COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 53I
Chambre commerciale 3-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 02 JUILLET 2024
N° RG 22/06696 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VQC2
AFFAIRE :
S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG SUITE
C/
[D], [K] [S]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Octobre 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 5
N° RG : 2022F00154
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Martine DUPUIS
Me Stéphanie TERIITEHAU
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DEUX JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG
Ayant son siège
[Adresse 4]
[Localité 6] SUISSE
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625
Représentant : Me Gilles GODIGNON SANTONI de la SELARL DOLLA-VIAL & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0074
APPELANTE
****************
Monsieur [D], [K] [S]
né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 5] (63)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire: 619 - N° du dossier 20220406 -
Représentant : Me Jean-françois CREMIEUX, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0308
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Mai 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Cyril ROTH, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Ronan GUERLOT, Président,
Monsieur Cyril ROTH, Conseiller,
Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,
Exposé du litige
Le 20 septembre 2008, Le Crédit Lyonnais (la banque) a ouvert un compte de dépôt à vue à la société Seccobat, dont M. [S] était le dirigeant.
Secondairement, elle a consenti à cette société un prêt le 7 mars 2013, deux autres prêts le 11 février 2014.
Le 30 décembre 2021, la société suisse Intrum Debt Finance (Intrum), venant aux droits de la banque à la suite d'une cession de créance, a assigné M. [S] en paiement devant le tribunal de commerce de Nanterre.
Le 4 octobre 2022, ce tribunal a rejeté ses prétentions, rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formulée par M. [S] et alloué à celui-ci une indemnité de procédure de 1 000 euros.
Le 7 novembre 2022, Intrum a interjeté appel de ce jugement en ses dispositions la déboutant de toutes ses demandes et la condamnant à verser à M. [S] une indemnité de procédure, ainsi qu'aux dépens.
Par conclusions du 2 janvier 2023, elle sollicite l'infirmation du jugement de ces chefs et la condamnation de M. [S] à lui payer une somme de 10 069 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2021, outre une indemnité de procédure de 2 000 euros.
Par des conclusions du 6 mars 2023, M. [S] demande à la cour de débouter Intrum de toutes ses prétentions comme irrecevables et mal fondées, la confirmation du jugement entrepris et l'allocation d'une indemnité de procédure de 3 000 euros ; subsidiairement, l'octroi d'un délai de deux années pour s'acquitter de sa dette, la suppression des majorations d'intérêts et des pénalités éventuelles de retard.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux conclusions susvisées.
La mise en état a été clôturée le 23 novembre 2023.
Motifs
Sur la recevabilité de l'action d'Intrum
Selon l'article L. 218-2 du code de la consommation, l'action des professionnels, pour les biens et services fournis aux consommateurs, se prescrit par deux ans.
Si cette prescription spéciale procède de la qualité de consommateur, son acquisition affecte le droit du créancier, de sorte qu'il s'agit d'une exception inhérente à la dette dont la caution, qui y a intérêt, peut se prévaloir, conformément aux articles 2253 et 2313 du code civil, ce dernier texte pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 (1ère Ch., 20 avril 2022, n°20-22.866, publié, revirement exprès).
Inversement, la caution personne physique ne peut pas se prévaloir de cette solution lorsque le contrat principal n'était pas soumis au droit de la consommation.
Dans ce cas, le délai de prescription applicable à l'action dirigée contre la caution est le délai de droit commun, soit ici le délai quinquennal prévu à l'article 2224 du code civil issu de la loi du 17 juin 2008 réformant la prescription en matière civile.
En l'espèce, pour rejeter les demandes d'Intrum, le jugement entrepris retient qu'elle ne produit la preuve d'aucun acte de cautionnement souscrit par M. [S].
En cause d'appel, Intrum produit un acte sous seing privé du 4 mars 2009 par lequel M. [S] s'engage envers la banque, avec renonciation aux bénéfices de discussion et de division, à garantir la société Soccobat à hauteur de la somme de 13 000 euros, à raison de toute obligation née ou à naître.
Le contrat stipule en son article III que la caution est engagée pour une durée de dix années à compter de sa date ; qu'au-delà de la durée de dix ans, la caution ne garantira pas les obligations du débiteur principal nées postérieurement.
Les obligations de la société cautionnée sont ainsi toutes nées antérieurement à l'expiration du délai de dix ans prévu à l'acte de caution.
Le 11 octobre 2016, le tribunal de commerce de Versailles a placé la société Soccobat en liquidation judiciaire, ce qui, en application de l'article L. 643-1 du code de commerce, a rendu exigible l'ensemble des sommes non échues qu'elle devait à la banque. Cette date marque le point de départ du délai de prescription applicable à l'action dirigée contre la caution.
Ce délai n'est pas de deux ans, comme le soutient à tort M. [S], mais de cinq ans, dès lors qu'il n'est pas établi que les relations entre la société cautionnée et la banque étaient régies par le droit de la consommation.
L'action d'Intrum contre la caution introduite le 30 décembre 2021 est en tout cas prescrite.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement en ses dispositions critiquées et, statuant à nouveau, de dire irrecevable l'action d'Intrum.
Sur les demandes accessoires
L'issue du litige implique la condamnation d'Intrum aux dépens.
L'équité ne commande pas, en revanche, d'allouer d'indemnité de procédure à M. [S].
Par ces motifs,
La cour,
Statuant dans les limites de l'appel,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Dit irrecevable l'action de la société Intrum Debt Finance contre M. [S] ;
Condamne la société Intrum Debt Finance aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de Stéphanie Teriitehau, avocat au barreau de Versailles ;
Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Ronan GUERLOT, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT