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01/07/2024 | FRANCE | N°22/00172

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-3, 01 juillet 2024, 22/00172


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



Chambre sociale 4-3



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 1er JUILLET 2024



N° RG 22/00172 -

N° Portalis DBV3-V-B7G-U6L4



AFFAIRE :



[K] [Y] épouse [T]





C/



S.E.L.A.R.L. MARS prise en la personne de Maître [I] [R], mandataire ad hoc de la société SBR





Association AGS CGEA D'[Localité 8]



Décision déférée à la cour : Jugement rendu

le 14 Décembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : I

N° RG : 20/00702



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Delphine BRETON



Me Fabienne FOURNIER LA TOURAILLE de...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

Chambre sociale 4-3

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 1er JUILLET 2024

N° RG 22/00172 -

N° Portalis DBV3-V-B7G-U6L4

AFFAIRE :

[K] [Y] épouse [T]

C/

S.E.L.A.R.L. MARS prise en la personne de Maître [I] [R], mandataire ad hoc de la société SBR

Association AGS CGEA D'[Localité 8]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Décembre 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : I

N° RG : 20/00702

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Delphine BRETON

Me Fabienne FOURNIER LA TOURAILLE de

la SELARL CABINET FOURNIER LA TOURAILLE

Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE PREMIER JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [K] [Y] épouse [T]

née le 02 Juillet 1994 à [Localité 7] (MAROC)

de nationalité Marocaine

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : Me Delphine BRETON, avocat au barreau de NANTES, vestiaire : 141

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/000936 du 22/04/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANTE

***************

S.E.L.A.R.L. MARS prise en la personne de Maître Philippe SAMZUN, mandataire ad hoc de la société SBR

N° SIRET : 808 497 309

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Fabienne FOURNIER LA TOURAILLE de la SELARL CABINET FOURNIER LA TOURAILLE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 80

INTIMEE

****************

Association AGS CGEA D'[Localité 8]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE et Associés, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Mai 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Mme Florence SCHARRE, Conseillère chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence SINQUIN, Présidente,

Mme Florence SCHARRE, Conseillère,

Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

Greffier lors du prononcé : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

FAITS ET PROCÉDURE

La société SBR a été immatriculée au RCS de Versailles sous le n° 820 003 028. Elle est spécialisée dans l'électricité, les fibres optiques, les réseaux informatiques, les travaux de rénovation intérieures.

Cette société employait moins de 10 salariés.

Mme [K] [Y] a été engagée par la société SBR en qualité de " technicien CVC " (chauffage-ventilation-climatisation) par contrat à durée indéterminée du 1er août 2018. Son temps de travail était de 151,67 heures par semaine et son salaire fixé à la somme de 1 498,50 euros.

Par avenant signé le 14 mars 2019, la rémunération de Mme [K] [Y] a été révisée à la somme de 2 300 euros bruts mensuels, avec maintien d'un temps de travail identique.

Par courrier du 4 juillet 2019, la société SBR, constatant que sa salariée, de nationalité marocaine, ne disposait plus d'une autorisation de travail sur le territoire français, a décidé de suspendre son contrat de travail dans l'attente de la régularisation de sa situation administrative.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective des ouvriers du bâtiment de la région parisienne.

Par requête introductive du 15 octobre 2020, Mme [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles afin d'obtenir la délivrance des documents concernant sa fin de contrat de travail et le paiement de diverses sommes.

Le 16 février 2021, le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Versailles a ordonné à l'employeur de remettre à Mme [K] [Y] un reçu pour solde de tout compte, le dernier bulletin de paie, une attestation France Travail et un certificat de travail conformes, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision et a renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 15 juin 2021.

Le 25 mars 2021, le tribunal de commerce de Versailles a prononcé la liquidation judiciaire de la société SBR, a fixé la date de cessation des paiements au 15 octobre 2020 et a désigné la Selarl Mars, en la personne de M. [I] [R], en qualité de liquidateur judiciaire.

Le 13 avril 2021, en exécution de la décision du conseil de prud'hommes de Versailles, les documents sociaux provisoires ont été remis à la salariée par le liquidateur judiciaire.

Le 14 février 2023, le tribunal de commerce de Versailles a prononcé un jugement de clôture pour insuffisance d'actif de la société SBR, désignant par le même effet M. [I] [R] en qualité de mandataire ad hoc de la société SBR.

Par jugement du 14 décembre 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Versailles a :

- dit que les demandes de Mme [K] [Y] sont recevables ;

- dit que la date de rupture est le 10 janvier 2020 et s'analyse en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

- dit que Mme [K] [Y] a été engagée au Niveau 1, coefficient 150 de la Convention Collective Régionale des ouvriers du bâtiment de la région parisienne ;

- fixe la moyenne brute mensuelle des salaires à 2 300 euros bruts ;

- fixe au passif de la SARL SBR, représentée par Maître [I] [R], en qualité de liquidateur judiciaire, les sommes suivantes à payer à Mme [K] [Y] :

* 7,5 euros à titre de rappel de salaires d'août à décembre 2018 ;

* 0,07 euros de congés payés y afférents ;

* l 603 euros à titre de rappel de salaires de janvier et février 2019 ;

* 160 euros de congés payés y afférents ;

* 400 euros de rappel de salaires du 1er au 4 juillet 2019 ;

* 40 euros de congés payés y afférents ;

* 2 530 euros à titre d`indemnité compensatrice de congés payés ;

* 575 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

- dit qu'il n'y a pas lieu à astreinte ;

- débouté Mme [K] [Y] du surplus de ses demandes ;

- dit que le présent jugement sera commun à 1'UNÉDIC, Délégation AGS CGEA d'[Localité 8] et qu'il viendra en garantie dans la limite des articles L. 3253-6 et suivants et D. 3253-5 du code du travail ;

- dit et juge que l'obligation de l'UNÉDIC, Délégation AGS CGEA d'[Localité 8] de faire l'avance des fonds ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le représentant des créanciers et justification par celui-ci de le' absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement ;

- fixe les dépens au passif de la SARL SBR, représentée par Maître [I] [R], en qualité de liquidateur judiciaire.

Mme [Y] a interjeté appel de ce jugement par déclaration d'appel au greffe du 14 janvier 2022.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 3 avril 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 12 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [Y] demande à la cour de :

- infirmer la décision de première instance du conseil de prud'hommes de Versailles, rendue en date du 14 décembre 2021, en ce qu'elle a débouté Mme [K] [Y] de ses demandes de rappel de salaires de juillet et août 2019 et congés payés afférents, d'indemnité pour travail dissimulé, d'indemnité de préavis et congés payés afférents, de dommages-intérêts pour rupture abusive et d'indemnité pour licenciement irrégulier,

Et statuant à nouveau :

- fixer la moyenne des salaires de Mme [Y] à 2 300 euros bruts ;

- juger le licenciement de Mme [Y] sans cause réelle et sérieuse ;

- fixer au passif de la Sarl SBR les sommes suivantes pour Mme [K] [Y] :

* rappel de salaires de juillet et août 2019 : 4 600 euros bruts ;

* congés payés afférents : 460 euros ;

* rappel de salaires entre août 2018 et février 2019 : 2 010,50 euros (407,50 entre août 2018 et décembre 2018 + 1.603 euros pour janvier 2019 et février 2019) ;

* congés payés afférents : 201,05 euros ;

* indemnité pour travail dissimulé : 13.800 euros ;

* indemnité de préavis : 2.300 euros ;

* congés payés afférents : 230 euros ;

* indemnité compensatrice de congés payés (29 jours) : 2.667,99 euros ;

* à titre subsidiaire, indemnité compensatrice de congés payés (25 jours) : 2.530 euros ;

* indemnité de licenciement : 814,58 euros ;

* dommages-intérêts pour rupture abusive : 11 500 euros ;

* à titre subsidiaire, une indemnité forfaitaire de 3 mois de salaires : 6 900 euros ;

* à titre subsidiaire, une indemnité pour licenciement irrégulier : 2 300 euros ;

* entiers dépens ;

* intérêts au taux légal ;

- ordonner au mandataire ad hoc la Selarl Mars pris en la personne de Me [I] [R] la délivrance des bulletins de paie des mois de juillet 2019 et août 2019, d'un reçu pour solde tout compte, d'un bulletin de paie correspondant, d'une attestation Pôle emploi et d'un certificat de travail, le tout conforme à la décision à intervenir, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document, la Cour se réservant la possibilité de liquider l'astreinte.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le RPVA le 27 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, l'Unédic, délégation AGS CGEA d'[Localité 8] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes,

- débouter Mme [Y] de ses demandes, fins et prétentions contraires aux présentes ;

- constater que Mme [Y] ne justifie pas avoir travaillé durant la période de juillet et août 2019 ;

En conséquence :

- débouter Mme [Y] de sa demande de rappel de salaires sur cette période ;

- juger que Mme [Y] ne justifie pas remplir les critères lui permettant de bénéficier de la classification dont elle se prévaut ;

En conséquence :

- débouter Mme [Y] de sa demande de rappel de salaires conventionnel ;

- constater l'absence de démonstration de l'élément intentionnel constitutif du travail dissimulé ;

En conséquence :

- débouter Mme [Y] de sa demande d'indemnité forfaitaire de travail dissimulé :

- constater que Mme [Y] a été licencié au motif que son renouvellement d'autorisation de travailler sur le sol français lui a été refusée ;

- constater que la société SBR a notifié à Mme [Y] la rupture de son contrat de travail par courrier du 4 juillet 2019 ;

En conséquence :

- juger que la demande de reconnaissance d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse est prescrite ;

- juger irrecevable car nouvelle en cause d'appel la demande d'indemnité au titre de l'article L8252-2 2°,

En conséquence :

- débouter Mme [Y] de sa demande de reconnaissance d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et des demandes indemnitaires afférentes :

A titre subsidiaire,

- constater que Mme [Y] ne justifie pas des conditions permettant l'exercice d'une profession sans autorisation de travail ;

En conséquence :

- juger que Mme [Y] est dans une situation rendant impossible l'exécution d'un préavis ;

En conséquence :

- débouter Mme [Y] de sa demande de versement d'indemnité compensatrice de préavis :

- constater que Mme [Y] ne justifie pas de l'acquisition de 29 jours de congés payés :

En conséquence :

- débouter Mme [Y] de sa demande de versement d'une indemnité compensatrice de congés payés ;

- constater que Mme [Y] ne justifie pas de l'existence d'un préjudice tant sur son principe que sur son quantum ;

En conséquence :

- débouter Mme [Y] de sa demande de versement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- constater que, compte tenu de sa situation d'irrégularité administrative, la société SBR n'était pas tenu d'effectuer un entretien préalable ;

En conséquence :

- débouter Mme [Y] de sa demande de versement d'une indemnité pour licenciement irrégulier ;

En tout état de cause :

- mettre hors de cause l'AGS s'agissant des frais irrépétibles de la procédure ;

- juger que la demande qui tend à assortir les intérêts au taux légal ne saurait prospérer postérieurement à l'ouverture de la procédure collective en vertu des dispositions de l'article L 622-28 du code du commerce ;

- juger que le CGEA, en sa qualité de représentant de l'AGS, ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-6, L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-15, L 3253-19 à 21 et L 3253-17 du code du travail, selon les plafonds légaux.

Par dernières conclusions remises au greffes et notifiées par le RPVA le 3 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société Mars demande à la cour de :

- recevoir la SELARL Mars représentée par Maître [I] [R] es-qualité de mandataire ad'hoc de la société SBR en son intervention volontaire aux fins de régularisation de la procédure ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [Y] de sa demande de rappel de salaire pour les mois de juillet et août 2019, des congés payés y afférents, de l'indemnité pour travail dissimulé, de l'indemnité de préavis et congés payés y afférents, des dommages et intérêts pour rupture abusive et de l'indemnité pour licenciement irrégulier à titre subsidiaire ;

- confirmer le caractère causé du licenciement intervenu ;

- débouter Mme [Y] de ses demandes complémentaires.

MOTIFS

1. Sur l'intervention volontaire

La SELARL Mars, représentée par Maître [I] [R] es-qualité de mandataire ad'hoc de la société SBR, est recevable en son intervention volontaire aux fins de régularisation de la procédure.

2. Sur la date de rupture du contrat de travail

L'appelante conteste la régularité de la rupture de son contrat de travail, elle estime que son licenciement est sans motif et soutient qu'après s'être mariée avec son conjoint de nationalité française au mois de septembre 2019, et en déposant une demande de titre de séjour " vie privée-familiale " et alors qu'elle avait dans le même temps obtenu son récépissé de carte de séjour l'autorisant à travailler, elle pouvait donc reprendre son emploi.

Elle indique n'avoir été informée que le 10 janvier 2020, par le courrier adressé par son employeur, qu'elle avait en réalité déjà été licenciée.

Pour faire échec à l'argument tiré de la prescription invoqué par le mandataire judiciaire, Mme [K] [Y] invoque le dépôt de son dossier d'aide juridictionnelle.

Le mandataire ad'hoc de la société SBR demande à la cour d'infirmer le jugement rendu en ce qu'il a retenu la date du 10 janvier 2020 et invoque celle du 4 juillet 2019, comme valant date de fin de contrat de travail. Il ajoute que si la cour retenait la date du 4 juillet 2019, alors se posera la question de la prescription de l'action de Mme [Y] qui avait saisi le conseil de prud'hommes le 15 octobre 2020, au-delà du délai imposé par l'article 1471-1 du code du travail.

Les AGS soutiennent que la salariée avait été informée de la rupture de son contrat de travail par le courrier du 4 juillet 2019 et ce compte tenu de l'absence de renouvellement de son autorisation de travail.

Sur ce,

La cour rappelle que l'article L 8251-1 du code du travail, relatif aux interdictions concernant l'emploi de salariés étrangers non autorisés à travailler, interdit à tout employeur de conserver à son service un salarié non muni d'un titre de travail prévu à l'article L. 8251-1 du code du travail.

Un employeur ne peut conserver un salarié de nationalité étrangère qui n'a plus de titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. Le licenciement de ce salarié à l'expiration de son titre est fondé si l'intéressé n'a pas effectué de démarche pour le renouveler dans les deux mois précédant son expiration, cette omission le privant du délai de trois mois lui permettant de continuer à travailler en l'attente du renouvellement sollicité.

Le refus d'autorisation de travail survient dans deux cas pour un étranger qui vit en France, soit dans l'hypothèse d'un titre de séjour de la catégorie " vie privée et familiale " soit dans le cadre du titre de séjour étudiant. Mme [K] [Y] affirme, par ailleurs sans l'établir, dans ses conclusions que ses premières démarches en ce sens était faites avant son mariage dans le cadre d'une carte de séjour étudiant.

En l'espèce, le 4 mars 2019, la DIRECCTE a refusé de délivrer une autorisation de travail à Mme [K] [Y], dès lors la cour en déduit que la société SBR ne pouvait à compter de cette date conserver Mme [K] [Y] dans ses effectifs.

Le 4 juillet 2019, la société SBR a écrit à Mme [K] [Y] : " étant donné que votre récépissé est arrivé à expiration et (que) la préfecture n'a pas souhaité le renouveler. Nous sommes au regret de suspendre votre contrat de travail le temps de (la) procédure contre la décision de refus d'autorisation de travail établi par la Direccte ".

Le 26 décembre 2019, Mme [K] [Y] a adressé une lettre à la société SBR dont l'objet était " reprise de travail suite à délivrance de mon titre de séjour/licenciement et indiquait " et a exprimé son souhait de reprendre son travail, ne comprenant pas le silence de son employeur elle sollicitait la régularisation de sa situation en l'absence de licenciement en bonne et due forme.

Le 10 janvier 2020, la société SBR a écrit à Mme [K] [Y] : " objet : lettre explicative en réponse à la demande de réintégration. " nous sommes dans le regret du rejet de votre demande de réintégration car vous avez été limogé de votre travail suite à une demande de la préfecture et donc la décision de licenciement n'émanait pas de la société elle-même ".

En l'absence d'une procédure de licenciement, d'une démission claire et non équivoque ou d'une lettre de prise d'acte, la rupture du contrat de travail n'est pas intervenue régulièrement, étant précisé que la décision préfectorale ne peut s'analyser en procédure de rupture de la part de l'employeur. Il appartient à la cour de déterminer la date à laquelle il a été mis fin à la relation de travail de travail de Mme [K] [Y], qui en tout état de cause devra s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les pièces versées au débat démontrent qu'à compter du 4 juillet 2019, la relation de travail a cessé. La société qui prétend à sa suspension le temps d'un recours n'en justifie pas. C'est donc à cette date que la rupture doit être arrêtée.

Pour autant cette date du 4 juillet 2019 ne saurait être considérée comme permettant de constater la prescription de l'action de la salariée qui a saisi le conseil de prud'hommes le 15 octobre 2020, puisqu'il convient de se placer à la date à laquelle Mme [K] [Y] a eu connaissance de la procédure de licenciement pour apprécier ce moyen. Or, Mme [Y] n'a su qu'elle était licenciée que par le courrier daté du 10 janvier 2020 le lui annonçant.

Partant, son action n'est donc pas prescrite et il convient de rejeter le moyen tiré de la prescription invoqué par les intimés.

Il doit en être déduit, infirmant ainsi le jugement critiqué, que le contrat de travail de Mme [K] [Y] a été rompu 4 juillet 2019.

Cette rupture constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvrant droit aux indemnités légales et conventionnelles.

Sur les rappels de salaires

Il est établi par le courrier du 4 juillet 2019, qu'à compter de cette date, Mme [K] [Y] n'a plus exercé de prestation de travail et il lui appartient, si elle considère le contraire, de prouver que sur cette période elle a réalisé une prestation de travail ouvrant droit à rémunération.

Celle-ci ne peut dès lors affirmer qu'il appartiendrait à l'employeur de prouver l'extinction de son obligation sur cette période ou reprocher l'absence de fourniture d'un travail, ce dernier étant contraint par l'autorité administrative.

Or, si la preuve peut certes est apportée par tous moyens, la clé USB produite par l'appelante, si elle contient des devis et des factures signés, ne permet pas d'en déduire par la simple possession de cette clé et des documents qu'elle contient, que ces éléments puissent être le résultat du travail de Mme [K] [Y].

Par ailleurs, l'attestation de Mme [J] [Z], rédigée en des termes vagues, ne donne aucune précision sur les missions qui auraient été effectuées, sur cette période, à la demande de l'employeur

En considération de ce que le contrat de travail été rompu le 4 juillet 2020, Mme [K] [Y] ne peut prétendre à obtenir des salaires postérieurement à cette date et sera déboutée de ses demandes à ce titre.

Par ailleurs, Mme [K] [Y] doit être réglé de ses salaires uniquement sur la période du 1er au 4 juillet 2020. Ainsi le jugement critiqué sera confirmé de ce chef et le salaire sur cette période sera fixé à la somme brute de 400 euros, outre 40 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la question de la classification de l'emploi de Mme [Y] dans la convention collective, il convient de rappeler qu'en cas de différend sur la qualification professionnelle d'un salarié, il appartient au juge, qui n'est pas tenu par la qualification professionnelle figurant dans le contrat de travail, de trancher le différend en recherchant les fonctions que le salarié exerce réellement (soc. 30 juin 1988, no 86-40.818, Bulletin 1988, V, no 398).

La charge de la preuve pèse sur le salarié qui revendique une autre classification et il appartient au salarié d'établir que les fonctions qu'il exerce réellement correspondent à la classification revendiquée

Il est constant que le contrat de travail signé le 1er août 2018 ne mentionne aucun niveau de classification.

Or, la convention collective prévoit en ses articles 1.4.2 et 1.4.3 que le niveau I de la classification correspond à un coefficient de 150 et que le niveau II se voit quant à lui appliquer un coefficient de 185.

La classification de la convention collective comporte 4 niveaux d'emplois définis en fonction de l'activité, du niveau d'autonomie et d'initiative, de technicité et de formation/d'expériences.

Les ouvriers dits d'exécution exécutent des travaux simples avec un contrôle fréquent, ils ont une première spécialisation dans leur emploi et peuvent bénéficier d'une initiation professionnelle.

Les ouvriers professionnels (niveau II) disposent d'un certain niveau d'initiative.

La lecture de son curriculum vitae ou encore la motivation retenue par la Direccte le 4 mars 2019, dans le cadre strict de l'examen de l'autorisation de travail, ne permettent pas de prouver l'effectivité d'un travail relevant de la classification niveau II de la convention collective.

Il doit en être déduit que, par des motifs pertinents que la cour adopte, que la salariée échoue à démontrer qu'elle aurait exercé son activité dans un cadre lui permettant, dès son embauche, de bénéficier de la classification du niveau II et de prétendre ainsi à un salaire de 1 580 euros mensuels.

1. Sur les conséquences du licenciement

L'article R 5221-2 5° du code du travail dispose que sont dispensés de l'autorisation de travail, les titulaires de carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée-familiale ". Or, à l'époque contemporaine de l'exécution de son préavis, Mme [K] [Y] n'établit pas, par les pièces qu'elle verse aux débats, qu'elle pouvait exercer une activité professionnelle sans autorisation de travail.

Or, dans le cadre du licenciement d'un salarié en situation irrégulière, le salarié se trouve dès lors dans l'impossibilité d'exécuter son préavis.

Confirmant le jugement critiqué, la cour constate que l'employeur n'était donc pas tenu au paiement du préavis à Mme [K] [Y].

Concernant l'indemnité légale de licenciement, Mme [K] [Y], qui avait été engagée le 1er août 2018 et dont le contrat de travail a été rompu le 4 juillet 2019, avait donc une ancienneté dans l'entreprise de 11 mois. Elle peut donc prétendre à une indemnité proche de celle qu'elle aurait perçu avec une ancienneté d'une année, soit la somme de 575 euros (2300 euros/4), justement calculée par les premiers juges.

Quant à l'indemnité de congés payés, Mme [K] [Y] ne peut prétendre avoir acquis des jours de congés payés supplémentaires sur la période correspondant au mois d'août 2019 puisqu'à cette date son contrat était rompu. Elle a par contre droit au paiement de son reliquat de congés payés mentionné sur sa fiche de paie de mai 2019, soit la somme de 2 530 euros.

Il est rappelé que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal de la date de réception par la société SBR de la convocation à comparaître à la première audience du conseil de prud'hommes de Versailles, soit le 21 octobre 2020 et jusqu'au 25 mars 2021, date à laquelle la société SBR a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Versailles, date qui arrête définitivement, conformément aux dispositions des articles L 622-28 et L 641-3 du Code de commerce, le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement.

2. Sur l'indemnité au titre du travail dissimulé

Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à ses obligations en n'accomplissant pas la déclaration préalable à l'embauche, en mentionnant sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ou en se soustrayant intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales auprès des organismes sociaux et fiscaux (article L. 8221-5 du code du travail).

La caractérisation de l'infraction de travail dissimulé est subordonnée à la démonstration, d'une part, d'un élément matériel constitué par le défaut d'accomplissement d'une formalité (déclaration d'embauche, remise d'un bulletin de paie, etc.) et d'autre part, d'un élément intentionnel constitué par la volonté de se soustraire à cette formalité. Le salarié auquel un employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 et dont le contrat est rompu a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire (article L. 8223-1 du code du travail).

Il appartient au salarié de rapporter la preuve des éléments constitutifs de l'infraction de travail dissimulé.

En l'espèce, la situation administrative sur le territoire français de Mme [K] [Y] et l'impossibilité pour elle de pouvoir travailler en toute légalité depuis le 4 mars 2019, ne permettent pas d'en déduire que l'employeur ait pu par quelque moyen que ce soit organiser le travail de sa salariée sur la période où l'autorisation de travail sur le territoire lui avait été refusée.

En conséquence la demande sera rejetée et le jugement critiqué sera donc également confirmé sur ce point.

3. Sur la remise des documents sociaux et la garantie des AGS

L'article L 3243-2 du code du travail dispose que l'employeur remet lors du paiement du salaire le bulletin de salaire.

L'article L.1234-19 du même code précise que l'employeur, à l'expiration du contrat de travail, délivre au salarié un certificat de travail.

Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'assortir cette mesure d'une astreinte, il convient d'ordonner au liquidateur la société SBR de remettre à Mme [K] [Y] la délivrance des bulletins de paie des mois de juillet 2019 et août 2019, d'un reçu pour solde tout compte, d'un bulletin de paie correspondant, d'une attestation Pôle emploi et d'un certificat de travail.

Le CGEA, en sa qualité de représentant de l'AGS, ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-6, L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-15, L 3253-19 à 21 et L 3253-17 du code du travail, selon les plafonds légaux.

4. Sur les dépens

Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens de première instance et y ajoutant de dire que les dépens en cause d'appel seront à la charge de la liquidation de la société SBR. Il y a lieu enfin d'ordonner l'emploi de ces dépens en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la société SBR.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et en dernier ressort, par arrêt contradictoire,

Constate l'intervention volontaire de M. [I] [R] es-qualité de mandataire ad'hoc de la société SBR,

Infirme partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Versailles du 14 décembre 2021 ;

Et statuant à nouveau,

Dit que le contrat de travail a été rompu le 4 juillet 2019 ;

Confirme le jugement entrepris pour le surplus ;

Y compris en ses dispositions relatives aux dépens de première instance,

Et y ajoutant,

Dit que les dépens en cause d'appel seront à la charge de la liquidation de la société SBR.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-3
Numéro d'arrêt : 22/00172
Date de la décision : 01/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-01;22.00172 ?
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