La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2024 | FRANCE | N°21/02984

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-3, 04 juillet 2024, 21/02984


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 58Z



Chambre civile 1-3



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 04 JUILLET 2024



N° RG 21/02984



N° Portalis DBV3-V-B7F-UPWI



AFFAIRE :



[N] [B] épouse [K]

...



C/



S.A. SOCIETE GENERALE

...





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Décembre 2020 par le TJ de NANTERRE

N° chambre : 6

N° RG : 16/10930



Ex

péditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :











Me Typhanie BOURDOT



Me Magali

TARDIEU -

CONFAVREUX



Me Oriane DONTOT



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'a...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 58Z

Chambre civile 1-3

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 JUILLET 2024

N° RG 21/02984

N° Portalis DBV3-V-B7F-UPWI

AFFAIRE :

[N] [B] épouse [K]

...

C/

S.A. SOCIETE GENERALE

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Décembre 2020 par le TJ de NANTERRE

N° chambre : 6

N° RG : 16/10930

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Typhanie BOURDOT

Me Magali

TARDIEU -

CONFAVREUX

Me Oriane DONTOT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [N] [B] épouse [K]

née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

S.C.I. SAINT MICHEL

RCS de DUNKERQUE sous le n° 434 205 027

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentant : Me Typhanie BOURDOT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 644

Représentant : Me Amandine BODDAERT, Plaidant, avocat au barreau de LILLE

APPELANTES

****************

S.A. SOCIETE GENERALE

N° SIRET : 552 120 222

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Magali TARDIEU-CONFAVREUX de l'AARPI TARDIEU GALTIER LAURENT DARMON associés, Postulant/plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R010

INTIMEE

S.A. SOGECAP

N° SIRET : 086 380 730

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617

Représentant : Me Corinne CUTARD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1693

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 14 mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Florence PERRET, Président,

Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller chargé du rapport

Madame Céline HILDENBRANDT, Conseiller appelé à compléter la composition

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme FOULON

-----------

FAITS ET PROCEDURE :

Suivant acte sous seing privé du 20 janvier 2001, la Société générale a accordé à la société Saint Michel représentée par ses gérants, M. et Mme [K], un prêt in fine d'un montant de 1 450 000 francs (221 051, 07 euros), remboursable au terme d'une durée maximum de 180 mois, en vue de financier l'acquisition d'un bien immobilier destiné à la location.

Le taux contractuel de 5,75% l'an, correspondant à des intérêts d'un montant de 7 672,92 francs par mois, a été renégocié à 4,85 % l'an en 2005, portant l'échéance mensuelle d'intérêts à 1 003,94 euros pour les 128 mois restants.

Par acte sous seing privé du 23 janvier 2001, Mme [K] a adhéré au contrat collectif d'assurance-vie Sequoia souscrit par la Société générale auprès de la société Sogecap, moyennant le versement d'une prime de 300 000 francs (45 734,71 euros) affectée aux supports financiers dits "sequoia dynamique" à hauteur de 50% et "sequoia équilibre" à hauteur de 50%.

Le prêt susvisé était garanti par un privilège de prêteur de deniers à hauteur de 1 000 000 francs, les cautionnements solidaires de M.et Mme [K] et par le nantissement du contrat d'assurance-vie Sequoia.

Mme [K] a soldé le prêt arrivé à terme par virements des 12 et 15 février 2016.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 24 février 2016, reçue le 26 février suivant, Mme [K] a indiqué à la société Sogecap que le contrat d'assurance-vie qui lui avait été soumis ne respectait pas les dispositions de l'article L.132-5-1 du code des assurances en vigueur au moment de la souscription de son contrat et qu'elle souhaitait, en conséquence, exercer sa faculté de renonciation au contrat.

Le 15 mars 2016, la société Sogecap a procédé au versement de la somme de 148 117,08 euros sur le compte de Mme [K], somme correspondant à la valeur de rachat de son contrat d'assurance-vie.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 10 mai 2016, Mme [K] a, par l'intermédiaire de son conseil, indiqué qu'elle n'avait pas sollicité le rachat de son contrat mais exercé sa faculté de renonciation. Elle a donc sollicité le versement de la somme complémentaire de 8 724,12 euros.

L'assureur a refusé de faire droit à cette demande.

Par actes d'huissier des 25 et 31 août 2016, Mme [K] et la société Saint Michel ont fait assigner les sociétés Société générale (ci-après " la Société générale ") et Sogecap devant le tribunal de céans aux fins de condamnation de la société Sogecap au remboursement de l'intégralité des sommes investies sur le contrat d'assurance-vie litigieux et de condamnation de la Société générale au remboursement des intérêts du prêt in fine devenu caduc.

Par jugement du 18 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- condamné la société Sogecap à payer à Mme [N] [B] épouse [K] la somme de 8 724,12 euros assortie des intérêts au taux légal majoré du 26 mars 2016 au 26 mai 2016, puis au double de ce taux,

- dit que les intérêts échus pour une année entière depuis la demande en justice (31 août 2016), commenceront eux-mêmes à produire des intérêts à compter du 31 août 2017,

- déclaré recevable, mais mal fondée, la demande en restitution des intérêts du contrat de prêt formée contre la Société générale,

- l'a rejetée,

- déclaré irrecevable car prescrite l'action indemnitaire engagée contre la Société générale,

- condamné Mme [N] [B] épouse [K] et la société Saint Michel à payer à la Société générale la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société Sogecap, d'une part, et Mme [N] [B] épouse [K] et la société Saint Michel, d'autre part, à supporter les dépens par moitié entre elles,

- rejeté toutes autres demandes,

Par acte du 7 mai 2021, Mme [N] [B] épouse [K] et la société Saint Michel ont interjeté appel du jugement et prient la cour, par dernières écritures du 21 février 2024, de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Sogecap au paiement d'une somme de 8 724,12 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2016, puis du double du taux d'intérêt légal à compter du 26 mai 2016 au bénéfice de Mme [K] et ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 31 août 2017,

- réformer le jugement en toutes ses autres dispositions et statuant à nouveau il est demandé à la cour d'ordonner la caducité du prêt souscrit auprès de la Société générale par la société Saint Michel

Par conséquent :

- condamner la Société générale au paiement d'une somme de 169 435,06 euros, avec intérêt au taux légal à compter de l'assignation du 31 août 2016 au bénéfice de la société Saint Michel ;

A titre subsidiaire, si Mme [K] n'était pas jugée fondée à se rétracter du contrat d'assurance-vie en 2016 :

- condamner la Société générale au paiement d'une somme de 167 740,70 euros au titre de la " perte de chance au bénéfice de la société Saint Michel de ne pas avoir souscrit un montage financier totalement inadapté ",

- condamner la Société générale au paiement d'une somme 7 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral au profit de Mme [K],

- condamner la société Sogecap au paiement d'une somme de 42 173,48 euros au bénéfice de Mme [K] à titre de dommages intérêts pour le rachat injustifié de son contrat d'assurance-vie,

- condamner solidairement la Société générale et la société Sogecap au paiement d'une somme de 5 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance

Y ajoutant,

- condamner solidairement la Société générale et la société Sogecap au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens en cause d'appel.

Par dernières écritures du 14 novembre 2022, la Société générale prie la cour de :

Sur la demande principale,

Principalement, de :

- dire et juger qu'en exerçant son droit de rétractation, quinze années après la signature du contrat d'assurance-vie, alors qu'elle se plaignait depuis plusieurs années des mauvais résultats de celui-ci, Mme [K] exerce de manière abusive son droit pour tenter d'échapper à un contrat dont les résultats ne lui paraissent pas satisfaisants,

- dire et juger que l'exercice de cette faculté est étranger à la finalité de l'article L.132-5-1 et incompatible avec le principe de loyauté qui s'impose aux contractants,

A titre subsidiaire, de :

- dire et juger que le prêt consenti en 2001 à la société Saint Michel n'a pas servi à constituer la prime originale du contrat d'assurance-vie mais à permettre l'acquisition d'un bien immobilier ; qu'il n'était pas subordonné à la souscription du contrat d'assurance-vie et n'y faisait référence que pour l'inclure au nombre des garanties consenties ; qu'aucune stipulation contractuelle ne démontre l'intention des parties de constituer un ensemble contractuel unique,

En conséquence, de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Saint Michel de sa demande de paiement de 169 435 euros au titre de la restitution des intérêts et frais payés au titre du prêt.

Sur les demandes subsidiaires,

Principalement, de :

- dire l'action engagée par la société Saint Michel contre la Société générale irrecevable car prescrite,

A titre subsidiaire, vu les arrêts de la chambre commerciale du 28 janvier 2014, 29 avril 2014, 10 février 2015, 30 juin 2015 de :

- dire et juger que rien ne peut être reproché à la banque au niveau du montage financier consistant à coupler une opération de prêt avec un contrat d'assurance-vie, cette opération étant jugée non spéculative même si elle est soumise à la variabilité des marchés financiers,

- dire et juger que la responsabilité de la banque en sa qualité de prêteur de deniers ne peut pas plus être retenue en raison de l'absence de risque d'endettement de l'emprunteur, compte tenu du patrimoine et des revenus des deux gérants uniques associés de la société Saint Michel,

Encore plus subsidiairement, de :

- dire et juger qu'il n'est établi aucun préjudice causal de la faute alléguée de la banque,

En conséquence, de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les appelants de leurs demandes indemnitaires,

En tout état de cause, de :

- condamner solidairement Mme [N] [B] épouse [K] et la société Saint Michel aux entiers dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières écritures du 21 février 2024, la société Sogecap prie la cour de :

- déclarer la société Sogecap recevable et bien fondée en son appel incident,

Y faisant droit :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Sogecap à payer à Mme [N] [B] épouse [K] la somme de 8 724,12 euros assortie des intérêts au taux légal majoré de moitié du 26 mars 2016 au 26 mai 2016, puis au double de ce taux,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Sogecap à supporter la moitié des dépens,

-infirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Sogecap,

Statuant à nouveau, de :

- donner acte à la société Sogecap qu'elle procèdera à la rectification de son erreur matérielle de rachat total du contrat d'assurance-vie auquel Mme [B] épouse [K] a adhéré (adhésion sequoian°216/6147418 5) en considérant que l'adhésion de Mme [B] épouse [K] a perduré,

- condamner Mme [N] [B] épouse [K] à payer à la société Sogecap la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté toutes autres demandes formées à l'encontre de la société Sogecap,

- débouter Mme [N] [B] épouse [K] et la société Saint Michel de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire, de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la capitalisation judiciaire en application de l'ancien article 1154 du code civil et du nouveau 1343-2 du code civil interviendra pour la première fois à compter du 31 août 2017, s'agissant d'une assignation délivrée le 31 août 2016,

En tout état de cause, à :

- condamner Mme [N] [B] épouse [K] à payer à la société Sogecap la somme de

4 000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [N] [B] épouse [K] et la société Saint Michel aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 février 2024.

Lors de l'audience, il a été sollicité les observations des parties sur les conséquences à tirer de la rédaction du dispositif des conclusions de la Société générale.

La Société générale et les appelants ont répondu par notes en délibéré des 14 mars et 25 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour observe que si elle n'est pas valablement saisie d'un appel incident de la Société générale en ce qui concerne la faculté prorogée de renonciation, à défaut de demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Sogecap à payer à Mme [B] la somme de 8 724, 12 euros, la cour est en revanche valablement saisie de l'appel incident de la société Sogecap sur ce point du litige.

" Sur l'obligation d'information et la prorogation du délai de renonciation

En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle approuve, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties, en caractérisant, sur le fondement de l'article L. 132-5-1 du code des assurances, dans sa rédaction applicable au contrat litigieux, les manquements de l'assureur à son obligation d'information et constaté la prorogation de plein droit du délai de renonciation.

Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée sur ce point.

" Sur l'abus de droit dans l'exercice de la faculté prorogée de renonciation

La société Sogecap fait grief au jugement déféré d'avoir écarté l'abus de droit et la mauvaise foi de Mme [K] aux motifs que l'assureur ne justifiait pas que celle-ci disposait de compétences en matière d'assurance-vie et de fiscalité, qu'aucun élément ne démontrerait sa parfaite compréhension du fonctionnement du contrat et qu'il ne pouvait être dit que l'assurée avait été suffisamment informée.

Rappelant l'évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation, elle fait valoir que Mme [K] s'est vue remettre un tirage de la note d'information du contrat d'assurance-vie Sequoia et l'annexe de présentation des supports, qui l'informaient parfaitement sur la nature des investissements qu'elle avait choisis et le risque de fluctuations boursières inhérent aux supports financiers. Elle précise à cet égard que Mme [K] a choisi d'investir en toute connaissance de cause sur un contrat comportant des supports composés d'actions, durant une période où les performances boursières de ces supports étaient attractives.

Elle ajoute que Mme [K] est responsable du service contentieux d'une agence bancaire, gérante et associée de cinq sociétés civiles immobilières, qu'elle a adhéré à deux autres contrats d' assurance-vie en 2003 et en 2006, qu'elle ne peut prétendre 15 ans après avoir adhéré au contrat réaliser le caractère boursier de son investissement, que l'action entreprise est en conséquence de pure opportunité dans un contexte de baisse boursière et constitue un exercice de mauvaise foi et abusif du droit de renonciation.

Les appelantes répondent que l'assureur ne rapporte pas la preuve de sa mauvaise foi, que tout assuré qui renonce à son assurance-vie, en usant de la prorogation du délai, le fait pour échapper à une perte financière et qu'il n'y a aucun caractère répréhensible dans cette seule attitude de bonne gestion.

Elles ajoutent que Mme [K] n'était nullement une professionnelle avertie en matière de placement financier, qu'elle souscrivait à un tel contrat pour la première fois et que ses fonctions de négociatrice amiable ne lui donnaient aucunement accès aux produits de placement.

Elles avancent enfin qu'il aurait dû être conseillé à Mme [K] des versements sur les supports les plus sécurisés du contrat d'assurance-vie, ce qui n'a jamais été fait, même en cours de contrat, lors des arbitrages.

Sur ce,

Il est de jurisprudence constante depuis un revirement opéré par la Cour de cassation (cf. Civ. 2ème, 19 mai 2016, n° 15-12.767 ; Civ. 2, 17 nov. 2016, n° 15-20.958) que la faculté prorogée de renonciation ne peut valablement s'exercer que sous réserve du respect du principe de loyauté qui s'impose aux contractants et, partant, dans la mesure où l'assuré n'abuse pas du droit que lui confère la loi.

Ainsi, il est attendu du juge appelé à contrôler l'existence d'un éventuel abus de droit, qu'il recherche, à la date d'exercice de la faculté de renonciation, au regard de la situation concrète du souscripteur, de sa qualité d'assuré averti ou profane et des informations dont il disposait réellement, quelle était la finalité de l'exercice de son droit de renonciation et s'il n'en résultait pas l'existence d'un abus de droit (Cf. Civ. 2ème, 13 juin 2019, no 18-17.907, préc. ; Civ. 2ème, 20 mai 2020, n° 18-24.102), la faculté prorogée de renonciation n'ayant pas vocation à permettre à l'assuré parfaitement informé des caractéristiques de l'assurance-vie souscrite, d'échapper à l'évolution défavorable de ses investissements (Cf. 2ème, 17 novembre 2016, n° 15-20.958) afin de neutraliser au moment opportun les risques financiers pris en toute connaissance de cause.

En l'espèce, la notice d'information et les annexes que s'est vu remettre Mme [K] décrivent avec précision les quatre supports proposés et leur objectif respectif. Ainsi, plutôt que d'opter pour le support " SEQUOIA DEFENSIF " (" préservation du capital ") ou le support " SEQUOIA SECURITE " (" valorisation régulière et sans risque du capital "), Mme [K] a choisi d'opter pour les supports " SEQUOIA EQUILIBRE " et " SEQUOIA DYNAMIQUE ", le premier ayant pour objectif " la valorisation prudente du capital ", le second " la recherche de plus-value ".

La notice d'information comporte en outre la mention suivante, en caractères gras : " SOGECAP ne s'engage que sur le nombre d'unités de compte mais pas sur leur valeur, celle-ci est sujette à des fluctuations à la hausse ou à la baisse en fonction des évolutions du marché ".

Mme [K], qui était détentrice d'actions au moment de la souscription, a été destinataire des relevés de situation annuels lui permettant de prendre la mesure de l'évolution de son capital et a effectué différents arbitrages en cours d'exécution du contrat, afin d'alléger les versements sur le support dynamique plus exposé en période de crise boursière.

Gérante de plusieurs sociétés civiles immobilières et responsable du service contentieux d'une agence bancaire et disposant d'une expérience des produits financiers, doit être considérée comme avertie et, à ce titre, parfaitement à même de comprendre les éléments essentiels du contrat auquel elle a consenti et avec eux la mécanique de ses investissements comme les risques pris et éprouvés liés à l'évolution de la valeur liquidative de ses placements.

Dans ces circonstances, alors qu'il est manifeste que Mme [K] a pris en toute connaissance de cause le risque d'une opération financière exposée aux fluctuations des marchés financiers, l'exercice de la faculté de renonciation 15 ans après l'adhésion au contrat et ce, de manière concomitante au remboursement du solde du prêt in fine auquel il est prétendu que l'assurance-vie était adossée, est constitutif d'un abus, Mme [K] n'étant pas animée par le juste dessein de revenir sur un engagement contracté dans un contexte de sous-information, mais par un mobile illégitime visant à pallier les conséquences des résultats décevants de son investissement.

Le jugement ayant fait droit à la demande de Mme [K] de se voir restituer le capital investi, sera en conséquence infirmé.

La demande de caducité du prêt in fine sera rejetée comme étant sans objet, la caducité n'étant soutenue que dans la mesure où, du fait de l'indivisibilité prétendue des deux contrats, la renonciation devrait emporter rétroactivement la caducité du prêt.

Le jugement sera confirmé pour ces motifs, en ce qu'il a déclaré recevable, mais mal fondée, la demande en restitution des intérêts du contrat de prêt formée contre la Société générale.

" Sur la responsabilité de la Société générale au titre du montage financier

- Sur la recevabilité de la demande

Pour rejeter les demandes subsidiaires en paiement de dommages-intérêts pour manquement de la banque au devoir de mise en garde et de conseil, le tribunal a jugé ces demandes irrecevables comme prescrites, les époux [K] ayant dès le 30 novembre 2010, dans un courrier adressé à leur banque, exposé avoir été abusés et trompés et mis en cause la responsabilité de la banque.

Mme [K] et la société Saint Michel font valoir que le tribunal s'est mépris sur le point de départ du délai de prescription de l'action en cas de prêt in fine devant être remboursé par un contrat d'assurance-vie et qu'en l'occurrence, dans cette hypothèse, la prescription ne court qu'à compter de l'apparition du dommage dont se prévaut l'emprunteur, au terme du contrat de prêt, date à laquelle la valeur de rachat de l'assurance-vie doit lui permettre de rembourser l'intégralité du contrat de prêt souscrit.

La Société générale répond que lorsque le prêt in fine est indépendant de l'assurance-vie, comme en l'espèce, il n'y aucune raison d'écarter la jurisprudence applicable en matière de prêt, qui fixe le point de départ de la prescription afférente aux actions en responsabilité fondées sur le manquement à une obligation de conseil ou de mise en garde, à la date de la signature du contrat de prêt.

Sur ce,

Il résulte de la combinaison des articles L. 110-4 du code de commerce et 2224 du code civil que les obligations entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Or, il résulte de l'interprétation donnée à ces dispositions par la Cour de cassation que lorsque le souscripteur d'un contrat d'assurance-vie nanti en garantie du remboursement d'un prêt in fine, reproche à la banque de lui avoir fait perdre une chance d'éviter le risque que, du fait d'une contre-performance du contrat d'assurance-vie, son rachat ne permette pas le remboursement du prêt, ce préjudice n'est réalisé qu'au terme du prêt, date à laquelle il convient de fixer le point de départ de la prescription (Cass. com., 6 mars 2019, n° 17-22.668 ; Cass. com., 29 nov. 2023, n° 22-12.332).

En l'espèce, s'il apparaît au regard des courriers adressés par Mme [K] à sa banque, dès le 30 novembre 2010, que celle-ci pouvait se douter de ce qu'elle ne pourrait solder le prêt en 2016 au moyen du montant de son investissement dans le contrat d'assurance-vie au cours des années restant à courir, cette circonstance est indifférente dès lors que le dommage invoqué par Mme [K], adhérente au contrat d'assurance-vie, et la société Saint Michel, emprunteuse, ne s'est réalisé qu'au terme du contrat de prêt, en février 2016, date à laquelle la prescription a commencé à courir.

L'action ayant été introduite en août 2016, la fin de non-recevoir tirée de la prescription ne peut qu'être rejetée.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

- Sur le devoir de mise en garde

Mme [K] et la société Saint Michel font valoir que le banquier qui consent un prêt in fine adossé à un produit financier, est tenu à un devoir de mise en garde concernant le prêt, en considération des capacités financières et des risques d'endettement, et concernant le produit, en considération de son caractère spéculatif. Elles soutiennent qu'il ne peut être affirmé qu'elles disposaient de revenus et d'un patrimoine suffisamment important pour pouvoir faire face au remboursement du prêt in fine en cas d'insuffisance du contrat d'assurance-vie.

La Société générale répond, d'une part, que le banquier prestataire de service d'investissement n'est pas tenu d'un devoir de mise en garde à l'égard de son client, même non averti, s'il lui propose comme en l'espèce des produits non spéculatifs, et, d'autre part, que le devoir de mise en garde, en qualité de prêteur de deniers, n'existe qu'à la double condition, non remplie en l'espèce, que le crédit soit excessif par rapport aux facultés contributives de l'emprunteur et, dans l'affirmative, que l'emprunteur puisse être considéré comme profane ou non averti. Elle ajoute que le seul fait que le prêt consenti à la société Saint Michel ait été remboursé en février 2016 démontre que celle-ci disposait des capacités financières pour payer la dernière échéance, indépendamment de l'assurance-vie.

Sur ce,

Il est constant que la société Sogecap est une filiale de la Société générale et que Mme [K] a eu un interlocuteur unique, la Société générale agissant comme prêteur de deniers mais également en qualité de courtier.

Ainsi, lorsque le banquier est prestataire de service d'investissement, il est tenu envers l'investisseur d'un devoir de mise en garde, mais uniquement à l'égard d'un investisseur non averti qui souscrit une opération spéculative. Or, le contrat d'assurance-vie même souscrit en unités de compte ne peut être qualifié comme tel (Com. 28 janvier 2014, n° 12-29.204 ; Com. 13 avril 2010, n 08-21.334).

En outre, il n'existe pas de devoir de mise en garde spécifique s'agissant de l'octroi d'un prêt in fine (Cass. com., 8 novembre 2023, n° 22-13.750), de sorte que l'obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit à l'égard d'un emprunteur non averti avant de lui consentir un prêt de ce type ne porte que sur l'inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l'emprunteur et sur le risque de l'endettement qui résulte de son octroi, comme tout autre prêt. A contrario, le banquier n'est pas tenu de mettre en garde l'emprunteur lorsque le prêt apparaît adapté aux capacités financières de l'emprunteur, en l'absence de risque d'endettement né de l'octroi du prêt (Civ. 1ère, 21 nov. 2018, n° 18-10.756) ou lorsqu'il a affaire à un emprunteur averti, étant précisé que s'agissant d'une SCI, cette qualité s'apprécie en la personne de son représentant légal (Com. 4 janv. 2023, n° 15-20.117).

En l'espèce, outre que les appelantes ne rapportent pas la preuve qu'à l'époque de la souscription du crédit litigieux, la situation financière de la société Saint Michel était telle que le prêt représentait un risque d'endettement excessif, il ressort du dossier de déclaration de patrimoine établi par M. et Mme [K] lors de la demande de prêt (pièce n° 2 de la Société générale) que ces derniers étaient propriétaires de leur logement et de neuf appartements pour la plupart mis en location, qu'ils détenaient des avoirs bancaires dépassant le montant du prêt ainsi qu'une autre S.C.I propriétaire d'un appartement et d'un local commercial loué, de sorte que ces éléments, ajoutés au fait que Mme [K] occupait un poste de cadre au sein d'une banque, induisent une expérience dans le domaine bancaire et de l'investissement immobilier permettant de considérer la société Saint Michel, à travers la personne de sa représentante légale, comme une emprunteuse avertie. Au surplus, le prêt in fine apparaît avoir été remboursé en février 2016 avant le rachat du contrat d'assurance-vie, et ce, sans incident de paiement.

Dans ces circonstances, aucune mise en garde n'était due par la Société générale ; le moyen tiré de la violation d'une telle obligation doit par conséquent être écarté.

- Sur le devoir d'information et de conseil

Les appelantes exposent qu'il a été conseillé à Mme [K] de ne pas emprunter sur la base d'un crédit classique et d'opter pour un montage consistant en un prêt in fine adossé à un contrat d'assurance-vie. Elles font valoir que les avantages et inconvénients d'un tel montage par rapport à un prêt amortissable classique ne leur ont jamais été présentés et qu'en outre, à aucun moment, leur attention n'a été attirée sur le fait que le contrat d'assurance-vie proposé par la Société générale pourrait, au terme du prêt, correspondre à une valeur inférieure au capital restant à rembourser, ce qui s'est produit.

Les appelantes font valoir qu'elles n'auraient jamais accepté une telle opération si elles avaient été correctement conseillées ; que la perte de chance de contracter dans des conditions plus sûres est acquise à 99% et se rapporte à une assiette correspondant au coût du crédit, hors assurance (169 435, 06 euros).

La Société générale répond que l'affirmation selon laquelle elle a conseillé à Mme [K] de ne pas emprunter sur la base d'un crédit classique, non seulement ne repose sur aucune preuve, mais surtout est contraire au courrier d'instruction adressé le 19 décembre 2000 dans lequel les époux [K] indiquaient : " compte tenu de l'incidence fiscale prévisible pour les années à venir, nous pensons que cette opération devrait être faite par le biais d'un financement à 100 % sous forme de prêt in fine ". Quant à la simulation produite, il s'agit d'un document non contractuel établi alors que la conjoncture était très favorable sur le plan boursier.

Elle ajoute que la perte de chance doit être actuelle, certaine et qu'elle se mesure à l'aune de la chance perdue. Or, la chance que les époux [K] renoncent au projet était faible, voire nulle, dès lors qu'au moment de l'opération, les appelantes avaient déjà une grande habitude et appétence pour ce genre de projet pour avoir réalisé une multitude d'investissements locatifs.

Enfin, elle avance que la perte de chance ne peut pas conduire à la restitution de l'intégralité des intérêts versés, ce qui équivaudrait à un prêt gratuit, alors que Mme [K] aurait été amenée à souscrire un crédit amortissable classique pour financer l'opération.

Sur ce,

S'agissant d'un prêt in fine adossé à un contrat d'assurance-vie, la jurisprudence met à la charge de la banque, sur le fondement de l'article 1147 du code civil, une double obligation :

- une obligation d'informer l'investisseur sur les risques que présente le produit (Com. 22 mai 2013, n° 12-17.651 ; com. 18 juin 2013, n° 12-19.505 ; com. 22 sept. 2015, n° 14-14.547) ;

- une obligation de conseil devant la conduire à ne proposer ce montage financier que lorsque celui-ci s'avère adapté à la situation de son client dont elle a connaissance (Com. 22 janv. 2020, n° 17-20.819 ; Com. 27 nov. 2012, n° 11-22.425 ; Com. 10 juill. 2012, n° 11-10.548), étant précisé qu'un conseil adapté à la situation de l'investisseur conduit à écarter la responsabilité de la banque même si le montage s'avère ruineux.

En l'espèce, il est établi que Mme [K] s'est vu remettre par la Société générale, au moment de conclure le prêt, une simulation " investissement immobilier locatif : dispositif Besson " prévoyant un apport sur un contrat d'épargne de 300 000 francs, qui correspond effectivement à la première prime versée sur le contrat d' assurance-vie ; que le montant à l'échéance devait correspondre au montant du prêt in fine, soit 1 450 000 francs, la projection s'appuyant sur une " hypothèse de capitalisation " de 5 %.

Ce document démontre que la Société générale n'est pas seulement intervenue en sa qualité de dispensateur de crédit mais a proposé la réalisation d'un montage financier consistant en l'acquisition d'un bien immobilier financé par un prêt in fine adossé à un contrat d'assurance-vie, l'opération s'inscrivant dans un dispositif de défiscalisation.

C'est vainement que l'intimée argue de ce que la simulation comporte la mention " document non contractuel " ; le fait que la banque ne s'engage pas sur le résultat visé par la simulation ne pouvant la dispenser d'une information suffisante sur les risques du montage et d'un conseil adapté à la situation et aux objectifs de l'emprunteur.

Cependant, premièrement, Mme [K] s'est vu remettre lors de son adhésion au contrat d'assurance de groupe une notice d'information décrivant différents profils de gestion plus ou moins risqués, qui établit en outre un lien entre la valorisation de l'épargne et l'évolution de la valeur liquidative du profil. Elle dispose par ailleurs d'une simulation dans laquelle le taux de capitalisation de 5 % est présenté comme une simple " hypothèse ". Il a donc été porté à la connaissance de Mme [K] les données lui permettant de prendre la mesure du risque de l'opération, celle-ci ne pouvant ignorer, en recoupant les différentes informations, l'existence d'un risque qu'au terme du prêt in fine, le contrat d'assurance ne suffise pas à rembourser le capital restant dû, en raison de la contre-performance éventuelle des placements réalisés.

Deuxièmement, pour critiquer le conseil qui lui a été donné de recourir au montage litigieux, les appelantes se bornent à comparer le coût d'un prêt in fine avec le coût d'un prêt amortissable classique, au taux de 5 % sur 15 ans, alors que comme en atteste le courrier adressé par M. et Mme [K] le 19 décembre 2000 à leur agence bancaire, leur choix s'est porté sur le prêt in fine, non en raison de son coût mais en raison des avantages fiscaux que représentait ce type de crédit dans le cadre d'un investissement locatif.

Or, il n'est aucunement justifié de l'économie fiscale réalisée durant 15 ans. A cet égard, la seule production d'un avis d'imposition daté de 1999 ne suffit pas à démontrer l'absence d'intérêt fiscal d'une opération dont les avantages ne sont mesurables que dans la durée.

De plus, il n'est pas allégué que l'hypothèse de capitalisation au taux de 5 %, présentée dans la simulation, était incohérente au regard des projections qu'il était raisonnable de faire à l'époque de la souscription, tandis que la capacité de la société Saint Michel à mobiliser les ressources nécessaires pour solder le prêt in fine en février 2016, sans même avoir eu besoin de racheter l'assurance-vie auquel le prêt était adossé, constitue une circonstance qui, mise en perspective avec les ressources de M. et Mme [K] en 2000, dénote l'absence d'une prise de risque excessive.

Dans ces circonstances, les appelantes qui échouent à démontrer la violation par la Société générale de son obligation d'information et de conseil propre au montage financier proposé, seront déboutées de leurs demandes indemnitaires, y compris celle tendant à l'indemnisation de leur préjudice moral dont il n'est pas justifié.

" Sur la responsabilité de la société Sogecap au titre du rachat du contrat d'assurance-vie

Les appelantes exposent qu'au lieu de faire droit à la demande de Mme [K] de lui rembourser l'intégralité des sommes versées au titre de l'assurance-vie, la société Sogecap a procédé au rachat du contrat sans ordre en ce sens. Elle précise qu'à ce jour, si le contrat n'avait pas été racheté par erreur, sa valeur aurait augmenté ; qu'à la date du mois de février 2024 son contrat " représenterait des avoirs de 189 084, 36 euros, alors que lors du rachat fautif de Sogecap, les sommes ont été arrêtées à 147 010, 88 euros " ; que la différence représente la somme de 42 073, 48 euros demandée.

La société Sogecap reconnait une erreur matérielle, non une faute, et se propose de la rectifier " en considérant que l'adhésion de Mme [K] a perduré ". En outre, elle reproche aux simulations des appelantes de ne pas tenir compte de divers éléments, comme les frais de gestion prélevés mensuellement sur les unités de compte, les prélèvements sociaux et la fiscalité appliquée lors du rachat. Elle estime qu'en toute hypothèse, rien ne justifie d'évaluer le contrat Sequoia au 15 février 2024 comme proposé car il n'est pas établi que Mme [K] aurait attendu le mois de février 2024 pour procéder au rachat de son contrat, de sorte que, tout au plus, le calcul qui tiendrait compte des dispositions contractuelles et légales devrait être évalué comme une perte de chance.

Sur ce,

La proposition de " donner acte " de ce que la société Sogecap procédera à la rectification de son erreur, si elle ne constitue pas une prétention, contredit en revanche son affirmation suivant laquelle le principe de la demande n'est pas justifié, Mme [K] apparaissant bien subir un préjudice du fait du rachat auquel a procédé la société Sogecap. Or, ce rachat ne peut s'analyser que comme une faute contractuelle, puisque la société Sogecap y a procédé sans ordre et sans délégation à cette fin, en liquidant ainsi les titres acquis par Mme [K].

La société Sogecap précise que le service Actuariat Epargne de la société Sogecap a procédé au calcul de la valeur de rachat au 30 octobre 2017, aux fins d'établir qu'à cette date, l'écart réel entre le rachat auquel il a été procédé et la valeur de rachat à laquelle aurait eu droit Mme [K] n'était que de 12 871, 86 euros. En cause d'appel, elle ne produit aucune étude comparative équivalente, de nature à critiquer utilement le chiffrage du préjudice de Mme [K] à la date du 15 février 2024, auquel ont procédé les appelantes, certes quelque temps avant l'ordonnance de clôture, mais sans pour autant que la société Sogecap en demande le rabat. L'intimée laisse ainsi le soin à la cour de procéder elle-même à cette évaluation en tenant compte " des dispositions contractuelles et légales " sans autre précision.

Dans ces conditions, il convient de retenir la somme de 42 173, 48 euros comme représentative de ce que les appelantes désignent au terme de leur calcul comme un " manque à gagner " mais qui ne représente que la valeur liquidative de l'assurance-vie à la date du 15 février 2024.

Toutefois cette somme ne peut correspondre à un préjudice consommé. De fait, en raison du rachat auquel il a été procédé en mars 2016, Mme [K] a perdu une chance de voir liquider à la date du 15 février 2024 son investissement pour un montant supérieur à celui qui lui a été versé en 2016. Compte tenu de l'aléa inhérent à la faculté de rachat, qui peut intervenir à tout moment que la conjoncture soit bonne ou mauvaise, et eu égard à l'avantage nécessairement retiré par ailleurs de la somme de 147 010, 88 euros versée par erreur en mars 2016, la perte de chance représentative du manque à gagner invoqué par les appelantes, sera fixée à 50 % représentant un montant de 21 086, 74 euros.

La société Sogecap sera ainsi condamnée à régler à Mme [K] la somme de 21 086, 74 euros à titre de dommages-intérêt au titre du rachat injustifié de son contrat d'assurance-vie.

" Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société Sogecap, succombant, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile.

Sans que l'équité commande de faire droit à la demande de la Société générale fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, il convient en revanche d'indemniser Mme [K] et la société Saint Michel à hauteur de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance, la même somme étant allouée pour ceux d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré recevable, mais mal fondée, la demande en restitution des intérêts du contrat de prêt formée contre la Société générale,

L'infirme sur le surplus des dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau,

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription formée par la Société générale,

Déboute Mme [N] [B] épouse [K] de ses demandes dirigées contre la Société générale,

Condamne la société Sogecap à régler à Mme [N] [B] épouse [K] la somme de 21 086, 74 euros, à titre de dommages-intérêts pour rachat injustifié de son contrat d'assurance-vie,

Condamne la société Sogecap aux dépens de première instance,

Condamne la société Sogecap à régler à Mme [N] [B] épouse [K] la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Y ajoutant,

Condamne la société Sogecap aux dépens d'appel,

Condamne la société Sogecap à régler à Mme [N] [B] épouse [K] la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame F. PERRET, Président et par Madame K. FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-3
Numéro d'arrêt : 21/02984
Date de la décision : 04/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-04;21.02984 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award