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04/07/2024 | FRANCE | N°21/05104

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-3, 04 juillet 2024, 21/05104


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 63D



Chambre civile 1-3



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 04 JUILLET 2024



N° RG 21/05104



N° Portalis DBV3-V-B7F-UWAO





AFFAIRE :



S.A. MMA IARD

...



C/



[O] [I]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Juillet 2021 par le TJ de NANTERRE

N° Chambre : 6

N° RG : 14/04587



Expéditions exécutoiresr>
Expéditions

Copies

délivrées le :

à :











Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS



Me Rémi BAROUSSE

de la SELASU TISIAS





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 63D

Chambre civile 1-3

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 JUILLET 2024

N° RG 21/05104

N° Portalis DBV3-V-B7F-UWAO

AFFAIRE :

S.A. MMA IARD

...

C/

[O] [I]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Juillet 2021 par le TJ de NANTERRE

N° Chambre : 6

N° RG : 14/04587

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS

Me Rémi BAROUSSE

de la SELASU TISIAS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A. MMA IARD

venant aux droits de la COMPAGNIE COVEA RISKS

N° SIRET : 440 048 882

[Adresse 2]

MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

venant aux droits de la COMPAGNIE COVEA RISKS

N° SIRET : 775 652 126

[Adresse 2]

Représentant : Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52

APPELANTES

****************

Monsieur [O] [I]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 5] (25)

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Rémi BAROUSSE de la SELASU TISIAS, Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2156

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence PERRET, Président,

Madame Charlotte GIRAULT, Conseiller

Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme FOULON

FAITS ET PROCEDURE :

Le 22 septembre 2011, M. [O] [I] a souscrit à un produit de défiscalisation portant sur des investissements en outre-mer, en application des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts issu de la loi de programme pour l'outre-mer n°2003-660 du 21 juillet 2003, dite " Girardin industriel ".

Ces investissements consistaient, par le biais de sociétés en nom collectif, à procéder à l'acquisition de matériels productifs neufs en vue de leur location aux entreprises exploitantes locales dans les DOM-TOM, et permettant une réduction d'impôt proportionnelle au montant de ses souscriptions et imputable sur l'impôt dû au titre de l'année de réalisation de l'investissement, ou pouvant être reportée sur cinq ans.

L'investisseur était tenu de conserver ses parts pendant cinq ans, à l'issue desquels l'exploitant des matériels s'engageait à les racheter à un prix déterminé, tenant compte d'une rétrocession partielle de l'avantage fiscal obtenu.

La loi n°2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 a modifié l'article 199

undecies B du code général des impôts précité, en excluant de la défiscalisation les investissements portant sur des installations de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil, jusqu'alors proposés aux investisseurs.

La société Gesdom a alors proposé à des épargnants d'investir dans des stations autonomes d'éclairage (SAE) alimentées par des panneaux photovoltaïques.

En vue de procéder à de tels investissements, M. [I] a versé à la société Gesdom la somme de 30 069 euros, outre 556 euros de frais de dossier.

L'attestation fiscale permettant la réduction d'impôt escomptée sur les revenus de l'année 2011 n'a jamais été remise à M. [I], la société Gesdom exposant que l'administration fiscale avait remis en cause les réductions d'impôts des montages des années précédentes faute de mise en service du matériel avant le 31 décembre de l'année concernée et, en second lieu, que l'éligibilité des stations autonomes d'éclairage à la réduction fiscale était également remise en cause.

Estimant avoir subi un préjudice du fait de la société Gesdom, M. [I] a saisi, par actes d'huissier des 30 janvier et 14 février 2014, le tribunal de grande instance de Nanterre afin d'obtenir l'indemnisation de son préjudice financier et moral par la société Gesdom et par la société Covea Risks, assureur de cette société, aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles (les MMA).

Par ordonnance du 17 avril 2015, le juge de la mise en état a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Gesdom.

Le 26 avril 2017, la société Gesdom a été placée en redressement judiciaire.

Par acte d'huissier du 19 septembre 2017, M. [I] a délivré une assignation en intervention forcée à la société Hirou, en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Gesdom.

Par ordonnance du 13 juillet 2018, le juge de la mise en état a déclaré parfait le désistement d'action de M. [I] à l'égard de la société Gesdom.

Par jugement du 16 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- reçu l'intervention volontaire des sociétés MMA Iard et MMA Assurances Mutuelles

- condamné in solidum les sociétés MMA Iard et MMA Assurances Mutuelles à payer à M. [I] la somme de 34 625 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel:

* sans limitation de plafond au titre de la police n°112.788.909, ni séquestre,

* dans la limite du plafond annuel de garantie de 4 000 000 euros applicable de façon globale pour l'ensemble des réclamants de la société Gesdom pour des investissements réalisés en 2011, au titre de la police n°114.247.742, sans séquestre,

- dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- dit que les intérêts échus pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts,

- condamné in solidum les sociétés MMA Iard et MMA Assurances Mutuelles à payer à M. [I] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné in solidum les sociétés MMA Iard et MMA Assurances Mutuelles aux dépens, dont distraction au profit de Me Rémi Barousse,

- rejeté toutes demandes plus amples ou contraires.

Par acte du 4 août 2021, les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles ont interjeté le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre le 16 juillet 2021 et, par dernières écritures du 28 février 2024, prient la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions défavorables aux sociétés MMA et, statuant à nouveau,

A titre principal,

- débouter M. [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à leur encontre et par conséquent de son appel incident.

- condamner M. [I] à leurs payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner M. [I] aux entiers dépens de la présente instance.

A titre infiniment subsidiaire,

- juger que ce litige s'inscrit dans le cadre d'un sinistre sériel,

- tenir compte du plafond de garantie de 2 000 000 euros (du contrat souscrit par Gesdom)

- désigner tel séquestre qu'il plaira à la cour avec pour mission de conserver les fonds dans l'attente des décisions définitives tranchant les différentes réclamations formées à l'encontre de la société Gesdom concernant le même sinistre et pour, le cas échéant, procéder à une répartition au marc le franc des fonds séquestrés.

A titre très infiniment subsidiaire,

- juger qu'en tout état de cause un plafond de garantie unique s'applique pour toutes les réclamations, dont celle de M.[I] si la cour ne retient pas une globalisation des sinistres,

- juger que ce même montant serait déduit de chacune des condamnations prononcées au profit de chacun des investisseurs si la cour ne retenait pas une globalisation des sinistres dans le cas présent,

- faire application, dans les mêmes conditions, des limitations de garantie concernant le contrat souscrit par la CNCIF (plafond de 3 000 000 euros et franchise de 15 000 euros) si par impossible la cour retenait cette garantie.

Au soutien de leurs demandes, les sociétés MMA font valoir que :

- la police n° 112.788.909 est inapplicable puisqu'elle couvre les membres de la chambre nationale des conseils experts financiers (CNCIF) en ce qu'ils exercent en qualité de conseil en investissements financiers, ce qui n'est pas le cas de la société Gesdom en sa qualité de monteur et de commercialisateur d'un produit fiscal ;

- la garantie Responsabilité civile n'a pas pour objet de pallier le non-respect d'une obligation contractuelle par la société assurée, le monteur n'ayant ici livré aucune prestation ;

- à titre subsidiaire, des causes d'exclusion de garantie sont opposables à M. [I] ; ainsi la garantie est-elle exclue en l'absence de toute prestation en cas de faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré, circonstances réunies en l'espèce ; de même, sont exclus les litiges afférents aux frais de l'assuré ;

- à titre très subsidiaire, les préjudices ne sont pas justifiés, en particulier la perte de chance correspondant à l'intégralité de la réduction d'impôt escomptée, puisque le produit vendu était inéligible au dispositif Girardin ;

- à titre infiniment subsidiaire, des limitations de garantie doivent s'appliquer, s'agissant du plafond de garantie applicable aux réclamations liées à un sinistre sériel, de la nécessité d'un séquestre pour permettre un recours au marc l'euro de chaque épargnant, et de l'application de la franchise contractuelle opposable aux tiers.

Par dernières écritures du 28 février 2024, M. [I] prie la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu'il a reconnu qu'il dispose d'une créance de responsabilité à l'encontre de la société Gesdom,

- le réformer s'agissant du montant des réparations et statuant à nouveau, fixer les préjudices qu'il a subis à la somme de 36 623 euros pour le préjudice matériel et à celle de 2 000 euros pour le préjudice immatériel,

- condamner in solidum les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à lui payer la somme de 36 623 euros pour le préjudice matériel et celle de 2 000 euros pour le préjudice immatériel, en application :

* de la police n°114.247.742 avec un plafond de 4 millions d'euros et

* de la police n°112.788.909 sans que le plafond de cette dernière lui soit opposable,

- le réformer s'agissant des intérêts de retard, et, statuant à nouveau, ordonner que les indemnités allouées portent intérêts au taux légal à compter du 18 mars 2024, avec capitalisation des intérêts par année, sans que ces intérêts soient soumis à un plafond de garantie,

- le confirmer en ce qu'il a globalisé les sinistres,

- le confirmer en ce qu'il a rejeté la demande de séquestre,

- le réformer en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, et, statuant à nouveau, condamner in solidum les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- le confirmer en ce qu'il a mis à la charge de l'assureur une indemnité au titre des frais non compris dans les dépens, et pour la procédure d'appel, condamner in solidum les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, M. [I] fait valoir que :

- la société Gesdom, qui a accompli une partie de ses obligations contractuelles (organisation du montage, constitution des SNC, répartition des apports des souscripteurs, etc.) a néanmoins manqué à son obligation de s'assurer de la sécurité juridique du montage et, plus subsidiairement, à son obligation d'offrir un choix à l'investisseur, dès lors que les conditions de la réduction d'impôt recherchée n'étaient pas réunies à la date du 31 décembre, soit de rembourser la somme versée, soit d'affecter cette somme à un autre investissement ;

- le préjudice subi est entièrement consommé ; il ne peut se limiter à une perte de chance, faute d'aléa, car si Gesdom avait rempli ses obligations, il est certain qu'il aurait bénéficié d'un gain net (correspondant à la différence entre son investissement et la réduction d'impôt) et qu'il n'aurait pas perdu le montant de son investissement ;

- la garantie est due, même au titre de la police souscrite par la CNCIF, puisque le montage d'une produit de défiscalisation est une activité d'ingénierie financière qui est expressément garantie par la police ;

- les causes d'exclusion de garantie alléguées doivent être écartées comme ne s'appliquant pas au sinistre ;

- contrairement à une obligation d'information et de conseil, l'obligation à laquelle les monteurs ont manqué - s'assurer du respect de la réglementation par leur montage - n'est pas personnalisée ; dès lors les sinistres doivent être globalisés et, par conséquent, aucune franchise individuelle ne peut lui être opposée ;

- aucun séquestre ne peut être mis en place, notamment parce que cela suppose de démontrer un risque d'atteindre les plafonds de garantie ; risque que n'est pas démontré par les sociétés MMA dès lors qu'elles ne rapportent pas la preuve des décisions irrévocables excédant les plafonds.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

En égard aux moyens développés et aux demandes dont la cour est saisie il apparaît qu'avant même d'examiner l'objet du contrat d'assurance et la portée des exclusions de garantie invoquées, la question de la responsabilité civile de la société Gesdom est la question centrale et préalable par laquelle il convient de commencer.

" Sur la faute de la société Gesdom

L'article 1147 (ancien) du code civil, devenu article 1231-1, du code civil dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

En l'espèce, le 22 septembre 2011, afin de bénéficier d'une réduction d'impôt sur ses revenus 2011, M. [I] a souscrit au montage " GIR Réunion " en versant la somme de 30 069 euros ainsi que 556 euros de frais de dossier pour bénéficier d'une réduction d'impôt de 36 622, 50 euros (bulletin de souscription - pièce 1 intimé).

La société Gesdom a constitué en 2011 les SNC entre lesquelles elle a réparti l'investissement de M. [I]. (pièce n° 2 intimé)

Un contrat de prestations administratives et fiscales (PAF) a été parallèlement signé le 22 septembre 2011 entre la société Gesdom et M. [I] (pièce 1 intimé).

L'article 2 " Prestations " de ce contrat précise :

" Le prestataire s'engage à réaliser au profit du bénéficiaire et pour sa souscription aux SNC désignée(s) ci-dessus en article premier, les prestations administratives et fiscales suivantes :

Traitement des appels de cotisations émanant des organismes sociaux, à charge pour l'investisseur de procéder aux règlements afférents. La mission du prestataire dans le cadre de ce contrat ne pourra être étendue au contentieux qui pourra résulter du non règlement par le bénéficiaire de ses cotisations.

Assistance en cas de contrôle fiscal portant sur la réduction d'impôt conférée par le présent investissement ".

Sur le dossier de souscription, la société Gesdom est identifiée comme étant " conseiller en investissements financiers ". La société Gesdom a organisé et commercialisé le montage " GIR Réunion 2011 " et ce produit a été commercialisé en métropole par l'intermédiaire de conseillers en gestion de patrimoine indépendants qui l'ont conseillé à leurs clients.

La notice d'information jointe au dossier de souscription précise " Au jour de la souscription, le partenaire (CGP, société de promotion...) communique à Gesdom le dossier de souscription complet qui enregistre la souscription. A l'encaissement du chèque de souscription, Gesdom accuse réception au souscripteur de la prise en compte de son dossier. Dans les 30 jours ouvrés, précédant la déclaration de revenu pour l'année concernée, l'attestation d'éligibilité indiquant le montant de la déduction à pratiquer ainsi que tous les documents à adresser au centre des impôts compétent, seront adressés au souscripteur par le gérant des SNC(...) "

La réglementation exige que le contribuable déclarant un avantage fiscal au titre de l'article 199 undecies du code général des impôts annexe à sa déclaration de revenus une attestation établie par le monteur certifiant la réalisation de l'investissement.

Or, le 7 mai 2012, la société Gesdom a écrit aux souscripteurs pour les informer que, l'administration ayant remis en cause les réductions d'impôts des montages des années précédentes (montages Diane/Gesdom 2008-2010) faute de mise en service du matériel avant le 31 décembre de l'année concernée " compte-tenu des délais minimum nécessaires pour l'installation effective des matériels au sein des différentes sociétés exploitantes ", elle avait pris la décision " de ne pas délivrer d'attestation fiscale en vue de [vous] faire bénéficier de la réduction d'impôt au titre de l'année 2011 mais de reporter, par prudence, le bénéfice de cette réduction d'impôt sur l'année 2012 " car, si les SNC avaient bien acquis les SAE, " il n'a malheureusement pas été possible aux différents intervenants sur l'île de la Réunion de [les] mettre en service avant le 31 décembre 2011 " (pièce 3 intimé).

Par une nouvelle lettre envoyée aux investisseurs le 20 juin 2012 (pièce 4 intimé), la société Gesdom a rappelé le report de l'avantage fiscal sur 2012 et y a joint quatre notes techniques " Le montage juridique et les principes généraux ", " la gérance des SNC ", " les avantages de la loi Girardin ", et " considération de la perte en capital ". Elle explique que la sortie des SNC est impossible avant 5 ans et la restitution intégrale du montant investi impossible.

Le 8 novembre 2012, la société Gesdom a informé ses clients que " Malgré les efforts déployés par la société SFER, notre partenaire à la Réunion, la mise en service des matériels ne pourra pas aboutir avant le 31 décembre 2012 " et les a avertis d'un report de défiscalisation de l'investissement 2011 en 2013 (pièce 5).

Par un courriel du 16 mai 2013, la société Gesdom a fait part de nouvelles difficultés rencontrées, consistant d'une part, en l'ouverture en novembre 2012 d'une procédure de sauvegarde de SFER, fournisseur et installateur des SAE et d'autre part, en la possible remise en cause du caractère éligible des SAE au dispositif fiscal évoquée par l'administration fiscale lors d'une réunion informelle avec les administrateurs judiciaires et les conseils de SFER (pièce 6 intimé).

La société Gesdom expliquait qu'elle s'était pourtant assurée de l'éligibilité des SAE par une consultation du cabinet Landwell - datée du 2 septembre 2011 - qu'elle joignait à son message et que, pour lever le doute, le conseil de la société SFER avait adressé le 29 avril 2013, un rescrit à l'administration fiscale (également joint). Elle a indiqué préférer " ne pas délivrer les attestations fiscales avant d'avoir obtenu la position de l'Administration fiscale. ".

Le bulletin Officiel des Finances Publiques-Impôts publié le 8 juillet 2015 précise en son point 330 :

" En application de l'article 36 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, la réduction d'impôt ne s'applique plus, à compter du 29 septembre 2010, aux investissements portant sur des installations de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil.

Il est précisé que cette exclusion vise toutes les installations générant de l'électricité à partir du rayonnement solaire. Il est ainsi indifférent que l'électricité soit produite en vue de la revente ou en vue de l'auto-consommation de la personne (particulier ou entreprise) productrice, que l'électricité soit obtenue par conversion photovoltaïque ou par concentration de la chaleur solaire. Est également sans incidence l'usage fait de l'électricité produite (production de chaleur, climatisation, éclairage etc.).

En revanche, l'exclusion ne concerne pas les installations utilisant directement la chaleur solaire pour produire seulement de l'énergie thermique telles que, par exemple, les installations de chauffe-eau solaire utilisant des fluides caloporteurs.

Par ailleurs, la réduction d'impôt est maintenue selon les modalités prévues par les dispositions antérieures à la loi de finances pour 2011 précitée, pour certains investissements " (pièce 19 intimé).

La société Gesdom n'a donc pas délivré l'attestation fiscale aux investisseurs, dont M. [I].

La société SFER, fournisseur des SAE et des centrales photovoltaïques ayant fait l'objet des montages commercialisés de 2008 à 2010 a été placée sous sauvegarde et le plan homologué par jugement du tribunal mixte de commerce de Saint-Denis du 20 août 2014. La société Gesdom a été placée en redressement judiciaire le 26 avril 2017 par le tribunal mixte de commerce de Saint Denis puis en liquidation judiciaire par un jugement du 26 septembre 2019, avec toutes les sociétés de portage SNC GIR Réunion.

En sa qualité de monteur de l'opération, la société Gesdom avait pour obligation principale de s'assurer de sa sécurité juridique. En effet, le rapport d'information du Sénat sur la défiscalisation dans les départements et les territoires d'outre-mer, établi lors de la session 2002-2003, explique ainsi le rôle des cabinets d'ingénierie financière en page 63 : " Le métier de ceux qui sont généralement appelés " monteurs " est de mettre en relation des entreprises qui cherchent à investir et des épargnants qui souhaitent procéder à des placements défiscalisés dans le but d'abaisser leur taux de pression fiscale.(...) Le premier risque supporté porte sur la solidité du montage juridique, afin d'écarter le risque d'un retrait de l'avantage fiscal. Ce risque existe en raison du caractère de plus en plus complexe du droit fiscal et des opérations d'investissement elles-mêmes. (') Le risque le plus important supporté par les monteurs est celui de la défaillance de l'exploitant local (...) " (pièce 15 de l'intimé).

La société Gesdom devait donc vérifier que le matériel financé était bien éligible à la défiscalisation et que ce matériel soit le 31 décembre de l'année en cause mis à la disposition de l'exploitant ultramarin " dans des conditions permettant son exploitation effective ".

En outre, le bulletin de souscription précisait une obligation subsidiaire à la charge de la société Gesdom, en ces termes :

" Dans l'hypothèse où l'investissement sélectionné ne pourrait être réalisé à la date du 31 décembre 2011, la présente réservation deviendra caduque et les montants versés en exécution de la présente seront intégralement remboursés par différents bénéficiaires des versements. Dans ce cas comme dans le cas où le montant de l'investissement viendrait à varier, Gesdom pourra présenter, en réponse au mandat de recherche que j'ai conféré à mon conseil en gestion de patrimoine, Mme [X] [G], un autre investissement que je serai libre d'accepter ou de refuser et les montants versés au titre de la présente réservation seront ajustés en conséquence en respectant le taux d'apport en compte courant rapporté à la réduction d'impôt. ". La société Gesdom devait donc soit rembourser la somme versée soit pouvait proposer l'emploi de celle-ci sur un autre investissement permettant d'obtenir l'avantage fiscal souhaité.

En ne s'assurant pas de l'éligibilité des stations autonomes d'éclairage au dispositif fiscal et en ne délivrant pas l'attestation fiscale résultant du montage, la société Gesdom a manqué à son obligation principale. Elle a également failli à son obligation subsidiaire en ne remboursant pas à M. [I] le montant investi. Si le fait de proposer, au libre choix de l'investisseur, d'opter pour un nouvel investissement au lieu d'un remboursement n'était pas une obligation pour la société Gesdom (" Gesdom pourra présenter ") mais une faculté, elle ne l'a cependant pas exercée alors qu'aucun remboursement n'était opéré. La société Gesdom a donc failli à ses obligations envers M. [I] et sa faute contractuelle est caractérisée.

" Sur les préjudices et le lien de causalité

L'article 1149 ancien, devenu article 1231-2 du code civil dispose que les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après.

En premier lieu, s'agissant de l'existence du préjudice matériel, la réalité des paiements effectués par M. [I] (30 069 euros outre 556 euros de frais de dossier) et le montant de l'avantage fiscal escompté (36 622, 50 euros), tels qu'il résulte du bulletin de souscription, ne sont pas contestés.

Par ailleurs, il résulte du bulletin de souscription que la somme de 30 069 euros a été versée par M. [I] au profit de cinq SNC composant le portefeuille SNC Gir Réunion et les frais de dossier directement au profit de la société Gesdom. Les associés de chaque SNC, rassemblés en assemblées générales extraordinaires, ont voté l'augmentation du capital social et agréé en qualité de nouveaux associés les investisseurs ayant acquis des parts, dont M. [I], les fonds investis étant déposés sur un compte séquestre puis libérés au profit de la société SFER " en sa qualité de vendeur de matériel " et à la société Gesdom " en sa qualité de monteur de l'opération, de diffuseur commercial et pour sa mission de suivi et de gestion de la société pendant cinq années à venir " (pièce 2 de l'intimé).

Il est constant qu'au terme d'un délai de 5 ans, l'exploitant local de la SAE (locataire) devait racheter pour un montant symbolique le matériel à la société de portage, laquelle était dissoute. L'investisseur initial devait donc bénéficier de la réduction d'impôt, supérieure à son investissement initial qu'il ne récupérait pas. Les parts de SNC étaient par conséquent dépourvues de toute valeur puisqu'il était expressément stipulé qu'elles n'auraient aucune rentabilité.

Or, en ne s'assurant pas au préalable de l'éligibilité du matériel au dispositif fiscal de la loi Girardin, la société Gesdom a commis une faute directement à l'origine de la perte par M. [I] de l'avantage fiscal escompté.

Il est donc établi que ce dernier a investi des sommes à fonds perdus dont il ne peut poursuivre le recouvrement, sans avoir bénéficié de la contrepartie promise, à savoir une réduction de son impôt sur le revenu.

Il a donc bien subi un préjudice actuel et certain, et non une perte de chance, puisque la société Gesdom a manqué à son obligation de résultat.

En application de l'article 1149 ancien précité, ce préjudice correspond au montant de l'avantage fiscal escompté et finalement perdu soit 36 622, 50 euros.

Il n'y a pas lieu cependant d'indemniser un préjudice moral dont la réalité n'est pas établie en l'espèce.

Le jugement sera donc confirmé en ses dispositions relatives à la responsabilité civile contractuelle de la société Gesdom, et en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire au titre du préjudice moral, mais infirmé en ce qu'il a retenu un préjudice matériel de 34 625 euros. Statuant à nouveau, la cour considérera que le préjudice matériel de M. [I] s'élève à 36 622, 50 euros.

" Sur la garantie des MMA et les causes d'exclusion invoquées

L'application des deux contrats d'assurances litigieux sera examinée en premier et les clauses d'exclusion invoquées, communes aux deux contrats, en deuxième lieu, puis, en troisième lieu, les plafonds de garantie invoqués.

- Sur l'application de la police n° 112.788.909

La société Gesdom a adhéré à la chambre nationale des conseillers en investissements financiers (CNCIF), laquelle avait souscrit en 2008, pour ses membres, un contrat d'assurance responsabilité civile n° 112.788.909 auprès de la société Covea Risks, aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, à effet au 1er janvier 2008 jusqu'au 31 décembre 2010, renouvelable ultérieurement par tacite reconduction (pièce 20 intimé).

La première page de la police mentionne notamment les primes annuelles par membre et précise " En ce qui concerne les Opérations Industrielles et Immobilières de Défiscalisation dans les DOM-TOM : le Taux de révision est fixé à 0,08 % TTC du Montant des Opérations réalisées de l'Année N-1 ".

Parmi les nombreuses " activités assurées " listées au chapitre I article 1er de la police figure expressément la catégorie " Conseil financier, Ingénierie financière ".

Ainsi le fait que le contrat ait été souscrit par la CNIF ne signifie pas que seule l'activité de CIF serait couverte puisque le champ des activités assurées est plus large, comme indiqué supra, comprenant non seulement l'ingénierie financière mais également le conseil en ressources humaines, l'enseignement et la formation ou encore " administrateur auprès des tribunaux dans le cadre de successions ou des indivisions contentieuses ou concernant la gérance de tutelle / curatelle d'incapables mineurs ou majeurs ", soit toutes sortes d'activités étrangères à celle spécifique de CIF. Ainsi, si l'activité de CIF est bien entendue visée avec une référence aux articles L. 541-1 et suivants du code monétaire et financier, d'autres activités sont également assurées.

Le chapitre II A définit les garanties de la responsabilité civile professionnelle ainsi :

" Le présent contrat garantit les conséquences pécuniaires de la Responsabilité Civile que l'Assuré peut encourir en raison notamment des négligences, inexactitudes, erreurs de fait, de droit, omissions, commis par lui, ses membres, ses agents, les préposés salariés ou non dans l'exercice de leurs activités normales et plus généralement par tous actes dommageables. "

L'article B de ce même chapitre prévoit que :

" Sont seuls exclus de la garantie :

" les dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré ;

" les litiges afférents aux frais honoraires et facturations de l'assuré ;

" les réclamations et dommages découlant d'une obligation de performance financière, fiscale ou commerciale, des produits ou services rendus, sur laquelle l'assuré se serait engagé expressément ;

" les conséquences de l'absence d'exécution de la prestation (...) ".

Or l'application du contrat est ici recherchée au titre de l'activité d'ingénierie financière. La société Gesdom est en effet intervenue en qualité de monteur d'une opération industrielle et immobilière de défiscalisation outre-mer. N'ayant pas eu de relation directe avec le souscripteur ce dernier étant en lien avec son conseil en gestion de patrimoine, Mme [X] [G], mentionnée dans le bulletin de souscription, elle n'a pas délivré de prestation de conseil.

Les activités assurées décrites supra visent expressément l'ingénierie financière qui correspond exactement au rôle joué par la société Gesdom dans le montage complexe ayant donné lieu à la signature d'un bulletin de souscription par M. [I] le 24 septembre 2011. Le rapport d'information du Sénat sur la défiscalisation dans les départements et les territoires d'outre-mer, qui décrit le " rôle des cabinets d'ingénierie financière ", ne fait que confirmer l'adéquation entre cette qualification et l'activité de monteur exercée par la société Gesdom dans l'opération de M. [I] (pièce 15 intimé).

Les développements des MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles relatifs à l'activité de CIF sont donc inopérants. Sauf à dénaturer les termes clairs et précis de la police, la production d'une attestation d'assurance datée du 17 janvier 2011 pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2011 restreignant les activités assurées au titre de la responsabilité civile professionnelle de la société Gesdom (pièce 21 des appelantes) ne saurait prévaloir sur la liste des activités assurées figurant dans les conditions particulières du contrat CNIF incluant précisément l'ingénierie financière.

Enfin, le fait que la société Gesdom ait souscrit individuellement une police spécifique auprès du même assureur n'empêche pas la mobilisation de la garantie souscrite par la CNCIF.

D'ailleurs, comme indiqué à juste titre par l'intimé, la Cour de cassation a considéré dans une affaire similaire concernant le même investissement et la même police d'assurance, que c'est à tort que la cour d'appel n'avait pas retenu l'application de la police litigieuse, qu' " en statuant ainsi, alors que le contrat d'assurance litigieux prévoit que sont assurées, outre l'activité de conseil en investissements financiers, celle d'ingénierie financière, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé " (2e civ. 10 novembre 2021, 19-12.659).

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu l'application du contrat n° 112.788.909.

- Sur l'application du contrat n° 114.247.742

La société Gesdom a souscrit en 2008 un contrat d'assurance responsabilité civile n°114.247.742 auprès de la société Covea Risks, à effet au 1er avril 2008 (pièce 21 de l'intimé).

En première page est apportée la précision suivante :

" Prime annuelle

Prime provisionnelle minimum : 6 000 euros TTC

Prime de révision : 0,03 % TTC du montant des investissements réalisés dans les DOM TOM ". Au chapitre I " Définitions ", figurent les activités assurées ainsi décrites :

" Commercialisation de produits de défiscalisation dans les DOM TOM (Loi Girardin Industrie) montés par le Cabinet Diane, conformément aux lois en vigueur ".

Dans ce contrat les activités assurées sont donc définies de manière beaucoup plus circonscrite que dans celui souscrit par la CNCIF au profit de ses membres.

Le chapitre II A définit les garanties de la responsabilité civile professionnelle ainsi :

" Le présent contrat garantit les conséquences pécuniaires de la Responsabilité Civile que l'Assuré peut encourir en raison notamment des négligences, inexactitudes, erreurs de fait, de droit, omissions, commis par lui, ses membres, ses agents, les préposés salariés ou non dans l'exercice de leurs activités normales et plus généralement par tous actes dommageables. ".

L'article B de ce même chapitre prévoit que :

" Sont seuls exclus de la garantie :

" les dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré ;

" les litiges afférents aux frais honoraires et facturations de l'assuré ;

" les réclamations et dommages découlant d'une obligation de performance financière, fiscale ou commerciale, des produits ou services rendus, sur laquelle l'assuré se serait engagé expressément ;

" les conséquences de l'absence d'exécution de la prestation ; (...) ".

Ce contrat est donc applicable sous réserve des moyens développés par les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles relatifs aux exclusions et qui seront examinés ci-après.

- Sur les exclusions de garanties

Selon l'article L. 112-6 du code des assurances, l'assureur peut opposer au porteur de la police ou au tiers qui en invoque le bénéfice les exceptions opposables au souscripteur originaire.

En premier lieu, les sociétés MMA entendent se prévaloir comme d'une exclusion de garantie opposable, le fait que le contrat d'assurance exclut " les conséquences de l'absence d'exécution de la prestation ". Elles font valoir que la police exclut ainsi le " risque d'entreprise ", alors qu'en l'espèce c'est bien parce que la société Gesdom n'a pas fourni l'attestation fiscale promise, entendue comme la prestation directe commandée par l'investisseur, que l'investisseur prétend aujourd'hui subir une situation dommageable.

Cependant, la prestation de la société Gesdom ne se limitait pas à la délivrance de l'attestation fiscale au souscripteur, permettant à ce dernier d'obtenir une défiscalisation. La société Gesdom a 'uvré en tant que monteur d'une opération complexe dont la fourniture de l'attestation était l'aboutissement. Elle a créé elle-même un produit fiscal. Si elle a failli à certaines de ses obligations, il ne peut être considéré qu'elle n'a exécuté aucune de ses obligations contractuelles. La société Gesdom a exécuté certaines de ses prestations contractuelles. Comme le décrit justement M. [I], la société Gesdom a conçu le montage, levé les fonds auprès d'investisseurs, constitué les SNC, sélectionné le matériel mais a fait une erreur dans le choix du matériel financé qui est en réalité inéligible au dispositif de défiscalisation.

La clause d'exclusion de garantie visant " les conséquences de l'absence d'exécution de la prestation " ne vide pas la garantie de sa substance dans la mesure où elle laisse subsister la garantie pour la prestation mal exécutée ou partiellement exécutée, en particulier celle qui incombait à la société Gesdom de s'assurer de la sécurité juridique du montage.

En second lieu, les appelantes invoquent la clause d'exclusion de garantie visant " les dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré ". Cette clause n'est qu'une reprise de l'exclusion légale issue de l'article L.113-1 qui dispose : " Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. Toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré. " Elles font valoir que la société Gesdom a commis une faute dolosive en vendant un produit fiscal malgré le changement de législation qu'elle ne pouvait ignorer, en sachant qu'il existait une forte probabilité que ce produit ne produise pas l'effet escompté, à tout le moins en sachant que son offre était risquée pour ses clients.

La faute intentionnelle et la faute dolosive sont distinctes : alors que la faute intentionnelle est caractérisée lorsque l'assuré a recherché, par son comportement, les conséquences dommageables telles qu'elles en ont résulté, la faute dolosive suppose un manquement délibéré de l'assuré dont il ne pouvait ignorer qu'elle conduirait inéluctablement à la réalisation du sinistre.

Or, s'il est établi que la société Gesdom a commis une erreur sur l'éligibilité du produit commercialisé auprès de M. [I], il n'est pas prouvé qu'elle avait pleinement conscience, à la date de la souscription, qu'elle ne pourrait pas délivrer l'attestation fiscale et surtout, il n'est pas démontré sa volonté de causer le dommage tel qu'il s'est réalisé.

Dans la mesure où la loi de finances du 29 décembre 2010 pour 2011 a exclu de la défiscalisation les " installations de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil ", la société Gesdom a, dès l'année 2012, informé les investisseurs de sa décision de reporter le bénéfice de la réduction d'impôt en invoquant l'évolution de la position de l'administration fiscale. Les courriers successifs adressés aux souscripteurs démontrent le doute subsistant dans son esprit sur l'éligibilité des stations autonomes d'éclairage au dispositif fiscal (lettre du 7 mai 2012, 20 juin 2012 et 8 novembre 2012 et courriel du 16 mai 2013 pièces 3, 4, 5 et 6 de l'intimé).

En effet, le fonctionnement même des SAE ne les a pas exclues de facto du bénéfice de la défiscalisation dans l'esprit de la société Gesdom. Les SAE, installations d'éclairage utilisées sur des parkings de supermarchés, le long de voies privées ou publiques, et sur des terrains et installations de sport, même si elles sont alimentées par l'énergie solaire, ne produisent pas d'électricité destinée à être injectée sur un réseau pour l'auto-consommation ou dans le but d'être achetée par EDF.

Compte-tenu de l'incertitude entourant l'éligibilité des SAE au dispositif, si la société Gesdom a manqué à son obligation de prudence et de sécurité juridique de l'opération et aurait dû s'assurer que le montage proposé à M. [I] lui permettrait de bénéficier de la réduction d'impôt envisagée, elle n'a cependant pas manqué délibérément à ses obligations envers l'investisseur et n'avait pas conscience de la réalisation inéluctable du dommage en raison de l'inéligibilité à la défiscalisation des SAE. Elle n'a par conséquent commis ni faute intentionnelle ni faute dolosive excluant la garantie de l'assureur.

Elle n'a par conséquent commis ni faute intentionnelle ni faute dolosive susceptible d'exclure la garantie de l'assureur.

En troisième lieu, les sociétés MMA se prévalent de la clause excluant de la garantie " les litiges afférents aux frais honoraires et facturations de l'assuré ".

Force est néanmoins de constater que le litige ne porte pas sur des frais honoraires et facturations de la société Gesdom envers le souscripteur. M. [I] recherche la responsabilité contractuelle de la société Gesdom qui n'a pas réalisé toutes les prestations auxquelles elle s'était engagée. Les frais facturés, notamment les frais de dossier, s'ils sont intégrés au calcul du préjudice subi, ne sont pas à l'origine du litige.

Ces exclusions de garantie ne trouvent donc pas application et le jugement sera confirmé sur ce point.

" Sur la globalisation des sinistres (sinistre sériel) et la limitation de garantie

L'article L. 124-1-1 du code des assurances dispose que constitue un sinistre tout dommage ou ensemble de dommages causés à des tiers, engageant la responsabilité de l'assuré, résultant d'un fait dommageable et ayant donné lieu à une ou plusieurs réclamations. Le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du dommage. Un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable unique.

Le sinistre sériel est ainsi défini dans les deux contrats n° 112.788.909 et n° 114.247.742 au chapitre I 7 :

" Constitue un seul et même sinistre (un sinistre sériel) l'ensemble des réclamations résultant :

*Soit d'un même événement,

*Soit de plusieurs événements, même successifs, trouvant leur origine dans une même cause. En ce cas, la date du sinistre est celle de la première de la réclamation ou du Premier événement de la série. Les conditions de garanties, les montants de garanties et des franchises sont ceux en vigueur à cette date. "

En l'espèce, il n'est pas contesté que le dommage subi par M. [I] a également été subi par de très nombreux autres souscripteurs. Force est de constater que ce dommage provient d'une cause unique : la faute contractuelle de la société Gesdom en ce qu'elle a manqué à son obligation de s'assurer au préalable de l'éligibilité du montage au dispositif fiscal. Il y a donc lieu de constater la globalisation des sinistres, laquelle n'est pas au demeurant contestée.

La police n° 112.788.909 souscrite par la CNCIF prévoit en 2008 un plafond de 2 500 000 euros, porté ultérieurement à 3 000 000 euros, avec une franchise de 6 000 euros pour les activités suivantes : conseil en gestion de patrimoine, intermédiaire financier, démarchage bancaire et financier, sans encaissements de fonds de tiers, intermédiaire en opérations de banque, agent immobilier, sans maniement de fonds de tiers, conseiller en investissements financiers.

La police souscrite par la CNCIF ne prévoit donc aucun plafond pour l'activité d'ingénierie financière qui, si elle figure bien dans les activités assurées, n'est pas mentionnée dans le tableau sur les capitaux assurés et franchises. L'activité d'ingénierie financière étant bien distincte de celle de conseiller en investissements financiers, elle n'est pas incluse dans la liste des activités soumises à un plafond.

La police a été résiliée le 27 juin 2012 et la réclamation de M. [I] est intervenue pendant la période de garantie subséquente de cinq ans.

En vertu de l'article L. 124-5, alinéa 5, du code des assurances, le délai subséquent des garanties déclenchées par la réclamation ne peut être inférieur à cinq ans. Le plafond de la garantie déclenchée pendant le délai subséquent ne peut être inférieur à celui de la garantie déclenchée pendant l'année précédant la date de la résiliation du contrat. Un délai plus long et un niveau plus élevé de garantie subséquente peuvent être fixés dans les conditions définies par décret.

Dans la mesure où aucun plafond de garantie n'était prévu pour l'activité d'ingénierie financière pendant la durée du contrat n° 112.788.909, aucun plafond ni franchise ne peut donc être opposés à M. [I] pendant la période de garantie subséquente. La police n° 112.788.909 est mobilisable au profit de M. [I] sans plafond ni franchise.

La police n° 114.247.742 souscrite par la société Gesdom prévoit un plafond de 1 000 000 euros (et une franchise de 10 000 euros) en 2008, porté à 3 000 000 euros puis 4 000 000 euros à partir de 2009 (l'attestation d'assurance établie le 31 janvier 2011 mentionne un plafond à 4 000 000 euros et une franchise de 20 000 euros par sinistre).

La date du sinistre sériel est l'événement ayant donné lieu à la réclamation, soit l'erreur commise par la société Gesdom sur l'éligibilité des SAE. Celui-ci datant de 2011, le plafond applicable est celui en vigueur à cette date, soit 4 000 000 euros, peu important qu'un avenant ait ultérieurement en 2012 abaissé le plafond à 2 000 000 euros.

La police n° 114.247.742 est mobilisable au profit de M. [I] avec un plafond de 4 000 000 euros. S'agissant de la franchise, les sinistres ayant été globalisés, aucune franchise ne peut être opposée individuellement à M. [I].

Ajoutant au jugement, la cour condamnera les MMA à indemniser M. [I] au titre de son préjudice matériel (36 622, 50 euros) en application de la police n° 114.247.742, sans franchise et avec un plafond de 4 000 000 euros, et de la police n° 112.788.909, sans franchise et sans plafond de garantie.

" Sur les intérêts de retard et la capitalisation

Il résulte des dispositions de l'article 1153 ancien, devenu 1231-6, du code civil que la prestation due par l'assureur de responsabilité en vertu des engagements qu'il a contractuellement consentis produit des intérêts au taux légal à compter du jour de la sommation de payer ou d'un autre acte équivalent (1ère Civ., 14 novembre 2001, 98-19.205).

Selon l'article 1153-1 ancien, devenu 1231-7, du code civil, en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.

En cas de confirmation pure et simple par le juge d'appel d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel. Le juge d'appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa.

Le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu'il a fait courir les intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement s'agissant de l'indemnité allouée au titre du préjudice matériel. Les intérêts courront à compter du 14 février 2014, correspondant à la date de l'assignation, telle qu'elle ressort du jugement et des écritures des appelantes (et non le 18 mars 2014 comme indiqué par erreur par M. [I]) et seront capitalisés par année entière, conformément à la demande qui en est faite, en application de l'article 1343-2 nouveau du code civil.

" Sur la demande de séquestre

Poursuivant l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté leur demande de constitution d'un séquestre, les sociétés MMA demandent à la cour que la Caisse des dépôts et consignations soit désignée comme séquestre des sommes allouées, afin de conserver les fonds dans l'attente des décisions définitives, via une répartition proportionnelle au marc l'euro du montant plafonné pour assurer l'égalité des réclamants. Elles suggèrent que la mesure de séquestre n'excède pas 5 ans.

Poursuivant la confirmation du jugement sur ce point, M. [I] considère que les victimes doivent être indemnisées dans l'ordre dans lequel elles se présentent et demande par conséquent la confirmation du jugement en ce qu'il n'a pas ordonné un séquestre, arguant que :

- le séquestre ne peut être ordonné que si la propriété d'une chose est litigieuse (art. 1961 du code civil). Par hypothèse, l'indemnité fixée par une juridiction n'est plus litigieuse ;

- un séquestre ne peut être ordonné que s'il est démontré un risque d'atteindre les plafonds de garantie qui n'est pas démontré par l'assureur ;

- les souscripteurs au montage Gesdom ayant formé leur réclamation dans le cadre de procédures distinctes devant des juges différents, il n'y a aucune garantie que toutes les juridictions ordonnent le séquestre de sorte qu'aucune répartition proportionnelle n'est possible ;

- le séquestre violerait le droit à un procès dans un délai raisonnable (article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme) ;

- un séquestre serait inéquitable puisqu'il profiterait à l'assureur car l'indemnité ne porterait plus intérêts à son profit en raison de l'effet libératoire du séquestre.

Sur ce,

S'agissant de la police n° 114.247.742, si un plafond de 4 000 000 euros est opposable à M. [I] en présence d'un sinistre sériel, l'opportunité d'un séquestre n'est cependant pas caractérisée. En effet, l'épuisement du plafond n'est pas justifié par l'assureur qui ne donne pas davantage d'éléments sur les sommes acquittées à ce jour au profit des investisseurs, même si les instances sont plurielles, impliquent de nombreux requérants et des sommes élevées.

Les MMA produisent un tableau des réclamations Gesdom qu'elles ont elle-même constitué (pièce 10) ainsi qu'un document intitulé " compte rendu de l'association AGIR 10 décembre 2018 " (pièce 44) qui correspond à une lettre d'un avocat indiquant que " la société AGIR représente plus de 2600 personnes ". Toutefois, ces éléments ne sont pas de nature à démontrer l'épuisement du plafond.

D'autre part, rien ne s'oppose à ce que les condamnations prononcées à l'encontre des MMA soient réglées au fur et à mesure de leur prononcé, jusqu'à épuisement dudit plafond, du moins en ce qui concerne la police n° 114.247.742.

En effet, la désignation d'un séquestre s'impose d'autant moins que la police souscrite auprès de la CNCIF ne comprend pas de plafond et que M. [I] peut solliciter l'application de la police n° 112.788.909.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de constitution d'un séquestre.

" Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

Poursuivant l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes, M. [I] demandent à la cour de condamner les MMA à lui verser 5000 euros pour résistance abusive.

Il estime avoir été contraint d'engager une procédure longue et coûteuse alors qu'une juste appréciation des polices d'assurance, dépourvue de mauvaise foi, aurait permis d'éviter d'encombrer les juridictions. Selon lui, cette attitude n'est pas une contestation " normale " de garantie face à une demande qui serait dépourvue de sérieux, mais participe d'une volonté de refuser, par principe, sa garantie afin de limiter au maximum son engagement financier.

Il considère en outre que l'appel des MMA est abusif s'agissant d'un litige sériel ayant fait l'objet de plusieurs dizaines de décisions de condamnation de l'assureur sans que pour autant celui-ci fasse la moindre offre et faisant le choix de la contestation systématique.

Les MMA demandent à la cour de rejeter la demande de M. [I] tendant à les voir condamnées pour résistance abusive, estimant que leur refus de règlement n'est pas abusif mais motivé par l'absence de réunion des conditions de garantie, l'existence de plusieurs exclusions de garantie, ainsi que de nombreuses décisions de justice ayant fait droit à son argumentation.

Sur ce,

M. [I] ne démontre pas que tant l'absence de règlement de l'indemnité qu'il estime due que l'appel interjeté par les sociétés MMA Iard auraient traduit une volonté manifeste et délibérée de ces dernières de ne pas assumer les conséquences de la responsabilité de leur assurée, ces litiges sériels soumis à de nombreuses juridictions étant complexes et donnant lieu à des décisions différentes.

M. [I] sera donc débouté de ses demandes de dommages-intérêts pour résistance abusive.

" Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dispositions du jugement déféré sont confirmées sur ce point.

Les MMA, parties perdantes, seront condamnées aux dépens d'appel et leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sera de ce fait rejetée.

Il apparaît en outre équitable d'allouer à M. [I] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Chacun des intimés sera dès lors condamné à lui verser 2000 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition,

Confirme jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a :

- condamné in solidum les sociétés MMA Iard et MMA Assurances Mutuelles à payer à M. [I] la somme de 34 625 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel:

* sans limitation de plafond au titre de la police n°112.788.909, ni séquestre,

* dans la limite du plafond annuel de garantie de 4 000 000 euros applicable de façon globale pour l'ensemble des réclamants de la société Gesdom pour des investissements réalisés en 2011, au titre de la police n°114.247.742, sans séquestre,

- dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

Statuant à nouveau de ce chef, et dans cette limite,

Condamne in solidum les sociétés MMA Iard et MMA Assurances Mutuelles à payer à M. [I] la somme de 36 622, 50 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel :

* sans limitation de plafond au titre de la police n°112.788.909, ni séquestre,

* dans la limite du plafond annuel de garantie de 4 000 000 euros applicable de façon globale pour l'ensemble des réclamants de la société Gesdom pour des investissements réalisés en 2011, au titre de la police n°114.247.742, sans séquestre,

- dit que cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 14 février 2014,

Y ajoutant,

Condamne in solidum les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles aux dépens de l'instance d'appel,

Condamne in solidum les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à M. [O] [I] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame F. PERRET, Président et par Madame K. FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-3
Numéro d'arrêt : 21/05104
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;21.05104 ?
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