COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 88A
Ch.protection sociale 4-7
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 27 JUIN 2024
N° RG 23/00578 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VWUA
AFFAIRE :
Société [11]
C/
[10]
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 13 Janvier 2023 par le Pole social du TJ de [Localité 12]
N° RG : 22/01081
Copies exécutoires délivrées à :
la SELARL SELARL [7]
Me Mylène BARRERE
Copies certifiées conformes délivrées à :
Société [11]
[10]
DR [S]
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Société [11]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Fabrice SOUFFIR de la SELARL SELARL CABINET KSE & ASSOCIÉS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : 458 substituée par Me Noam MARCIANO, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE
APPELANTE
****************
[10]
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Me Mylène BARRERE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D2104 substitué par Me Lilia RAHMOUNI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1946
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mai 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laëtitia DARDELET, conseillère chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Bénédicte JACQUET, conseillère, faisant fonction de présidente
Madame Laëtitia DARDELET, conseillère,
Madame Véronique PITE, conseillère,
Greffière, lors des débats : Madame Zoé AJASSE,
EXPOSÉ DU LITIGE
Salarié de la société [11] (la société), Mme [Z] [T] (la victime) a déclaré le 23 janvier 2020 une maladie professionnelle, que la [8] (la caisse) a prise en charge, le 28 mai 2020 au titre du tableau n°57 des maladies professionnelles.
Par décision du 27 octobre 2021, la caisse a attribué à la victime un taux d'incapacité permanente partielle de 14 % (dont 4% pour le taux professionnel), la date de consolidation étant fixée au 30 septembre 2021.
Contestant ce taux, la société a saisi la commission médicale de recours amiable ([9]) territorialement compétente puis, après rejet implicite de sa requête, le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre.
Par jugement du 13 janvier 2023, ce tribunal a rendu une ordonnance d'irrecevabilité manifeste.
La société a relevé appel du jugement.
Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé complet des moyens et des prétentions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société, qui comparait représentée par son avocat, demande à la cour:
- d'infirmer l'ordonnance d'irrecevabilité,
- de déclarer son recours recevable,
Sur le fond:
à titre principal:
Vu le rapport du Dr [M],
- juger que les séquelles de la maladie professionnelle justifient un taux d'incapacité permanente partielle de 8%, tous éléments confondus,
subsidiairement :
- d'ordonner une expertise ou une consultation clinique sur pièces afin de déterminer le taux d'incapacité permanente partielle de la victime, en lien avec la pathologie déclarée, et après consultation du rapport du Dr [M].
Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé complet des moyens et des prétentions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la caisse, qui comparaît représentée par son avocat, demande à la cour:
à titre principal:
- de confirmer l'ordonnance du 13 janvier 2023,
- de débouter la société de son appel,
- subsidiairement,
au fond:
- de confirmer le taux de 14 % d'incapacité permanente partielle (dont 4% de taux professionnel) alloué à la victime,
- confirmer la décision de la caisse aux fins d'attribution du taux de 14%,
- de constater que la caisse s'oppose aux mesures d'expertise ou de consultation,
- de débouter la société de ses demandes,
- de condamner la société aux dépens.
Aucune demande n'est formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'irrecevabilité manifeste:
Selon l'article R. 142-10-1, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1506 du 30 décembre 2019, applicable au litige, le tribunal est saisi par requête remise ou adressée au greffe par lettre recommandée avec avis de réception.
Selon l'alinéa 2 de ce texte, outre les mentions prescrites par l'article 57 du code de procédure civile, la requête contient un exposé sommaire des motifs de la demande.
Selon l'article 57 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, applicable au litige, la requête contient, outre les mentions énoncées à l'article 54, également à peine de nullité :
-lorsqu'elle est formée par une seule partie, l'indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;
-dans tous les cas, l'indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée.
Elle est datée et signée.
Selon l'article 114 du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'est pas expressément prévue par la loi sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
Selon l'article R. 142-10-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, applicable au litige, le président de la formation de jugement peut, par ordonnance motivée, rejeter les requêtes manifestement irrecevables.
En l'espèce, la société a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre par courrier reçu le 22 juin 2022.
Il ressort des pièces de la procédure que ce courrier n'est pas signé par la société (bien que clairement identifiée par le tribunal comme étant la personne morale rédactrice de la requête), omission non régularisée par la société.
Toutefois, comme le soutient la société, ces irrégularités, si elles portent sur des formalités substantielles, constituent non une irrégularité de fond, mais un vice de forme qui peut être sanctionné par la nullité, à supposer que l'existence d'un grief soit démontrée.
Aucun grief n'est établi ni même allégué par la caisse.
Dès lors, la présidente de la formation de jugement ne pouvait, comme elle l'a fait, rendre une ordonnance sur le fondement de l'article R. 142-10-2 du code de la sécurité sociale, qui ne concerne que les requêtes manifestement irrecevables, et non celles susceptibles d'être atteintes par une cause de nullité, en l'absence, au surplus, de tout grief allégué.
L'ordonnance entreprise sera donc infirmée en toutes ses dispositions.
Au vu des éléments qui précèdent, il convient de dire que la requête présentée par la société est recevable.
L'affaire ayant été plaidée au fond devant la cour, il convient de statuer.
Sur le taux d'incapacité permanente partielle :
Selon l'article L. 434-2, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.
En l'espèce, la caisse a attribué à la victime un taux de 14% d'incapacité permanente partielle (dont 4% de taux professionnel) par décision du 27 octobre 2021.
La caisse a expliqué que ces taux d'incapacité permanente partielle correspondent à 'une tendinopathie de l'épaule droite, chez une droitière, traitée chirurgicalement, avec pour séquelles un déficit léger des mobilités du membre supérieur droit. Il existait une part d'état antérieur'.
La société s'interroge sur la présence d'un état antérieur et verse, au soutien de sa demande, le rapport du médecin qu'elle a mandaté, le Dr [M].
Ce dernier explique que le taux d'incapacité permanente partielle devrait être fixé à 8%. Il souligne l'existence d'une tendinopathie calcifiante, qui n'est pas en lien avec le travail de la victime. Il critique également l'examen réalisé par le médecin-conseil en ce qu'il n'a pas été réalisé en 'passif' et qu'aucun test 'tendineux' n'a été réalisé.
La commission de recours amiable n'a pas rendu de décision explicite.
Ainsi, les éléments versés devant la cour permettent de mettre en évidence une contestation d'ordre médical suffisamment sérieuse, justifiant la mise en oeuvre d'une mesure d'expertise, selon les modalités énoncées au dispositif.
Les dépens seront réservés.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe :
INFIRME l'ordonnance d'irrecevabilité manifeste rendue13 janvier 2023 par la présidente du pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre ;
Statuant à nouveau sur ce chef ;
Avant dire droit, ordonne une mesure d'expertise confiée au :
Docteur [P] [S]
Expert près la Cour de cassation
[Adresse 2].
Tél : [XXXXXXXX01]- [Localité 13]. : 06.62.12.10.22-
Email : [Courriel 14]
qui aura pour mission, après avoir obtenu communication des pièces et documents utiles auprès des parties (et notamment le rapport du médecin mandaté par la société, le Dr [M] du 19 avril 2022) et le cas échéant, auprès de tout tiers détenteur, et procédé à l'examen sur pièces du dossier de Mme [Z] [T], de fixer le taux d'incapacité permanente partielle au titre de la maladie professionnelle déclarée le 23 janvier 2020 et reconnue au titre du tableau 57 des maladies professionnelles, ledit taux devant être évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale ;
Dit que l'expert pourra formuler, le cas échéant, toutes observations utiles ;
Dit que les parties devront communiquer les éléments utiles à l'expert, pour l'exécution de sa mission, dans le mois qui suit la notification du présent arrêt ;
Dit que l'expert devra établir un pré-rapport adressé aux parties en vue de leurs observations, puis un rapport qui sera déposé au greffe de la chambre 4-7 de la cour de céans, pour le 30 janvier 2025, sauf demande de prorogation de délai ;
Dit que l'expert devra adresser copie de son rapport définitif aux parties ;
Dit que les opérations d'expertise seront suivies par Mme [L] ou à défaut, par un membre de la chambre 4-7 ;
Rappelle qu'en application de l'article L. 142-11 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019, les frais résultant de cette expertise seront intégralement pris en charge par l'organisme mentionné à l'article L. 221-1 ;
SURSOIT à statuer sur le surplus des moyens et prétentions ;
Réserve les dépens ;
Dit que l'affaire sera radiée du rôle des affaires en cours pour des raisons purement administratives et qu'elle pourra être de nouveau enrôlée à tout moment à l'initiative des parties ou à la diligence de la cour et au plus tard, à réception du rapport d'expertise.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Bénédicte JACQUET, conseillère, faisant fonction de présidente, et par Madame Juliette DUPONT, greffière, à laquelle le magistrat signataire a rendu la minute.
La greffière La conseillère