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02/07/2024 | FRANCE | N°22/07594

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-2, 02 juillet 2024, 22/07594


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 51C



Chambre civile 1-2



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 02 JUILLET 2024



N° RG 22/07594 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VSNP



AFFAIRE :



[Y] [E]





C/

S.C.I. SCI HAMMANI









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Octobre 2022 par le Tribunal de proximité de PUTEAUX



N° RG : 11-21-000082



Expéditions exécutoires
r>Expéditions

Copies

délivrées le : 02/07/24

à :



Me Maya ASSI



Me Marion CORDIER







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DEUX JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affai...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 51C

Chambre civile 1-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 JUILLET 2024

N° RG 22/07594 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VSNP

AFFAIRE :

[Y] [E]

C/

S.C.I. SCI HAMMANI

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Octobre 2022 par le Tribunal de proximité de PUTEAUX

N° RG : 11-21-000082

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 02/07/24

à :

Me Maya ASSI

Me Marion CORDIER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [Y] [E]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Maître Maya ASSI, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 260

APPELANTE

****************

S.C.I. HAMMANI

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Ayant son siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Maître Marion CORDIER de la SELARL SILLARD CORDIER & ASSOCIÉS, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 189 - N° du dossier S210286

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle BROGLY, magistrat honoraire chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Madame Anne THIVELLIER, Conseiller,

Madame Isabelle BROGLY, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 5 juin 2010, la SCI Hammani a donné à bail à Mme [Y] [E] un appartement situé [Adresse 2] à Nanterre, moyennant le loyer mensuel de 565 euros, outre 35 euros de charges mensuelles.

Par acte de commissaire de justice du 8 janvier 2021, la SCI Hammani a fait, par acte de commissaire de justice, délivrer assignation à Mme [E] à comparaître devant le tribunal de proximité de Puteaux fins de voir :

- constater l'acquisition de la clause résolutoire stipulée au bail à compter du 11 décembre 2019,

- ordonner l'expulsion de Mme [E],

- ordonner la séquestration des objets mobiliers aux frais de Mme [E],

- condamner Mme [E] à lui payer la somme de 24 699 euros au titre de l'arriéré locatif, arrêté au 31 mars 2022,

- fixer au-delà l'indemnité d'occupation mensuelle due par Mme [E] à la somme de 577 euros, outre les charges, jusqu'à la libération effective des lieux,

- condamner Mme [E] à lui payer la somme de 1 800 euros au titre des dispositions de 1'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par jugement contradictoire du 20 octobre 2022, le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité de Puteaux a :

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par Mme [E],

- constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu le 5 juin 2010 entre d'une part la SCI Hammani et d'autre part, Mme [E] portant sur l'appartement à usage d'habitation situe au [Adresse 2] à Nanterre sont réunies à la date du 12 décembre 2019,

- ordonné en conséquence à Mme [E] de libérer 1' appartement et de restituer les clés dans le délai de huit jours à compter de la signification de la présente décision,

- débouté la SCI Hammani de sa demande de suppression du délai de deux mois,

- dit qu'à défaut pour Mme [E] d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, la SCI Hammani pourra, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux, faire procéder à leur expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de leur chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique,

- dit n'y avoir lieu à ordonner le séquestre des meubles éventuellement laissés sur place,

- condamné Mme [E] à verser à la SCI Hammani la somme de 24 207 euros, au titre du solde des loyers, charges, accessoires arrêtée au terme de mars 2022 inclus,

- condamné Mme [E] à payer à la SCI Hammani une indemnité mensuelle d'occupation égale à 331 euros à compter du 1er avril 2022 et jusqu'à la libération effective des lieux,

- condamné la SCI Hammani à payer à Mme [E] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour trouble de jouissance,

- condamné Mme [E] à verser à la SCI Hammani la somme de 1 000 euros au titre de 1'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [E] aux dépens, qui comprendront notamment le coût de la notification de l'assignation à la préfecture, du commandement de payer et de l'assignation,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- rappelé que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire.

Par déclaration déposée au greffe 19 décembre 2022, Mme [E] a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 21 novembre 2023, Mme [E], appelante, demande à la cour de :

- la recevoir en son appel et de l'en déclarer bien fondé,

- d'infirmer le jugement du tribunal d'instance de Puteaux en ce qu'il a :

* constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail et ordonné en conséquence son expulsion,

* l'a condamnée à verser à la SCI Hammani la somme de 24 207 euros au titre de l'arriéré de loyers et charges arrêtée au 1er mars 2022,

* a condamné la SCI Hammani à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance,

* l'a condamnée à verser à la SCI Hammani la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

statuant à nouveau, de :

- constater que la clause résolutoire a été mise en 'uvre de mauvaise foi par la SCI Hammani, bailleresse,

en conséquence,

- juger que la clause résolutoire insérée au bail ne peut recevoir application,

- réduire le montant de l'arriéré de loyer à compter du 10 février 2022, à la somme de 10 202,00 euros arrêté au 1er mars 2022,

- condamner la SCI Hammani à lui payer la somme de 12 117,00 euros à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance au 1er mars 2022,

- enjoindre à la SCI Hammani sous astreinte de 150 euros par jour de retard à réaliser les travaux de remplacement et de mise en conformité de l'installation électrique du logement qu'elle a loué,

- débouter la SCI Hammani de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la SCI Hammani à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 24 novembre 2023, la SCI Hammani, intimée, demande à la cour de :

- débouter Mme [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer en conséquence le jugement en toutes ses dispositions sauf :

* en ce qu'il a limité la dette de Mme [E], arrêtée au terme de mars 2022 inclus, à la somme de 24 207 euros,

* en ce qu'il a condamné Mme [E] à lui payer une indemnité d'occupation mensuelle de 331 euros à compter du 1er avril 2022 jusqu'à libération des lieux

* en ce qu'il l'a condamnée à payer à Mme [E] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour trouble de jouissance

statuant à nouveau de ces chefs,

- condamner Mme [E] à lui payer la somme de 31 030,50 euros, montant de l'arriéré locatif arrêté au 15 novembre 2023, date de reprise des lieux,

- débouter Mme [E] de sa demande de dommages-intérêts pour trouble de jouissance

y ajoutant,

- condamner Mme [E] à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de Me Marion Cordier.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 6 mars 2024.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'appel de Mme [E].

- Sur la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire.

Mme [E] reproche au premier juge d'avoir fait droit à la demande de la SCI Hammani en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, faisant valoir qu'elle a été mise en oeuvre de mauvaise foi par le bailleur qui s'est abstenu de procéder à la régularisation des charges, qui a commis une erreur portant sur la surface réelle habitable de la chose louée, et qui a manqué à son obligation de délivrance d'un logement décent.

La SCI Hammani réplique que Mme [E] ne prétend pas ni ne justifie s'être acquittée des sommes dues dans le délai de deux mois qui lui était imparti, ajoutant que la contestation de la locataire sur ce point n'a plus d'intérêt puisque cette dernière a quitté les lieux et qu'aux termes de ses conclusions, elle ne sollicite ni sa réintégration, ni des dommages-intérêts.

Sur ce,

Il n'est pas contesté que Mme [E] a quitté définitivement les lieux le 15 novembre 2023, la bailleresse le justifiant d'ailleurs par le procès-verbal de reprise dressé à cette date par commissaire de justice.

Il s'ensuit que la demande de Mme [E] tendant à voir déclarer que la SCI Hammani a fait délivrer le commandement de payer de mauvaise foi est devenue sans objet et ce d'autant, qu'aux termes de ses conclusions, la locataire ne formule aucune demande subséquente et notamment ne sollicite ni sa réintégration dans les lieux, ni des dommages-intérêts.

- Sur le montant des sommes dues par Mme [E].

Mme [E] poursuit l'infirmation du jugement en sa disposition l'ayant condamnée au paiement de la somme de 24 207 euros selon décompte arrêté au mois de mars 2022 et demande à la cour, statuant à nouveau, de réduire le montant de l'arriéré de loyers à compter du 10 février 2022 à la somme de 10 202 euros arrêté au 1er mars 2022, faisant essentiellement valoir d'une part, qu'une partie de cette somme porte sur l'arriéré antérieur ayant donné lieu à l'ordonnance de référé du 17 juillet 2019 pour un montant de 12 956 euros arrêté au 22 mai 2019 sur lequel elle a réglé la somme de 9 704 euros au 31 décembre 2020 et d'autre part, que c'est à juste titre que le tribunal a fixé le point de départ de la réduction du montant du loyer liée à l'erreur portant sur la surface habitable du bien loué à compter du 10 février 2022, alors que la SCI Hammani demande en cause d'appel de la fixer au 20 septembre 2022, date à laquelle la demande a été formalisée oralement à l'audience.

La SCI Hammani réplique que l'ordonnance de référé en date du 17 juillet 2019, bien qu'irrévocable, n'a pas autorité au principal en vertu des dispositions de l'article 488 du code de procédure civile, rien ne lui interdisant d'obtenir désormais un titre au fond, y compris pour la période d'impayés visée par l'ordonnance et que d'autre part, c'est par une mauvaise appréciation du droit que le tribunal a cru devoir fixer le point de départ de la réduction du montant du loyer au 10 février 2022, date des conclusions déposées en première instance par Mme [E], alors qu'en matière orale, les demandes contenues dans des conclusions ne sont réputées formulées à leur date qu'autant qu'elles ont été déposées à une audience du tribunal et surtout qu'elles ont été soutenues oralement à la barre à l'occasion des plaidoiries. La SCI Hammani tient à préciser qu'elle a renoncé devant le premier juge à toute réclamation au titre des charges, ce qu'elle maintient en cause d'appel, de sorte qu'elle a exclu le montant des charges de la somme qu'elle sollicite au titre de l'arriéré locatif. Elle actualise en cause d'appel sa demande à ce titre à la somme de 41 727 euros selon décompte arrêté au 15 novembre 2023, date à laquelle les lieux ont été libérés, sous déduction des sommes versées par la locataire et des versements des APL, de sorte qu'elle sollicite la somme de 31 030,50 euros.

Sur ce,

L'article 484 du code de procédure civile dispose que l'ordonnance de référé est une décision provisoire rendue à la demande d'une partie, l'autre présente ou appelée, dans le cas où la loi confère à un juge qui n'est pas saisi au principal le pouvoir d'ordonner immédiatement les mesures nécessaires.

Aux termes de l'article 488 du code de procédure civile, l'ordonnance de référé n'a pas, au principal, l'autorité de la chose jugée (....),

Il suit des textes précités que l'ordonnance de référé étant dépourvue d'autorité de la chose jugée au principal, il est toujours possible à l'une des parties à la procédure de référé de saisir le juge du fond pour obtenir un jugement définitif.

La SCI Hammani doit donc être déclarée recevable en sa demande en paiement de l'arriéré locatif portant sur la période d'impayés visée à l'ordonnance de référé rendue le 17 juillet 2029 par le juge des référés du tribunal de Puteaux.

La cour constate que la SCI Hammani a effectivement renoncé à sa demande au titre des charges impayées devant le premier juge, et qu'elle y renonce toujours en cause d'appel, le montant de l'arriéré dont elle sollicite paiement ne portant que sur les seuls loyers.

Reste soumis au litige le point de savoir à quelle date doit être fixée le point de départ du loyer minoré en raison de l'erreur portant sur la surface habitable qui est moindre que celle mentionnée au bail, étant observé que la SCI Hammani ne conteste pas l'application d'un loyer minoré fixé à la somme de 331 euros.

Aux termes de l'article 3-1 de la loi du 6 juillet 1989, 'si la demande en diminution du loyer par le locataire intervient plus de six mois à compter de la date de prise d'effet du bail, la diminution du loyer acceptée par le bailleur ou prononcée par le juge prend effet à la date de la demande'.

Il ressort d'une jurisprudence aujourd'hui constante qu'en matière de procédure orale, c'est la date du dépôt des conclusions à l'audience devant le juge qui fait courir les délais, peu important que le conseil de l'autre partie en ait eu connaissance antérieurement : en l'espèce, les conclusions de Mme [E] datées du 10 février 2022 n'ont été déposées et soutenues oralement qu'à l'audience du 20 septembre 2022, de sorte que le loyer minoré ne doit être appliqué qu'à cette dernière date. Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a fixé le point de départ du délai minoré au 10 février 2022.

Aux termes du décompte qu'elle établit dans ses conclusions, la SCI Hammani, après avoir fait observer que, compte tenu de l'effacement de la dette locative jusqu'au terme d'avril 2017 inclus, souligne que, seuls, les loyers postérieurs doivent être pris en compte, sous déduction des sommes versées par la locataire ou au titre des APL. Elle détaille ainsi le montant de sa créance locative:

* loyers en principal / indemnités d'occupation

de mai 2017 à août 2022 (577 euros x 64) 39 928,00 euros

* loyers en principal / indemnités d'occupation

de septembre 2022 au 15 novembre 2023 ( 331euros x 14,5) 4 799,50 euros

total dû 41 727,50 euros 

sous déduction de :

* versements de Mme [E] de mai et juin 2017 1 024,00 euros

* APL de janvier 2019 à décembre 2020 7 384,00 euros

* APL de janvier à septembre 2021 1 296,00 euros

* versements de Mme [E] novembre et décembre 2022, janvier 2023 993,00 euros

d'où total à déduire de 10 697,00 euros

Solde de la dette au 15 novembre 2023 31 030,50 euros.

Mme [E] ne justifiant pas avoir versé la somme de 9 704 euros au 30 décembre 2020, il n'y a lieu de déduire que la somme de 8 408, 00 euros, telle qu'indiquée par la bailleresse.

Il suit de là que Mme [E] doit être condamnée à verser à la SCI Hammani la somme de 31 030,50 euros, selon décompte arrêté au 15 novembre 2023, date de libération effective des lieux.

- Sur la demande d'indemnisation du trouble de jouissance allégué par Mme [E].

Au soutien de son appel, Mme [E] fait valoir que, si le premier juge a, à juste titre, retenu le trouble de jouissance qu'elle a subi du fait du manquement du bailleur à son obligation de délivrance d'un logement décent, il n'en demeure pas moins qu'il a sous-estimé l'ampleur du préjudice en ne lui allouant que la somme de 5 000 euros alors qu'elle sollicitait la somme de 12 117 euros à ce titre arrêtée au mois de mars 2022, correspondant à 35% du montant du loyer, soit la somme de 201,95 euros pendant 60 mois. Elle invoque notamment le fait qu'elle ne dispose plus de chauffage, ni de plaques de cuisson, en raison de la défectuosité de l'installation électrique.

La SCI Hammani réplique que pour tenter de justifier le non-paiement de ses loyers depuis le mois de mai 2017, à l'exception de trois paiements de 331 euros postérieurement au jugement dont appel, soit depuis près de plus de six ans, Mme [E] s'est méticuleusement appliquée à dénoncer son bailleur auprès des administrations de tutelle en le dépeignant comme un marchand de sommeil, qu'elle a découvert à l'occasion de la procédure, l'implication totale de la locataire dans les tracas auxquels elle doit faire face avec d'autres locataires de l'immeuble, Mme [E] ayant produit des pièces pénales, probablement encore couvertes par le secret de l'enquête, dont elle-même n'a pas eu directement connaissance, qu'en tout état de cause, la cour, après le tribunal, se référera aux procès-verbaux de constat dressés à sa requête par un commissaire de justice les 29 juillet et 24 septembre 2021 pour se rendre compte du parfait état de l'immeuble aussi bien s'agissant des parties communes que des différents appartements qui le composent, que la mise en conformité de l'installation électrique a bien été effectuée le 22 janvier 201 comme il en a été justifié à l'inspecteur après notification du rapport de visite à la SCI.

Sur ce,

L'article 1719 du Code civil dispose: ' le bailleur est obligé par la nature du contrat et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant'.

L'article 6 de la loi d'ordre public du 6 juillet 1989 dispose notamment que ' le bailleur est obligé :

a) de délivrer au locataire le logement en bon état d'usage et de réparation ainsi que les éléments mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement, toutefois, les parties peuvent convenir par une clause expresse des travaux que le locataire exécutera ou fera exécuter et des modalités de leur imputation sur le loyer (.....).

b) d'assurer au locataire la jouissance paisible du logement et sans préjudice des dispositions de l'article 1721 du Code civil, de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle, hormis ceux qui consignés dans l'état des lieux, qui auraient fait l'objet de la clause expresse mentionnée ci-dessus.

c) d'entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et d'y faire toutes les réparations autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des locaux loués.

Il incombe, par ailleurs, au bailleur de délivrer au locataire un logement en bon état d'usage, de réparation et qui réponde aux normes de décence prescrites par les articles 1 et 2 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatifs aux caractéristiques du logement décent étant rappelé que cette obligation a un caractère d'ordre public.

Il s'ensuit que le bailleur a l'obligation de maintenir le logement dans cet état décent et non dangereux pour le locataire, dès lors qu'il a été informé de sa dégradation à la suite d'événements non imputables au locataire.

En l'espèce, il est versé aux débats :

- un rapport d'expertise amiable non contradictoire établi le 11 novembre 2019 par M. [K] de la société Heydiag qui s'est rendu à l'adresse des lieux loués et qui a constaté que l'installation électrique intérieure comporte des anomalies et recommande au bailleur de les supprimer, anomalies portant

sur l'appareil général de commande et de protection et son accessibilité, les conducteurs non protégés mécaniquement,

- un rapport de visite du service d'hygiène des installations classées de la Mairie de [Localité 5] en date du 1er décembre 2017, aux termes duquel l'inspecteur mentionne avoir constaté l'absence de ventilation dans la pièce à vivre, outre de la moisissure dans la salle d'eau, indiquant qu'un courrier sera envoyé au bailleur création dune ventilation - vérification éventuelle du chauffage et de l'électricité)

- un rapport de visite de ce même service en date du 24 septembre 2020 qui indique que 'globalement, ce logement est en bon état d'entretien, avec une superficie habitable d'environ 12 m² , hors mezzanine, cependant de très légères traces de moisissures sont visibles dans la salle d'eau, alors qu'il y a une VMC, l'installation électrique est défectueuse, notamment lors de la mise en marche des plaques de cuisson et du chauffage,. La plaignante utilise un chauffage au poêle et des marmites à cuisson pour cuisiner(....). Les constatations faites lors de cette enquête ont permis de relever les désordres suivants : installation électrique défectueuse et dangereuse : décret décence.

Conclusions : un courrier de mise en demeure sera adressé au bailleur pour lui demander de résorber le désordre constaté dans le délai de deux mois. Par ailleurs, la locataire pourra saisir le juge judiciaire du tribunal d'instance de Puteaux pour logement non décent et absence de jouissance paisible de la chose louée'.

-un procès-verbal de constat du 31 janvier 2022 aux termes duquel l'huissier de justice mandaté par la locataire a constaté que celle-ci ne s'était pas opposée à la venue de l'électricien désigné par la SCI Hammani, ainsi qu'il ressort des échanges de SMS qui lui ont été présentés, et constate que les plaques de cuisson ne fonctionnent pas, ni le convecteur.

Si, pour justifier qu'elle a effectivement réalisé la mise en conformité de l'installation électrique le 22 janvier 2021, la SCI Hammani produit une facture de la société Schuller Andrei relative à la réalisation d'un chantier à l'adresse des lieux loués, (travaux de vérification de l'installation électrique - changement d'un tableau électrique - fourniture et pose d'un plafonnier, le tout pour un montant de 975 euros, la cour observe, comme le premier juge, que la facture ne permet pas d'identifier l'appartement dans lequel les travaux ont été réalisés et notamment s'ils l'ont été dans l'appartement de Mme [E], sachant que la SCI Hammani est propriétaire de plusieurs appartements dans l'immeuble.

De même, le constat établi par commissaire de justice le 29 juillet 2021 à la requête de la SCI Hammani décrit exclusivement les parties communes de l'immeuble, celui dressé le 24 septembre 2021 qui décrit l'intérieur de plusieurs appartements, ne décrit pas l'intérieur de l'appartement occupé par Mme [E], à savoir l'appartement H, mais celui de six autres appartements, à savoir les appartements K, ,D, C, E, F, J.

Il s'ensuit que les manquements de la SCI Hammani à son obligation de délivrer un logement décent (défectuosité des plaques de cuisson et du convecteur) sont établis par les rapports du service d'hygiène de la mairie de Nanterre et le procès-verbal de constat dressé à la requête de Mme [E].

Cependant la demande de Mme [E] au titre de l'indemnisation du trouble de jouissance à hauteur de la somme de 12 117 euros correspondant à 35% du montant du loyer est excessive au regard des désordres subis et de la durée de la période de chauffage. La cour dispose des éléments nécessaires pour fixer le montant de ce préjudice à la somme de 6 500 euros, le jugement étant infirmé de ce chef.

- Sur la demande de réalisation de travaux sous astreinte.

Compte tenu du départ définitif de la locataire, cette demande est devenue sans objet.

Sur les mesures accessoires.

Mme [E] doit être condamnée aux dépens de la procédure d'appel, les dispositions du jugement contesté relatives aux dépens de première instance étant, par ailleurs, confirmées.

Il y a lieu de faire droit à la demande de la SCI Hammani au titre des frais de procédure par elle exposés en cause d'appel en condamnant in solidum Mme [E] à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS.

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Déclare sans objet , compte tenu de la libération des lieux par Mme [E], les demandes tendant à voir d'une part, déclarer que la SCI Hammani a fait délivrer le commandement de payer de mauvaise foi, et d'autre part condamner la SCI Hammani à réaliser les travaux sous astreinte,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, à l'exception de celles ayant condamné la SCI Hammani à payer à Mme [E] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour trouble de jouissance et sauf à l'emender sur le montant de la créance locative de la société civile immobilière Hammani,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et émendés

Condamne la société Hammani à payer à Mme [E] une indemnité de 6 500 euros en indemnisation de son préjudice de jouissance ;

Condamne Mme [E] à payer à la société Hammani la somme de 31 030,50 euros au titre de l'arriéré locatif,

Ajoutant au jugement entrepris

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [E] à payer à la société Hammani une indemnité de 1 500 euros,

Condamne Mme [E] aux dépens de la procédure d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par Me Marion Cordier, avocat en ayant fait la demande.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Anne-Sophie COURSEAUX, Faisant fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-2
Numéro d'arrêt : 22/07594
Date de la décision : 02/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-02;22.07594 ?
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