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01/07/2024 | FRANCE | N°22/00217

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-3, 01 juillet 2024, 22/00217


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 83C



Chambre sociale 4-3



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 01 JUILLET 2024



N° RG 22/00217 -

N° Portalis DBV3-V-B7G-U6U3



AFFAIRE :



S.A.S. SOCOTEC DIAGNOSTIC



C/



[N] [F]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Décembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de POISSY

N° Section : AD

N° RG : 20/001

49



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Frédéric ZUNZ du cabinet ACTANCE AVOCATS



Me Julie GOURION-RICHARD







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE UN JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATR...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 83C

Chambre sociale 4-3

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 01 JUILLET 2024

N° RG 22/00217 -

N° Portalis DBV3-V-B7G-U6U3

AFFAIRE :

S.A.S. SOCOTEC DIAGNOSTIC

C/

[N] [F]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Décembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de POISSY

N° Section : AD

N° RG : 20/00149

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Frédéric ZUNZ du cabinet ACTANCE AVOCATS

Me Julie GOURION-RICHARD

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE UN JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. SOCOTEC DIAGNOSTIC

N° SIRET : 479 076 838

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Frédéric ZUNZ du cabinet ACTANCE AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0168 substitué à l'audience par Me Fanny DE COMBAUD, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Monsieur [N] [F]

né le 18 Janvier 1987 à [Localité 5] (78)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Elvis LEFEVRE, Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 076

Représentant : Me Julie GOURION-RICHARD, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Mai 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laurence SINQUIN, Présidente chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence SINQUIN, Présidente,

Mme Florence SCHARRE, Conseillère,

Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

FAITS ET PROCÉDURE

La société par actions simplifiée à associé unique Socotec Diagnostic a été immatriculée au RCS d'Arras sous le n° 479 076 838.Elle est spécialisée dans les diagnostics d'amiante.

M. [F] a été engagé par la société Servex (aux droits de laquelle vient la société Socotec Diagnostic) en qualité d'assistant de production par contrat à durée indéterminée à compter du 17 juillet 2018.

La durée de travail était de 35 heures par semaine, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 741, 32 euros.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale des bureaux d'études techniques dite Syntec.

Le 25 septembre 2019, la société a proposé à M. [F] une rupture conventionnelle de son contrat de travail que le salarié a refusé.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 septembre 2019, la société Servex a convoqué M. [F] à un entretien préalable à un licenciement, prévu le 7 octobre 2019, auquel le salarié n'a pu se rendre en raison de son arrêt maladie.

Par un courrier en date du 6 novembre 2019 l'union locale CFTC informe l'employeur de la candidature de M. [F] au premier collège des élections professionnelles en tant que titulaire et en tant que suppléant.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 novembre 2019, la société Socotec Diagnostic a notifié à M. [F] son licenciement en ces termes :

« Monsieur,

Nous vous informons, par la présente, de notre décision de vous licencier.

Pour rappel, je vous al convoqué le 25 septembre 2019 à un entretien préalable qui était fixé au 7 octobre 2019.

Le lendemain, le 8 octobre 2019, je reçois un courriel de votre part m'indiquant que

« j'étais dans l'incapacité de me déplacer pour l'entretien préalable du 7 octobre 2019 car étant en arrêt de travail celui-ci ne me permet pas d'heures de sortie »

J'ai regretté de ne pas avoir eu l'occasion lors d'un entretien préalable de vous indiquer les motifs de la décision envisagée et de ne pas avoir recueilli vos explications.

C'est pourquoi je vous ai envoyé le 28 octobre dernier par courrier en LRAR que vous avez reçu le 30 octobre 2019 nos motivations quant à la décision envisagée.

Dans ce même courrier, je vous ai informé de la possibilité que vous aviez d'y répondre et ainsi de me faire parvenir par écrit vos explications.

Vous avez répondu le 6 novembre 2019 par un courrier que nous avons reçu le 8 novembre 2019.

Malheureusement, vos explications dans ce courrier du 6 novembre 2019 n'ont pas été de nature à modifier notre décision.

Voici donc ce qui nous a motivé à décider de votre licenciement :

Depuis plusieurs mois, votre hiérarchie a pu constater un certain nombre d'erreurs et de négligences de votre part.

A tel point que le 12 septembre 2019, vous avez eu un entretien informel avec votre hiérarchie.

Le lendemain, [W] [A] [E], votre responsable vous a envoyé un courriel que je reprends in extenso :

« [N],

Suite à notre entretien d'hier, nous tenons à te rappeler les points sur lesquels nous attendons un réel changement de ta part immédiatement :

- Le suivi Client, tu es responsable du marché, tu dois suivre chaque BC.

- Le Retard de livraison, il faut respecter dans la mesure où cela est possible, qu'il n'y a pas de blocage informatique, les délais de livraison pour les rapports.

- Le traçage Nautilus, toutes informations relatives au RDV (messages laissés, rdv non honoré,...), doit être envoyées au DO, via NAUTLUS par commentaire public.

- Il faut répondre à chaque demande client reçues par mail, celle-ci doit être validée par l'une de tes responsables. Il faut remonter le moindre problème à ta hiérarchie.

- L'organisation de ton bureau, aucun BC (même archivé) ne doit se trouver dans ton caisson, une organisation a été mise en place sur ton îlot, il faut la suivre scrupuleusement.

- Respect des procédures, des directives te sont données il faut les respecter dans les délais impartis.

Lors de cet entretien, nous t'avons demandé un point complet et précis sur le client BATIGERE (état d'avancement) afin que [B] [V] et [T] puissent se rendre au RDV demandé par le client concernant son insatisfaction de nos prestations.

Nous te rappelons que nous l'attendons pour 12h30.

Il doit apparaître, tous les BC depuis le début du marché, date de réception, date d'intervention, date de livraison, délais de livraison.

Les retards de planification ou de livraison sont à justifier.

Comptant sur ton implication. »

Ce courriel clair et argumenté qui vaut comme avertissement demandait un changement immédiat de votre part.

Peine perdue....

Le point complet qui vous était demandé le vendredi 13 septembre à 12h30, vous l'avez fait le lundi suivant, et il n'était pas satisfaisant !

Vous confondez entre les dates de livraisons du rapport de diagnostic et la date d'intervention du diagnostiqueur !

Votre hiérarchie s'est ainsi rendue au rendez-vous avec le client BATIGERE le lundi 16 septembre après-midi.

La conclusion de cet entretien suite au très fort mécontentement du client BATIGERE est que ce même client envisage des pénalités à notre encontre à cause de votre négligence.

Je rappelle que BATIGERE est un marché très important pour l'agence de [Localité 6], un marché de 4 ans qui a démarré en juin dernier.

Par ailleurs, certains bons de commandes (BC) de juin dernier n'ont jamais été programmé par vos soins alors que c'est de votre responsabilité.

Je vous rappelle l'article 2 de votre contrat de travail qui stipule :

« Les missions principales du salarié seront :

- Réceptionner les documents à traiter

- Vérifier le contenu, les informations et les délais

- Saisie des commandes des clients sur logiciel

- Suivi administratif des commandes

- Assister les pilotes administratifs

- Réaliser la saisie des rapports clients conformément à l'ordre de commande.

- Mettre en forme les documents, les transmettre, les classer, les archiver

- Assurer la réalisation et l'envoi de la facture finale au client conformément à l'ordre de commande et aux prestations additionnelles.

- Répondre aux demandes des clients et les renseigner sur l'avancée de leurs commandes

- Réalisation de reporting »

Le 20 septembre dernier, vous avez reçu le courriel suivant de [B] [V] [I], Directeur Régional. Voici ce courriel :

« Pour faire suite à la mise au point réalisée avec les Responsables Pilotes et la réunion j'ai réalisée avec [T] [H] lundi 16 septembre chez Batigère sur convocation de leur part, voici les points sur lesquels nous avons été critiqués :

- Manque, voire absence, de communication sur les difficultés pour exécuter une commande ainsi que les retards et les motifs

- Réponses insuffisantes à leur sollicitations (pas de réponse ou réponses Inappropriées)

- Et bien évidemment des retards de livraison

Les observations et manquements relevés par les Responsables Pilotes sont avérés et confirmés par notre Client. C'est inacceptable.

Je considère que les rappels ci-dessous sont à prise d'effet immédiate et compte sur toi pour réagir en conséquence. »

Deuxième avertissement sans frais et sans compter les différents entretiens et points informels, vous ne pouvez pas dire que vous n'avez pas été prévenu...

Le 24 septembre, [W] [G] [E] s'est aperçue que cela faisait la 3ème fois que vous envoyez le même rapport au client BATIGERE avec toujours les mêmes erreurs.

Ceci a provoqué encore un entretien informel.

Face à l'évidence de vos négligences, vous n'avez eu que pour seule réponse que ce n'était pas votre faute mais celle des autres et vous avez même minimisé la question des potentielles pénalités que souhaitait appliquer le client en disant que c'était que des menaces...

Nous ne savons plus quoi faire. Les entretiens informels, les courriels, les mises au point n'ont pas permis de constater un changement de votre part.

Et ce d'autant plus que dans votre courrier du 6 novembre 2019, en réponse à notre courrier du 28 octobre, votre argumentation est de nier le fait que qu'à plusieurs occasions, avant d'envisager de vous licencier, votre hiérarchie s'est entretenue avec vous concernant la mauvaise qualité de votre travail.

Vous avez également dans ce même courrier contester la légalité de la procédure !

Encore une fois, je vous répète que l'entretien du 25 septembre 2019 était un entretien informel. Cet entretien faisait suite à plusieurs mises au point dont deux en présence d'autres membres de votre encadrement. Un entretien informel n'est pas un entretien préalable et ne donne aucun droit au salarié de se faire assister.

Par conséquent, au regard de tous ces éléments, nous vous confirmons que nous ne pouvons pas poursuivre notre collaboration, puisque les faits que nous avons constatés justifient votre licenciement.

Conformément aux dispositions conventionnelles, votre préavis, d'une durée d'un mois, commencera à courir à la date de première présentation de cette lettre.

Nous vous dispensons d'effectuer votre préavis, vous recevrez aux échéances habituelles votre rémunération mensuelle.

À l'issue de votre préavis, vous percevrez vos indemnités de licenciement et le solde des sommes qui vous sont dues au titre de l'exécution du contrat de travail.

Nous vous adresserons par courrier votre certificat de travail, votre reçu pour solde de tout compte et votre attestation Pôle emploi.

Nous vous rappelons qu'à compter de la rupture de votre contrat de travail, vous pouvez conserver le bénéfice des régimes de prévoyance et de couverture des frais médicaux en vigueur au sein de notre entreprise.

Vous avez la possibilité de faire une demande de précision des motifs du licenciement énoncés dans la présente lettre, dans les 15 jours suivant sa notification par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé.

Nous avons la faculté d'y donner suite dans un délai de 15 jours après réception de votre demande, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé.

Nous pouvons également, le cas échéant et dans les mêmes formes, prendre l'initiative d'apporter des précisions à ces motifs dans un délai de 15 jours suivant la notification du licenciement.

Je vous prie de bien vouloir agréer, Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées »

Par requête introductive en date du 9 juillet 2020, M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Poissy d'une demande en indemnité pour violation du statut protecteur et en dommages et intérêts pour licenciement illicite.

Par jugement du 14 décembre 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Poissy a :

- fixé la moyenne mensuelle des salaires en application des dispositions de l'article R1454-28 du code du travail à la somme de 1 741,32 euros.

- condamné la société Socotec Diagnostic à verser à M. [N] [F] avec intérêts légaux à compter du prononcé du présent jugement les sommes de :

* 5 223,96 euros au titre de l'indemnité pour violation du statut protecteur

* 10 447,92 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement illicite

- condamné la société Socotec Diagnostic à verser à M. [N] [F], la somme de :

* 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision en application de l'article 515 du code de procédure civile.

- condamné la société Socotec Diagnostic aux dépens y compris ceux afférents aux actes et procédure d'exécution éventuels.

La société Socotec Diagnostic a interjeté appel de ce jugement par déclaration d'appel au greffe du 19 janvier 2022.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 24 avril 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 8 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société Socotec Diagnostic demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Socotec Diagnostic à verser à M. [F] avec intérêts légaux à compter du prononcé du présent jugement les sommes de

* 5.223,96 euros au titre de l'indemnité pour violation du statut protecteur,

* 10.447,92 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement illicite,

* 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* ordonné l'exécution provisoire.

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- débouter M. [F] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la violation du statut protecteur ;

- débouter M. [F] de sa demande de nullité de son licenciement et de sa demande de dommages et intérêts en découlant ;

A titre subsidiaire,

- débouter M. [F] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En tout état de cause,

- débouter M. [F] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens en cause d'appel ;

- condamner M. [F] au versement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [F] aux entiers dépens d'instance.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 8 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [F] demande à la cour de :

- déclarer la société Socotec Diagnostic recevable mais mal fondée en son appel,

- l'en débouter,

En conséquence,

À titre principal,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Poissy en date du 14 décembre 2021 en ce qu'il a :

* fixé la moyenne mensuelle des salaires en application des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail à la somme de 1.741,32 euros ;

* condamné la société Socotec Diagnostic à verser à M. [N] [F] avec intérêts légaux à compter du prononcé du présent jugement les sommes de :

° 5.223,96 euros au titre de l'indemnité pour violation du statut protecteur ;

° 10.447,92 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement illicite ;

* condamné la société Socotec Diagnostic à verser à M. [N] [F] la somme de :

° 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* ordonné l'exécution provisoire de la présente décision en application de l'article 515 du code de procédure civile ;

* condamné la société Socotec Diagnostic aux dépens y compris ceux afférents aux actes et procédure d'exécution éventuels ;

À titre subsidiaire, si la cour d'appel devait considérer que le licenciement n'est pas nul,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Poissy en date du 14 décembre 2021 en ce qu'il a :

* fixé la moyenne mensuelle des salaires en application des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail à la somme de 1.741,32 euros ;

* condamné la société Socotec Diagnostic à verser à M. [N] [F] la somme de :

° 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamné la société Socotec Diagnostic aux dépens y compris ceux afférents aux actes et procédure d'exécution éventuels ;

Statuant à nouveau,

- déclarer le licenciement de M. [F] sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société Socotec Diagnostic à verser à M. [F] la somme suivante :

* 10.447,92 euros nets pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En tout état de cause,

- débouter la société Socotec Diagnostic de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société Socotec Diagnostic à verser à M. [F] la somme de 3.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner la société Socotec Diagnostic aux entiers dépens.

- dire qu'ils pourront être directement recouvrés par Maître Julie Gourion, Avocat au Barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur le statut protecteur du salarié

Les salariés bénéficiaires de la protection en cas de licenciement sont ceux investis de l'un des mandats prévus à l'article L 2411 ' 1 et L 2142 ' 1 ' 2 du code du travail.

Le contrat de travail des salariés bénéficiaires d'une protection spéciale ne peut être rompu à l'initiative de l'employeur sans l'autorisation préalable de l'inspection du travail formulée, le cas échéant, après avis du comité d'entreprise.

Toute rupture intervenue en violation du statut protecteur et frappé de nullité et caractérise le délit d'entrave.

La protection prend son point de départ à la date d'envoi de la convocation à entretien préalable. Les effets peuvent subsister au-delà de la période protégée, le salarié protégé ne pouvant être licencié au terme de son mandat pour des faits commis pendant la période de protection qui aurait dû être soumise à l'inspecteur du travail.

En tout état de cause, la protection ne débute que dès lors que l'employeur a connaissance de la candidature du salarié ou de son imminence même si cette candidature est officialisée postérieurement. A défaut, le licenciement notifié à la suite de cet entretien n'a pas être autorisé par l'administration quand bien même le salarié aurait été ultérieurement élu ou désigné et avant convocation à entretien préalable.

L'imminence exclue que la communication à l'employeur en dehors de tout processus électoral engagé de l'intention du salarié de se porter candidat puisse à elle seule permettre aux salariés de bénéficier de la protection accordée aux salariés dont l'employeur a connaissance de l'imminence de la candidature

La société Socotec Diagnostic demande l'infirmation du jugement qui a reconnu le statut protecteur au salarié, à prononcer la nullité de son licenciement et lui a alloué une indemnité pour violation du statut protecteur. Elle soutient n'avoir jamais été informée de l'intention de candidater du salarié avant la réception, le 6 novembre 2019, du courrier de l'union locale CFTC. Elle conteste les deux attestations versées aux débats par le salarié et considère qu'elles ont été établies pour les besoins de la cause. Elle estime que les allégations des témoins sur l'information de l'employeur « durant toute l'année 2019 » ou « en juin 2019 » ne sont pas crédibles, au regard de la procédure de fusion-absorption intervenue à la fin du mois de juillet 2019, rendue officielle en septembre 2019 et de l'annonce de la mise en place d'élections professionnelles faite aux salariés le 1er octobre 2019.

M. [F] conteste son licenciement sur le fondement de la discrimination syndicale en considérant que l'employeur, informé de sa candidature aux élections professionnelles, aurait dû saisir l'inspection du travail et obtenir son avis avant de le licencier. Il invoque la nullité de la rupture. Il soutient que même si l'annonce de sa candidature a été transmise le 6 novembre 2019 par l'union locale CFTC, l'employeur était informé depuis le mois de juin 2019 de son intention de candidater aux élections professionnelles et verse aux débats deux attestations de Monsieur [J] et Madame [Y].

Il y a lieu de rappeler que la charge de la preuve de l'information de l'employeur sur l'intention de candidater à une élection professionnelle ou de la candidature à une élection professionnelle appartient au salarié.

M. [F] se doit donc de démontrer qu'avant le 25 septembre 2019, date de convocation à l'entretien préalable, l'employeur était informé de son intention de candidater aux élections professionnelles. Rien dans les pièces transmises par M. [F] n'établit qu'il ait fait personnellement cette démarche d'information auprès de son employeur. L'attestation de Madame [Y] indique que M. [F] a régulièrement manifesté sa volonté de se présenter aux élections CSE et qu'elle en a été personnellement avisée en juin 2019. Elle ajoute qu'elle en a avisé immédiatement le DRH Monsieur [M]. La date alléguée ne paraît pas en adéquation avec celle invoquée par le représentant du syndicat élu au CSE de l'union locale CFTC, Monsieur [J]. Ce dernier déclare n'avoir été informé de cette intention par le salarié que le 13 septembre 2019. Par ailleurs, l'employeur indique que Madame [Y] a quitté l'entreprise en juillet 2019, ce qui n'est pas contesté par le salarié ni par l'attestation de l'intéressée. En conséquence, elle ne faisait plus partie des effectifs de l'entreprise au moment où les salariés ont été informés de la tenue des élections professionnelles le 1er octobre 2019.

Monsieur [J] indique qu'il a fait savoir au cours de l'année 2019 à tout le personnel ainsi qu'à la direction que M. [F] serait sur la liste CFTC. Outre le fait que ce propos est contredit par ses allégations préalables selon lesquelles il n'a été informé de l'intention du salarié qu'en septembre 2019, la fusion-absorption ayant été finalisée durant l'été 2019 et la décision d'organiser des élections résultant de ce processus n'ayant été annoncé que le 1er octobre 2019, Monsieur [J] ne pouvait avoir informé l'employeur de l'intention de candidater de M. [F] au cours de l'année 2019. À supposer, que le salarié ait manifesté son intention de manière générale de s'engager dans le débat syndical notamment courant 2019, l'imminence de la candidature ne peut être retenue dans ces circonstances.

Ainsi, les deux témoignages produits par le salarié se contredisent sur certains points et s'avèrent imprécis sur d'autres et en tout état de cause ne sont corroborées par aucun autre élément. En effet, aucun courrier, aucun mail, ni aucune pièce ne démontre l'information de l'employeur avant le 25 septembre 2019. Au contraire, les courriers et échanges transmis par le salarié et son employeur jusqu'au 6 novembre 2019 date de formalisation de sa candidature, ne comporte aucune allusion à son intention de candidater ou à son statut protecteur. Même lorsque l'employeur lui offre la latitude de s'expliquer sur la procédure disciplinaire engagée le 28 octobre 2019, le salarié répond le 6 novembre 2019 sans aucune référence à son statut protecteur.

Au vu de l'ensemble de ces motifs, il y a lieu de constater que l'information de l'employeur sur l'intention de candidater de M. [F] n'est pas établie. En conséquence, la décision prud'homale sera infirmée tant en ce qui concerne la nullité du licenciement que l'indemnité pour violation du statut protecteur.

Sur le licenciement

Selon l'article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

L'insuffisance professionnelle se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié à exécuter de manière satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification. Les faits invoqués par l'employeur doivent reposer sur des éléments objectifs, précis et matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié, afin de constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. Il appartient à l'employeur de produire les pièces justificatives suffisantes permettant d'apprécier la réalité de ces éléments.

L'incompétence alléguée doit reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de l'employeur. L'insuffisance professionnelle, qui ne suppose aucun comportement fautif du salarié, doit être constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme passagère ou purement conjoncturelle, être directement imputable au salarié et non la conséquence d'une conjoncture économique difficile, ne doit pas être liée au propre comportement de l'employeur ou à son manquement à l'obligation d'adapter ses salariés à l'évolution des emplois dans l'entreprise.

Lorsque les termes de la lettre de notification de la rupture font apparaître que l'insuffisance professionnelle alléguée est la conséquence d'un comportement jugé fautif par l'employeur, à raison notamment de son caractère volontaire, les règles de la procédure disciplinaire ont vocation à s'appliquer.

M. [F] invoque l'absence de cause réelle et sérieuse son licenciement. Il soutient qu'il s'agit d'un licenciement disciplinaire et que la notification de ce licenciement est intervenue dans un délai supérieur à un mois à compter de la date de l'entretien préalable. Il fait valoir en outre que l'insuffisance n'est pas caractérisée par les témoignages et que les courriels produits par l'employeur ont toujours été contestés par lui.

La société Socotec Diagnostic conteste l'analyse adverse et confirme qu'il s'agit bien d'un licenciement pour insuffisance professionnelle. Elle indique que dans le courant de l'année 2019, la société a constaté des carences de la part de son salarié qui se traduisaient par un manque de suivi des bons de commande, des retards de livraison, une absence de réponse à des demandes de clients, un non-respect des procédures en vigueur au sein de la société. Elle expose que Madame [E] la supérieure hiérarchique du salarié a mis en place avec le salarié des entretiens afin d'obtenir une évolution de la prestation de travail conforme aux attentes et aux dispositions du contrat de travail. L'employeur transmet à ce titre, le mail de Madame [E] du 13 septembre 2019 et celui en réponse du salarié du 16 septembre 2019. S'agissant du client Batigere l'employeur justifie des insatisfactions du travail du salarié par la société dans son mail des 4 et 10 septembre 2019 et celui de Monsieur [B] [V] [I], directeur régional en charge du dossier. Sur la répétition des erreurs dans les rapports la société transmet des échanges de courriels des 19 et 24 septembres 2019.

À l'appui de sa demande de rupture, la société produit la lettre de licenciement qui si elle modère les reproches faits au salarié en utilisant les termes 'd'erreurs et de négligences', leur attache un caractère exclusivement professionnel.

La lettre détaille de façon précise les faits allégués à l'appui du licenciement et l'ensemble de ces faits relève de l'insuffisance professionnelle. L'employeur fonde ses griefs sur des reproches liés au travail constatés par les supérieurs hiérarchiques du salarié Madame [E] ou Monsieur [B] [V] [I] Les 2 courriels adressés à ce titre au salarié relèvent ses insuffisances sur le suivi client, le retard de livraison ou de planification, l'organisation de son bureau, dans la communication sur les difficultés à exécuter une commande ou des erreurs dans la programmation des bons de commande.

La lettre de licenciement ne contient aucun terme qui permettrait de considérer que l'employeur reprocherait à son salarié une faute, une mauvaise volonté ou un manque d'intérêt.

Les deux rappels à l'ordre de Madame [E] du 13 septembre 2019 ou de Monsieur [B] [V] [I] du 20 septembre 2019 produits par l'employeur, prouvent que les supérieurs hiérarchiques face aux insuffisances constatées à l'égard du salarié ont tenté de faire évoluer les points de défaillance relevés et que l'employeur a bien pris le temps nécessaire avant de parvenir à conclure à l'insuffisance professionnelle alléguée à l'encontre du salarié.

S'agissant des rapports 'Puteaux', l'employeur transmet un mail du 20 septembre 2019 duquel il ressort que le salarié fait des erreurs dans la transmission de ces rapports puisque les diagnostics amiante et termites et les rapports électricité manquent à l'égard de certains lots et ce de façon récurrente. Le mail du 24 septembre 2019 permet aussi de constater la nécessité de relancer le salarié pour la transmission des commandes non facturées.

Ainsi, les pièces communiquées par l'employeur permettent d'une part, de constater que le licenciement a bien un caractère d'insuffisance professionnelle et que par ailleurs, cette insuffisance est démontrée au travers des échanges de mails communiqués.

En conséquence, le moyen tiré de l'absence de notification du licenciement dans le délai d'un mois à compter de la date de l'entretien préalable est inopérant.

La cour constate en conséquence que le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. [F] est justifié. Les demandes indemnitaires formées par le salarié au titre de la rupture seront en conséquence rejetées.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

Infirme le jugement du conseil des prud'hommes de Poissy du 14 décembre 2021 en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau ;

Déclare la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle engagée à l'encontre de M. [F] régulière et bien fondée ;

Rejette les demandes indemnitaires formées par M. [F] au titre de la violation du statut protecteur des dommages-intérêts pour licenciement illicite et du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Déboute le salarié du surplus de ses demandes ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [F] à payer à la société Socotec Diagnostic la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [F] aux dépens d'instance et d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-3
Numéro d'arrêt : 22/00217
Date de la décision : 01/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-01;22.00217 ?
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