La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/07/2024 | FRANCE | N°22/02143

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-4, 03 juillet 2024, 22/02143


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-4



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 03 JUILLET 2024



N° RG 22/02143 -

N° Portalis DBV3-V-B7G-VJQ2



AFFAIRE :



S.A.S. SOA LOGISTICS SAS



C/



[R] [K]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Juin 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CERY-PONTOISE

N° Section : C

N° RG : 21/00

024



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Xavier BONTOUX



Me Tiphaine SELTENE



Copie numérique adressée à:



FRANCE TRAVAIL



le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TROIS JUILLET DEU...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-4

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 03 JUILLET 2024

N° RG 22/02143 -

N° Portalis DBV3-V-B7G-VJQ2

AFFAIRE :

S.A.S. SOA LOGISTICS SAS

C/

[R] [K]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Juin 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CERY-PONTOISE

N° Section : C

N° RG : 21/00024

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Xavier BONTOUX

Me Tiphaine SELTENE

Copie numérique adressée à:

FRANCE TRAVAIL

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TROIS JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société SOA LOGISTICS SAS

N° SIRET : 517 835 013

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentant : Me Xavier BONTOUX de la SAS BDO AVOCATS LYON, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 1134 substitué à l'audience par MeNaouele BENHADDOU, avocat au barreau de LYON

APPELANTE

****************

Monsieur [R] [K]

né le 30 novembre 1968 à [Localité 4]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Tiphaine SELTENE de la SELARL SELARL LEJARD ZAÏRE SELTENE AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 112

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 2 mai 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [K] a été engagé par la société 3M France par contrat à durée déterminée à compter du 6 novembre 1995 jusqu'au 30 septembre 2016 , puis sous contrat à durée indéterminée à partir du1er mai 1997 en qualité d'opérateur hautement qualifié avec reprise d'ancienneté.

La société SOA Logistics, filiale du groupe 3 M, a ensuite exploité le site sur lequel était affecté le salarié.

Cette société SOA Logistics est spécialisée dans l'entreposage et le stockage non frigorifique. L'effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 10 salariés. Elle applique la convention collective nationale du transport national.

Par décision du 28 juin 2012, la Caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise (la Cpam) a reconnu la prise en charge de la maladie du salarié au titre de la législation relative aux risques professionnels, ce dernier présentant une sciatique par hernie discale, affection chronique du rachis lombaire provoquée par la manutention manuelle de charges lourdes.

A la suite de la visite de reprise du salarié, le poste de travail du salarié a été aménagé en 2012 afin qu'il ne porte plus de charges lourdes.

Le 21 mai 2014, la commisson des droits et de l'autonomie des personnes handicapées du Val d'Oise a notifié au salarié sa qualité de travailleur handicapé jusqu'au 31 mars 2019, décision ensuite renouvelée à deux reprises.

Au dernier état de la relation, M. [K] exerçait les fonctions d'agent de distribution- 3ème degré,et il percevait une rémunération brute mensuelle de base de 2 473, 23 euros.

Le 28 février 2019, M. [K] a été en arrêt maladie jusqu'au 12 janvier 2020.

Par avis du 13 février 2020, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude.

Le 9 juillet 2020, le comité social et économique a rendu un avis défavorable sur les recherches de reclassement du salarié.

Par lettre du 24 juillet 2020, la société a informé le salarié de l'impossibilité de le reclasser.

Par lettre du 27 juillet 2020, le salarié a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 25 août 2020.

M. [K] a été licencié par lettre du 28 août 2020 pour inaptitude et impossibilité de reclassement dans les termes suivants:

' (...) Nous vous avons convoqué à un entretien préalable en date du 25 août 2020 auquel vous ne vous êtes pas présenté. Nous vous informons, par la présente, de notre décision de vous licencier en raison de votre inaptitude à occuper votre emploi, constatée le 13 février 2020 par le médecin du travail et en raison de l'impossibilité de vous reclasser.

Les recherches qui ont été menées en vue de votre reclassement, après consultation du CSE le 20 juillet 2020, tenant compte des conclusions du médecin du travail ainsi que de nos échanges avec ce dernier, n'ont pas permis de trouver un emploi approprié à vos capacités, parmi les emplois disponibles.

En effet, an sein de SOA Logistics ou au sein des différentes entités juridiques du groupe 3M en France, aucun de ces postes existants ne répond aux restrictions médicales indiquées par le médecin du travail dans l'avis d'inaptitude du fait qu'ils impliquent tous un port de charge de plus de 5 kg et ou des stations debout prolongée, des postures contraignantes du type se baisser, se tourner sur les côtés et/ou la conduite de chariot automoteur.

En outre, au sein de SOA Logistics, il n'existe pas de poste de type administratif, disponible, et conforme à vos capacités. En effet, pour l'exercice effectif des postes administratifs existants, il est nécessaire de détenir des compétences et des qualifications relatives notamment à la réglementation des douanes on au transport de marchandises, ces postes nécessitant de surcroît l''utilisation de l'anglais de façon courante et une bonne connaissance des outils informatiques tels que des logiciels de gestion spécifiques à ces activités. Ainsi aucun de ces postes administratifs ne correspond à vos capacités et ne peut être aménagé.

Enfin, il n'existe aucun poste administratif disponible ou pouvant être aménagé dans les autres entités juridiques du groupe 3M en France.

Nous avons dès lors étendu notre recherche active de reclassement an sein du Groupe 3M en France à des postes non administratifs.

Plus précisément, nous avons procédé à une recherche de reclassement en date du 14 février 2020 tant en interne SOA Logistics qu'au niveau des sites et filiales du groupe 3M en France :

- SOA Logistics

- 3M Purification

- 3M France

- 3M Bricolage et Batiment

- Capital Safety group EMEA

- ITFH

- EMFI

Cependant, aucun poste non administratif existant ne peut être aménagé, en respectant les restrictions médicales émises par le Médecin du Travail dès lors que les postes existants comportent soit l'une des restrictions médicales prononcées par le Médecin du travail, soit qu'il s'agit de poste de caristes impliquant nécessairement la conduite de chariot automoteur.

Il ressort des faits qu'au terme d'une période de recherche d'un éventuel reclassement, sur plusieurs mois, aucun reclassement, au niveau de l'entreprise ou du groupe, ne peut être envisagé, en l'absence de poste disponible, compatible avec votre état de santé ou pouvant être aménagé ou encore transformé au titre du reclassement et correspondant à votre formation initiale.

Le constat a donc été fait de l'impossibilité de vous reclasser en l'état actuel.

En conséquence, eu égard à votre inaptitude au poste d'agent de distribution, et à l'impossibilité de vous reclasser au niveau de l'entreprise ou du groupe, malgré tous nos efforts, sur un autre poste, nous nous voyons contraints de vous signifier par la présente votre licenciement. (...)'.

La société SOA Logistics a conclu un contrat pour une durée d'un an avec la société Alixio Mobilité, spécialisée dans l'accomplissement des transitions de carrières, pour aider le salarié dans sa recherche d'emploi et elle a été informée que le salarié a créé un micro-entreprise en août 2021.

Le 18 janvier 2021, M. [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise aux fins de requalification de son licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse, de constatation de la violation de l'obligation de reclassement et en paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.

Par jugement du 22 juin 2022, le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise (section commerce) a :

- fixé la moyenne des salaires de M. [K] à la somme de 2 898,99 euros bruts

- dit que le licenciement de M. [K] repose sur une inaptitude d'origine professionnelle

- condamné la société SOA Logistics- Groupe 3M à verser à M. [K] les sommes suivantes:

- 17 393,94 euros net au titre des dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de reclassement

- 1 000 euros net au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

- rappelé que les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation par la partie défenderesse en ce qui concerne les créances salariales et à compter du jugement en ce qui concerne les créances indemnitaires

- ordonné la capitalisation des intérêts

- débouté la société SOA Logistics - Groupe 3M de sa demande reconventionnelle

- limité l'exécution provisoire du présent jugement aux dispositions de l'article R.1454-28 du Code du travail

- ordonné le remboursement par la société SOA Logistics - Groupe 3M des indemnités de chômage qui auraient été versées par Pôle Emploi à M. [K], du jour de son licenciement au jour du présent jugement, dans la limite de 30 jours ;

- mis les éventuels dépens de l'instance à la charge de la société SOA Logistics - Groupe 3M.

Par déclaration adressée au greffe le 6 juillet 2022, la société a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 2 avril 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société SOA Logistics demande à la cour de :

- Infirmer le jugement du conseil de Prud'hommes de Cergy-Pontoise en date du 22 juin 2022 en ce qu'il a :

- Fixé la moyenne des salaires de M. [K] à la somme de 2.898,99 euros bruts ;

- Dit que le licenciement de M. [K] repose sur une inaptitude d'origine professionnelle;

- Condamné la société SOA logistics ' groupe 3M à verser à M. [K] les sommes suivantes:

-17.393,94 euros net au titre des dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de reclassement ;

- 1.000 euros net au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Débouté la Société SOA logistics ' groupe 3M de sa demande reconventionnelle

- Ordonné le remboursement par la Société SOA logistics ' groupe 3M des indemnités de chômage qui auraient été versées par Pôle Emploi à M. [K], du jour de son licenciement au jour du présent jugement, dans la limite de 30 jours ;

- Mis les éventuels dépens de l'instance à la charge de la société SOA logistics ' groupe 3M

Et statuant à nouveau :

A titre principal:

- Juger que la société SOA Logistics SAS a parfaitement respecté son obligation de reclassement;

En conséquence,

- Débouter M. [K] de l'intégralité de ses demandes ;

A titre subsidiaire :

- Si par extraordinaire la Cour faisait droit aux demandes de M. [K] au titre du manquement à l'obligation de reclassement, il est demandé à la Cour de :

- Juger que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour non-respect de l'obligation de reclassement ne saurait dépasser la somme de 8.696,97 euros ;

En tout état de cause :

- Condamner M. [K] à payer à la société SOA Logistics SAS la somme de 3.000 euros au

titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner M. [K] aux entiers frais et dépens de l'instance.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 22 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [K] demande à la cour de :

A titre principal

- Infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes de Pontoise en ce qu'il octroyait à Monsieur [K] la somme de 17 393,94 euros au titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de reclassement

Par conséquent, statuant à nouveau

- Condamner la société SOA Logistics SAS à verser à M. [K] :

- indemnité pour non-respect de l'obligation de reclassement : 43 484,85 euros

À titre subsidiaire,

- confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions

En tout état de cause

- Condamner la société 3M à verser à M. [K] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du CPC

- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir sur le fondement de l'article 515 du CPC

- Ordonner que les sommes dues produisent intérêt au taux légal

- Ordonner la capitalisation des intérêts

- Condamner la société aux entiers dépens de l'instance qui comprendront les frais d'exécution de la décision à intervenir.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour relève que le salarié, dans le dispositif de ses conclusions, présente une demande indemnitaire pour non- respect de l'obligation de reclassement qui s'analyse en une demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse pour manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, le jugement indiquant, en page 3 que le salarié ' conteste les raisons de son licenciement' et le salarié visant l'article L.1226-15 du code du travail, relatif au licenciement, au soutien de sa demande indemnitaire.

Si le salarié ne forme donc pas expréssement une demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse pour non respect de l'obligation de reclassement, sa demande est implicite comme l'ont retenu les parties, et notamment l'employeur, qui sollicite dans son dispositif de voir 'juger que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour non-respect de l'obligation de reclassement ne saurait dépasser la somme de 8.696,97 euros'.

Sur l'origine de l'inaptitude

Les premiers juges ont indiqué dans le dispositif du jugement que le licenciement du salarié repose sur une inaptitude d'origine professionnelle, le salarié sollicitant la confirmation du jugement, sauf à augmenter le quantum de la condamnation prononcée pour non-respect de l'obligation de reclassement.

Si l'employeur sollicite dans le dispositif de ses conclusions l'infirmation du jugement notamment en ce qu'il a dit ' que le licenciement repose sur une inaptitude d'origine professionnelle', il n'a développé ensuite aucun moyen à ce titre dans la partie ' Discussion' de ses conclusions et invoque d'ailleurs dans le dispositif de ses conclusions les dispositions de l'article L.1226-10 du code du travail relatives à l'inaptitude consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle.

En conséquence, la cour ne peut que confirmer, en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, ce chef de dispositif du jugement.

Sur l'obligation de reclassement

L'employeur fait valoir que l'obligation de reclassement n'est pas infinie et qu'il a été confronté à une situation rendant la recherche de reclassement extrêmement difficile compte tenu des considérables restrictions médicales et de la faible qualification du salarié. Il explique qu'il a procédé à une recherche de reclassement très sérieuse tant en interne qu'au niveau des filiales du groupe 3M en France, et qu' entre le 13 février 2020, date de l'avis d'inaptitude, et le 28 août 2021, date du licenciement du salarié, quatre postes se sont retrouvés disponibles, mais que soit le salarié ,ne disposait pas des compétences nécessaires pour les occuper, l'employeur n'ayant pas à assurer une formation initiale longue du salarié en logistique, soit ces postes n'étaient pas compatibles avec ses restrictions médicales.

Le salarié réplique qu'il a été en arrêt maladie à compter du 28 février 2019 à la suite d'un burnout et qu'à la suite de deux visites de pré-reprise, le médecin du travail a conclu à une inaptitude sur un autre poste que celui de cariste. Il précise que les restrictions médicales n'étaient pas ' insurmontables' et que l'employeur n'hésite pas à arguer de manière méprisante de sa ' faible qualification' oubliant son obligation de formation et d'adaptation alors qu'il avait vingt-cinq ans d'ancienneté et avait également exprimé son mal-être dans l'exercice de son poste à l'occasion d'un bilan de compétences en 2014, sans que l'employeur ne s'en inquiète. Il ajoute que ses compétences lui permettaient d'occuper le poste, disponible, de gestionnaire de stock, poste refusé par l'employeur.

**

Selon l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2018, lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.'.

Il appartient à l'employeur, qui peut tenir compte de la position prise par le salarié déclaré inapte, de justifier qu'il n'a pu, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail, le reclasser dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, effectuée au sein de l'entreprise et des entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel (Soc., 23 novembre 2016, pourvoi n° 14-26.398).

Si le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement a pour conséquence de priver de cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement, l'article L. 5213-6 du code du travail dispose qu'afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, l'employeur prend, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour leur permettre d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer ou d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée, que ces mesures sont prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en oeuvre ne soient pas disproportionnées, compte tenu de l'aide prévue à l'article L. 5213-10 qui peut compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l'employeur( cf Soc., 3 juin 2020, pourvoi n° 18-21.993).

L'employeur doit être en capacité de démontrer qu'il s'est libéré de son obligation d'adaptation à l'égard des salariés (Soc., 19 mai 2021, pourvoi n° 19-24.412).

Au cas présent, l'avis d'inaptitude du 17 janvier 2017 indique que le salarié est ' inapte au poste d'agent de distribution. Il pourrait occuper un poste sans port de charge de plus de 5 kg, sans station debout prolongée, sans postures contraignantes et sans conduite de chariot automoteur. Par exemple : il pourrait occuper un poste de type administratif. Le salarié peut bénéficier d'une formation compatible avec ses capacités restants sus-mentionneées.'.

Sur la recherche de reclassement au sein de la société SOA Logistics

Il n'est pas contesté que quatre postes étaient disponibles au sein de la société SOA Logistics quand le médecin du travail a rendu son avis d'inaptitude et que le salarié ne pouvait pas occuper le poste de déclarant douane, ne disposant pas des compétences pour ce faire, ni les postes d'agent de distribution et d'agent logistique en raison des restrictions médicales.

S'agissant du dernier poste disponible, le salarié affirme qu'il aurait pu occuper celui de gestionnaire de stock.

A ce titre, le salarié se prévaut du bilan de compétence qu'il a sollicité dont la démarche a été acceptée par l'employeur. Ce bilan a été réalisé entre le 3 mars et le 12 mai 2014 par la société Karine Gascon Conseil, qui indique notamment que :

- le salarié a été opérateur de distribution depuis 20 ans puis cariste à la suite d'une maladie professionnelle, le consultant ayant réalisé le bilan de compétence relevant que poste ne lui ' correspond pas vraiment, joue sur votre moral et sur votre dos',

- le salarié, qui a exprimé le souhait d'évoluer au sein de l'entreprise dans la filière logistique, a notamment identifié le poste de gestionnaire des produits et stocks.

Le bilan de compétence prévoit pour ce poste un plan d'action qui dans un premier temps propose au salarié d'échanger avec le service des ressources humaines pour étudier les possibilités d'évolution et ensuite de déterminer le cursus de mobilité interne à suivre au cours du second trimestre 2014, ce qui n'a pas été réalisé.

En outre, il est préconisé au salarié , 'dans le cas positif', c'est à dire s'il obtient une réponse favorable du service des ressources humaines, d'envisager des formations courtes en anglais, outils informatiques, gestion des stocks mais également des formations longues du métier de la logistique par un congé individuel de formation.

Si le salarié établit avoir suivi une formation en informatique en 2013, il ne justifie pas avoir engagé une action pour suivre toutes les formations préalablement requises pour occuper le poste de gestionnaire de stocks, ni avoir présenté à l'employeur une demande de congé formation, démarche personnelle du salarié, que l'employeur ne pouvait pas engager à sa place.

Le bilan de compétences prévoit que le salarié pouvait occuper un autre type de poste, moniteur- éducateur justifiant d'obtenir un diplôme d'Etat et auparavant, de ' faire des remplacements sur des postes de moniteurs éducateurs avant de se lancer dans la formation', le salarié n'établissant pas davantage avoir effectué des démarches à ce titreni avoir acquis les compétences requises pour pouvoir accéder à ce poste, l'employeur n'étant pas tenu de mettre en oeuvre de sa propre initiative en 2015 le plan d'action préconisé dans le bilan de compétences.

Dès lors, l'employeur auquel le salarié reproche implicitement un manquement à son obligation d'adaptation ne peut invoquer l'inertie de l'employeur qui a financé le bilan de compétence sollicité par le salarié, la cour relevant que les conclusions de cette démarche ne sont pas connues par l'employeur, le document de synthèse du consultant prestataire précisant qu'il s'agit d'un 'document personnel et confidentiel appartenant' au salarié de sorte que l'employeur n'était pas tenu, de sa propre initiative à engager des actions de formation dont il n'avait pas eu connaissance.

En outre, il résulte du procès-verbal de la réunion extraordinaire du 9 juillet 2020 du comité social et économique que certains membres du comité social et économique ont remis en cause la volonté réelle de reclassement du salarié par l'employeur .

Ainsi, M. [E], élu du comité social et économique et gestionnaire de stock, témoigne de ce que : ' J'ai décidé de témoigner pour Mr [R] [K] car objectivement l'entreprise n'a jamais vraiment cherché de solution au reclassement d'[R]. Tout d'abord [R] a été positionné sur un poste de cariste suite à des probleme de dos. Délors il n'a eu de scesse de réclamer un reclassement en adéquation avec ces contraintes et compétences. Rien n'a jamais été fait. Un bilan de compétence a mis en lumière des opportunités dans l'entreprise que l'entreprise n'a jamais activé (...)'.

Dans un seconde attestation, M. [E] relate ainsi que : ' Par la présente, je réitère mes dires de mon attestation précédente. Avec le recul en plus, je persiste à dire que l'entreprise voulait faire un exemple car il y a de nombreux salariés sur le site de SOA avec des restrictions médicales. Un mot du service dont je parle dans ma premiere attestation, il s'agit du service Kiting* (* Kiting = réétiquetage) dans lequel certains salariés sont partis à la retraite et dont [R] [[K]] aurait pu prendre leur place. Quand ce point a été abordé dans l'entreprise, la seule réponse était il n'y a pas assez d'activité, résultat, un an plus tard il n'y a jamais eu autant de monde dans le service avec des intérimaires présents depuis de nombreux mois. '.

Fort du témoignage de M. [E] , le salarié invoque l'absence de recherche de reclassement par l'employeur dès le premier examen de pré-reprise en juillet 2019 aboutissant une année plus tard à son licenciement pour inaptitude.

Toutefois,l'obligation de recherche de reclassement court à compter de la date à laquelle l'inaptitude est définitivement établie, c'est-à-dire la date figurant sur l'avis émis par le médecin du travail et il n'appartenait pas à l'employeur de proposer au salarié des postes de reclassement après les deux examens de pré-reprise, ce qui était alors prématuré.

Enfin, les premiers juges ont retenu que le comité social et économique a rendu un avis de refus de reclassement à l'unanimité et que l'employeur n'a pas pris en compte cet avis consultatif qui proposait une réflexion sur la tenue de postes occupés par des intérimaires et qui auraient pu être alors proposés au salarié.

Néanmoins, si le salarié vise le compte rendu de la séance du comité social et économique dans ses conclusions, l'employeur réplique à juste titre que seuls les emplois salariés doivent être proposés dans le cadre du reclassement (cf Soc., 31 mars 2009, pourvoi n° 07-44.480, publié).

Enfin, s'agissant de la période antérieure à l'avis d'inaptitude, le médecin du travail a recommandé 'une reprise envisagée sur un poste dans la conduite de chariot automoteur ni port de charge de plus de 10 kg' à l'issue de premier examen de reprise, puis de prévoir une étude de poste à l'issue du second examen de reprise, l'employeur n'étant pas resté inactif à la suite des contacts téléphoniques du salarié avec la responsable des ressources humaines relatifs à sa reprise.

En définitive, l'employeur, auquel il appartient d'établir la preuve de recherches effectives de reclassement, justifie qu'aucun poste au sein de la société SOA Logistics n'était disponible quand le médecin du travail a émis l'avis d'inaptitude, faute pour le salarié de disposer des compétences nécessaires ou en raison des restrictions émises par le médecin du travail, l'employeur ayant été diligent en accédant à la demande du salarié en 2014 de réaliser un bilan de compétence pour occuper un autre poste et ayant ensuite effectué une recherche active et personnalisée de reclassement du salarié au sein de l'entreprise après la décision prononçant l'inaptitude.

Sur la recherche de reclassement au sein du groupe 3M

En réponse au salarié qui dénonce une recherche insuffisamment sérieuse et loyale de reclassement de l'employeur, qui a rapidement interrogé des sociétés du groupe 'quatre jours après l'avis d'inaptitude mais cinq mois avant la convocation à l'entretien préalable' sans davantage de diligence, l'employeur produit six courriels des sociétés du groupe 3M qui ont répondu au message du 14 février 2020 adressé dans un même et unique envoi à ces sociétés par la responsable des ressources humaines.

En outre, la cour relève l'absence de diligences de l'employeur entre le 14 février 2020, date d'envoi de ces six courriels, et le licenciement notifié au salarié le 28 août 2020, période durant laquelle l'employeur n'établit pas avoir engagé une action individualisée de recherche de reclassement du salarié, peu important que le salarié ait continué à percevoir son salaire.

L'employeur verse également aux débats ce qu'il intitule un extrait du livre des entrées et sorties de toutes les sociétés du groupe 3M situées en France, qui ne compte que dix lignes, sans davantage d'explication, de sorte que ce document n'apporte aucune information sur les postes disponibles dans le groupe lors du licenciement du salarié.

Or, il appartient à l'employeur qui prétend s'être trouvé dans l'impossibilité d'effectuer un tel reclassement d'en rapporter la preuve, et cette recherche de reclassement doit être mise en oeuvre de façon loyale et personnalisée.

Dès lors, au vu des effectifs de l'ensemble des sociétés du groupe M3, l'employeur ne justifie pas qu'il n'existait pas d'autres postes disponibles, les six courriels n'étant, à eux seuls, pas suffisamment probants pour établir que l'employeur a consulté toutes les sociétés du groupe au sein desquelles la permutation était possible sur différents postes et compatible avec les restrictions médicales précitées émises par le médecin du travail.

En conséquence, l'employeur n'établit pas avoir exécuté de manière sérieuse et loyale la recherche de reclassement et il a donc manqué à son obligation de reclassement à l'égard du salarié.

Ajoutant au jugement, la cour dit le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En application des dispositions de l'article L. 1235-3, dans sa rédaction applicable au litige, issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié, M. [K] ayant acquis une ancienneté de vingt-quatre années au moment de la rupture, dans une société employant habituellement au moins onze salariés, le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre trois et dix-huit mois de salaire.

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié (2 898,99 euros bruts), de son âge (51 ans), de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa santé et à son expérience professionnelle, de ce qu'il a créé sa propre société après une période de chômage, il y a lieu de condamner l'employeur à lui payer la somme de 32 000 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé de ce chef.

Enfin, il convient en application de l=article L. 1235-4 du code du travail, dont les dispositions d'ordre public sont dans le débat, d=ordonner d=office le remboursement par l=employeur, à l=organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l=arrêt dans la limite de six mois d=indemnités.

Sur les intérêts

La créance indemnitaire portera intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme de 17 393,94 euros bruts, et à compter du présent arrêt sur la somme de 32 000 euros bruts.

Les intérêts échus des capitaux porteront eux-mêmes intérêts au taux légal dès lors qu=ils seront dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite .

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

L'employeur succombant en appel, il conviendra de le condamner l'employeur aux dépens d'appel et à payer au salarié une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'employeur étant débouté de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

CONFIRME le jugement mais seulement en ce qu'il

retient l'origine professionnelle de l'inaptitude, en ce qu'il condamne la société SOA Logistics aux dépens et à verser à M. [K] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et la déboute de sa demande à ce titre,

INFIRME le jugement sur le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant

DIT le licenciement de M. [K] sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société SOA Logistics à verser à M. [K] la somme de 32 000 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ORDONNE d'office le remboursement par l'employeur, à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies à M. [K] du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de six mois d'indemnités,

DIT que la créance indemnitaire portera intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme de 17 393,94 euros bruts et à compter du présent arrêt sur la somme de 32 000 euros bruts, avec capitalisation des intérêts,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,

CONDAMNE la société SOA Logistics à verser à M. [K] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en appel

CONDAMNE la société SOA Logistics aux dépens d'appel.

. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Dorothée Marcinek, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-4
Numéro d'arrêt : 22/02143
Date de la décision : 03/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-03;22.02143 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award