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01/07/2024 | FRANCE | N°20/06550

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ch civ. 1-4 construction, 01 juillet 2024, 20/06550


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 56C



Ch civ. 1-4 construction



ARRET N°



RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE



DU 01 JUILLET 2024



N° RG 20/06550 - N° Portalis DBV3-V-B7E-UHJF



AFFAIRE :



S.A. LEROY MERLIN FRANCE



C/



[D] [U] épouse [O]

et autres





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Octobre 2020 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :



N° RG : 18/03699



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Jean GRESY,



Me Emmanuel DESPORTES,



Me Karine LE GO, avocat au barreau de VERSAILLES



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 56C

Ch civ. 1-4 construction

ARRET N°

RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

DU 01 JUILLET 2024

N° RG 20/06550 - N° Portalis DBV3-V-B7E-UHJF

AFFAIRE :

S.A. LEROY MERLIN FRANCE

C/

[D] [U] épouse [O]

et autres

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Octobre 2020 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 18/03699

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Jean GRESY,

Me Emmanuel DESPORTES,

Me Karine LE GO, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE UN JUILLET DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A. LEROY MERLIN FRANCE

[Adresse 8]

[Localité 3]

Représentant : Me Jean GRESY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 93 et Me Philippe SIMONEAU de la SELARL ADEKWA, Plaidant, avocat au barreau de LILLE, vestiaire : 0235

APPELANTE

****************

Madame [D] [U] épouse [O]

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représentant : Me Emmanuel DESPORTES de la SCP BROCHARD & DESPORTES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 243

Monsieur [C] [O]

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représentant : Me Emmanuel DESPORTES de la SCP BROCHARD & DESPORTES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 243

S.A.R.L. JMC

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentant : Me Karine LE GO, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 198

INTIMÉS

S.E.L.A.R.L. JSA, prise en la personne de Me [S] [Z], en qualité de mandataire liquidateur de la société JMC UNIPERSONNELLE

[Adresse 1]

[Localité 5]

Défaillante

PARTIE INTERVENANTE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Mai 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et Madame Séverine ROMI, Conseillère chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne TROUILLER, Présidente,

Madame Séverine ROMI, Conseillère,

Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseillère,

Greffière, lors des débats : Madame Jeannette BELROSE,

FAITS ET PROCÉDURE

M. [C] [O] et Mme [D] [U] épouse [O] sont propriétaires d'un pavillon situé au [Adresse 2] à [Localité 9] (78).

 

En avril 2011, ils ont passé commande auprès du magasin Leroy Merlin de [Localité 7] (78) de divers travaux de menuiseries, cuisine, cheminée, sols, ravalement, électricité, plomberie, salle de bains, terrasse et toiture pour un montant total de 150 000 euros TTC.

 

Sont notamment intervenus :

- la société Lambert pour le lot électricité, 

- la société PCE pour le lot évacuation extérieure,

- la société Pro pose pour le lot ravalement façade et menuiserie, 

- la société CEL pour la cheminée, 

- la société Renov service pour le SAV cuisine et salle de bains, 

- M. [Y] [V] [H] pour la pose du lot cuisine et salle de bains, 

- la société JMC pour les lots couverture, carrelage, terrasse, parquet et peinture extérieure. 

 

Les travaux ont débuté en juillet 2011 et ont été réceptionnés lot par lot sans réserve. La réception de la toiture a été signée sans réserves le 17 novembre 2011.

 

Se plaignant de nombreuses malfaçons pour lesquelles aucun accord n'est intervenu, ils ont saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 3 mai 2016, a ordonné une mesure d'expertise et désigné M. [K] pour y procéder.

 

L'expert a établi son rapport le 3 novembre 2017.

Il énonce en substance que « M. et Mme [O] n'ont pas contracté d'assurance dommage ouvrage ni engagé de maître d''uvre, entraînant l'absence de conception et de surveillance des travaux. (') La société Leroy Merlin, bien qu'offrant des services de fourniture et pose, est tenue à un devoir de conseil mais n'assure pas les qualifications en maîtrise d''uvre. Suite à des malfaçons observées dans leurs prestations, la responsabilité de la société Leroy Merlin est engagée. (') La responsabilité de la société JMC est engagée pour les désordres concernant la toiture. (...) M. [H] et la société JMC sont prêts à intervenir pour rectifier certains défauts, notamment dans la cuisine et la toiture. La société Pro pose doit également reprendre les travaux de menuiserie inachevés ».

Par acte d'huissier délivré le 29 mai 2018 à personne habilitée, les époux [O] ont fait assigner la société Leroy Merlin France (ci-après « société Leroy Merlin ») en responsabilité devant le tribunal judiciaire de Versailles.

 

La société Leroy Merlin a fait assigner en intervention forcée la société Pro pose, M. [V] [H], la société JMC et la société MAAF assureur de la société JMC.

 

Par un jugement contradictoire du 22 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Versailles a notamment :

- déclaré la société Leroy Merlin responsable des désordres affectant la toiture sur le fondement de l'article 1792 du code civil,

- dit que dans leurs rapports réciproques, la responsabilité de la société Leroy Merlin et de la société JMC se partagera à proportion de 50 %,

- condamné la société Leroy Merlin à payer à M. et Mme [O] de la somme de 46 255, 36 euros HT augmentée de la TVA au taux en vigueur à la date du paiement et de 10 % au titre de la maîtrise d''uvre,

- condamné la société JMC à garantir la société Leroy Merlin des conséquences de cette condamnation à proportion de 50 %,

- rejeté la demande de la société JMC contre la société MAAF,

- déclaré la société Leroy Merlin responsable des désordres affectant les menuiseries sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun,

- condamné la société Leroy Merlin à payer à M. et Mme [O] la somme de 7 452 euros augmentés de la TVA au taux en vigueur à la date du paiement à ce titre,

- condamné la société Pro pose à la garantir des conséquences de cette condamnation,

- déclaré la société Leroy Merlin responsable sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun des désordres affectant le lot cuisine/salle de bains,

- condamné la société Leroy Merlin à payer à M. et Mme [O] la somme de 1 560 euros augmentés de la TVA au taux en vigueur à la date du paiement à ce titre et de 10 % au titre de la maîtrise d''uvre,

- condamné M. [V] [H] à garantir la société Leroy Merlin des conséquences de cette condamnation,

- condamné la société Leroy Merlin à payer à M. et Mme [O] la somme de 10 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance,

- condamné la société JMC, la société Pro pose et M. [V] [H] à la garantir des conséquences de cette condamnation à proportion respective de 60 %, 20 % et 20 %,

- rejeté la demande au titre du carrelage, de la maçonnerie extérieure et des peintures et constaté que les appels en garantie de la société Leroy Merlin contre la société JMC et la société MAAF ainsi que contre la société Pro pose de même que celui de la société JMC contre la société MAAF sont sans objet,

- condamné la société Leroy Merlin à payer à M. et Mme [O] la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté son appel en garantie et sa demande à ce titre,

- rejeté les demandes des autres parties,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- condamné la société Leroy Merlin aux dépens et autorisé Me Desportes, membre de la société Brochard & Desportes à recouvrer les dépens dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.

Le tribunal a tout d'abord rappelé les principes applicables : les époux [O] et la société Leroy Merlin étant contractuellement liés, la responsabilité de celle-ci sur le fondement de l'article 1792 est engagée de plein droit ainsi que sa responsabilité contractuelle pour les désordres intermédiaires. En outre, même si la société Leroy Merlin n'a pas procédé aux travaux, en les sous-traitant à différentes sociétés, elle a une obligation de résultat à l'égard des maîtres d'ouvrage ainsi qu'une obligation de conseil et de surveillance de ses sous-traitants. Enfin, la société Leroy Merlin peut appeler en garantie ses sous-traitants qui ont une obligation de résultat à son égard.

Le tribunal n'a pas retenu les demandes concernant les désordres de carrelage estimant qu'ils ne rendaient pas l'ouvrage impropre à sa destination.

Le tribunal a néanmoins retenu que la couverture présentait un problème d'étanchéité qui était apparu après la réception, rendant l'ouvrage impropre à sa destination et relevant de la responsabilité décennale de la société Leroy Merlin.

Il a retenu qu'il était manifeste que la société Leroy Merlin s'était comportée en maître d''uvre. Toutefois, la société JMC, spécialiste des travaux de couverture aurait dû s'assurer de la fiabilité des travaux, de telle sorte que sa responsabilité était engagée à l'égard de la société Leroy Merlin.

Le tribunal a enfin retenu que dans leurs rapports réciproques, leurs responsabilités se partageaient par moitié et que le montant pour le coût de reprise afin de procéder au remplacement total des tuiles s'élevait à 46 255,36 euros.

Le tribunal a rejeté les demandes au titre des désordres affectant la terrasse et l'escalier extérieur et ceux affectant les peintures en l'absence de faute imputable à la société Leroy Merlin. Concernant les désordres affectant les fenêtres, volets, portes et persiennes, le tribunal a retenu que la responsabilité contractuelle de la société Leroy Merlin pouvait être retenue dès lors qu'il s'agissait de malfaçons et que cette dernière n'avait manifestement pas rempli son obligation de résultat quant à la qualité des prestations auxquelles elle s'était engagée. Le tribunal a également retenu la responsabilité de la société Pro pose dans ce désordre.

Concernant les désordres affectant la salle de bain et la cuisine, le tribunal a retenu que ces malfaçons étaient imputables à M. [V] [H] et relevaient de sa responsabilité contractuelle envers la société Leroy Merlin.

Le tribunal a également retenu que les époux [O] avaient subi un préjudice de jouissance dû aux difficultés afférentes aux menuiseries et à l'évacuation de la douche ainsi qu'un préjudice esthétique pour le toit et les travaux de reprise.

Par déclaration du 28 décembre 2020, la société Leroy Merlin France a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 5 octobre 2021, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable l'appel formé par la société Leroy Merlin à l'encontre des époux [O], constaté que l'instance se poursuivait entre la société Leroy Merlin et la société JMC et condamné l'appelante aux frais irrépétibles et aux dépens de l'incident.

Aux termes de ses conclusions n°3, remises au greffe le 28 mars 2023, la société Leroy Merlin demande à la cour :

- de déclarer recevable la mise en cause de la Selarl JSA, prise en la personne de Me [S] [Z], ès qualités de mandataire liquidateur de la société JMC,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que dans leurs rapports réciproques, sa responsabilité et celle de la société JMC se partagerait à proportion de 50 %, en ce qu'il a condamné la société JMC à la garantir des conséquences de cette condamnation à proportion de 50 %, l'a condamnée seule à payer à M. et Mme [O] la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, a rejeté son appel en garantie et sa demande à ce titre, l'a condamnée seule aux dépens et a autorisé Me Desportes à les recouvrer dans les conditions prévues par l'article 699 du code procédure civil,

- de déclarer la société JMC irrecevable en son appel incident concernant le partage de responsabilité auquel elle a été condamnée au titre du préjudice de jouissance et de la débouter en toute hypothèse de son appel incident,

- par conséquent, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société JMC à la garantir à hauteur de sa quote-part de responsabilité de 60 % au titre du préjudice de jouissance in solidum avec la société Pro pose et M. [H],

- débouter la société JMC de l'ensemble de ses demandes,

- déclarer qu'elle n'a assumé, ni en droit, ni en fait, une quelconque mission de maîtrise d''uvre,

- déclarer qu'aucune faute ne peut lui être reprochée,

- déclarer que la société JMC a engagé sa responsabilité à son égard,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société JMC sa créance égale à 100 % des condamnations qui pourraient être mises à sa charge tant en principal qu'en frais et accessoires, en ce compris les frais d'expertise judiciaire et les frais résultant des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclarer qu'elle est titulaire d'une créance chirographaire de 103 529,50 euros à l'encontre de la société JMC,

- déclarer que sa créance est opposable à la liquidation judiciaire de la société JMC,

- admettre, en conséquence, sa créance chirographaire au passif de la liquidation judiciaire de la société JMC à hauteur de la somme totale de 103 529,50 euros,

- en toute hypothèse, débouter la société JMC de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société JMC à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- condamner la société JMC aux entiers frais et dépens.

 

Aux termes de ses premières conclusions, remises au greffe le 18 juin 2021, la société JMC demandait à la cour de :

- la déclarer recevable en son appel incident,

- réformer le jugement entrepris,

- à titre principal, la mettre hors de cause tant au titre du préjudice matériel des époux [O] qu'au titre de leur préjudice de jouissance et de l'article 700 du code de procédure civile,

- à titre subsidiaire, laisser à la charge de la société Leroy Merlin une part prépondérante de responsabilité et en tirer conséquence sur les condamnations prononcées,

- à titre très subsidiaire, confirmer le jugement entrepris et limiter la condamnation à la garantir à hauteur de 50 % des conséquences des condamnations prononcées à l'encontre de la société Leroy Merlin,

- la mettre hors de cause au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Leroy Merlin au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel, ainsi qu'aux frais et dépens.

Néanmoins, par jugement du 26 juillet 2022, le tribunal de commerce de Versailles a prononcé la liquidation judiciaire de la société JMC et désigné la Selarl JSA, prise en la personne de Me [S] [Z], en qualité de mandataire liquidateur de la société JMC.

La société Leroy Merlin a déclaré sa créance au passif de la société JMC, arrêtée à la somme de 103 529,50 euros, par courrier recommandé du 4 octobre 2022.

Régulièrement assignée en intervention forcée par acte d'huissier remis à personne habilitée le 23 décembre 2022, la Selarl JSA, prise en la personne de Me [S] [Z], en qualité de mandataire liquidateur, n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel, les conclusions d'intimée, les conclusions d'appelant n°2 et l'ordonnance du conseiller de la mise en état lui ont été signifiées par le même acte.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions, il est renvoyé aux écritures des parties conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 avril 2023 et l'affaire a été initialement fixée à l'audience de plaidoirie du 19 juin 2023 puis a été renvoyée à l'audience du 13 mai 2024 en raison de l'indisponibilité du président. Elle a été mise en délibéré au 1er juillet 2024.

La cour ayant constaté à l'audience que les conclusions d'appelante n°3 n'avaient pas été signifiées à l'intervenant forcé, l'appelante a été autorisée à produire une note en délibéré sur ce point. Le conseil de la société Leroy Merlin n'a adressé aucune note dans le délai imparti.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre préliminaire, la cour constate que le jugement n'est contesté qu'en ce qu'il a condamné la société JMC à ne garantir la société Leroy Merlin qu'à hauteur de 50 % au titre des désordres relatifs à la couverture et en ce qu'il a condamné cette dernière à supporter seule les frais irrépétibles et les dépens. Les quantums retenus par le tribunal sont par conséquent définitifs.

La cour constate également que l'appelante n'a pas produit la pièce n°11 annoncée comme étant le rapport d'expertise de M. [K].

Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

En application de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur la signification des conclusions d'appelante n°3

La cour constate que l'appelante n'est pas en mesure de justifier de la signification de ses conclusions n°3 à l'intervenant forcé qui n'a reçu que les conclusions n°2.

Néanmoins, au regard de l'assignation en intervention forcée, les conclusions n°3 ne contiennent pas de demandes spécifiquement dirigées à l'encontre de l'intervenant forcé. Aucune irrecevabilité n'est pas conséquent encourue.

Sur la qualité de maître d''uvre de la société Leroy Merlin

Concernant les travaux de couverture, le tribunal a retenu que la société Leroy Merlin, « qui n'a pas pris la peine de faire appel à un maître d''uvre qualifié, s'était comportée en maître d''uvre quand bien même, s'agissant d'une grande surface de bricolage, elle n'en avait manifestement pas les compétences, comme l'avait relevé l'expert qui a également relevé qu'aucune étude d'ensemble de la charpente n'avait été réalisée ».

L'appelante fait valoir que l'expert a confirmé qu'elle n'avait assumé aucune mission de maîtrise d''uvre, que seuls les époux [O] sont fautifs de ne pas avoir eu recours à un maître d''uvre, que la société JVC a assumé la conception et la réalisation de son chantier et que la motivation du tribunal n'a aucun sens.

Il ressort des pièces du dossier que le contrat de sous-traitance signé le 14 mai 2010 a confié l'étude d'ensemble de la toiture à la société JMC, que rien ne permet d'établir que la société Leroy Merlin, qui est intervenue en tant qu'entreprise principale non spécialisée, aurait assumé dans les faits une mission de maîtrise d''uvre qui implique des compétences spéciales ni même qu'elle se serait obligée à un suivi de chantier. Il apparaît également qu'elle a établi un détail de prestation de pose sur la base du relevé technique préalablement réalisé par le sous-traitant qui a défini les préconisations de pose ainsi que la liste du matériel nécessaire au chantier. La société Leroy Merlin a vendu le matériel mis en 'uvre.

Enfin, les dispositions contractuelles du contrat Leroy Merlin accepté le 8 juillet 2011 par Mme [O] ne contiennent aucune mission de maîtrise d''uvre et l'expert a retenu dans sa synthèse que les maîtres d'ouvrage n'avaient pas sollicité l'assistance d'un maître d''uvre pour la réalisation de leurs travaux.

Au final, il apparaît que la société Leroy Merlin est intervenue en qualité d'entreprise principale et non en qualité de maître d''uvre.

Le jugement est partiellement infirmé sur ce point.

Sur l'existence d'une faute à l'encontre de la société Leroy Merlin et sa contribution à la dette

Le tribunal a relevé qu'il résultait des explications de l'expert que les problèmes affectant la toiture étaient dus à un problème de conception mais également au choix de certains matériaux. Il a estimé que même si la responsabilité de la société Leroy Merlin était prépondérante, la société JMC, spécialise de travaux de couverture, aurait dû s'assurer de la fiabilité de ses travaux. Au vu de l'expertise et des photos du rapport, il a estimé que la société JMC avait engagé sa responsabilité à l'égard de la société Leroy Merlin et retenu à 50 % la part de chacune.

L'appelante s'oppose à ce pourcentage et fait valoir que la société JMC s'est engagée vis-à-vis d'elle à réaliser un ouvrage conforme en parfaite connaissance des obligations résultant du chantier et que son contrat de sous-traitance prévoyait une obligation de résultat, de conseil et d'information envers elle, d'autant plus qu'elle n'est pas spécialisée dans la couverture. Elle souligne qu'il incombe au sous-traitant de critiquer une conception manifestement erronée et les solutions qui lui sont imposées.

Elle soutient que le tribunal ne pouvait donc prononcer une condamnation in solidum entre son sous-traitant et elle.

Elle ajoute que l'expert a conclu que la responsabilité de la société JMC était engagée pour les désordres concernant la toiture et qu'il a constaté des défauts de conception de type contre-pentes et des eaux pluviales non canalisées, notamment dans les parties noues entre le fronton d'entrée et la couverture.

Elle estime que la société JMC a réceptionné l'existant et a assuré la maîtrise d''uvre de conception et d'exécution des lots.

Réponse de la cour :

Dans leurs relations entre eux, les responsables ne peuvent exercer de recours qu'à proportion de leurs fautes respectives, en l'espèce sur le fondement de l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil.

Le sous-traitant est tenu contractuellement à l'égard de l'entrepreneur d'exécuter des travaux exempts de tout vice, conformes à leurs engagements contractuels, aux réglementations en vigueur et aux règles de l'art. Il a donc une obligation de résultat.

Il est également tenu à une obligation d'information et de conseil à l'égard de l'entrepreneur principal dès lors qu'il a une compétence supérieure à ce dernier dans son domaine d'intervention.

Néanmoins, lorsque l'entrepreneur principal exerce son action en responsabilité à l'encontre de son sous-traitant, pour manquement aux obligations d'exécuter un ouvrage exempt de vices, d'information et de conseil, son recours ne pourra pas nécessairement être total en cas de faute de surveillance, de coordination ou d'assistance dans la réalisation de l'opération immobilière.

Tel est le cas lorsque l'entrepreneur principal s'est immiscé dans l'exécution des travaux confiés au sous-traitant en lui imposant le choix d'un matériau, qui s'est avéré inadapté.

En l'espèce, les dispositions contractuelles du contrat de sous-traitance fixent une obligation de résultat et une obligation de conseil et d'information envers la société Leroy Merlin.

Il ressort également des pièces produites que le détail de la prestation de pose a été établi le 6 juillet 2011 par la société Leroy Merlin sur la base du relevé technique de la société JMC et de ses préconisations en termes de pose et de matériaux nécessaires, selon devis du 27 juin 2011 intitulé « Descriptif des travaux ». La seule prestation de couverture (comprenant : implantation, démolition, couverture, zinc) a été facturée le 3 novembre 2011 par la société JMC au prix HT de 19 268,95 euros.

Si l'appelante n'a pas jugé utile de produire à hauteur d'appel le rapport d'expertise, n'en citant que quelques passages et ne produisant que la note aux parties n°1 en amont de l'expertise, il ressort de celle-ci que l'expert a constaté que les éléments de scellement des tuiles faîtières se désolidarisaient de leurs supports, outre des traces grisâtres sous débord de toits et des traces d'humidité sur le plafond de la mezzanine.

Il ressort également du jugement que l'expert a relevé qu'aucune étude globale de la charpente n'avait été effectuée, que des ajustements avaient été partiellement réalisés notamment côté Nord (page 41 du rapport) et que dans sa synthèse, l'expert a retenu qu'en l'absence de maître d''uvre ou d'une assistance à maîtrise d'ouvrage, la conception des travaux avait été inexistante, de même que la direction et la surveillance des travaux, le planning, les compte-rendus de chantier et la coordination entre les différents corps d'état.

L'expert souligne qu' « une société de type « grande surface de bricolage » comme l'enseigne Leroy Merlin propose des prestations de fourniture et pose sans avoir spécifiquement les qualifications d'assistance au maître d'ouvrage. Elle a au minima un devoir de conseil pour proposer et/ou orienter ses clients vers un professionnel qualifié dans la maîtrise d''uvre.(') Suite aux désordres, malfaçons et non-façons observés concernant ses prestations, la responsabilité de la société Leroy Merlin est engagée.(') La responsabilité de la société JMC est engagée pour les désordres concernant la toiture. »

Les désordres concernant la prestation de couverture ont bien été constatés et décrits par l'expert.

Dans ces conditions, la responsabilité décennale de la société Leroy Merlin a été retenue à juste titre par le tribunal qui a confirmé les conclusions de l'expert.

Les désordres constatés établissent un manquement à l'obligation de résultat dont la société JMC est tenue à l'égard de son entreprise principale, les travaux n'ayant pas été exécutés  dans les règles de l'art.

Il ne peut cependant être reproché à la société Leroy Merlin de ne pas avoir fait appel à un maître d''uvre puisque ce choix incombe nécessairement aux seuls maîtres d'ouvrage. Néanmoins, en sa qualité de professionnelle du bricolage, elle avait bien une obligation de conseil et également une obligation de surveillance de ses sous-traitants, ce dont elle ne justifie pas.

Le partage des responsabilités des deux constructeurs est par conséquent rectifié à hauteur de 30 % pour la société Leroy Merlin et 70 % à la charge de la société JMC.

Le jugement est partiellement infirmé en ce sens.

Sur la demande de fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société JMC d'une créance de 103 529,50 euros

Au vu de l'issue du litige, la créance de la société Leroy Merlin au passif de la liquidation judiciaire de la société JMC doit être diminuée dans les proportions suivantes :

- 70 % de la somme de 46 255,36 euros HT augmentée de la TVA au taux en vigueur à la date du paiement (et non plus 50 %)

- 60 % de la somme de 10 000 euros au titre du préjudice de jouissance 

- 8 000 euros au titre des frais irrépétibles à la charge exclusive de la société Leroy Merlin

- 138,32 + 8 517,67 au titre des dépens à la charge exclusive de la société Leroy Merlin.

Au vu de ce qui précède, la créance de la société Leroy Merlin doit être fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société JMC à la somme de 45 178,28 euros (32 378,75 (principal HT) + 3 237,87 (TVA) + 3 561,66 (MOE) + 6 000 (préjudice de jouissance définitivement fixé).

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile, le tribunal ayant, pour des raisons d'équité, rejeté les demandes d'appel en garantie de la société Leroy Merlin et ses demandes à l'encontre des autres parties.

L'appelante, qui succombe, supportera la charge de ses frais irrépétibles et des dépens d'appel

 

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt réputé contradictoire rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

Déclare recevable la mise en cause de la Selarl JSA, prise en la personne de Me [S] [Z], en qualité de mandataire liquidateur de la société JMC ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a dit que dans leurs rapports réciproques, la responsabilité de la société Leroy Merlin France et de la société JMC se partagera à proportion de 50 % et en ce qu'il a condamné la société JMC à garantir la société Leroy Merlin France des conséquences de la condamnation au paiement de la somme de 46 255, 36 euros HT augmentée de la TVA au taux en vigueur à la date du paiement et de 10 % au titre de la maîtrise d''uvre, à proportion de 50 % ;

Statuant de nouveau dans cette limite,

Dit que la société Leroy Merlin France n'a pas assumé de mission de maîtrise d''uvre ;

Dit que dans leurs rapports réciproques, la responsabilité de la société Leroy Merlin France et de la société JMC se partagera à proportion de 30 % pour la première et 70 % pour la seconde ;

Fixe la créance de la société Leroy Merlin France au passif de la liquidation judiciaire de la société JMC à la somme totale de 45 178,28 euros ;

Y ajoutant,

Déboute la société Leroy Merlin France de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la société Leroy Merlin France aux entiers dépens.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et par Madame Jeannette BELROSE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ch civ. 1-4 construction
Numéro d'arrêt : 20/06550
Date de la décision : 01/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-01;20.06550 ?
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