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02/07/2024 | FRANCE | N°22/04454

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-2, 02 juillet 2024, 22/04454


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 51A



Chambre civile 1-2



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 02 JUILLET 2024



N° RG 22/04454 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VJSG



AFFAIRE :



M. [F] [O]





C/



S.A.S.U. TILT IMPORT









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Mai 2022 par le Juge des contentieux de la protection de MANTES LA JOLIE



N° RG : 11-21-585



Exp

éditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 02/07/24

à :



Me Marion DESPLANCHE



Me Philippe QUIMBEL



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DEUX JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 51A

Chambre civile 1-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 JUILLET 2024

N° RG 22/04454 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VJSG

AFFAIRE :

M. [F] [O]

C/

S.A.S.U. TILT IMPORT

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Mai 2022 par le Juge des contentieux de la protection de MANTES LA JOLIE

N° RG : 11-21-585

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 02/07/24

à :

Me Marion DESPLANCHE

Me Philippe QUIMBEL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [F] [O]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Maître Marion DESPLANCHE, Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 98

Représentant : Maître Yamina BACHIR de l'AARPI B&A AVOCATS ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0161 -

APPELANT

****************

S.A.S.U. TILT IMPORT

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Ayant son siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentant : Maître Philippe QUIMBEL de la SELARL QVA QUIMBEL-VECCHIA & ASSOCIÉS, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 227 - N° du dossier 0222022

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Février 2024, Monsieur Philippe JAVELAS, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Anne THIVELLIER, Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 15 octobre 2018, la société TILT Import a donné à bail d'habitation à M. [O] une maison individuelle sis [Adresse 1] à [Localité 3] pour un loyer mensuel de 408 euros charges comprises.

Par acte de commissaire de justice délivré le 26 août 2021, la société TILT Import a assigné en référé M. [O] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Mantes-la-Jolie aux fins de, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- voir constater l'acquisition de la clause résolutoire,

- obtenir la condamnation de M. [O] au paiement de la somme de 6 938 euros au titre des loyers impayés,

- obtenir l'expulsion de M. [O],

- obtenir la condamnation de M. [O] au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant mensuel des loyers à compter du 18 août 2021 et jusqu'à son départ effectif des lieux,

- voir prononcer son autorisation à séquestrer les biens et objets mobiliers se trouvant éventuellement dans les lieux lors de l'expulsion, soit sur place, soit dans un garde-meuble au frais, risques et périls de qui il appartiendra,

- voir débouter M. [O] de ses demandes,

- obtenir la condamnation de M. [O] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- obtenir la condamnation de M. [O] aux dépens.

Par ordonnance de référé du 22 octobre 2021, le juge des référés a renvoyé l'affaire au fond.

Par jugement contradictoire du 10 mai 2022, le tribunal de proximité de Mantes-la-Jolie a :

- constaté la résiliation de plein droit au 19 août 2021 du bail d'habitation conclu entre la société TILT Import et M. [O],

- ordonné l'expulsion de M. [O] et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 1] à [Localité 3], au besoin avec le concours de la force publique, conformément aux articles L.411-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

- rappelé qu'il ne pourra être procédé à cette expulsion qu'après l'expiration d'un délai de deux mois suivant délivrance d'un commandement de quitter les lieux par huissier de justice, et que toute expulsion forcée est prohibée entre le 1er novembre de chaque année et le 31 mars de l'année suivante,

- dit que les meubles et objets se trouvant sur les lieux suivront le sort prévu par les articles L.433-1 à L.433-3 et R.433-1 à R.433-6 du code des procédures civiles d'exécution,

- condamné M. [O] à payer à la société TILT Import la somme de 2 042 euros au titre des loyers impayés dus antérieurement au terme du mois d'avril 2021, et une indemnité d'occupation de 50 euros par mois jusqu'à la libération du logement matérialisée par la remise des clés ou l'expulsion,

- débouté M. [O] de ses demandes indemnitaires au titre du trouble de jouissance, en compensation et en paiement échelonné,

- rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé à chaque partie la charge de ses dépens,

- rappelé que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration reçue au greffe en date du 6 juillet 2022, M. [O] a relevé appel de ce jugement.

Par ordonnance du 21 septembre 2023, le conseiller de la mise en état a :

- déclaré irrecevable la demande de la société Tilt Import visant à voir déclarer irrecevables les conclusions de M. [O], en raison du fait que l'adresse figurant sur les conclusions de M. [O], est erronée, et au visa des articles 960 et 961 du code de procédure civile,

- débouté la société Tilt Import de ses autres demandes,

- débouté M. [O] de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné la société Tilt Import à payer à M. [O] une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Tilt Import aux dépens de l'incident.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 6 février 2024, M. [O], appelant, demande à la cour de :

- le dire recevable et bien fondé en son appel et ses demandes, et, y faisant droit,

- débouter la société TILT Import de l'ensemble de ses demandes principales et subsidiaires, fins et conclusions,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

*constaté la résiliation de plein droit au 19 août 2021 du bail d'habitation conclu entre la société TILT Import et M. [O],

* ordonné l'expulsion de M. [O] et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 1] à [Localité 3], au besoin avec le concours de la force publique, conformément aux articles L.411-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

* rappelé qu'il ne pourra être procédé à cette expulsion qu'après l'expiration d'un délai de deux mois suivant délivrance d'un commandement de quitter les lieux par huissier de justice, et que toute expulsion forcée est prohibée entre le 1 er novembre de chaque année et le 31 mars de l'année suivante,

* dit que les meubles et objets se trouvant sur les lieux suivront le sort prévu par les articles L.433-1 à L.433-3 et R.433-1 à R.433-6 du code des procédures civiles d'exécution,

* condamné M. [O] à payer à la société TILT Import la somme de 2 042 euros au titre des loyers impayés dus antérieurement au terme du mois d'avril 2021, et une indemnité d'occupation de 50 euros par mois jusqu'à la libération du logement matérialisée par la remise des clés ou l'expulsion,

* débouté M. [O] de ses demandes indemnitaires au titre du trouble de jouissance, en compensation et en paiement échelonné,

* rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

* laissé à chaque partie la charge de ses dépens,

* rappelé que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.

Et statuant à nouveau,

- déclarer irrecevable la société TILT Import en sa demande d'irrecevabilité des conclusions d'appelant des 6 octobre 2022, 17 mars 2024 et 8 janvier 2024 à raison du prétendu défaut d'indication de son domicile,

- débouter la société TILT Import de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- débouter la société TILT Import de l'ensemble de sa demande au titre de l'acquisition de la clause résolutoire et d'expulsion,

- débouter la société TILT Import de ses demandes de paiement au titre des loyers impayés et au titre de l'indemnité d'occupation,

- ordonner la réintégration de M. [O] dans le logement litigieux,

- enjoindre la société TILT Import à réaliser les travaux de remise en état préconisés par l'agence régionale de santé et conformément à l'arrêté préfectoral du 13 mai 2022,

- faire droit à la demande de M. [O] et le dispenser de paiement de loyer au titre de l'exception d'inexécution à compter du mois de février 2020, et subsidiairement à compter du 10 juin 2021, date de la première mise en demeure, et ce jusqu'à ce que les travaux de remise en état préconisés par l'agence régionale de santé et par l'arrêté du préfet des Yvelines du 13 mai 2022 soient réalisés,

- ordonner en conséquence la suspension du paiement des loyers au titre de l'exception d'inexécution à compter du mois de février 2020, et subsidiairement à compter du 10 juin 2021, date de la première mise en demeure, et ce jusqu'à ce que les travaux de remise en état préconisés par l'agence régionale de santé et par l'arrêté préfectoral du 13 mai 2022 soient réalisés;

- ordonner la restitution de la somme de 2 042 euros à M. [O] qu'il a réglée en exécution du jugement déféré et condamner en tant que de besoin la société TILT Import à restituer cette somme à M. [O],

- condamner la société TILT Import à payer à M. [O] la somme de 15 000 euros au titre du trouble de jouissance depuis la prise à bail le 15 octobre 2018,

- ordonner la compensation de toutes sommes dont M. [O] pourrait être redevable envers la société TILT Import avec les sommes qui seront mises à la charge de cette dernière, et subsidiairement ordonner le bénéfice de l'article 1343-5 du code civil au profit de M. [O],

- condamner la société TILT Import à verser à M. [O] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société TILT Import en tous les dépens, dont distraction au profit de Me Marion Desplanche.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 22 janvier 2024, la société TILT Import, intimée, demande à la cour de :

- déclarer irrecevables les conclusions d'appelant de M. [O] des 6 octobre 2022, 17 mars 2024 et 8 janvier 2024 à raison du défaut d'indication de son domicile,

- confirmer le jugement rendu le 10 mai 2022 par le tribunal de proximité de Mantes-la-Jolie en toutes ses dispositions,

- débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Subsidiairement,

- constater l'acquisition de la clause résolutoire pour non-paiement des loyers insérée au contrat de bail,

- ordonner l'expulsion immédiate de M. [O] et de tous occupants de son chef des lieux qu'il occupe sis [Adresse 1] à [Localité 3], avec si besoin est le concours de la force publique et d'un serrurier,

- condamner M. [O] à payer à la société TILT Import la somme provisionnelle de 6 938 euros au titre des loyers impayés arrêtés au 1er mars 2022, terme de mars 2022 inclus,

- condamner M. [O] à payer à la société TILT Import une indemnité d'occupation égale au montant mensuel du loyer à compter du 18 août 2021, soit deux mois après le commandement de payer resté infructueux, et jusqu'à son départ effectif des lieux,

- autoriser la séquestration des biens et objets mobiliers se trouvant éventuellement dans les lieux lors de l'expulsion, soit sur place, soit dans un garde-meuble du choix du requérant aux frais, risques et périls de qui il appartiendra,

En toutes hypothèses,

- condamner M. [O] à verser à la société TILT Import la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [O] aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 25 janvier 2024.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I) Sur la recevabilité des conclusions de M. [O] des 6 octobre 2022, 8 janvier 2024 et 17 mars 2024

Moyens des parties

La société Tilt Import conclut, sur le fondement des articles 960 et 961 du code de procédure civile, à l'irrecevabilité des conclusions de M. [O], motif pris de ce que l'adresse de domiciliation mentionnée sur les conclusions, qui est celle du bien loué, est erronée, en raison du fait que le logement a été restitué au bailleur le 22 août 2022, et que l'adresse de domiciliation mentionnée par M. [O] au sein de sa propre entreprise est également erronée, M. [O], qui a cédé son entreprise, n'ayant jamais été hebergé sur son lieu de travail.

M. [O] réplique que la société Tilt Import doit être déboutée de sa demande d'irrecevabilité au motif qu'elle est nouvelle et, à titre subsidiaire, qu'il justifie avoir été domicilié à l'adresse du bien loué, au 6 octobre 2022, et qu'après avoir remis les clefs du logement à la bailleresse, aux fins qu'elle y réalise des travaux, il s'est domicilié temporairement sur son lieu de travail.

Réponse de la cour

L'article 961 du code de procédure civile rappelle que les conclusions des parties sont signées par leur avocat et notifiées dans la forme des notifications entre avocats.

Elles ne sont pas recevables tant que les indications mentionnées à l'alinéa 2 de l'article 960 du CPC n'ont pas été fournies ; et cet acte indique : a) Si la partie est une personne physique, ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; b) S'il s'agit d'une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement).

Cette fin de non-recevoir peut être régularisée jusqu'au jour du prononcé de la clôture ou, en l'absence de mise en état, jusqu'à l'ouverture des débats, en application de l'article 961 du code de procédure civile.

Il ne peut être fait grief à la société Tilt Import de n'avoir pas fait figurer dans ses premières conclusions d'intimée du 21 décembre 2022, une fin de non-recevoir tirée de l'inexactitude de l'adresse de M. [O] mentionnée dans des conclusions de l'appelant postérieures à cette date, et alors même que cette inexactitude pouvait être régularisée jusqu'à la clôture.

La fin de non-recevoir de la société Tilt Import est donc recevable.

Elle est, cependant mal fondée.

En effet, M. [O], qui sollicite sa réintégration dans les lieux, établit qu'il n'a remis les clefs à sa bailleresse le 22 août 2022, qu'afin que cette dernière réalise dans les locaux donnés à bail, les travaux que leur état requérait, et qu'en attendant de pouvoir regagner le logement litigieux, il s'est provisoirement domicilié sur son lieu de travail, dans le local attenant à la boutique, en produisant, d'une part, le reçu du 22 août 2022, remis par sa bailleresse, et, d'autre part, une attestation du nouveau gérant de la société Seltane qui indique, le 26 janvier 2024, que M. [O] occupait les lieux lorsqu'il lui a cédé ses parts sociales - le 28 novembre 2023 - et qu'il l'a autorisé à demeurer depuis lors dans les lieux, en raison du fait qu'il n'avait pas 'd'autres solutions de relogement'.

Au surplus, il y a lieu de relever que la cour ne peut statuer que sur les dernières conclusions de M. [O], de sorte que la demande visant à voir déclarer irrecevables des conclusions antérieures est sans objet, la cour ne pouvant statuer sur ces conclusions.

Par suite, la société Tilt Import sera déboutée de sa fin de non-recevoir.

II) Sur la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire et l'indemnisation du préjudice de jouissance de M. [O]

Moyens des parties

M. [O] fait grief au premier juge d'avoir rejeté l'exception d'inexécution qu'il soulevait.

A hauteur de cour, il fait valoir que sa bailleresse avait connaissance de l'insalubrité des locaux depuis le 27 février 2020, et qu'il est donc en droit de se prévaloir de l'exception d'inexécution à compter de cette date. Il souligne que l'insalubrité du logement est établie par un constat de commissaire de justice établi le 30 avril 2021, par un rapport de M. [V], expert en bâtiment, dressé le 30 avril 2021 et, enfin, par le rapport de l'agence régionale de santé des Yvelines du 14 janvier 2022 et l'arrêté préfectoral du 13 mai 2022 ayant déclaré le logement insalubre à titre remédiable.

Par suite, M. [O] demande à la cour de juger que la clause résolutoire n'était pas acquise deux mois après la délivrance du commandement de payer, en raison de l'insalubrité des lieux, et d'ordonner sa réintégration dans les lieux.

Il demande, par ailleurs, à la cour de juger que les loyers ne sont pas dus à compter du mois de février 2020, ou, à tout le moins, du 10 juin 2021, date de la première mise en demeure adressée à la bailleresse et jusqu'à l'exécution des travaux de remise en état prescrits par l'arrêté préfectoral du 13 mai 2022.

Il sollicite, enfin, l'indemnisation de son préjudice de jouissance, à hauteur de la somme de 15000 euros.

La société Tilt Import, qui conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a constaté la résiliation de plein droit du bail à compter du 19 août 2021, deux mois après la délivrance du commandement de payer, de répliquer que :

- M. [O] ne s'est jamais plaint de problèmes d'humidité pendant les deux premières années d'occupation du bien et l'ancienne locataire atteste n'avoir jamais été confrontée à pareils désordres,

- le courrier qu'il a reçu au mois de février 2020 ne l'informait pas de l'insalubrité des lieux, M. [O] se bornant à indiquer ' j'ai un bébé à la maison ; j'attends une réponse de votre part. Merci', et devant le premier juge, M. [O] n'entendait, au reste, se prévaloir de l'exception d'inexécution qu'à compter du mois d'avril 2021,

- elle n'a été informée de l'insalubrité du logement que par la mise en demeure qui lui a été adressée le 10 juin 2021,

- les désordres constatés par l'agence régionale de santé dans le logement, s'expliquent par le fait que l'électricité a été coupée le 1er juin 2021, en raison d'un impayé de M. [O], qui a par ailleurs obstrué les ventilations du logement, et qu'ainsi, au moment de l'intervention de l'agence régionale de santé, le logement n'était plus chauffé ni ventilé depuis plusieurs mois,

- l'arrêté d'insalubrité a été contesté.

Réponse de la cour

L'article 1217 du code civil dispose : « la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation...»

L'article 1219 du même code dispose : « une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave».

Enfin, l'article1220 du même code précise : « une partie peut suspendre l'exécution de son obligation dès lors qu'il est manifeste que son cocontractant ne s'exécutera pas à l'échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle. Cette suspension doit être notifiée dans les meilleurs délais ».

Le contrat de bail est un contrat synallagmatique qui met à la charge des parties des obligations réciproques.

L'obligation de délivrance et de jouissance paisible imposée au bailleur et celle de paiement du loyer pesant sur le locataire étant réciproques, une partie au contrat de bail peut se prévaloir de l'exception d'inexécution, à condition toutefois que la jouissance des lieux soit totalement impossible et le local impropre à l'usage auquel il est destiné (Cass. 3e civ., 6 juill. 2023, n°22-15.923), cette impossibilité relevant de l'appréciation souveraine des juges du fond.

L'exception d'inexécution paralyse le jeu d'une clause résolutoire qui serait invoquée par la partie adverse.

Au cas d'espèce, M. [O] verse aux débats pour l'essentiel :

- un courrier électronique adressé à sa bailleresse le 27 février 2020 en réponse à cette dernière l'informant qu'elle n'avait pas reçu le paiement du mois de février 2020, indiquant ' j'ai un bébé à la maison ; j'attends une réponse de votre part. Merci'. Ce courrier électronique en réponse est accompagné de photocopies censées représenter le logement, en noir et blanc et de si médiocre qualité, qu'il ne peut en être tiré aucun enseignement par la cour,

- un rapport de commissaire de justice daté du 30 avril 2021, et dressé en présence d'un M. [V], se disant ' expert en bâtiment', dans lequel il est relevé la présence de traces d'humidité dans l'entrée, la cuisine, le séjour et la chambre à coucher, et de moisissures au-dessus de la porte d'entrée, et auquel sont annexées des photocopies de si médiocre qualité qu'elles ne renseignent pas utilement la cour sur l'état du logement,

- un rapport ' d'expertise consultative' de M. [V], se présentant comme expert en bâtiment, du 30 avril 2021, non contradictoire, relevant dans le logement objet du litige, une forte humidité et la présence de moisissures ' de type allergènes voire toxiques', M. [V] estimant que le logement, du fait des désordres constatés, est impropre à sa destination,

- un rapport de l'agence régionale de santé des Yvelines, réalisé au mois de janvier 2022, faisant apparaître des non-conformités : présence de moisissures dans le logement, dégradation des revêtements intérieurs, dispositif de ventilation non réglementaire, système de chauffage insuffisant, et isolation inexistante,

- un arrêté préfectoral d'insalubrité du 13 mai 2022 demandant à la bailleresse de rechercher les causes d'humidité, de traiter les moisissures, d'installer des ventilations réglementaires et de remettre en état les revêtements intérieurs qui le nécessitent dans un délai de trois mois.

La cour considère qu'il résulte de ces documents que si le logement objet du litige est affecté de désordres importants, les seuls dires de M. [V], à défaut d'expertise judiciaire contradictoire, ne sont pas suffisants pour établir, que M. [O] était, avant l'acquisition de la clause résolutoire, dans l'impossibilité totale d'habiter les lieux dans lesquels il s'est maintenu jusqu'au 22 août 2022, date à laquelle il a remis les clefs à la bailleresse contre reçu (Cass.3e chambre civile,28 Juin 2018, n°16-27.246).

Par suite, M. [O] est mal fondé à se prévaloir de l'exception d'inexécution et à soutenir que cette dernière aurait paralysé le jeu de la clause résolutoire, à la suite du commandement de payer qui lui a été délivré le 18 juin 2021.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a constaté la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire à compter du 18 août 2021 et ordonné l'expulsion de M. [O], qui est, en conséquence, débouté de sa demande de réintégration.

Pour autant, les désordres constatés -humidité excessive, moisissures dans le logement - caractérisent un défaut de la bailleresse à son obligation de délivrer un logement décent et d'assurer à leur locataire une jouissance paisible des lieux, étant rappelé que ces obligations sont des obligations de résultat qui ne cèdent que devant la force majeure et la faute de la victime.

En l'espèce, et contrairement à ce que soutient la société Tilt Import, la faute de la victime n'est pas établie au vu des pièces versées aux débats.

Compte tenu de l'intensité du trouble et de sa durée, du 30 avril 2021 au mois d'août 2021, M. [O] n'étant plus en mesure d'être indemnisé du jour où il est devenu occupant sans droit ni titre, la société Tilt Import sera condamnée à payer à son ancien locataire, en indemnisation du préjudice de jouissance de ce dernier, une somme de 816 euros représentant la moitié du loyer de 408 euros sur la période considérée de quatre mois.

Par ailleurs, M. [O] sera condamné au paiement d'une indemnité d'occupation égale à la moitié du loyer qui aurait été dû si le bail s'était poursuivi, à compter du 19 août 2021 et jusqu'au 1er juin 2022, par suite de l'arrêté préfectoral d'insalubrité du 13 mai 2022.

III) Sur le montant de la dette locative

La société Tilt Import sollicite le paiement de la somme de 6 938 euros représentant le montant des loyers restant dus pour la période allant du mois de mars 2020 au mois de mars 2022 inclus.

M. [O], du fait de la résiliation du bail constatée au 19 août 2021, n'est plus redevable de loyer à compter de cette date.

Il résulte de ce qui précède que la créance de la société Tilt Import s'établit à la somme de 3950,38, représentant le montant des loyers restant dus au 19 août 2021, déduction des sommes payées par la caisse d'allocations familiales et par M. [O], somme à laquelle s'ajoutent des indemnités d'occupation pour un montant de 1 527,96 euros.

Par suite, M. [O] sera condamné au paiement de la somme totale de 5 478, 34 euros.

III) Sur les demandes accessoires

M. [O], qui succombe pour l'essentiel, sera condamné aux dépens d'appel, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens de première instance étant par ailleurs, confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe

Déboute la société Tilt Import de sa demande visant à voir déclarer irrecevables les conclusions d'appelant de M. [O] des 6 octobre 2022, 17 mars 2024 et 8 janvier 2024 à raison du défaut d'indication de son domicile ;

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné M. [F] [O] à payer à la société Tilt Import une somme de 2 042 euros, fixé l'indemnité mensuelle d'occupation à la somme de 50 euros, et débouté M. [F] [O] de sa demande d'indemnisation de son trouble de jouissance;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés

Condamne M. [F] [O] au paiement d'une indemnité d'occupation égale à la moitié du loyer qui aurait été dû si le bail s'était poursuivi à compter du 19 août 2021 et jusqu'au 1er juin 2022,

Condamne M. [F] [O] à payer à la société Tilt Import une somme de 5 478, 34 euros au titre des loyers et indemnités d'occupation restant dus au 31 mars 2022, échéance du mois de mars 2022 incluse ;

Condamne la société Tilt Import à payer à M. [F] [O] une somme de 816 euros en indemnisation de son préjudice de jouissance ;

Déboute M. [F] [O] du surplus de ses demandes en paiement et de la totalité de ses autres demandes ;

Ordonne la compensation entre les créances respectives des parties ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [F] [O] à payer à la société Tilt Import une indemnité de 800 euros ;

Condamne M. [F] [O] aux dépens de la procédure d'appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Anne-Sophie COURSEAUX, Faisant fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-2
Numéro d'arrêt : 22/04454
Date de la décision : 02/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-02;22.04454 ?
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