'installation d'un poêle à granulés Hoben H11C Evolution et d'un système de soufflage suivant devis acceptés des 12 septembre 2018 et 20 février 2019, aux torts de la société Ledru ;

Ordonne à la société Ledru de procéder au démontage et au retrait de ces équipements ;

Déboute M. [U] [E] de sa demande tendant à ce que la société Ledru soit condamnée à la remise en état de son bien ;

Condamne la société Ledru à payer à M. [U] [E] la somme de 11.038,02 € TTC au titre du remboursement du prix payé dans le cadre des contrats résolus ;

Condamne la société Ledru à payer à M. [U] [E] la somme de 250 € TTC au titre de l'achat d'un convecteur électrique ;

Condamne la société Ledru à payer à M. [U] [E] la somme de 1.500 € de dommages et intérêts au titre du préjudice moral ;

Condamne la société Ledru aux dépens de première instance et d'appel, comprenant le coût de l'expertise judiciaire (2.500 €);

Condamne la société Ledru à payer à M. [U] [E] la somme de 5.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs autres demandes.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Bérangère MEURANT, Conseillère faisant fonction de président, et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, La conseillère,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre commerciale 3-1
Numéro d'arrêt : 23/01607
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;23.01607 ?
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