COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 27 JUIN 2024
N° RG 23/01234
N° Portalis DBV3-V-B7H-V3BH
AFFAIRE :
[E] [B]
C/
Société FINANCIERE LR venant au droit de la Société EUROSYS TELECOM
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 juillet 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
N° Section : I
N° RG : F 17/03695
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Ghislain DADI
Me Isabelle PORTET
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [E] [B]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Ghislain DADI de la SELAS DADI AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0257
APPELANTE
****************
Société FINANCIERE LR venant au droit de la Société EUROSYS TELECOM
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Isabelle PORTET, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 484
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Juin 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Présidente,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseillère,
Madame Isabelle CHABAL, Conseillère,
Greffier lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN,
Greffier lors de la mise à disposition : Madame Dorothée MARCINEK
Rappel des faits constants
La SARL Eurosys Telecom, dont le siège social est situé à [Localité 5] dans les Hauts-de-Seine, avait pour activité les télécommunications filaires. Elle a fait l'objet d'une liquidation judiciaire en cours de procédure d'appel.
Mme [E] [B], née le 18 septembre 1989, a été engagée par cette société, selon contrat de travail à durée indéterminée du 19 avril 2013 à effet au 29 avril 2013, en qualité d'assistante administrative, moyennant une rémunération initiale brute de 1 800 euros.
Après un entretien préalable qui s'est tenu le 9 mai 2016, auquel Mme [B] ne s'est pas présentée, la salariée s'est vu notifier son licenciement pour faute grave, par lettre datée du 12 mai 2016, dans les termes suivants :
« Mme [B],
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 27 avril 2016, nous vous avons adressé une convocation à un entretien préalable en vue d'une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'à votre licenciement, fixé au 9 mai 2016.
Vous ne vous êtes pas présentée à cet entretien, vous privant ainsi de la possibilité qui vous était offerte de vous expliquer sur les faits qui vous sont reprochés.
Après examen de votre dossier, nous vous informons que nous avons pris la décision de vous licencier pour faute grave compte tenu de votre comportement.
Le motif qui nous conduit à cette décision est le suivant :
absences Injustifiées et non autorisées, abandon de poste.
En effet, depuis le 1er avril 2016 vous ne vous êtes plus présentée à votre poste de travail. Or, nous n'avons actuellement aucune nouvelle de votre part et justification de votre absence.
Nous vous avons envoyé un premier courrier recommandé en date du 13 avril 2016 vous demandant de justifier votre absence. Sans nouvelles de votre part, nous vous avons envoyé une seconde mise en demeure datée du 21 avril courant à laquelle vous n'avez pas souhaité répondre.
A ce titre, nous tenons à vous rappeler que l'article 6 de votre contrat de travail en date du 29 avril 2013 stipule que « la maladie ou l'accident n'entraîne pas la rupture du présent contrat pendant les trois premiers mois, sous réserve que Mme [E] [B] respecte son obligation de loyauté auprès de son employeur, à savoir l'envoi de son justificatif dans un délai de 48 heures de la suspension du présent contrat de travail. ».
De même, la charte de déontologie de la société Eurosys Telecom qui est annexée au Règlement intérieur et que vous avez signée, prévoit qu'un salarié absent doit justifier son absence sous 48 heures afin de respecter son obligation de loyauté envers son employeur. »
Mme [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre en contestation de son licenciement par requête reçue au greffe le 11 octobre 2017.
La décision contestée
Devant le conseil de prud'hommes, Mme [B] a présenté les demandes suivantes :
- fixer son salaire brut à 2 000 euros,
- dire son licenciement nul,
- condamner la défenderesse à lui payer les sommes suivantes :
. 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,
. 4 000 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 400 euros au titre des congés payés afférents,
. 1 200 euros à titre d'indemnité de licenciement,
. 1 507,92 euros à titre d'indemnité complémentaire pour maintien de salaire,
. 2 000 euros au titre du préjudice subi pour non-versement de l'indemnité complémentaire pour maintien de salaire,
. 3 000 euros à titre de rappel de salaire pour les mois d'avril et mai 2016,
. 300 euros au titre des congés payés afférents,
. 10 000 euros à titre d'indemnité pour méconnaissance de l'obligation de sécurité,
- condamner la défenderesse à lui régler la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir en vertu de l'article 515 du code de procédure civile.
La société Eurosys Telecom a quant à elle conclu au débouté de la salariée et a sollicité la condamnation de celle-ci à lui verser les sommes de 1 000 euros pour procédure abusive et 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'audience de jugement a eu lieu le 14 mars 2018.
Par jugement contradictoire rendu le 18 juillet 2018, la section industrie du conseil de prud'hommes de Nanterre a :
- fixé le salaire brut de Mme [B] à 2 000 euros,
- donné acte à la société Eurosys Telecom du versement lors de l'audience d'un chèque de 178,12 euros à titre d'indemnité complémentaire pour maintien de salaire,
- dit le licenciement de Mme [B] [E] nul, et à ce titre,
- condamné la société Eurosys Telecom à payer à Mme [B] les sommes suivantes :
. 4 000 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 1 200 euros à titre d'indemnité de licenciement,
. 137,54 euros à titre d'indemnité complémentaire pour maintien de salaire,
. 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit qu'il y a lieu à exécution provisoire de droit dans le cadre des dispositions légales telles que reprises aux articles R. 1454-14 et R. 1454-28 du code du travail,
- débouté Mme [B] du surplus de ses demandes,
- débouté la société Eurosys Telecom de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- condamné la société Eurosys Telecom aux entiers dépens.
La procédure d'appel
Mme [B] a interjeté appel du jugement par déclaration du 2 août 2018 enregistrée sous le numéro de procédure 18/03580.
En cours de procédure d'appel, dans le cadre de la procédure collective dont elle a fait l'objet, la société Eurosys Telecom a été cédée à la société Financière LR.
Par ordonnance en date du 5 avril 2023, la cour d'appel de Versailles a radié l'affaire et dit qu'elle ne sera rétablie que sur justification de l'accomplissement des diligences dont le défaut a entraîné la radiation, à moins que la péremption ne soit acquise, à savoir la justification des écritures régularisées à l'égard de Financière LR.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 16 mai 2023, Mme [B], après avoir produit de nouvelles conclusions dirigées contre la société Financière LR, a demandé la réinscription de l'affaire au rôle. L'affaire a été réinscrite et enregistrée sous le numéro RG 23/01234.
Par ordonnance rendue le 8 novembre 2023, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries le 7 décembre 2023, dans le cadre d'une audience rapporteur.
L'affaire a été renvoyée à l'audience du 13 juin 2024.
Prétentions de Mme [B], appelante
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 16 mai 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [B] demande à la cour d'appel de :
- fixer son salaire brut à 2 000 euros,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
. dit le licenciement nul,
. condamné la société à lui verser la somme de 4 000 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et celle de 400 euros au titre des congés payés afférents,
. condamné la société à lui verser la somme de 1 200 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société à lui verser la somme de 137,54 euros mais y ajouter 1 370,38 euros brut à titre d'indemnité complémentaire due et 2 000 euros pour le préjudice subi du fait du non-versement des indemnités complémentaires,
- infirmer le jugement sur les demandes suivantes :
. condamner la société à lui verser la somme de 50 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul,
. condamner la société à lui verser un rappel de salaire pour les mois d'avril et mai 2016 d'un montant de 3 000 euros et 300 euros de congés payés afférents,
. condamner la société à lui verser la somme de 10 000 euros pour méconnaissance de son obligation de sécurité,
. condamner la société à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Prétentions de la société Eurosys Telecom, intimée
Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 26 novembre 2018, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la société Eurosys Telecom demande à la cour d'appel de :
- déclarer recevable et bien-fondé son appel incident,
- infirmer partiellement le jugement de première instance en ce qu'il :
. a dit le licenciement de Mme [B] nul,
. l'a condamnée à payer à Mme [B] les sommes suivantes :
. 4 000 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
. 1 200 euros à titre d'indemnité de licenciement,
. 137,54 euros à titre d'indemnité complémentaire pour maintien de salaire,
. 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
. l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
. l'a condamnée aux entiers dépens,
statuant à nouveau,
- dire et juger que le licenciement de Mme [B] pour faute grave est parfaitement fondé et justifié,
- débouter Mme [B] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner Mme [B] à lui payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte à son image causée par cette procédure abusive,
- condamner Mme [B] à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [B] aux entiers dépens,
- confirmer partiellement le jugement de première instance en ce qu'il a :
. débouté Mme [B] de sa demande de dommages-intérêts d'un montant de 50 000 euros pour licenciement nul,
. débouté Mme [B] de sa demande de rappel de salaires pour le mois d'avril et mai 2016 d'un montant de 3 000 euros et de 300 euros au titre des congés payés afférents,
. débouté Mme [B] de sa demande de paiement de la somme de 1 370,38 euros brut d'indemnités complémentaires prétendument dues,
. débouté Mme [B] de sa demande de dommages-intérêts d'un montant de 2 000 euros pour le prétendu préjudice subi du fait du prétendu non-versement des indemnités complémentaires,
. débouté Mme [B] de sa demande de dommages-intérêts d'un montant de 10 000 euros pour sa prétendue méconnaissance de son obligation de sécurité et de résultat,
- lui donner acte du versement en première instance à Mme [B] de la somme de 178,12 euros à titre d'indemnité complémentaire pour le maintien de salaire.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur la nécessité de renvoyer l'affaire à la mise en état
L'article 803 du code de procédure civile, dans sa version applicable depuis le 1er janvier 2020, dispose : « L'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.
Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l'instruction, l'ordonnance de clôture n'est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout.
L'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal. »
A l'audience du 13 juin 2024, il est apparu que si l'appelante avait régularisé des conclusions à l'égard de la société Financière LR, elle n'avait cependant pas valablement appelé à la cause celle-ci, alors que Me [F], qui représentait la société Eurosys Telecom avait, d'initiative et sur interpellation de la cour, confirmé ne pas représenter la société cessionnaire.
Or, la société Financière LR n'a pas constitué avocat dans le cadre de la présente procédure.
Dans ces conditions, l'affaire n'est pas en état d'être jugée puisque l'appelante doit régulariser la procédure en mettant en cause la société Financière LR.
Au regard de cette circonstance nouvelle constitutive d'une cause grave, il y a lieu de révoquer l'ordonnance de clôture et de renvoyer l'affaire à la mise en état pour permettre à l'appelante d'appeler à la cause la société Financière LR.
PAR CES MOTIFS
La COUR,
RÉVOQUE l'ordonnance de clôture pour permettre l'appel en cause de la société Financière LR,
RENVOIE l'affaire à la mise en état,
INFORME les parties du nouveau calendrier de procédure ainsi fixé :
nouvelle clôture le 11 septembre 2024,
audience de plaidoiries le 26 septembre 2024,
RÉSERVE les dépens.
Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, présidente, et par Mme Dorothée Marcinek, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,