COUR D'APPEL
DE VERSAILLES
Chambre sociale 4-3
Prud'Hommes
Minute n°
N° RG 22/00679 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VBER
AFFAIRE : SOCIETE VERIZON FRANCE SAS C/ [Y],
ORDONNANCE D'INCIDENT
Rendu publiquement par mise à disposition de la décision au greffe le UN JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,
par Madame Laurence SINQUIN, conseiller de la mise en état de la Chambre sociale 4-3, avons rendu l'ordonnance suivante, après que la cause en a été débattue en notre audience, le dix huit juin deux mille vingt quatre,
assisté de Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffière,
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DANS L'AFFAIRE ENTRE :
Société VERIZON FRANCE SAS
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentant : Me Pascal LAGOUTTE de la SELARL CAPSTAN LMS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0020
Représentant : Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52
APPELANTE au principal et sur l'incident
C/
Madame [J] [Y] épouse [X]
née le 18 Juillet 1971 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me Chantal DE CARFORT de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462
Représentant : Me Capucine LEDDET de l'AARPI QUAI VL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G132
INTIMEE au principal et sur l'incident
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Copies certifiées conformes délivrées aux avocats le ---------------
Par déclaration d'appel du 3 mars 2022, la société Verizon France a déféré à la cour le jugement rendu le 3 février 2022 par le conseil de prud'hommes de Montmorency dans le litige l'opposant à Mme [Y]-[X]. Elle conclut le 1er juin 2022. L'intimée, Mme [Y]-[X] a transmis le 31 août 2022 ses conclusions d'appel incident. L'appelant a de nouveau conclu le 28 novembre 2022 et l'intimé a conclu en réponse en mai 2024 puis le 5 juin 2024. Le 7 juin 2024, la société a déposé des conclusions d'incident.
Par dernières conclusions d'incident remises au greffe le 14 juin 2024, la société Verizon demande au conseiller de la mise en état de :
- déclarer la cour non valablement saisie de l'appel incident formulé par Mme [X] au-delà du délai prescrit par l'article 909 du code de procédure civile ;
- déclarer que les premières conclusions d'intimée en date du 31 août 2022 n'ont pas saisi la Cour des demandes suivantes :
* la demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a jugé que la prise d'acte de la rupture de Mme [X] produisait seulement les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et non nul et la demande de condamnation de la Société au titre d'un licenciement nul y afférente ;
* la demande d'infirmation du jugement en ce qu'il n'a pas condamné la Société Verizon France au titre d'une prétendue violation de l'obligation de sécurité de résultat et la demande de condamnation de la Société y afférente ;
* la demande visant à augmenter le quantum des dommages et intérêts que la Société a été condamnée à payer à Mme [X], cette dernière n'ayant jamais formé appel incident à ce titre ;
* la demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a fixé la date de départ des intérêts légaux à la date de mise à disposition du jugement, et la demande y afférente visant à fixer le point de départ des intérêts à la date de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation ;
* la demande d'infirmation du jugement en ce qu'il a débouté Mme [X] de sa demande en paiement d'une indemnité complémentaire de rupture en application de l'accord d'entreprise dit RIF et la demande de condamnation de la Société à payer à Mme [X] une indemnisation à ce titre y afférente ;
- déclarer toutes les conclusions de Mme [X] déposées après le 31 août 2022 irrecevables en ce qu'elles formulent ces demandes ;
- condamner Mme [X] à verser à la Société Verizon France la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de l'incident.
Elle adresse au conseiller de la mise en état des conclusions d'incident dans lesquelles elle fait valoir que le dispositif des conclusions de Mme [Y]-[X] formant appel incident ne comportant pas la prétention tendant à l'infirmation des chefs de jugement, autres que celles relatives au harcèlement moral et au quantum de l'astreinte prononcée, les autres demandes doivent être considérées comme étant irrecevables. Elle estime que l'appelant incident doit conclure expressément à la réformation ou à l'annulation et en conséquence l'argument de la salariée selon lequel les demandes seraient implicitement comprises dans celles relatives au harcèlement moral n'est pas fondée. Elle relève je pense que le problème par ailleurs la salariée n'évoque à ce titre ni la demande d'aggravation de la condamnation au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ne la demande en paiement d'une indemnité complémentaire de rupture
Par dernières conclusions en défense l'incident remises au greffe le 17 juin 2024, Mme [Y]-[X] demande au conseiller de la mise en état de :
- rejeter les demandes de la société Verizon France
- la condamner aux dépens
Elle fait valoir que dans ses conclusions d'incident, la société à tronquer le dispositif de ses conclusions alors qu'elle a sollicité la réformation du jugement en ce qui concerne « toutes ses demandes se rapportant au harcèlement moral » dont elle se dit avoir été victime ; elle estime que la reconnaissance de la situation de harcèlement moral, l'indemnisation des préjudices en résultant, la requalification de sa prise d'acte de la rupture en licenciement nul et l'indemnisation du préjudice qui en résultent ainsi que la reconnaissance du manquement à l'obligation de sécurité et la réparation des préjudices subis sont intégrés dans cette demande d'infirmation.
Elle soutient en outre que que le chef du jugement sur la qualification de la prise d'acte étant dans la cause par l'acte d'appel principal et que sa demande de requalification de sa prise d'acte en licenciement nul est un moyen opposé à la demande adverse. Elle estime par ailleurs que, la nullité du licenciement n'est que la conséquence de la demande d'infirmation principale tout comme les demandes financières qu'elle sollicite et ses demandes de juger et de condamner en sont le prolongement. Elle conclut que les demandes tendant à l'irrecevabilité des conclusions d' appel incident doivent être rejetées.
Elle soulève, par ailleurs, l'absence de pouvoir du conseiller de la mise en état qui ne peut, à la place de la cour, statuer sur l'étendue de la saisine de la cour sur les conclusions qui soulèvent une fin de non-recevoir qui sont déposés postérieurement au délai imparti à l'intimée pour conclure.
MOTIFS
Sur la compétence du conseiller de la mise en état pour statuer.
La compétence du conseiller de la mise en état est déterminée par l'article 914 du code de procédure civile qui indique que « les parties soumettre au conseiller de la mise en état qui est seule compétent jusqu'à sa désignation depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction leurs conclusions spécialement adressées à ce magistrat tendant à :
- prononcer la caducité de l'appel
- déclarer l'appel irrecevable étranger à cette occasion toutes questions ayant trait à la recevabilité de l'appel ; des moyens tendant à l'irascibilité de l'appel doivent être invoqué simultanément à payer d'irrecevabilité de ce qui ne l'aurait pas été;
- déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910'»
Or en vertu de l'article 909 du code de procédure civile selon lequel : « l'intimée dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévu à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué. »
Le contentieux soumis au conseiller de la mise en état concerne bien les dispositions de l'article 909 en ce que l'appelant sollicite l'irrecevabilité des conclusions d'appel incident.
En conséquence, le conseiller de la mise en état est bien compétent pour statuer.
Sur la recevabilité des conclusions d'appel incident.
Dans le dispositif de ses conclusions transmises le 31 août 2022, Mme [Y]-[X] forme appel incident dans les termes suivants :
« Vu les articles L. 1152-1, L. 1152-3, L. 1152-4, L. 1235-3, L.1451-1, L. 4121-1 et R. 4624-31 du Code du travail,
Vu les articles 515 et 700 du Code de procédure civile,
Vu l'article 4.4.1.2 de la Convention collective des Télécommunications,
Vu la jurisprudence citée,
Il est demandé la Cour d'appel de Versailles de :
A titre principal :
- Infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Montmorency en ce qu'il a débouté Madame [Y]-[X] de ses demandes relatives au harcèlement moral ;
- Juger que Madame [Y]-[X] a été victime d'agissements de harcèlement moral,
- Juger que la prise d'acte de rupture notifiée le 19 décembre 2016 à la société VERIZON FRANCE produit les effets d'un licenciement nul, et, en conséquence, condamner la société à verser à Madame [Y] - [X] la somme de 285.597 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ;
- Condamner la Société VERIZON FRANCE à verser à Madame [Y] ' [X] la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
- Condamner la Société VERIZON FRANCE à verser à Madame [Y] ' [X] la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité ;
A titre subsidiaire :
- Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Montmorency en ce qu'il a jugé que la prise d'acte de rupture
notifiée le 19 décembre 2016 à la société VERIZON FRANCE produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et, en conséquence,
- Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Montmorency en ce qu'il a condamné la société VERIZON FRANCE à verser à Madame [Y] - [X] la somme de 107 098,87 euros à titre d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et, y ajoutant, compte tenu de l'étendue du préjudice de Madame [Y] ' [X], condamner la société VERIZON FRANCE à lui verser la somme de 178 498,13 euros à titre de complément d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse;
En tout état de cause,
- Confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Montmorency en ce qu'il a
o Condamné la Société VERIZON FRANCE à verser à Madame [Y] - [X] les sommes suivantes :
- 52.359,45 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 15.000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
- 14.946 euros à titre de rappel de rémunération variable 2015 ;
- 44.782 euros à titre de rappel de rémunération variable 2016 ;
o Fixé le salaire mensuel brut moyen à la somme de 7.933,25 Euros ;
o Condamné la société VERIZON FRANCE à lui remettre des documents de fin de contrat (attestation Pôle Emploi, certificat de travail, solde de tout compte et bulletin de paie) conformes à la décision à intervenir, sous astreinte et infirmé le jugement seulement en ce qui concerne le montant de l'astreinte, en la fixant à la somme de de 100 € par jour de retard et dire et juger que la Cour d'appel de Versailles se réservera la possibilité de liquider cette astreinte;
- Assortir ces condamnations des intérêts au taux légal à compter de la date de convocation de la société VERIZON
FRANCE devant le Bureau de jugement, avec capitalisation des intérêts ;
- Condamner la société VERIZON FRANCE aux entiers dépens ainsi qu'à payer une somme de 4.000 Euros à Madame [Y] - [X] sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; »
La société soutient qu'défaut d'avoir demandé l'infirmation des autres chefs de jugement que ceux relatifs au harcèlement moral et à l'astreinte, la cour n'est pas saisie des autres demandes mentionnées dans le dispositif de l'appel incident.
Selon l'article 901-4èment du code de procédure civile, la déclaration d'appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l'article 57 et à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. Par ailleurs en vertu de l'article 562 du même code, l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs, lorsqu'il tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
En application de ces textes, la formulation telle que retenue par l'intimé pour son appel incident visant à infirmer l'ensemble « des demandes relatives au harcèlement moral » et à lister ensuite les dites demandes découlant des effets du harcèlement moral sur la rupture, les indemnités et les obligations de l'employeur pour qu'elles soient jugées et pour qu'elle en obtienne condamnation est conforme aux dispositions de l'article 562 du code de procédure civile en ce qu'il prévoit la dévolution des chefs de jugement critiqués expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent.
L'appelant principal dispose dans l'énoncé du dispositif de ces conclusions d'appel incident d'une connaissance précise de ce que l'intimé entend remettre en question devant la cour d'appel et ce dispositif se suffit à lui seul pour comprendre la portée de l'appel engagé par l'intimé.
En conséquence l'incident sera rejeté.
PAR CES MOTIFS
Le conseiller de la mise en état,
Se déclare compétent pour statuer sur la demande d'incident ;
Rejette l'incident ;
Rejette la demande de la société Verizon France sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Laisse les éventuels dépens à la charge de la société Verizon France.
Rappelle que l'ordonnance peut faire l'objet d'un déféré devant la cour dans les quinze jours.
La Greffière Le Conseiller de la mise en état