COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
Chambre sociale 4-5
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 04 JUILLET 2024
N° RG 22/03808
N° Portalis DBV3-V-B7G-VS53
AFFAIRE :
[L] [V]
C/
S.A.S.U. TRENOIS DESCAMPS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Décembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire d'ARGENTEUIL
N° Section : C
N° RG : 21/00322
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Yacine DJELLAL
Me Marine GIN
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [L] [V]
née le 13 Mars 1977 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Yacine DJELLAL, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1440
APPELANTE
****************
S.A.S.U. TRENOIS DESCAMPS
N° SIRET : 342 938 107
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Marine GIN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de LILLE, vestiaire : 0405
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 Mai 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thierry CABALE, Président,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Madame Laure TOUTENU, Conseillère,
Greffier lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB,
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat de travail à durée indéterminée du 26 octobre 2017, Mme [L] [V] a été engagée par la société Trenois Decamps à compter du 2 janvier 2018 en qualité de technico-commerciale (statut VRP).
Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale des commerces de quincaillerie, fournitures industrielles, fers, métaux et équipement de la maison.
Par courrier du 26 octobre 2021, la salariée a été convoquée à un entretien préalable avec mise à pied conservatoire, qui s'est tenu le 4 novembre 2021, puis elle a été licenciée pour faute grave par courrier du 9 novembre 2021.
Par requête reçue au greffe le 30 décembre 2021, Mme [V] a saisi le conseil de prud'hommes d'Argenteuil afin de voir dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir la condamnation de la société Trenois Decamps au paiement de dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail et de diverses sommes.
Par jugement du 8 décembre 2022, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes a :
- jugé le licenciement de Mme [V] fondé sur une cause réelle et sérieuse,
- rejeté la qualification de faute grave avec toutes conséquences de droit,
- condamné la société Trenois Decamps, prise en la personne de son représentant légal, à régler à Mme [V] les sommes suivantes :
* 10 570,65 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 1 057,06 euros à titre de congés payés y afférents,
* 3 376,66 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
* 1 500 euros à titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté Mme [V] du surplus de ses demandes,
- débouté la société Trenois Decamps de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- mis les éventuels dépens à la charge de la société Trenois Decamps prise en la personne de son représentant légal.
Par déclaration au greffe du 26 décembre 2022, Mme [V] a interjeté appel de cette décision.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 29 juin 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, Mme [V] demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé son licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse,
- en conséquence, juger le licenciement pour faute grave dont elle a été victime dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- en conséquence, condamner la société Trenois Decamps à lui verser :
* 14 094,20 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 3 376,66 euros à titre d'indemnité de licenciement,
* 10 570,65 euros au titre du préavis,
* 1 057,65 euros au titre des congés payés sur préavis,
* 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 27 avril 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la société Trenois Decamps demande à la cour de :
- à titre principal, juger que la déclaration d'appel de Mme [V] n'a pas d'effet dévolutif à défaut de préciser l'objet de l'appel,
- juger qu'en l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel du 26 décembre 2022 en ce qu'elle ne mentionne pas l'objet de l'appel, la cour n'est saisie d'aucun recours de Mme [V],
- juger que l'appel incident de la société Trenois Decamps est recevable,
- en conséquence, réformer le jugement en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave de Mme [V] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,
- réformer le jugement en ce qu'il l'a en conséquence condamnée à payer à Mme [V] les sommes suivantes :
* 10 570,65 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 1 057,06 euros au titre des congés payés afférents,
* 3 376,66 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
* 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- en conséquence et statuant à nouveau, débouter Mme [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- à titre subsidiaire, confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- en tout état de cause, condamner Mme [V] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [V] aux entiers dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 25 avril 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'effet dévolutif de l'appel
La société intimée soutient, au visa des articles 562, 902, 54 et 901 combinés du code de procédure civile, que la déclaration d'appel du 26 décembre 2022 n'opère pas effet dévolutif faute de préciser l'objet de la demande en l'absence de mention d'une demande d'infirmation, de réformation ou d'annulation du jugement attaqué, de sorte que la cour doit constater qu'elle n'est pas saisie de l'appel principal et statuer sur l'appel incident.
Mme [V] fait valoir que son acte d'appel opère bien effet dévolutif par mention des chefs de jugement expressément critiqués sans avoir à préciser qu'elle en sollicite l'infirmation.
Selon l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2015-891
du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Selon l'article 901,4° du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2015-891
du 6 mai 2017, régissant la procédure avec représentation obligatoire devant la cour d'appel, la déclaration d'appel qui tend à la réformation du jugement doit mentionner les chefs de jugement critiqué.
Il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de dispositif du jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas.
La déclaration d'appel du 26 décembre 2022 contient un champ 'Objet/Portée de l'appel' ainsi libellé : ' Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués...Madame [V] conteste le jugement rendu en ce qu'il a jugé que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse.'
Il s'en déduit que la déclaration d'appel ne mentionne qu'un chef du dispositif du jugement
critiqué, en ce qu'il juge le licenciement de Mme [L] [V] fondé sur une cause réelle et sérieuse.
La cour doit dès lors constater que la déclaration d'appel opère effet dévolutif, que l'étendue de sa saisine se résume, en l'absence d'une nouvelle déclaration d'appel la régularisant ou la complétant dans le délai imparti, au chef précité qui seul lui est dévolu, et que, par suite, l'objet du litige fixé par les conclusions d'appelant, qui n'opèrent pas effet dévolutif, est limité par cette dévolution.
L'appel incident est donc recevable et la cour doit statuer sur celui-ci.
Sur le bien-fondé du licenciement
Pour infirmation du jugement en ce qu'il est jugé que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, la salariée soutient que son licenciement ne repose pas sur une telle cause, d'une part, pour contrevenir au principe 'non bis in idem' dès lors que le licenciement sanctionne un fait déjà sanctionné par une lettre d' avertissement envoyée six jours avant sa convocation à un entretien préalable à licenciement, d'autre part, en raison du caractère injustifié et d'une gravité insuffisante du grief d'insubordination tiré du non accomplissement d'une tâche qui devant relever de ses missions ne résultait que d'une surcharge de travail.
L'employeur objecte que le principe 'non bis in idem' ne s'applique pas en raison du refus persistant de la salariée de rédiger et de transmettre le rapport de suivi commercial qui lui était demandé le vendredi à compter du vendredi 8 octobre 2021 et qu'il n'avait toujours pas obtenu le 22 octobre suivant, comportement que la salariée ne justifie pas pouvoir être relié à une surcharge de travail.
Il résulte de l'article L.1235-1 du code du travail qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et que si un doute subsiste, il profite au salarié.
L'article L 1235-2 du même code prévoit notamment que la lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement. Les griefs doivent être suffisamment précis, objectifs et matériellement vérifiables.
La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et implique son éviction immédiate.
L'employeur qui fonde le licenciement sur une faute grave commise par le salarié doit en justifier.
En application de la règle 'non bis in idem', un salarié ne peut être sanctionné deux fois pour le même fait.
Selon l'article L. 1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
L'employeur peut prendre en considération des faits déjà sanctionnés à l'appui d'une nouvelle sanction en cas de persistance du comportement fautif dès lors que la nouvelle sanction concerne de nouveaux manquements commis par le salarié.
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est libellée comme suit :
« Madame [V],
Vous êtes entrée au service de notre entreprise en date du 02 janvier 2018 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité de Technico-Commerciale (Statut VRP) et êtes rattachée à notre Agence d'[Localité 4].
Vous occupez un poste de Technico-Commerciale et êtes spécialisée dans le soudage.
Comme rappelé en fin d'année 2020 dans un document, les missions d'une Technico- Commerciale sont notamment les suivantes :
Le soutien des équipes RDV/VRP/AGENCE avec la mise en place de tournées accompagnées, de l'information sur les nouveautés et éventuellement de la formation simplifiée ;
L'intervention rapide chez nos clients en appui des RDV/VRP avec la possibilité de faire des visites clients en solo ;
La prospection avec la nécessité d'avoir une organisation commerciale terrain qui permette d'être plus productif, plus performant et plus proactif. Une planification d'exploitation des secteurs géographiques devant être mise en place.
Par une correspondance du 07 octobre 2021, il a été décidé par l'entreprise de mettre en place un suivi commercial.
Cette correspondance était libellée en ces termes :
« Afin de mesurer l'impact commercial selon votre organisation d'exploitation secteur, à partir de demain après-midi (ce retour d'informations devra être fait tous les vendredi après-midi et m'être envoyé le jour même), vous devrez remplir le fichier ci-joint (fichier établi sur la base de ceux des VRP) en renseignant les éléments demandés.
Demain après-midi, vous devrez remplir une fiche par jour pour la semaine écoulée (semaine 40) et aussi pour la semaine à venir (semaine 41).
Le vendredi 15 après-midi, vous compléterez les fiches de la semaine écoulée (semaine 41) en fonction de ce que vous aviez renseigné en prévision et des nouvelles actions réalisées, et vous remplirez les fiches de la semaine suivante (semaine 42)
Ce travail devra être réalisé tous les vendredi après-midi et je compte sur votre assiduité et professionnalisme ».
En réponse à cette correspondance, vous avez indiqué :
« Bonjour [I],Ce que tu nous demandes n'est pas contractuel me concernant.
Cordialement
[L] [V] »
Le 08 octobre 2021, votre supérieur hiérarchique vous a indiqué :
« Bonjour [L],
Aujourd'hui, concernant l'une de tes missions, tu fais partie du pole soudage en tant que Technico-Commercial Itinérant chez TRENOIS DECAMPS.
Je suis ton responsable hiérarchique, et je souhaite avoir un suivi commercial de ton exploitation secteur, les actions que tu mets en place, les tournées accompagnées planifiés, les devis réalisés.
Ces rapports de suivi commercial me permettront d'avoir une vision complète de la façon dont tu gère ton secteur commercial sur cette fonction.
Merci donc, de mettre en place le travail que je t'ai demandé hier dès cet après-midi. Je compte réellement sur ton implication ».
Vous avez répondu à cette correspondance de la manière suivante :
« Le travail que tu me demande est purement administratif et ne m'apportera aucune valeur ajouter à part une charge supplémentaire.
Je reste donc à ta disposition pour échanger sur mon suivi commercial afin de te permettre d'avoir une vision complète ».
Vous avez ensuite eu un entretien téléphonique avec votre supérieur hiérarchique en date du 11 octobre 2021, entretien au cours duquel vous avez de nouveau fait part de votre désapprobation.
Ainsi, par mail du 13 octobre 2021, vous avez été mise en demeure officiellement de vous conformer aux prescriptions qui vous avaient été demandées.
Cette mise en demeure était libellée en ces termes :
« Bonjour [L],
Je reviens vers toi à la suite de notre entretien téléphonique de ce lundi 11 octobre à 14h. Par une correspondance du 07 octobre 2021, il a été décidé par l'entreprise de mettre en place un suivi commercial.
Cette correspondance était libellée en ces termes :
« Afin de mesurer l'impact commercial selon votre organisation d'exploitation secteur, à partir de demain après-midi (ce retour d'informations devra être fait tous les vendredi après-midi et m'être envoyé le jour même), vous devrez remplir le fichier ci-joint (fichier établi sur la base de ceux des VRP) en renseignant les éléments demandés.
Demain après-midi, vous devrez remplir une fiche par jour pour la semaine écoulée (semaine 40) et aussi pour la semaine à venir (semaine 41).
Le vendredi 15 après-midi, vous compléterez les fiches de la semaine écoulée (semaine 41) en fonction de ce que vous aviez renseigné en prévision et des nouvelles actions réalisées, et vous remplirez les fiches de la semaine suivante (semaine 42)
Ce travail devra être réalisé tous les vendredi après-midi et je compte sur votre assiduité et professionnalisme ».
En réponse à cette correspondance, tu as indiqué :
« Bonjour [I],
Ce que tu demandes n'est pas contractuel me concernant »
Tu as ensuite complété ta réponse dans un mail du 8 octobre 2021 libellé en ces termes :
« Le travail que tu me demandes est purement administratif et ne m'apportera aucune valeur ajoutée à part une charge supplémentaire ».
Lors de notre entretien téléphonique de ce 11 octobre 2021, tu as à nouveau réitéré ton refus de mettre en place ces rapports de suivi commercial en indiquant que ce n'était pas contractuel.
Pour ta parfaite information, la mise en place de ces rapports de suivi commercial n'a pas à être contractualisé et résulte du pouvoir de direction de l'employeur inhérent à l'organisation de son activité.
De plus, je te rappelle que le rapport de subordination lié au contrat de travail suppose que le salarié est tenu d'exécuter les ordres qui lui sont donnés, sous réserve qu'ils ne soient pas contraires aux dispositions légales.
Ce lien se caractérise par le fait que l'employeur, qui dispose du pouvoir de direction, donne au salarié des directives que celui-ci doit appliquer, faute en cas de refus de se voir appliquer des sanctions, pouvant aller jusqu'au licenciement.
Ton comportement entre donc en contradiction avec la discipline et le règlement intérieur applicable à notre entreprise et notamment l'article 2.1 qui prévoit :
« 2.1. Discipline générale
Le personnel employé est soumis à la subordination envers tout responsable, cadre ou agent de maîtrise, que ce personnel soit placé directement ou non sous l'autorité dudit responsable, cadre ou agent de maitrise.
Le personnel est tenu de se conformer aux instructions qui lui sont données par un responsable hiérarchique, ainsi qu'aux consignes et prescriptions portées à sa connaissance par voie de notes de service ou d'affiches.
Le personnel doit de plus faire preuve de correction dans son comportement vis-à-vis de ses collègues et de la hiérarchie, sous peine de sanctions.
Tout acte de nature à troubler le bon ordre et la discipline est interdit [...] ».
Par la présente, je t'appelle donc officiellement à te conformer aux prescriptions qui t'ont été adressées par mail du 07 octobre 2021 concernant l'établissement de ces rapports de suivi commercial dès la semaine 40.
A défaut, l'entreprise pourrait être amenée à engager à ton encontre une procédure disciplinaire.
Je te prie d'agréer, [L], mes sincères salutations ».
Constatant n'avoir reçu aucun des rapports de suivi commercial, nous étions contraints, le 18 octobre 2021, de vous notifier un avertissement, votre comportement entrant en contradiction avec notre pouvoir de direction, les dispositions du règlement intérieur applicable à notre entreprise et l'exigence de bonne foi présidant aux relations contractuelles.
Dans le cadre de cette correspondance nous vous demandions une fois encore de vous conformer aux prescriptions demandées.
Malheureusement, nous ne pouvions que constater le vendredi 22 octobre 2021 l'absence de transmission des rapports demandés et la persistance de votre insubordination.
Vous réitérez donc votre comportement répréhensible depuis plusieurs semaines malgré nos différentes sensibilisations et votre avertissement.
Ce comportement remet également en cause l'autorité de votre supérieur hiérarchique, ce que nous ne pouvons tolérer.
C'est dans ce cadre que nous vous avons convoqué à un entretien préalable à éventuel licenciement qui s'est tenu le jeudi 4 novembre 2021, entretien auquel vous vous êtes présentée.
Vous nous avez d'abord indiqué que vous pensiez que la faculté offerte à l'employeur d'imposer un suivi commercial via des rapports hebdomadaires devait être contractuelle et avez admis votre erreur.
Vous avez ensuite indiqué ne pas avoir eu le temps de les faire.
Il vous a alors été fait observer qu'au regard de l'insistance de votre supérieur hiérarchique sur le rendu de ces rapports, il était évident que vous auriez dû prioriser cette tâche.
Vous avez alors finalement admis ne l'avoir volontairement pas priorisée, n'y voyant que peu d'intérêt et considérant que l'exécution de cette consigne n'aurait produit aucune valeur ajoutée commerciale et ne vous aurait donc rien rapporté, à savoir, aucune rémunération variable supplémentaire.
Ces explications recueillies auprès de vous au cours de cet entretien du 04 novembre 2021 ne peuvent en aucun cas justifier les agissements d'une gravité exceptionnelle dont vous vous êtes rendue coupable.
Nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave.
Compte-tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien, même temporaire, dans l'entreprise s'avère impossible ; le licenciement prend donc effet immédiatement à la date du 09 novembre 2021, sans indemnité de préavis ni de licenciement.
Nous vous rappelons que vous faites l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire. Par conséquent, la période non travaillée du 27 octobre 2021 au 09 novembre 2021 nécessaire pour effectuer la procédure de licenciement, ne sera pas rémunérée. »
Aux termes de la lettre d'avertissement du 18 octobre 2021, la salariée a été sanctionnée pour avoir refusé d'exécuter la consigne de son supérieur hiérarchique concernant l'établissement au moyen d'un fichier dédié, et la transmission chaque vendredi après-midi, d'un rapport de suivi commercial de la semaine écoulée.
Il ressort des termes de la lettre de licenciement reproduite ci-dessus et des éléments produits que la salariée a été sanctionnée en raison de l'absence de transmission, le vendredi 22 octobre 2021, 'des rapports demandés' et, ainsi, de la persistance de son insubordination, ce dont il résulte qu'elle a été sanctionnée deux fois pour avoir refusé d'établir et de transmettre les rapports de suivi commercial qui lui étaient demandés à partir du 8 octobre 2021.
Le licenciement à caractère disciplinaire ne repose donc sur aucune cause réelle et sérieuse et le jugement doit ainsi être infirmé en ce qu'il juge le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse.
Sur les indemnités de rupture
Pour infirmation du jugement entrepris, la société Trenois Decamps, appelant incident, fait valoir que l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et l'indemnité de licenciement alloués par le premier juge ne sont pas dus en cas de licenciement pour faute grave, sans en contester les montants.
Le licenciement étant dénué de toute cause réelle et sérieuse, il y a lieu de confirmer les dispositions du jugement qui allouent ces indemnités et congés payés afférents en procédant à une juste appréciation des éléments de la cause et à une exacte application des dispositions légales.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.
En cause d'appel, la société Trenois Decamps sera condamnée aux dépens et il convient de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement,
Constate qu'elle est saisie d'un appel principal uniquement à l'encontre du chef du dispositif du jugement entrepris qui juge le licenciement de Mme [L] [V] fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
Dit l'appel incident recevable ;
Infirme le jugement en ce qu'il dit que le licenciement de Mme [V] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
Statuant à nouveau sur ce chef infirmé,
Dit que le licenciement de Mme [V] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque en cause d'appel ;
Condamne la société Trenois Decamps aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président, et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,