COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 54G
Ch civ. 1-4 construction
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 01 JUILLET 2024
N° RG 23/02245 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VY3E
AFFAIRE :
SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'ENSEMBLE IMMOBILIER 'LES HAUTS DU BOIS' représentée par son syndic, la SASU FONCIA MANSART dont le siège social est [Adresse 2]
C/
S.N.C. KAUFMAN & BROAD PROMOTION 5
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 27 Mars 2023 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES
N° Chambre : 04
N° Section :
N° RG : 22/00539
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Franck LAFON,
Me Martine DUPUIS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE UN JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'ENSEMBLE IMMOBILIER 'LES HAUTS DU BOIS' représentée par son syndic, la SASU FONCIA MANSART dont le siège social est [Adresse 2]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 et Me Marc-robert HOFFMANN NABOT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1364
APPELANTE
****************
S.N.C. KAUFMAN & BROAD PROMOTION 5
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Christophe SIZAIRE de la SCP ZURFLUH - LEBATTEUX - SIZAIRE ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0154
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Mai 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Fabienne TROUILLER, Présidente chargée du rapport et Madame Séverine ROMI, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Fabienne TROUILLER, Présidente,
Madame Séverine ROMI, Conseillère,
Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseillère,
Greffière, lors des débats : Madame Jeannette BELROSE,
FAITS ET PROCÉDURE
Courant 2012, un ensemble immobilier « Les Hauts-du-bois » situé au [Adresse 1], à [Localité 6] (78), a été édifié par la société Kaufman & Broad Promotion 5 (ci-après « société KBP5 ») en qualité de maître d'ouvrage.
Cet ensemble immobilier est composé de trois bâtiments comprenant cinquante-neuf logements collectifs et un commerce. Le 18 mars 2014, il a été accrédité du label Promotolec performance « bâtiment basse consommation » (BBC) de la société Promotelec services.
Ces travaux ont fait l'objet d'une souscription d'une police dommages-ouvrage comportant un volet constructeur non réalisateur (CNR) auprès de la société AXA France Iard.
Dans le cadre des opérations de construction, la société Maintenance technique optimisée (ci-après « société MTO »), assurée auprès de la société AXA France Iard, s'est vue confier le lot chauffage collectif et plomberie.
La réception des travaux est intervenue les 24 (bâtiment 3) et 31 janvier 2014 (local d'activité) et le 26 mars 2014 (bâtiments 1 et 2).
La livraison des parties communes a eu lieu le 28 février 2014.
Après la réception de l'immeuble, les copropriétaires ont relevé une défectuosité du chauffage affectant les appartements de la résidence.
Se plaignant d'une déperdition de la consommation de chauffage, le syndicat des copropriétaires de la résidence Les Hauts-du-bois a saisi l'assureur dommages-ouvrage, la société AXA France Iard, aux fins d'obtenir le préfinancement d'une reprise des installations de chauffage.
L'expert dommages-ouvrage a conclu, le 11 avril 2016, à un dysfonctionnement lié au réglage des installations de chaufferie, de sorte que la société AXA France Iard a refusé de mobiliser sa garantie par courrier en date du 15 avril 2016.
Le syndicat des copropriétaires a mis en demeure la société KBP5 de régler un certain nombre d'indemnités liées à la déperdition de consommation.
Le syndicat des copropriétaires a, par exploit du 30 avril 2018, assigné cette dernière en référé devant le tribunal de grande instance de Versailles aux fins de désignation d'un expert pour les désordres relatifs aux déperditions de chaleur.
Par ordonnance du 10 juillet 2018, le président de ce tribunal a nommé M. [X] [J] [F] en qualité d'expert.
L'expert a déposé son rapport le 1er octobre 2021.
Par acte du 24 janvier 2022, le syndicat des copropriétaires a assigné la société KBP5 aux fins d'indemnisation des préjudices causés par la surconsommation d'eau chaude et la déperdition de chaleur au visa des articles 1792 et suivants, 1642-1, 1646-1 et 1240 du code civil, L.231-2 et R.231-14 du code de la construction et de l'habitation
Cette instance a été enrôlée sous le n° RG 22/539.
Parallèlement, la société KBP5 a, par exploits des 1er et 5 avril 2022, assigné les sociétés MTO et AXA France Iard aux fins d'obtenir leur condamnation in solidum à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées contre elle sur le fondement de l'article 1792 et suivants du code civil. Elle a également, sur le fondement de l'article L.124-3 du code des assurances, appelé en garantie la société AXA France Iard, en qualité d'assureur décennal de la société MTO.
Cette instance a été enrôlée sous le n° RG 22/2302.
Ces deux affaires ont été jointes par ordonnance du 22 novembre 2022.
Par ordonnance contradictoire du 27 mars 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Versailles a notamment :
- déclaré irrecevables comme forcloses les demandes relatives au chauffe-eau solaire, seulement fondées sur l'article 1642-1,
- renvoyé le dossier à la mise en état du 23 mai 2023 aux fins de conclusions au fond des conseils de la société KBP5 puis de la société MTO,
- réservé les dépens et frais irrépétibles relatifs à l'incident.
Le juge a retenu que l'action engagée par le syndicat des copropriétaires sur le fondement des articles 1642-1 et 1648 du code civil était forclose et qu'à compter de la réception des travaux du 28 février 2014 s'ouvrait le délai d'un mois de l'acheteur pour dénoncer les désordres apparents puis un délai d'un an pour agir en justice. Il a relevé que la première déclaration de sinistre du syndic datait du 23 février 2016 et qu'en l'absence de dénonciation de ce désordre avant le 28 mars 2014 et d'action avant le 28 mars 2015, les demandes relatives au chauffe-eau solaire sur ce fondement étaient irrecevables.
Par déclaration du 6 avril 2023, le syndicat des copropriétaires représenté par son syndic la société Foncia Mansart a interjeté appel de cette ordonnance.
Aux termes de ses premières conclusions remises le 27 avril 2023, le syndicat des copropriétaires représenté par son syndic la société Foncia Mansart demande à la cour :
- de juger que le désordre tenant à l'absence de chauffe-eau solaire n'était pas apparent,
- de juger que ses actes de procédure antérieurs avaient valablement interrompu les délais de forclusions prévus aux articles 1642-1 et 1648 du code civil,
- d'infirmer en conséquence l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré irrecevables comme forcloses ses demandes relatives au chauffe-eau solaire fondées sur l'article 1642-1 du code civil,
- de condamner la société KBP5 à lui verser une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont distraction au profit de Me Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses premières conclusions remises le 15 mai 2023, la société Kaufman & Broad Promotion 5 demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions,
- en tout état de cause, débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande portant sur le caractère apparent ou non de l'absence de chauffe-eau solaire, cette demande étant nouvelle en cause d'appel, relevant de l'appréciation des juges du fond en première instance et en tout état de cause étant totalement infondée car l'absence de chauffe-eau était parfaitement visible à la livraison et le chauffe-eau n'était pas dû contractuellement,
- condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'instance.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, il est renvoyé aux écritures des parties conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'affaire a été appelée à l'audience du 13 mai 2024 et mise en délibéré au 1er juillet 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'action sur le fondement des articles 1642-1 et 1648 du code civil
À l'appui de son appel le syndicat des copropriétaires fait valoir que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, le défaut d'installation du chauffe-eau solaire n'était pas apparent, que les difficultés se sont manifestées sous la forme d'une surconsommation énergétique qui n'a pu être constatée qu'une fois facturée, que les causes en étaient inconnues, que le technicien ayant procédé à un audit n'a pas relevé l'absence du chauffe-eau solaire et que par définition, une absence n'est pas apparente.
Il précise que les panneaux auraient dû être installés sur la toiture-terrasse qui est inaccessible et que le vice apparent est celui dont l'acquéreur a pu se convaincre lui-même.
Il ajoute que le délai de forclusion a été interrompu par l'assignation en référé du 30 avril 2018 qui visait la chaudière et le réseau de chauffage et donc le problème de l'absence du chauffe-eau solaire qui a été traité par l'expert.
Il estime que la problématique du chauffe-eau solaire est le c'ur du sujet depuis l'origine et non depuis l'assignation au fond.
La société KBP5 rétorque que pour la condamner sur le fondement de l'article 1642-1, il incombe au syndicat des copropriétaires de démontrer l'existence d'un dommage apparent à la livraison et que les articles fondant la demande impliquent que les désordres et non-conformités apparents soient dénoncés à la réception jusque dans le délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur.
Elle ajoute que les réserves apparentes valablement dénoncées auraient dû faire l'objet d'une action dans le délai d'un an et un mois à compter de la livraison.
Elle rappelle que l'article 789 du code de procédure civile donne compétence au juge de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir, y compris lorsqu'elles nécessitent que soit tranchée préalablement une question de fond.
Elle souligne qu'une assignation en justice ne peut interrompre les délais de forclusion que pour les désordres qui y sont expressément mentionnés.
En l'espèce, la fin de non-recevoir est exclusivement dirigée à l'encontre de l'action formée par le syndicat des copropriétaires sur le fondement des articles 1642-1 et 1648 du code civil.
Le premier juge relève à juste titre que ces articles, dont l'application est réclamée par le syndicat des copropriétaires, concernent expressément les vices de construction ou les défauts de conformité apparents dans le cadre d'une vente d'immeuble à construire.
Sans que cette question n'ait été explicitement tranchée par le juge de la mise en état, réclamer la condamnation de l'intimée au visa de ces articles implique nécessairement la démonstration de l'existence d'un dommage apparent à la livraison, à défaut de quoi ces dispositions ne s'appliquent pas.
À cet égard, les moyens consistant à soutenir que l'absence de chauffe-eau solaire serait par définition non apparente ou que l'acquéreur n'a pu se convaincre lui-même du vice qui était inaccessible, est inopérant, en tout cas contradictoire, pour s'opposer à la forclusion alors que c'est l'application de ces articles qui est invoquée.
Dans ces conditions, alors que le point de départ du bref délai de forclusion retenu par le premier juge n'est pas contesté à hauteur d'appel, soit le 28 février 2014, les acquéreurs disposaient bien jusqu'au 28 mars 2014 pour dénoncer les vices de construction ou défauts de conformité apparents et jusqu'au 28 mars 2015 pour exercer une action sur ces fondements.
Au demeurant, s'il n'est pas justifié d'une date de déclaration de sinistre, la société AXA France a dénié sa garantie par courrier du 15 avril 2016.
L'action en référé-expertise n'ayant été introduite que le 30 avril 2018, l'action concernant l'absence de chauffe-eau solaire était déjà forclose depuis longtemps. Il n'est par conséquent pas nécessaire d'examiner si cette assignation a pu interrompre le bref délai de forclusion déjà écoulé.
Partant, l'ordonnance est confirmée en toutes ses dispositions.
Sur les dépens et les frais de procédure
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.
Le syndicat des copropriétaires, qui succombe en appel, est condamné aux dépens de cet appel.
Il est également condamné à payer à la société KBP5 une somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant après débats à l'audience publique, par arrêt contradictoire,
Confirme l'ordonnance du juge de la mise en état en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier « Les Hauts-du-bois » situé au [Adresse 1], à [Localité 6] (78) représenté par son syndic la société Foncia Mansart aux entiers dépens de l'incident ;
Condamne le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier « Les Hauts-du-bois » situé au [Adresse 1], à [Localité 6] (78) représenté par son syndic la société Foncia Mansart à payer à la société Kaufman & Broad Promotion 5 une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et par Madame Jeannette BELROSE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,