COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 54A
Ch civ. 1-4 construction
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 01 JUILLET 2024
N° RG 23/03655 - N° Portalis DBV3-V-B7H-V4RV
AFFAIRE :
S.A.R.L. CIFORBAT
C/
[T] [U]
et Madame [I] [Z] épouse [U]
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 27 Mars 2023 par le Juge de la mise en état de VERSAILLES
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 21/00876
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Julie GOURION-RICHARD,
Me Marion PERRIN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE UN JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.R.L. CIFORBAT
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentant : Me Julie GOURION-RICHARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 et Me Olivier JOLLY, Plaidant, avocat au barreau d'EURE, vestiaire : 9
APPELANTE
****************
Monsieur [T] [U]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentant : Me Marion PERRIN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 84
Madame [I] [Z] épouse [U]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Marion PERRIN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 84
INTIMÉS
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 Mai 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Fabienne TROUILLER, Présidente chargée du rapport et Madame Séverine ROMI, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Fabienne TROUILLER, Présidente,
Madame Séverine ROMI, Conseillère,
Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseillère,
Greffière, lors des débats : Madame Jeannette BELROSE,
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 4 février 2016, conclu sous condition suspensive d'obtention de crédits immobiliers auprès de la société Crédit foncier de France pour un montant de total de 175 000 euros, M. [T] [U] et Mme [I] [Z] épouse [U] ont acquis de la société Afimmo, par l'intermédiaire de la société [E] père & fils, agent immobilier, un terrain à bâtir situé [Adresse 8] à [Localité 7].
Le jour de la signature du compromis de vente, la société [E] père & fils a présenté et remis pour signature à M. et Mme [U] un contrat de maîtrise d''uvre et un descriptif technique établis et déjà signés par Mme [M] [W], maître d''uvre exerçant sous l'enseigne MT dessins.
La société [E] père & fils leur a également présenté des devis établis par des sociétés qu'elle a choisies concernant la construction de la maison d'habitation à savoir :
- la société Ezom construction pour le lot « gros 'uvre » et « revêtement de sols »,
- la société Linand projection pour le lot « ravalement »,
- M. [Y] [D] pour les lots « plomberie et chauffage »,
- la société Ciforbat pour les lots « électricité, cloisons intérieures, isolation, escaliers, couverture et charpente bois ».
Les époux [U] ont signé les contrats les liant à ces constructeurs le 9 et le 10 février 2016.
La vente a été signée par acte authentique le 23 juillet 2016.
Se plaignant de malfaçons et non-façons, les maîtres d'ouvrage ont mandaté un expert.
Le 6 mars 2018, les époux [U] ont réclamé à Mme [W] : son attestation d'assurance de responsabilité civile décennale, les contrats des entreprises intervenant sur la construction de leur maison et une intervention auprès des entreprises afin qu'elles terminent leur ouvrage.
Puis ils ont saisi le juge des référés près le tribunal de grande instance de Paris qui a missionné M. [H] [C], expert, par ordonnance du 29 mai 2019 remplacé par M. [J] [V] par ordonnance du 24 décembre 2019.
L'expert a déposé son rapport le 5 février 2021.
Par exploits délivrés les 2, 3, 4 et 8 février 2021, les époux [U] ont assigné au fond M. [D], M. [E] et les sociétés Afimmo, [E] père & fils, Ciforbat, MT dessins, Crédit foncier de France, Linand projection et Ezom construction aux fins de condamnation in solidum à indemniser leurs préjudices, suspendre le remboursement des crédits immobiliers et subsidiairement prononcer la nullité des contrats de maîtrise d''uvre, de construction, de vente et de prêts immobiliers.
Le 15 avril 2021 les époux [U] ont appelé à la cause Mme [W] exerçant sous l'enseigne MT dessins aux mêmes fins et les deux instances ont été jointes.
Par ordonnance du 27 mars 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Versailles a notamment :
- constaté l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle en paiement de la somme de 20 805,47 euros TTC formulée par la société Ciforbat à l'encontre des époux [U] comme étant prescrite,
- renvoyé le dossier à la mise en état virtuelle du 23 mai 2023 aux fins de conclusions au fond de M. [D] puis des demandeurs,
- réservé les dépens et frais irrépétibles de l'incident.
Le juge a constaté, au visa de l'article L.218-2 du code de la consommation, la prescription de la demande reconventionnelle en paiement de la somme de 20 805,47 euros TTC formulée par la société Ciforbat à l'encontre des époux [U], la société ayant présenté sa demande le 7 septembre 2021, soit plus de deux ans après l'émission des premières factures émises le 30 novembre 2017 et adressées aux époux le 14 décembre 2017.
Par déclaration du 5 juin 2023, la société Ciforbat a interjeté appel de cette ordonnance.
Aux termes de ses conclusions n°2, remises au greffe le 23 août 2023, la société Ciforbat demande à la cour de :
- réformer l'ordonnance en ce qu'elle a constaté l'irrecevabilité de sa demande reconventionnelle en paiement à l'encontre des époux [U] comme étant prescrite, réservé les dépens et frais irrépétibles de l'incident,
- juger irrecevable l'exception de prescription opposée par les époux [U] à sa demande reconventionnelle, cette irrecevabilité ayant été soulevée dans le cadre de conclusions au fond et non d'emblée devant le juge de la mise en état,
- condamner les époux [U] in solidum aux entiers dépens de l'incident et à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter les époux [U] en toutes leurs demandes et de leur appel incident,
- condamner les époux [U] in solidum aux entiers dépens de l'instance d'appel et à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire qu'ils pourront être directement recouvrés par Me Julie Gourion-Richard, avocate, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Aux termes de leurs premières conclusions, remises au greffe le 8 août 2023, les époux [U] forment appel incident et demandent à la cour de :
- déclarer l'appel de la société Ciforbat mal fondé,
- débouter la société Ciforbat de toutes ses demandes,
- déclarer recevable leur appel incident,
- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a constaté l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle en paiement comme étant prescrite,
- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a réservé les dépens et frais irrépétibles de l'incident,
- condamner société Ciforbat à leur verser la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de l'incident de première instance,
- condamner société Ciforbat à leur verser la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
- condamner société Ciforbat aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Marion Perrin, avocate.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, il est renvoyé aux écritures des parties conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'affaire a été appelée à l'audience du 27 mai 2024 et mise en délibéré au 1er juillet 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de la fin de non-recevoir
À l'appui de son appel, la société Ciforbat fait valoir qu'une prescription ne peut être sanctionnée par un débouté mais par une irrecevabilité et que la fin de non-recevoir aurait dû être soulevée par voie de conclusions d'incident devant le juge de la mise en état.
Elle souligne que le juge de la mise en état n'est saisi que par des conclusions qui lui sont spécialement adressées, que les époux [U] n'étaient pas fondés à invoquer, dans leurs écritures au fond, la prescription de la demande reconventionnelle devant le juge du fond et qu'ils ne pouvaient plus le faire par la suite.
Elle ajoute que si les fins de non-recevoir peuvent être soulevées en tout état de cause, elles relèvent exclusivement de la compétence du juge de la mise en état qui doit être saisi par des conclusions spécialement adressées.
Elle en déduit que les époux [U] sont irrecevables pour avoir soulevé leur exception de prescription d'abord devant le juge du fond sans avoir saisi au préalable le juge de la mise en état.
Les époux [U] font valoir quant à eux que la société Ciforbat déclare avoir achevé ses prestations depuis le 17 janvier 2018, qu'elle a formé sa demande reconventionnelle en paiement par conclusions remises le 22 septembre 2021 et que sa demande est par conséquent prescrite.
Ils soulignent qu'ils n'ont pas demandé au tribunal judiciaire de statuer sur la prescription de la demande reconventionnelle en paiement mais qu'ils lui ont demandé, dans le dispositif de leurs conclusions, de déclarer cette demande non fondée.
Ils soutiennent, au visa des articles 122, 123, 789 du code de procédure civile, 2248 du code civil et L.218-2 du code de la consommation, que cette prescription n'avait pas à être soulevée avant toute défense au fond comme doivent l'être les exceptions de procédure et que leur demande est recevable.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfixe, la chose jugée.
L'article 123 prévoit que les fonds de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, ce qui est également le cas de la prescription, comme le précise l'article 2248 du code civil.
En application de l'article 789 du code de procédure civile, « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du Tribunal pour :
6° statuer sur les fins de non-recevoir. »
Il est par conséquent évident que les fins de non-recevoir relèvent de la compétence du juge de la mise en état jusqu'à son dessaisissement.
En l'espèce, l'appelante cite deux jurisprudences qui concernent les exceptions de procédure et qui ne sont par conséquent pas applicables à une fin de non-recevoir tirée de la prescription.
Dès lors, c'est en ajoutant au texte que la société Ciforbat soutient que cette prescription ne pouvait pas être soulevée dans les conclusions au fond des époux [U]. Ce moyen est d'autant plus inopérant qu'aucune demande n'a été formulée à ce titre dans le dispositif des conclusions au fond.
Force est de constater que le juge de la mise en état, comme il l'a relevé, a bien été saisi par des conclusions spécialement adressées pour constater la prescription de la demande en paiement, qui peut être invoquée en tout état de cause.
La circonstance que cette prescription ait été invoquée avant cette saisine dans les motifs des conclusions au fond ne saurait rendre cette fin de non-recevoir irrecevable. De surcroît, aucune disposition n'impose de soulever une telle fin de non-recevoir avant toute défense au fond.
Aucune irrecevabilité de la fin de non-recevoir n'est encourue. L'ordonnance est confirmée sur ce point.
Sur le bien-fondé de la fin de non-recevoir tirée de la prescription
Les appelants n'ont pas remis en cause le bien-fondé de la prescription telle que constatée par le juge de la mise en état en application de l'article L.218-2 du code de la consommation.
Partant, l'ordonnance est confirmée en toutes ses dispositions.
Sur les dépens et les frais de procédure
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer les dispositions du juge de la mise en état relatives aux dépens et frais irrépétibles.
La société Ciforbat, qui succombe en appel, est condamnée aux dépens de cet appel.
Elle est également condamnée à payer aux époux [U] une somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant après débats à l'audience publique, par arrêt contradictoire,
Déclare recevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;
Confirme l'ordonnance du juge de la mise en état en toutes ses dispositions contestées ;
Y ajoutant,
Condamne la société Ciforbat aux entiers dépens de l'appel, dont distraction au profit de Me Marion Perrin, avocate, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne la société Ciforbat à payer à M. [T] [U] et Mme [I] [Z] épouse [U] une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et par Madame Jeannette BELROSE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,