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04/07/2024 | FRANCE | N°21/05336

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-3, 04 juillet 2024, 21/05336


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 50A



Chambre civile 1-3



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 04 JUILLET 2024



N° RG 21/05336



N° Portalis DBV3-V-B7F-UWTL





AFFAIRE :



COMMUNE D'[Localité 6]



C/



SA SIRHA



...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Mai 2021 par le Tribunal judiciaire de NANTERRE

N° Chambre : 2

N° RG : 16/01824r>


Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :







Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS



Me Monique TARDY de l'ASSOCIATION AVOCALYS



Me Christophe DEBRAY





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



L...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 50A

Chambre civile 1-3

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 JUILLET 2024

N° RG 21/05336

N° Portalis DBV3-V-B7F-UWTL

AFFAIRE :

COMMUNE D'[Localité 6]

C/

SA SIRHA

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Mai 2021 par le Tribunal judiciaire de NANTERRE

N° Chambre : 2

N° RG : 16/01824

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS

Me Monique TARDY de l'ASSOCIATION AVOCALYS

Me Christophe DEBRAY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

COMMUNE D'[Localité 6]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 6]

représentée par son maire en exercice

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

Représentant : Me Marie-pierre MAITRE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0321

APPELANTE

****************

SA SIRHA

N° SIRET : 582 017 497

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentant : Me Monique TARDY de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620

Représentant : Me Frédérique CHAILLOU, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0238 , substituée par Me Baptiste COUSSEAU

INTIMEE

S.A.S. SUEZ RR IWS REMEDIATION FRANCE

RCS 379 578 883

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627

Représentant : Me Frédéric DEFRADAS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0484

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 février 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence PERRET, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence PERRET, Président,

Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller

Madame Charlotte GIRAULT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme FOULON,

-------------

FAITS ET PROCEDURE :

La société immobilière Renault Habitation (ci-après la société Sirha) était propriétaire d'un terrain situé [Adresse 9] sur la commune d'[Localité 6] (Sarthe [Localité 6]), cadastré AN [Cadastre 4] et AN [Cadastre 1] d'une superficie totale de 24 859 m2, qui accueillait un terrain de football, un terrain de tennis et des vestiaires anciennement utilisés par la société Renault France Automobile.

Après avis de valeur de France-Domaine du 27 avril 2009 estimant la valeur vénale de la seule parcelle AN [Cadastre 4] à 790 000 euros et délibération du conseil municipal du 25 février 2009 autorisant l'acquisition de ces parcelles au prix de 513 000 euros, la société Sirha a vendu ce terrain à la commune d'[Localité 6] au prix de 513 000 euros, par acte authentique du 27 avril 2009, prix prenant en considération le contexte environnemental du terrain.

L'acte de vente consacrait ses pages 10 à 14 aux renseignements environnementaux sur le bien vendu, en faisant état de :

- un audit de phase A (étude historique et de vulnérabilité) réalisé en octobre 2005 par la société Suez RR IWS Remediation France (ci-après désignée par "la société SITA Remediation") selon lequel "le terrain est susceptible de présenter une zone source sol de pollution liée à la présence d'une ancienne cave de stockage de fioul (FOD) pour le chauffage des vestiaires",

- la réalisation, en mars 2006, par la société Sirha de travaux de vidange, dégazage, réépreuve et retrait de la cuve, puis excavation des terres souillées au contact de la cuve ayant fait l'objet d'un compte-rendu,

- un diagnostic des sols et de la nappe en mai 2006 par la société SITA Remediation,

- un suivi de travaux d'extraction de la cuve et réception des fouilles par la société SITA Remediation en octobre 2006 qui précise que "tous les prélèvements de sol effectués après l'excavation des sablons souillés démontrent l'absence de contamination résiduelle par des hydrocarbures totaux" et préconise la vérification de la qualité de la nappe phréatique et d'un diagnostic complémentaire du fait de la mise en évidence d'une contamination des sols par des PCB (polychlorobiphényles),

- une étude complémentaire par la société SITA Remediation sur tout le site en décembre 2006,

- une évaluation détaillée des risques de la société SITA Remediation du 4 juin 2008 dénommée "propositions de mesures de gestion du site" en vue d'un aménagement futur de type résidentiel qui a mis en évidence " une incompatibilité du site avec l'usage résidentiel envisagé, sauf à respecter certaines mesures de gestion préconisées dans cette étude".

Les documents correspondants étaient annexés à l'acte et l'acquéreur déclarait "se satisfaire de la documentation composant le Dossier d'Information qui lui a été remis, considérant que ces éléments lui ont permis d'apprécier la situation juridique, fiscale, administrative, technique et environnementale de l'Immeuble".

A la demande de l'aménageur du site, l'office public de l'habitat Sarthe Habitat, la société SITA Remediation a effectué une nouvelle étude intitulée "Mise à jour du plan de gestion et analyses pour définition des filières d'élimination" le 1er juillet 2014.

Par lettre du 7 juillet 2014, l'office public de l'habitat Sarthe Habitat a indiqué à la commune d'[Localité 6] son abandon du projet d'aménagement et de construction de logements locatifs aux motifs d'une règlementation insuffisamment précise sur les précautions à prendre pour assurer la santé des futurs occupants et des contraintes excessives d'utilisation des espaces verts du fait de la pollution du terrain.

Par lettre du 26 juin 2015, le conseil de la commune d'[Localité 6] a demandé à la société Sirha de dépolluer le terrain, au motif que celui-ci se serait révélé, fin juin 2014, inutilisable pour la construction de logements sociaux "sauf à engager de coûteuses mesures de dépollution".

Le 31 août 2015, le société Sirha a rappelé les termes de la vente, nié la survenance d'un élément nouveau et refusé de prendre en charge le coût des mesures de gestion.

Par acte du 2 février 2016, la commune d'Arnage a assigné la société immobilière Renault Habitation devant le tribunal de grande instance de Nanterre pour la voir condamner à dépolluer ce terrain. Par acte du 6 avril 201 7, elle a appelé dans la cause la société Suez RR IWS Remediation France.

Les instances ont été jointes par ordonnance du 26 juin 2017.

Par jugement du 6 mai 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'absence de lien suffisant entre les demandes originaires de la commune d'[Localité 6] et ses demandes additionnelles,

- déclaré les demandes de la commune d'[Localité 6] contre la société immobilière Renault Habitation irrecevables comme prescrites,

- condamné la commune d'[Localité 6] aux dépens de l'instance,

- condamné la commune d'[Localité 6] à payer à la société immobilière Renault Habitation la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la commune d'[Localité 6] à payer à la société Suez RR IWS Remediation France la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par acte du 17 août 2021, la commune d'[Localité 6] a interjeté appel du jugement et prie la cour, par dernières écritures du 6 mai 2022, de :

- la déclarer recevable et fondée en son appel formé,

- infirmer le jugement déféré déclarant ses demandes contre la Sirha irrecevables comme prescrites,

Et statuant à nouveau,

- constater que l'acte de vente du 27 avril 2009 énumère limitativement les mesures de gestion de la pollution devant être mises en 'uvre pour rendre le terrain compatible avec l'usage futur résidentiel contractuellement prévu, ces mesures de gestion étant présentées par le rapport Sita Remediation du 4 juin 2008 communiqué lors de la vente comme ne devant pas occasionner de surcoût,

- constater qu'elle a découvert les 30 juin et 1er juillet 2014 que les mesures de gestion énumérées dans l'acte de vente ne sont pas suffisantes pour rendre le terrain compatible avec l'usage futur résidentiel contractuellement prévu, et que des mesures de gestion additionnelles doivent être entreprises pour un surcoût estimé par Sita Remediation entre 120 000 et 800 000 euros HT,

- constater que son action est fondée sur la découverte, les 30 juin et 1er juillet 2014, de l'insuffisance des mesures de gestion énumérées dans l'acte de vente et sur la nécessité d'entreprendre des mesures de gestion additionnelles, entraînant un important surcoût,

En conséquence,

- déclarer recevables ses demandes contre Sirha,

- infirmer le jugement déféré la déboutant de ses demandes,

*Sur la recevabilité des demandes de la commune d'[Localité 6] contre Sita Remediation:

- constater que son action contre Sita Remediation est fondée sur la découverte, les 30 juin et 1er juillet 2014, de l'insuffisance des mesures de gestion énumérées dans l'acte de vente sur la base du rapport du 4 juin 2008 établi par Sita Remediation et sur la nécessité d'entreprendre des mesures de gestion additionnelles, entraînant un important surcoût,

En conséquence,

- déclarer recevables ses demandes contre Sita Remediation,

*Sur la non opposabilité de la clause de renonciation à recours insérée dans l'acte de vente,

- juger qu'une clause de renonciation à tous recours insérée dans un acte de vente ne peut être opposée en cas de défaut de conformité du bien vendu ou de dol,

En conséquence,

- déclarer non opposable à la commune d'[Localité 6] la clause de non recours insérée dans l'acte de vente du 27 avril 2009,

A titre principal, sur la demande de résolution de l'acte de vente en raison de la méconnaissance de l'obligation de délivrance conforme par Sirha,

- constater que l'acte de vente du 27 avril 2009 énumère limitativement des mesures de gestion de la pollution devant être mises en 'uvre pour rendre le terrain compatible avec l'usage futur résidentiel contractuellement prévu, ces mesures de gestion étant présentées par le rapport Sita Remediation du 4 juin 2008 communiqué lors de la vente comme ne devant pas occasionner de surcoût ;

- constater qu'elle a découvert en 2014 que les mesures de gestion énumérées dans l'acte de vente ne sont pas suffisantes pour rendre le terrain compatible avec l'usage futur résidentiel contractuellement prévu, et que des mesures de gestion additionnelles, consistant dans l'excavation et la gestion des terres polluées, doivent être entreprises pour un surcoût estimé par Sita Remediation entre 120 000 et 800 000 euros HT ;

- constater que, par plusieurs rapports et note, TAUW a mis en évidence la très importante sous-estimation par Sita Remediation des risques sanitaires et des coûts associés à leur gestion pour rendre le terrain compatible avec l'usage futur résidentiel contractuellement prévu ;

-constater que le terrain qu'elle a acquis en application de l'acte de vente du 27 avril 2009 ne peut faire l'objet d'un usage résidentiel dans les conditions contractuellement établies ;

-dire et juger que Sirha a manqué à l'obligation de délivrance conforme qui pèse sur elle en vertu des dispositions de l'article 1603 du code civil ;

- dire et juger qu'elle est bien fondée à solliciter la résolution de l'acte de vente du 27 avril 2009 en raison des manquements contractuels de Sirha ;

-constater que ces manquements lui ont causé un préjudice ;

En conséquence

-prononcer la résolution de l'acte de vente du 27 avril 2009 ;

-condamner Sirha à lui restituer le prix de vente, à savoir la somme de 513 000 euros ;

- condamner Sirha à lui verser la somme de 96 269,06 euros au titre des dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation délivrée à Sirha les 25 janvier et 2 février 2016, avec capitalisation des intérêts à compter de la date de notification des conclusions d'appel,

A titre subsidiaire, sur la nullité de l'acte de vente en raison du dol,

- constater que Sirha a omis de lui communiquer des informations essentielles sur le terrain objet de la vente,

- juger que le dol commis par Sirha est caractérisé,

- la juger bien fondée dans sa demande de nullité de l'acte de vente du 27 avril 2009 du chef du dol dont elle a été victime,

- juger que ce dol a entraîné un préjudice à son détriment qu'il convient de réparer,

En conséquence,

- prononcer la nullité de l'acte de vente du 27 avril 2009,

- condamner Sirha à lui restituer le prix de vente, soit la somme de 513 000 euros,

- condamner Sirha à lui verser la somme de 96 269,06 euros à titre de dommages et intérêts, cette somme étant à parfaire, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation délivrée à Sirha les 25 janvier et 2 février 2016, avec capitalisation des intérêts à compter de la date de notification des conclusions d'appel,

A titre infiniment subsidiaire, sur la réparation du préjudice qu'elle a subi,

- juger que Sirha a commis des fautes contractuelles engageant sa responsabilité vis-à-vis de la commune d'[Localité 6],

- juger qu'elle a subi un préjudice résultant directement des manquements contractuels de Sirha qu'il convient de réparer,

En conséquence,

*Sur la réparation du préjudice résultant de l'état environnemental du terrain,

- condamner Sirha à procéder à la mise en 'uvre des mesures de gestion non prévues par l'acte de vente mais nécessaires pour rendre le terrain compatible avec l'usage futur résidentiel contractuellement défini, dans de délai de six mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard,

- dire que la bonne réalisation de ces mesures de gestion devra être attestée par un bureau d'études certifié sites et sols pollués, ladite attestation devant préciser que, sous réserve de la mise en 'uvre des mesures de gestion définies dans l'acte de vente, les diligences accomplies par Sirha permettent de considérer que le terrain est compatible avec l'usage résidentiel contractuellement prévu,

A défaut,

- condamner Sirha à l'indemniser du préjudice subi, évalué à la somme de 513 000 euros, cette somme étant à parfaire, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation délivrée à Sirha les 25 janvier et 2 février 2016, avec capitalisation des intérêts à compter de la date de notification des conclusions d'appel,

*Sur la réparation du préjudice résultant des frais annexes

- condamner Sirha à lui verser à la somme de 96 269,06 euros à titre de dommages et intérêts, cette somme étant à parfaire, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation délivrée à Sirha les 25 janvier et 2 février 2016, avec capitalisation des intérêts à compter de la date de notification des conclusions d'appel,

En tout état de cause, sur la mise en cause de Suez RR IWS Remediation France,

- constater que Sita Remediation a commis des fautes en ne respectant pas la méthodologie ministérielle résultant de la circulaire du 8 février 2007 relatives aux sites et sols pollués, ce qui l'a conduit à sous-estimer très fortement les risques sanitaires du terrain, les mesures de gestion nécessaires pour rendre le terrain compatible avec un usage résidentiel et les coûts associés,

- juger que Sita Remediation a manqué à son obligation de conseil,

En conséquence

- condamner Sita Remediation à lui " garantir, en cas d'inexécution ou de défaillance de Sirha, de l'exécution des condamnations prononcées à l'encontre de Sirha " (sic),

*Sur le rejet des demandes de condamnation de Sirha et Sita Remediation à verser des frais irrépétibles et aux dépens au titre de la procédure de première instance,

- infirmer le jugement déféré l'ayant débouté de ses demandes de condamnations de Sirha et Sita Remediation à verser chacune à la commune d'[Localité 6] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens,

- condamner Sirha et Sita Remediation à lui verser chacune la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens au titre de la procédure de première instance,

Réformer le jugement déféré la condamnant la aux frais irrépétibles et aux dépens,

- infirmer le jugement déféré l'ayant condamné à verser à Sirha et Sita Remediation la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens,

- débouter Sirha et Sita Remediation de leurs demandes de condamnation de la commune d'[Localité 6] à leur verser des frais irrépétibles et aux dépens au titre de la procédure de première instance,

En tout état de cause,

- condamner Sirha à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Sita Remediation à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum Sirha et la société Sita Remediation aux entiers dépens,

- débouter Sirha et la société Sita Remediation de leurs demandes dirigées à son encontre au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par dernières écritures du 16 février 2022, la Sirha prie la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de la commune d'[Localité 6],

A titre subsidiaire,

- déclarer irrecevable l'action engagée par la commune d'[Localité 6],

A titre infiniment subsidiaire,

- débouter la commune d'[Localité 6] de l'ensemble de ses demandes et prétentions,

En tout état de cause,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la commune d'[Localité 6] à payer à la société Sirha la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner au titre de la procédure d'appel, la commune d'[Localité 6] à payer à la société Sirha la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la commune d'[Localité 6] aux entiers dépens.

Par dernières écritures du 20 juillet 2022, la société Sita Remediation prie la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré prescrites les demandes de la commune d'[Localité 6] contre la société Renault Habitation,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré qu'aucune condamnation n'étant prononcée contre la société Sirha, il n'y a pas lieu d'examiner la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la Sita Remediation,

En conséquence,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la commune d'[Localité 6] de l'ensemble de ses demandes, condamné la commune d'[Localité 6] aux dépens et à payer à la société Sita Remediation la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la commune d'[Localité 6] à verser à la société Sita Remediation la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la commune d'[Localité 6] aux entiers dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

- déclarer prescrite l'action de la commune d'[Localité 6] contre la société Sita Remediation à la date de remise à Sirha de l'étude de Sita Remediation du 4 juin 2008 ou en tout état de cause à la date de la vente du 27 avril 2009,

En conséquence,

- débouter la commune d'[Localité 6] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la commune d'[Localité 6] à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la commune d'[Localité 6] aux entiers dépens avec recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

A titre très subsidiaire,

- déclarer que l'inexécution et la défaillance de Sirha présentent un caractère purement hypothétique,

- déclarer que les manquements allégués à son encontre au titre de ses obligations contractuelles et à son obligation de conseil ne sauraient entraîner une obligation de garantir l'exécution de condamnations de Sirha,

- déclarer que la société Sita Remediation n'a commis aucun manquement à ses obligations de moyens ni à son obligation de conseil,

En conséquence :

- déclarer la commune d'[Localité 6] infondée en ses demandes et prétentions,

- débouter la commune d'[Localité 6] de l'ensemble de demandes,

- condamner la commune d'[Localité 6] à lui verser à la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la commune d'[Localité 6] aux entiers dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

A titre infiniment subsidiaire,

- fixer à 5% la perte de chance subie par la commune d'[Localité 6],

En conséquence,

- condamner la société Sita Remediation à garantir dans la limite de 5% les condamnations prononcées par la cour contre Sirha, en cas d'inexécution ou de défaillance de Sirha,

- débouter la commune d'[Localité 6] de l'ensemble de ses demandes plus amples ou contraires.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 février 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et qu'elle ne doit répondre aux moyens des parties que dans la mesure où ces derniers se rattachent à de telles prétentions.

Sur la prescription des actions dirigées contre la société Sirha

Le tribunal a déclaré les demandes de la commune d'Arnage contre la société Sirha irrecevables comme prescrites, le rapport 2014 sur la gestion des terres polluées n'apportant pas d'éléments nouveaux par rapport à ceux qui avaient été transmis par la société Sirha à la commune d'Arnage au moment de la vente du terrain.

Poursuivant l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré ses demandes irrecevables comme prescrites, la commune d'[Localité 6] invoque les dispositions de l'article 2224 du code civil qui fixent le délai de prescription d'une action à cinq ans à compter du " jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits permettant de l'exercer ". Elle soutient avoir eu connaissance lors de la réunion du 30 juin 2014 précédant la remise du rapport par la société SITA Remediation, des diligences à entreprendre pour assurer la compatibilité environnementale du site avec un usage résidentiel et du fait qu'il en résulterait de très importants surcoûts pour l'excavation et la gestion des terres polluées en raison de la pollution du terrain. Elle ajoute que le rapport de Sita Remediation du 1er juillet 2014 intègre la gestion des terres excavées au nombre des mesures de gestion à entreprendre, contrairement, selon elle, au rapport du 4 juin 2008 qu'elle estime très incomplet. Enfin, elle souligne avoir découvert à la suite de la réunion du 30 juin 2014, que les surcoûts présentés étaient très largement sous-estimés.

En réponse, la société Sirha estime que la prescription quinquennale s'applique et objecte que la jurisprudence a, en application des dispositions de l'article 2224 du code civil retenu qu'en matière de pollution, le délai de prescription commençait à courir à compter de sa découverte. Elle ajoute que la commune était parfaitement informée de l'état du terrain préalablement à la signature de l'acte de vente. Elle considère qu'aucun élément susceptible de faire courir un nouveau délai n'existe en l'espèce et conclut que le point de départ de la prescription de l'action a nécessairement couru à compter du 27 avril 2009, date de signature de l'acte authentique.

La société Sita Remediation relève que ni le rapport du 1er juillet 2014 ni celui du 4 juin 2008 n'incluent les coûts associés à la gestion des terres excavées, dès lors que ces mesures " sont classiquement appliquées lors des aménagements de résidences (') et ne constituent pas une dépense supplémentaire par rapport à l'aménagement prévu ". Elle relève néanmoins que le rapport de 2014 signalait comme celui de 2008 les contraintes de gestion des terres qui seront excavées dans le cadre de l'aménagement du projet immobilier projeté en détaillant les mesures préconisées. S'appuyant sur le rapport du bureau d'étude BG ingénieurs conseils SAS du 13 septembre 2018, la société Sita Remediation estime que les conclusions du rapport du 13 février 2018 commandé par l'appelante à la société Tauw, lequel critique les rapports de 2008 et 2014, sont injustifiées car elles comportent de nombreux défauts, conduisant à remettre en question son bien-fondé, sa pertinence et sa justesse quant aux calculs, interprétations et arguments qu'elle présente. Si la société SITA Remediation connaissait la volonté d'utiliser le terrain comme zone résidentielle, ce qui résulte du rapport, selon lequel "en l'état actuel des sols et des gaz du sol les milieux ne sont pas compatibles avec l'usage résidentiel envisagé ", elle fait valoir que son étude n'avait par pour objet de fixer l'étendue des travaux en fonction d'un projet de travaux.

Sur ce,

Aux termes des dispositions de l'article 2224 du code civil " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. ".

Suivant la lettre du texte, la loi a entendu ne pas laisser le point de départ de la prescription à la disposition de celui qui entend mettre en 'uvre un droit ni de le faire dépendre des seules diligences de ce dernier. Le point de départ de la prescription ne peut être laissé à la discrétion de celui qui l'invoque, sauf à lui conférer un caractère potestatif incompatible avec les impératifs de sécurité juridique garantis par la prescription.

De plus, " la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance. " (Cass com 9 novembre 2022, n°21-10.632).

Aux termes des dispositions de l'article 1315 du code civil applicable au présent litige " Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, celui qui se prétend libérer doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. "

Il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation que la charge de la preuve du point de départ d'un délai de prescription incombe à celui qui invoque cette fin de non-recevoir (Cass com, 24 janvier 2024, n°22-10.492).

Il résulte de ces éléments que :

-le point de départ du délai de prescription doit donc être fixé en l'espèce à la date de découverte par la commune d'[Localité 6] de la pollution affectant le terrain litigieux lui ayant permis d'exercer son droit,

- il incombe à la société Sirha, qui invoque cette fin de non-recevoir de démontrer qu'elle a bien informé la commune d'[Localité 6] de la pollution des sols et de sa gestion dans l'objectif de permettre la réalisation d'une zone d'habitation sur le terrain acheté, plus de 5 ans avant l'action en justice de ladite commune et dans la limite de que la commune en avait révélé.

En l'espèce, l'acte authentique conclu le 27 avril 2009 entre la commune d'[Localité 6] et la Sirha prévoit s'agissant de la parcelle de terrain cadastrée section AN numéro [Cadastre 4] les éléments suivants:

" B) Information relatives à l'état environnemental du BIEN objet des présentes.

Le VENDEUR informe l'ACQUEREUR qu'en vue de la vente du terrain, un audit de phase A a été réalisé par la société SITA Remediation (Etape A- Etude historique de vulnérabilité (réf. N2 05 074.0) d'octobre 2005) sur le terrain, objet de la vente.

D'après les résultats de l'étude historique de cet audit phase A, il apparait que le terrain est susceptible de présenter une zone source sol de pollution liée à la présence d'une ancienne cuve de stockage de fioul (FOD) pour le chauffage des vestiaires. (')

Celle-ci met en évidence une incompatibilité du site avec l'usage résidentiel envisagé, sauf à respecter certaines mesures de gestion préconisées dans cette étude ".

Partant, c'est par de justes motifs que le tribunal a retenu que l'acte de vente indiquait explicitement l'étude détaillée des risques, relevant que l'acte " met en évidence une incompatibilité du site avec l'usage résidentiel envisagé, sauf à respecter certaines mesures de gestion préconisées dans cette étude ".

Le tribunal a considéré que le rapport du 1er juillet 2014 établi par la société SITA Remediation n'avait apporté aucun élément technique nouveau permettant à la commune de démontrer que le terrain litigieux n'était pas compatible avec l'usage résidentiel.

L'appelante reconnaît que la société Sirha ne s'est effectivement pas engagée sur la compatibilité environnementale du terrain avec un usage résidentiel, mais elle estime qu'elle s'est néanmoins engagée à ce que la compatibilité environnementale du terrain avec un usage résidentiel soit assurée par la réalisation de simples mesures de gestion énumérées dans l'acte de vente, sans surcoût.

Cependant, le rapport du 4 juin 2008 procède par voie de propositions de " mesures de gestion " ayant deux objectifs que sont la maîtrise des sources de pollution et la maîtrise des impacts. Si le rapport propose effectivement des mesures visant à rendre compatibles les milieux avec les usages du site, la société Sirha informe la commune d'[Localité 6] de la pollution affectant ce terrain, qui ne permet pas en l'absence de ces mesures de s'assurer de la compatibilité du terrain avec l'usage résidentiel projeté.

L'appelante soutient en cause d'appel que la gestion des terres excavées ne figurait pas parmi les mesures de gestion à entreprendre. Elle ajoute avoir découvert que contrairement à ce qui lui avait été indiqué par la société Sirha lors de la vente, les diligences à entreprendre pour assurer la compatibilité environnementale du site avec un usage résidentiel ne consistaient pas uniquement dans les simples mesures de gestion mais également dans l'excavation des terres polluées, pour un coût pouvant, selon elle, s'élever de 120 000 euros à 800 000 euros.

Or, la cour relève que le rapport du 4 juin 2008 prévoyait que " toute terre excavée reconnue polluée devra être éliminée en filière adaptée " et que " lors de remaniement de terres, celles-ci ne devront pas être mises en surface ".

Il convient d'observer que le rapport du 1er juillet 2014 stipulait que " les terres excavées dans le cadre de l'aménagement du site (création de fondations ou de tranchées pour passage de réseaux enterrés, décaissement pour mise à niveau ou pour mise en place d'une sous-couche sous enrobé) devront être évacuées dans des filières adaptées à leur qualité. Dans le cas où des déblais seraient générés dans le cadre des travaux d'aménagement et notamment lors de la création des réseaux, les terres devront être triées selon leur caractéristique et évacuées vers des filières adaptées : ISDI pour les terres inertes ; ISDI ou ISDD pour les terres non inertes ".

Il ressort de ces éléments ainsi exposés que tant le rapport du 4 juin 2008 que celui du 1er juillet 2014 évoquaient les contraintes de gestion des terres excavées dans le cadre de l'aménagement du projet immobilier, notamment que ces terres polluées devaient être évacuées dans une filière adaptée et ne devaient pas être remises en surface.

Partant, la commune d'[Localité 6] était informée de l'état du terrain préalablement à la signature de l'acte de vente en 2009 et la société Sirha n'a pas manqué à son devoir d'information.

C'est donc à juste titre que le tribunal a retenu que le rapport de 2008 évoquait, tout comme celui postérieur de 2014, qui a confirmé ces éléments techniques, la gestion spécifique des terres excavées.

La commune d'[Localité 6] ne pouvait ignorer lors de la conclusion de l'acte le 27 avril 2009, alors même qu'elle ne contredit pas l'affirmation de ce que les négociations avaient commencé bien avant, que les terres excavées devraient être évacuées dans des filières adaptées dans le cadre de l'aménagement du site.

En cette matière de vente immobilière, cette cour a déjà pu retenir que le dommage résultant d'un manquement à l'obligation de conseil ou d'information consiste uniquement en une perte de chance de ne pas contracter, si bien que l'acte de vente constitue le point de départ de la prescription (CA Versailles, 3ème chambre, 29 novembre 2018, n° 17/03276).

La commune d'[Localité 6] a agi tardivement en assignant le 2 février 2016 soit plus de 5 ans après la signature de l'acte de vente qui l'avait avertie de l'état du sol et la nécessité d'en avoir une gestion spécifique : son action en résolution de la vente était prescrite.

Par ailleurs, la prescription étant acquise avant l'assignation de la commune d'[Localité 6] et sans condamnation prononcée contre la société Sirha, il n'y a pas lieu d'examiner l'applicabilité de la clause de renonciation à recours de l'acte de vente, ni la demande de nullité de l'acte de vente pour dol ou la demande de préjudice au titre de l'état environnemental du terrain, ni enfin la recevabilité de l'action en garantie de l'appelante à l'encontre de la société SITA Remediation.

Ajoutant ces motifs à ceux du tribunal que la cour adopte, il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré les actions de la commune d'Arnage prescrites.

Sur les autres demandes

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.

Succombant la commune d'[Localité 6] sera condamnée à payer la somme de 2500 euros à chacune des intimées au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ainsi qu'aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en toutes les dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la commune d'[Localité 6] à payer à la SITA Remediation la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile avec recouvrement direct en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la commune d'[Localité 6] à payer à la Sirha la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la commune d'[Localité 6] aux dépens d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame F. PERRET, Président et par Madame K. FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-3
Numéro d'arrêt : 21/05336
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;21.05336 ?
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