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27/06/2024 | FRANCE | N°21/06431

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-3, 27 juin 2024, 21/06431


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 75B



Chambre civile 1-3



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 27 JUIN 2024



N° RG 21/06431



N° Portalis DBV3-V-B7F-UZRF



AFFAIRE :



[M] [G] veuve [P]



C/



[Localité 14] HABITAT venant aux droits de l'OPHLM DE [Localité 14]



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Juillet 2021 par le TJ de Nanterre

N° Chambre : 2

N° RG : 19/00555

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Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :









Me Christophe DEBRAY









Me Franck LAFON













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La co...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 75B

Chambre civile 1-3

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 27 JUIN 2024

N° RG 21/06431

N° Portalis DBV3-V-B7F-UZRF

AFFAIRE :

[M] [G] veuve [P]

C/

[Localité 14] HABITAT venant aux droits de l'OPHLM DE [Localité 14]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Juillet 2021 par le TJ de Nanterre

N° Chambre : 2

N° RG : 19/00555

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Christophe DEBRAY

Me Franck LAFON

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [M] [G] veuve [P]

née le 06 juin 1925 à [Localité 16]

[Adresse 3]

[Localité 14]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire

APPELANTE

****************

[Localité 14] HABITAT

venant aux droits de l'OPHLM DE [Localité 14]

[Adresse 7]

[Localité 14]

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618

Représentant : Me Jennifer PASQUIO, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 14 mars 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Florence PERRET, Président,

Madame Charlotte GIRAULT, Conseiller

Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller chargé du rapport

qui en ont délibéré

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

**********

FAITS ET PROCEDURE :

A la suite d'une promesse de vente signée le 16 septembre 1969, et régularisée par acte notarié du 5 mai 1972, M. [M] [P] et Mme [Y] [G], épouse [P], ont acquis dans la ville de [Localité 14] la propriété de deux parcelles de terrain cadastrées section AF n° [Cadastre 4] et [Cadastre 5], d'une surface globale de 619 m2, respectivement situées [Adresse 1] (AF [Cadastre 4]) et [Adresse 6] (AF [Cadastre 5]) à [Localité 14] (92), moyennant un prix de 300 000 francs à charge de construire un garage et un parking souterrain de 100 places.

Par acte du même jour, le 5 mai 1972, l'Office public de l'habitat (OPH) de [Localité 14], propriétaire d'une parcelle de terrain limitrophe, cadastrée section AF n°[Cadastre 9], d'une surface de 4 935 m2, située [Adresse 2] à [Localité 14] (92) a consenti aux époux [P], pour une durée de 35 ans, expirée le 5 mai 2007, et moyennant une redevance annuelle de 30 000 francs, un bail emphytéotique portant sur cette parcelle n°[Cadastre 9], à charge pour les époux [P] d'édifier sur celle-ci, ainsi que sur les parcelles n° [Cadastre 4] et [Cadastre 5] leur appartenant, une station-service, un parking souterrain sur deux sous-sols et un logement.

Il a été stipulé à l'article XIII de ce bail que : " En fin de bail, les constructions et matériels fixes deviennent propriété de l'Office et ceci, sans indemnité à l'égard du preneur. Toutefois, compte tenu du fait que le permis de construire en date du 2 mai 1971 prévoit que des bâtiments débordent de la propriété de M. [P] sur le terrain de l'Office (...), l'Office cédera à M. [P] (...) la petite parcelle de terrain correspondant à ce débordement d'emprise et les terrains grevés de servitudes du fait de ces constructions. La vente du sol et du sous-sol correspondants sera faite d'un commun accord. Au cas où cet accord ne pourrait intervenir, le prix sera fixé par l'Administration des Domaines ".

A la suite d'actes ultérieurs ayant pour objet la division de la parcelle cadastrée section AF n°[Cadastre 4] en trois parcelles n° [Cadastre 10], [Cadastre 11] et [Cadastre 12], puis l'échange entre les époux [P] et la ville de [Localité 14] des parcelles n° [Cadastre 12] et [Cadastre 13] et la cession de la parcelle n° [Cadastre 11] au département des Hauts de Seine, les époux [P] se sont retrouvés propriétaires des parcelles n° [Cadastre 5],[Cadastre 10] et [Cadastre 13].

Par acte d'huissier du 31 octobre 2006, l'OPH de [Localité 14] (ci-après " l'OPH ") a fait délivrer à M. et Mme [P] un congé, leur notifiant sa décision de ne pas renouveler le bail emphytéotique et les invitant en conséquence à quitter les lieux au terme de ce bail, soit le 5 mai 2007.

En outre, afin de pouvoir reprendre la gestion des contrats de location des emplacements de parking, l'OPH a sollicité des époux [P] la remise de tous les documents nécessaires (liste des locataires, originaux des contrats de location, copie des derniers avis d'échéance, montant des dépôts de garantie versés par les locataires) et la cessation des activités de vente de carburant et de garage sur le terrain, un ensemble résidentiel locatif social devant être construit en lieu et place.

De leur côté, les époux [P] ont sollicité un entretien afin de discuter des modalités de libération des locaux, relevant " l'imbrication des locaux loués " avec d'autres leur appartenant et les difficultés de " fonctionnement autonome " pouvant résulter de cette situation. Réclamant l'application de la clause du bail prévoyant la vente de la petite parcelle de terrain correspondant au débordement d'emprise, ils ont déclaré ne pas vouloir cesser leur activité de garage.

Aucune issue amiable n'ayant pu aboutir, M. et Mme [P] ont fait assigner l'OPH, par acte du 3 avril 2008, devant le tribunal judiciaire de Nanterre pour demander que soit constatée la vente forcée à leur profit de la parcelle de terrain visée à l'article XIII du bail emphytéotique, au prix à fixer par l'administration des domaines. Sur cette demande, l'OPH s'opposait, en l'état, à la réalisation de cette vente, demandant à titre reconventionnel la condamnation de M. et Mme [P] à libérer, sous astreinte, les biens à usage de station-service et les parkings souterrains, ainsi qu'à l'indemniser de son manque à gagner depuis le terme du bail s'agissant de l'occupation et de l'exploitation de ces biens.

Par un arrêt du 30 juin 2011, devenu définitif et infirmant partiellement le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre le 11 décembre 2009, la cour d'appel de Versailles a notamment :

- dit que les époux [P] sont tenus à la restitution des immeubles qu'ils ont construits en exécution du bail sur la parcelle [Cadastre 9] et qui sont devenus la propriété de l'OPH, à l'exception de la " petite parcelle " restant à déterminer à partir des éléments définis par l'expert ;

- dit n'y avoir lieu à astreinte pour la restitution des immeubles et dit que l'expulsion est prématurée, les époux [P] étant admis à faire valoir des droits sur une " petite parcelle " appartenant pour l'instant à l'OPH ;

- confirmé la désignation de l'expert, ainsi que les conditions financières et techniques d'exécution de sa mission ;

- Sur la mission de l'expert, dit que celui-ci devra, en se faisant assister de tout sapiteur de son choix:

*dresser un plan exact du sol et du sous-sol, reprenant la délimitation de la parcelle [Cadastre 9] avec les parcelles appartenant aux époux [P], et faisant apparaître la position exacte, par rapport à cette délimitation, des constructions édifiées par eux en exécution du bail, en ayant essentiellement égard au permis de construire délivré en 1971 ;

*donner à la juridiction, en fonction de ces données et de toutes autres utiles à l'accomplissement de sa mission, les éléments lui permettant :

.de déterminer les constructions édifiées sur le terrain des époux [P] ([Cadastre 4] -[Cadastre 5]) mais débordant sur le terrain de l'OPH ([Cadastre 9]),

.d'identifier les parkings situés exactement sous cette parcelle, même de façon très partielle, l'OPH ayant déclaré renoncer à la propriété des parkings qui seraient partiellement situés sous le débordement;

*indiquer à la juridiction, les entrées permettant aux époux [P] d'accéder à leur propriété telle qu'elle pourrait être ainsi définie, afin de déterminer les "terrains grevés de servitudes du fait de ces constructions" ;

*permettre à chacune des parties d'établir ainsi le plan de la parcelle devant être vendue aux époux [P] ;

- dit que l'expert devra établir un compte entre les parties, du fait de l'exploitation par les époux [P] de la totalité de la parcelle [Cadastre 9], au-delà de l'expiration du bail ;

- confirmé le jugement en ce qu'il a condamné les époux [P] à payer à l'OPH une provision de 50 000 euros à valoir sur les sommes dues par eux, et en ce qu'il leur a enjoint de restituer à l'OPH la station à essence et tout bâtiment ou installation qui ne jouxte pas leur habitation à peine d'une astreinte de 200 euros par jour de retard passé un mois de la signification du jugement et, sous la même astreinte, les parkings situés sous le parcelle [Cadastre 9] avec toutes pièces justificatives concernant les locataires, dans le mois de leur identification par l'expert.

L'expert, qui s'est adjoint deux sapiteurs, M. [S] expert-comptable, et M. [W] expert immobilier, a rendu son rapport le 12 juillet 2013.

M. [M] [P] étant décédé le 16 mars 2014, Mme [Y] [P] a repris, seule, la présente procédure.

Après des conclusions de rétablissement au rôle devant le tribunal de grande instance de Nanterre, les parties ont indiqué vouloir parvenir à une résolution amiable du litige et le juge de la mise en état a ordonné la radiation de l'affaire le 3 janvier 2017.

Les pourparlers ayant échoué, Mme [P] a déposé, le 3 janvier 2019, des conclusions de reprise d'instance.

Par jugement du 8 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- constaté que le certificat établi le 20 mai 2014 par Maître [X] [C], notaire à [Localité 15] (92) désigne Mme [Y] [G], veuve [P], comme attributaire de l'intégralité de la communauté constituée entre les époux, à la suite du décès de M. [M] [P],

- constaté que la société [Localité 14] Habitat vient aux droits de l'Office public de l'habitat de [Localité 14],

- dit que la vente, portant sur la parcelle de terrain d'une surface de 188,70 m2, figurée en couleur cyan sur les plans établis par l'expert judiciaire et délimitée par un trait bleu sur les plans de chacun des niveaux de parking souterrain, dépendant de la parcelle cadastrée section AF n° [Cadastre 9], située [Adresse 2] à [Localité 14], est parfaite entre la société [Localité 14] Habitat et Mme [G], veuve [P],

- invité en conséquence,

o d'une part, en qualité de vendeur, la société [Localité 14] Habitat, société anonyme coopérative d'intérêt collectif d'habitations à loyers modérés, venant aux droits de l'Office public de l'habitat de [Localité 14],

o d'autre part, en qualité d'acquéreur, Mme [Y] [G], veuve [P], retraitée, née le 6 juin 1925 à [Localité 17], de nationalité française,

à régulariser la vente portant sur la parcelle de terrain d'une surface de 188,70m 2, figurée en couleur cyan sur les plans établis par l'expert judiciaire et délimitée par un trait bleu sur les plans de chacun des niveaux de parking souterrain et comportant neuf emplacements de parking au premier sous-sol du parking et sept emplacements de parking et trois box au second sous-sol du parking, dépendant de la parcelle cadastrée section AF n° [Cadastre 9], située [Adresse 2] à [Localité 14], au prix de 94 500 euros, par devant tout notaire de leur choix,

- dit que cette vente sera assortie au profit de la propriété de Mme [G], veuve [P], de la constitution de servitudes de réseaux et de passage s'exerçant sur les parcelles cadastrées AF n° [Cadastre 8] et [Cadastre 9] :

o une servitude de passage pour accéder aux parkings souterrains, délimitée en jaune sur les plans de l'expert judiciaire, d'une surface totale de 487,30m 2 en rez-de-chaussée permettant la desserte depuis la voie publique, 399, 20m 2 au premier sous-sol et 329,70 m2 au second sous-sol, permettant de circuler à l'intérieur des parkings,

o une servitude de passage d'une largeur de 3m50, dans le prolongement de l'atelier, de la boutique et des logements afin d'en assurer la desserte depuis la voie publique ;

- ordonné, à défaut et en tant que de besoin, à la société [Localité 14] Habitat et Mme [G], veuve [P], de réitérer, par acte authentique, la vente, dans les conditions rappelées ci-dessus, dans un délai d'un mois à compter de la signification du jugement déféré ;

- dit qu'à défaut de réitération de la vente dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement, le jugement déféré vaudra vente, dans les conditions sus-mentionnées, sous réserve de la libération intégrale du prix entre les mains de la société [Localité 14] Habitat, venderesse, et fera l'objet d'une publication auprès du service de la publicité foncière ;

- condamné Mme [G], veuve [P], à payer à la société [Localité 14] Habitat la somme de 34 065,30 euros par an, au prorata du nombre de jours écoulés, à compter du 5 mai 2007 et jusqu'à la restitution effective des lieux, au titre de l'occupation des terrains et emplacements de parking qui appartiennent à la société [Localité 14] Habitat, soit la somme de 476 914,20 euros, provisoirement arrêtée au 5 mai 2021, avec intérêt au taux légal à compter du présent jugement, provisions non déduites,

- débouté la société [Localité 14] Habitat de sa demande d'indemnités au titre de l'occupation de la station-service et de l'appartement,

- débouté la société [Localité 14] Habitat de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- ordonné l'expulsion de Mme [G], veuve [P], et de tous occupants de son chef, avec, si besoin, le concours de la force publique, au plus tard dans les deux mois de la signification du présent jugement à intervenir, de l'ensemble des terrains, bâtiments et emplacements de parkings construits sur la parcelle de terrain cadastrée section AF n° [Cadastre 9], située [Adresse 2] à [Localité 14], à la seule exception des biens objets de la présente vente,

- condamné Mme [G], veuve [P], à payer à la société [Localité 14] Habitat la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [G], veuve [P], aux entiers dépens,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

Par acte du 21 octobre 2021, Mme [G] veuve [P] a interjeté appel et, par dernières écritures du 12 juillet 2022, prie la cour de :

- la recevoir en ses conclusions et l'y dire bien fondée,

Y faisant droit :

- confirmer le jugement en ce qu'il a constaté :

* qu'à la suite du décès de son époux, [M] [P], Mme [P] est attributaire de l'intégralité de la communauté ayant existé entre les époux,

* que la société [Localité 14] Habitat vient aux droits de l'OPH de [Localité 14],

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société [Localité 14] Habitat de sa demande d'indemnités au titre de l'occupation de la station-service, de l'appartement et de la boutique,

En conséquence,

- débouter la société [Localité 14] Habitat de son appel incident portant sur les indemnités au titre de l'occupation de la station-service, de l'appartement et de la boutique,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société [Localité 14] Habitat de sa demande de dommage et intérêts pour résistance abusive,

En conséquence,

- débouter la société [Localité 14] Habitat de son appel incident portant les dommages et intérêts pour résistance abusive,

- pour le surplus, infirmer le jugement du 8 juillet 2021 et statuant à nouveau,

A titre principal :

- juger que la totalité des constructions y compris en sous-sol édifiées en 1971, ne forme qu'une seule et même construction à usage de parking collectif, à cheval en débordement de la propriété de M. [P],

- ordonner que [Localité 14] Habitat cède à Mme [P] une parcelle à prélever sur la parcelle AF n°[Cadastre 9] d'une surface d'environ 850 m2, y compris le tréfonds et les constructions situées sur et sous cette emprise, pour le prix de 255 000 euros,

- ordonner que cette vente soit assortie au profit de la propriété susvisée de Mme [P] de la constitution de servitudes s'exerçant sur les parcelles cadastrées AF n°[Cadastre 8] et [Cadastre 9] :

* d'une servitude de passage d'une largeur de 6 mètres dans le prolongement de l'accès au parking souterrain, pour assurer le double passage de véhicules au même titre que la rampe d'accès au sous-sol,

* d'une servitude de passage d'une largeur d'environ 9 mètres correspondant au linéaire de façade des constructions existantes dans le prolongement de l'atelier, de la boutique et des logements afin d'en assurer la desserte à pied et en voiture depuis la voie publique,

- ordonner que ces servitudes soient évaluées chacune à une somme de 1 euro,

- fixer l'indemnité d'occupation due par Mme [P] à [Localité 14] Habitat sur le terrain à la somme nette de 11 505 euros après imputation de la taxe foncière par an, en deniers ou quittance, courant à compter de la date de l'acte authentique à intervenir ou à la date de publication du jugement en tenant lieu,

A titre subsidiaire,

- ordonner que [Localité 14] Habitat cède à Mme [P] une parcelle d'une surface d'environ 188, 70 m2, y compris le tréfonds, figurant en teinte de couleur cyan sur les plans de l'expert, à prélever sur la parcelle AF n° [Cadastre 9], et les constructions situées sur et sous cette emprise pour le prix de 56 610 euros,

- ordonner que cette vente soit assortie au profit de la propriété susvisée de Mme [P] de la constitution de servitudes s'exerçant sur les parcelles cadastrées AF n°[Cadastre 8] et [Cadastre 9] :

* une servitude d'accès au parking dépendant de la parcelle AF n° [Cadastre 9], permettant le passage d'une largeur de 6 mètres ans de la voie publique audit parking en ce compris l'utilisation de la porte, de la rampe d'accès et des voies de circulation des deux niveaux de sous-sol, y compris la desserte à pied par les escaliers,

* d'une servitude de passage d'une largeur d'environ 9 mètres correspondant au linéaire de façade des constructions existantes dans le prolongement de l'atelier, de la boutique et des logements afin d'en assurer la desserte à pied et en voiture depuis la voie publique,

- ordonner que ces servitudes soient évaluées chacune à une somme de 1 euro,

- ordonner que le présent arrêt vaille transfert de propriété au profit de Mme [P],

- fixer le point de départ des indemnités d'occupation dues par Mme [P] à la date de l'acte authentique à intervenir ou à la date de publication du jugement tenant lieu de vente,

- fixer l'indemnité d'occupation due par Mme [P] à [Localité 14] Habitat sur le terrain et les parkings à la somme nette de 14 428 euros après imputation de la taxe foncière par an, en deniers ou quittance, courant à compter de la date de l'acte authentique à intervenir ou à la date de publication du jugement en tenant lieu,

Sur l'appel incident de [Localité 14] Habitat portant sur le prix de cession du terrain :

- déclarer irrecevable [Localité 14] Habitat de son appel incident pour défaut d'intérêt à agir dès lors que le prix de 94 500 euros retenu par le jugement du 8 juillet 2021 est celui qu'elle a demandé en 1ère instance, la société ayant été remplie dans ses droits,

- débouter [Localité 14] Habitat de la demande en fixation du prix à la valeur de 132 000 euros valeur 2021, le prix à retenir étant celui en vigueur à la date du 5 mai 2007,

- débouter [Localité 14] Habitat de ses demandes en paiement des intérêts depuis la date du jugement et en capitalisation desdits intérêts,

En tout état de cause :

- débouter [Localité 14] Habitat de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner [Localité 14] Habitat à restituer à Mme [P] les sommes payées en exécution de la condamnation provisionnelle prononcées à son encontre par le tribunal de grande instance de Nanterre le 11 décembre 2009,

- condamner [Localité 14] Habitat à payer à Mme [P] une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par dernières écritures du 24 janvier 2024, l'établissement public à caractère industriel et commercial [Localité 14] Habitat (ci-après " l'établissement [Localité 14] Habitat ") venant aux droits de l'OPH de [Localité 14] prie la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

* constaté le certificat établi le 20 mai 2014 par Maître [X] [C], notaire à [Localité 15] (92), désigné Mme [G], veuve [P], comme attributaire de l'intégralité de la communauté constituée entre les époux, à la suite du décès de M. [P],

* constaté que la société [Localité 14] Habitat vient aux droits de l'Office public de l'habitat de [Localité 14],

* dit que la vente, portant sur la parcelle de terrain d'une surface de 188,70m 2, figurée en couleur cyan sur les plans établis par l'expert judiciaire et délimitée par un trait bleu sur les plans de chacun des niveaux de parking souterrain, dépendant de la parcelle cadastrée section AF n° [Cadastre 9], située [Adresse 2] à [Localité 14], est parfaite entre la société [Localité 14] Habitat et Mme [G], veuve [P],

* dit que cette vente sera assortie au profit de la propriété de Mme [G], veuve [P], de la constitution de servitudes de réseaux et de passage s'exerçant sur les parcelles cadastrées AF n° [Cadastre 8] et [Cadastre 9] :

o une servitude de passage pour accéder aux parkings souterrains, délimitée en jaune sur les plans de l'expert judiciaire, d'une surface totale de 487,30m 2 en rez-de-chaussée permettant la desserte depuis la voie publique, 399,20m 2 au premier sous-sol et 329,70m 2 au second sous-sol, permettant de circuler l'intérieur des parkings,

o une servitude de passage d'une largeur de 3m50, dans le prolongement de l'atelier, de la boutique et des logements afin d'en assurer la desserte depuis la voie publique ;

* ordonne l'expulsion de Mme [G], veuve [P], et de tous occupants de son chef, avec, si besoin, le concours de la force publique, au plus tard dans les deux mois de la signification du présent jugement à intervenir, de l'ensemble des terrains, bâtiments et emplacements de parkings construits sur la parcelle de terrain cadastrée section AF n° [Cadastre 9], située [Adresse 2] à [Localité 14], à la seule exception des biens objets de la présente vente,

* condamne Mme [G], veuve [P], à payer à la société [Localité 14] Habitat la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamne Mme [G], veuve [P], aux entiers dépens,

* ordonne l'exécution provisoire du jugement,

- déclarer recevable l'appel incident formé par la société [Localité 14] Habitat,

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il :

* invite en conséquence,

o d'une part, en qualité de vendeur, la société [Localité 14] Habitat, société anonyme coopérative d'intérêt collectif d'habitations à loyers modérés, venant aux droits de l'Office public de l'habitat de [Localité 14],

o d'autre part, en qualité d'acquéreur, Mme [Y] [G], veuve [P], retraitée, née le 6 juin 1925 [Localité 17], de nationalité française,

à régulariser la vente portant sur la parcelle de terrain d'une surface de 188,70m 2 , figurée en couleur cyan sur les plans établis par l'expert judiciaire et délimitée par un trait bleu sur les plans de chacun des niveaux de parking souterrain et comportant neuf emplacements de parking au premier sous-sol du parking et sept emplacements de parking et trois box au second sous-sol du parking, dépendant de la parcelle cadastrée section AF n° [Cadastre 9], située [Adresse 2] à [Localité 14], au prix de 94 500 euros, par devant tout notaire de leur choix,

* ordonne à défaut et en tant que de besoin, à la société [Localité 14] Habitat et Mme [G], veuve [P], de réitérer, par acte authentique, la vente, dans les conditions rappelées ci-dessus, dans un délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement,

* dit qu'à défaut de la réitération de la vente dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement, le présent jugement vaudra vente, dans les conditions susmentionnées, sous réserve de la libération intégrale du prix entre les mains de la société [Localité 14] Habitat, venderesse, et fera l'objet d'une publication auprès du service de la publicité foncière,

* condamne Mme [G], veuve [P], à payer à la société [Localité 14] Habitat la somme de 34.065,30 euros par an, au prorata du nombre de jours écoulés, à compter du 5 mai 2007 et jusqu'à la restitution effective des lieux, au titre de l'occupation des terrains et emplacements de parking qui appartiennent à la société [Localité 14] Habitat, soit la somme de 476 914,20 euros, provisoirement arrêtée au 5 mai 2021, avec intérêt au taux légal à compter du présent jugement, provisions non déduites,

* déboute la société [Localité 14] Habitat de sa demande d'indemnités au titre de l'occupation de la station-service et de l'appartement,

* déboute la société [Localité 14] Habitat de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

Et statuant à nouveau,

Sur la réalisation de la vente prévue à l'article XIII du bail emphytéotique :

- inviter,

o d'une part, en qualité de vendeur, la société [Localité 14] Habitat, société anonyme coopérative d'intérêt collectif d'habitations à loyers modérés, venant aux droits de l'Office public de l'habitat de [Localité 14],

o d'autre part, en qualité d'acquéreur, Mme [G], veuve [P], retraitée, née le 6 juin 1925 [Localité 17], de nationalité française,

à régulariser la vente portant sur la parcelle de terrain d'une surface de 188,70 m2, figurée en couleur cyan sur les plans établis par l'expert judiciaire et délimitée par un trait bleu sur les plans de chacun des niveaux de parking souterrain et comportant neuf emplacements de parking au premier sous-sol du parking et sept emplacements de parking et trois box au second sous-sol du parking, dépendant de la parcelle cadastrée section AF n° [Cadastre 9], située [Adresse 2] à [Localité 14], au prix de 132 000 euros HT, à parfaire, et augmentée de tous droits, taxes, frais et accessoires de toute nature exigibles au titre de cette vente et de sa publication, par devant tout notaire de leur choix,

- ordonner, à défaut et en tant que de besoin, à la société [Localité 14] Habitat et Mme [G], veuve [P], de réitérer, par acte authentique, la vente, dans les conditions rappelées ci-dessus, dans un délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement,

- dire qu'à défaut de la réitération de la vente dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement, le présent jugement vaudra vente, dans les conditions susmentionnées, sous réserve de la libération intégrale du prix entre les mains de la société [Localité 14] Habitat, venderesse, et fera l'objet d'une publication auprès du service de la publicité foncière,

Sur les indemnités dues par Mme [P] du fait de leur maintien dans les lieux depuis l'expiration du bail emphytéotique et la restitution des lieux à l'OPH de [Localité 14] de :

- condamner Mme [G], veuve [P] à payer à la société [Localité 14] Habitat la somme de 63 784,08 euros par an, au prorata du nombre de jours écoulés, à compter du 5 mai 2007 et jusqu'à leur restitution effective des lieux, au titre de l'occupation des locaux à usage de station-service, soit la somme de 951 212,86 euros provisoirement arrêtée au 2 avril 2022, sauf à parfaire jusqu'à la complète et effective libération des lieux,

- condamner Mme [G], veuve [P] à payer à la société [Localité 14] Habitat la somme de 28 224 euros par an, au prorata du nombre de jours écoulés, à compter du 5 mai 2007 et jusqu'à leur restitution effective des lieux, au titre de l'occupation des 56 emplacements de parking et box qui ne leur sont pas cédés, soit la somme de 420 904,89 euros provisoirement arrêtée au 2 avril 2022, sauf à parfaire jusqu'à la complète et effective libération des lieux,

- condamner Mme [G], veuve [P] à payer à la société [Localité 14] Habitat, en réparation du préjudice que lui cause sa résistance à quitter les lieux, des dommages et intérêts à hauteur de 15 % du montant global des indemnités d'occupation auxquelles elle sera par ailleurs condamnée au titre de son maintien dans les lieux depuis l'expiration du bail emphytéotique,

- juger que l'ensemble des condamnations à intervenir sur les présentes demandes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir et ordonner la capitalisation de ces intérêts en application de l'article 1154 du Code civil,

- condamner Mme [G], veuve [P], à payer à la société [Localité 14] Habitat la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [G], veuve [P], aux entiers dépens avec recouvrement direct, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er février 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

" Sur la détermination de la parcelle objet de la cession

Mme [P] fait valoir que les sous-sols correspondent en intégralité à des constructions en débordement de sa propriété ; que ni la clause du bail, ni la cour de céans dans son précédent arrêt, n'ont entendu limiter le terrain d'assiette de la " petite parcelle " à prélever aux seules constructions élevées en superstructure ; qu'une construction s'entend d'un " ouvrage fixe et pérenne, comportant ou non des fondations et générant un espace utilisable par l'Homme en sous-sol ou en surface ". Elle s'estime en conséquence bien fondée à voir ordonner la vente à son profit d'une parcelle de 850 m2 incluant la totalité du parking situé en sous-sol, en ce que celui-ci représente une seule et même construction.

L'établissement [Localité 14] habitat répond que la " petite parcelle " à céder est uniquement constituée par le débordement d'emprise sur le terrain de l'OPH (parcelle [Cadastre 9]) des constructions que les époux [P] ont fait édifier sur leur propre terrain (parcelles [Cadastre 4] et [Cadastre 5]) dans le cadre du bail emphytéotique, ainsi que par les tréfonds de cette petite parcelle exclusivement, soit la partie du parking située en dessous. Il estime que cette question a été définitivement tranchée par la cour d'appel de Versailles dans son arrêt du 30 juin 2011, et que le rapport d'expertise se conforme parfaitement à la décision de la cour.

Sur ce,

Le principe de la cession à titre onéreux de la parcelle de terrain n'étant pas contesté, il importe de déterminer la chose objet de la cession, telle que définie par le bail emphytéotique conclu le 5 mai 1972, cette convention ayant entre les parties force de loi au sens de l'ancien article 1134 du code civil.

A cet égard, tel qu'il est rédigé, l'article XIII dudit bail entend tirer les conséquences de ce qu'un permis de construire a autorisé la construction de bâtiments débordant de la propriété de M. [P] sur le terrain de l'OPH, et prévoit ainsi que l'office cédera " la petite parcelle de terrain correspondant à ce débordement d'emprise et les terrains grevés de servitude du fait de ces constructions ". Il est précisé dans un dernier alinéa : " La vente du sol et du sous-sol correspondant sera faite d'un commun accord. Au cas où cet accord ne pourrait intervenir, le prix en sera fixé par l'Administration des domaines ".

Il ressort de cette stipulation claire et précise que seul doit faire l'objet de la cession le sous-sol " correspondant " au " débordement d'emprise " et aux " terrains grevés de servitude du fait de ces constructions ". Or, l'emprise ne peut s'entendre que de l'emprise au sol d'une construction, et donc de la projection du volume de la construction édifiée sur un terrain, comprenant l'épaisseur des murs extérieurs, indépendamment de ce qui peut être construit dans les tréfonds et qui ne génère aucune emprise au sol. En outre, les constructions situées en sous-sol ne constituent pas une servitude grevant le terrain situé au-dessus, puisqu'elles sont indissociables de la propriété du sol qui, aux termes de l'article 552 du code civil, " emporte la propriété du dessus et du dessous ".

Il en résulte que contrairement à ce qui est affirmé par l'appelante, l'assiette de la parcelle à détacher ne peut pas inclure la totalité du parking au prétexte que celui-ci constitue une même et unique construction.

Compte tenu de la superficie du parking, cette solution reviendrait à remettre en cause le principe affirmé en premier lieu par les parties selon lequel " En fin de bail, les constructions et matériels fixes deviennent propriété de l'Office et ceci, sans indemnité à l'égard du preneur ", et contredirait tout autant la présentation faite de la parcelle à détacher, désignée dans l'acte comme une " petite parcelle".

Au surplus, il convient de relever que dans son arrêt rendu le 30 juin 2011, et afin de définir la mission de l'expert désigné, la cour de céans a déjà été amenée à écarter l'interprétation extensive de la clause, proposée par M. et Mme [P], en ces termes :

" ['] la parcelle de terrain est une notion purement physique, ne comportant aucune référence à l'unité de l'activité déployée sur les parcelles mais exclusivement attachée au permis de construire et donc à une délimitation physique des bâtiments. C'est donc à tort que M. et Mme [P] tentent de faire prévaloir une interprétation qui leur est certes favorable mais qui est en contradiction avec la lettre du texte et les règles du bail emphytéotique.

La petite parcelle ne désigne au demeurant, ni logement particulier ni bâtiment affecté à telle ou telle activité mais vise exclusivement :

*les débordements de bâtiments construits sur la parcelle de M. et Mme [P] et présentant une emprise sur la propriété de l'OPH de [Localité 14].

*les terrains grevés de servitudes du fait de ces constructions (') la formule ne suggère en aucun cas un lien d'exploitation économique entre plusieurs bâtiments qui justifierait, selon les appelants, que pratiquement l'ensemble de la parcelle [Cadastre 9] leur soit vendu ".

Partant de là, il convient d'examiner si la parcelle de 188, 70 m2 dont l'expert propose la création est conforme à l'interprétation donnée de la clause litigieuse.

A cet égard, l'expert note tout d'abord (pp. 66-67 du rapport) que la boutique, une partie de l'atelier au rez-de-chaussée, et une partie de l'appartement au 1ère étage ont été édifiés par les époux [P] sur la propriété de l'OPH, à la place de la station de lavage prévue initialement dans le permis de construire de 1971. Puis il propose la création d'une parcelle " sur le tracé de l'emprise de ce bâtiment, pour une superficie de 188, 70 m2 ", tout en précisant que " la projection de cette emprise " implique la prise en compte de 9 emplacements de parking au 1er sous-sol, 7 emplacements de parking et 3 boxes au 2ème sous-sol.

Ainsi déterminée au regard de l'emprise au sol du bâtiment construit à cheval sur la limite séparative des deux fonds, la parcelle à extraire apparait avoir été identifiée par l'expert suivant des modalités conformes à la clause litigieuse.

Il convient donc de considérer, à la suite du tribunal, que se trouve ainsi déterminée la chose objet de la cession souhaitée par les parties.

" Sur la constitution de servitudes au profit du fonds de Mme [P]

L'expert a défini la servitude de passage nécessaire pour la desserte de la boutique, de l'atelier et de l'escalier d'accès au 1er étage, les servitudes de réseau et la servitude de desserte des sous-sols afin de désenclaver la partie du parking devant revenir à Mme [P].

En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle approuve, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties, en retenant l'ensemble des servitudes telles que définies pas l'expert.

Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée sur ce point.

" Sur le prix de vente de la parcelle

L'établissement [Localité 14] habitat se prévaut du dernier avis de l'administration des domaines, qui a fixé à 132 000 euros HT la valeur de la parcelle à la date du 25 janvier 2021. Il expose que cet avis, sollicité avant la clôture de l'instruction en première instance, ne lui a été communiqué qu'après, et estime en conséquence qu'il a intérêt à former appel incident contre le jugement rendu en première instance. Sur le fond, il rappelle qu'aux termes du contrat de bail les parties ont accepté de s'en remettre à l'évaluation de l'administration des domaines pour fixer le prix de la parcelle, que la réévaluation du prix est donc légitime, et que Mme [P] ne critique pas utilement cette évaluation.

Mme [P] soulève l'irrecevabilité de l'appel incident sur ce point, pour défaut d'intérêt à agir, l'établissement [Localité 14] habitat ayant été rempli de ses droits au titre de cette prétention sur le prix, formée en première instance. Sur le fond, elle fait valoir que le prix doit correspondre à la valeur du bien à la date de la fin du bail emphytéotique, soit le 5 mai 2007, et demande l'application d'un abattement de 40 % pour tenir compte de l'encombrement des parcelles.

Sur ce,

Il résulte de la combinaison des articles 32, 122 et 546, alinéa 1, du code de procédure civile que l'intérêt à interjeter appel a pour mesure la succombance, qui réside dans le fait de ne pas avoir obtenu satisfaction sur un ou plusieurs chefs de demande présentés en première instance (Civ. 1ère, 9 juin 2021, n° 19-10.550).

En conséquence, la recevabilité des demandes formées au titre de l'appel incident doit être appréciée en fonction des demandes formées en première instance et des chefs de jugement attaqués.

Or, en l'espèce, même si l'établissement [Localité 14] habitat se prévaut d'un avis de valeur postérieur à l'ordonnance de clôture rendue en première instance, force est de constater qu'il n'a pas pour autant demandé la révocation de cette ordonnance de clôture et que le premier juge a fait droit à sa demande tendant à voir fixer le prix de vente à la somme de 94 500 euros, compte tenu de l'avis de valeur des domaines communiqué le 30 septembre 2013.

L'intimé qui n'a donc pas succombé en sa demande n'est pas recevable, faute d'intérêt à agir, à critiquer le chef du jugement ayant fixé le prix de la cession ; sa demande sera en conséquence déclarée irrecevable.

Sur le fond, compte tenu de la demande de réformation formée par Mme [P], au titre de l'appel principal, il n'apparaît pas justifié d'appliquer une décote tenant à l'existence de constructions sur la parcelle, en ce que l'avis de valeur des domaines a estimé l'emprise foncière en prenant en considération tout à la fois l'enclavement et l'édification d'une construction sur le terrain.

L'évaluation apparaît en conséquence conforme à celle attendue en application de l'article 1592 du code civil, qui autorise les parties à s'en remettre à l'estimation d'un tiers.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

" Sur les indemnités d'occupation dues par Mme [P]

L'indemnité d'occupation est destinée à réparer le préjudice subi par le bailleur du fait de l'occupation des lieux par un occupant sans droit ni titre. Elle est due à raison de la faute extracontractuelle commise par celui qui se maintient sans droit dans les lieux (Civ. 3ème, 5 mai 2004, n° 03-10.201).

- Sur le point de départ et l'assiette des indemnités d'occupation

L'établissement [Localité 14] habitat fait valoir que Mme [P] est occupante sans droit ni titre depuis le 5 mai 2007, date d'expiration du bail, et qu'en conséquence les indemnités d'occupation sont dues à compter de cette date. Il estime qu'elle est redevable d'une indemnité au titre de l'occupation du terrain et de la totalité des constructions, ce qui inclut la station-service, l'appartement et le parking.

Mme [P] estime qu'elle ne pouvait restituer le terrain sans avoir obtenu en retour la propriété de ce qui lui revient et qu'en conséquence les indemnités d'occupation ne sont dues qu'à compter de la date de l'acte authentique qui devra être signé entre les parties relatif à la cession de la petite parcelle ou de la publication de la décision qui en tiendrait lieu. Elle estime qu'avant cette date seule une indemnité d'occupation pour le terrain peut être retenue.

Sur ce,

Aux termes de l'article XIII du bail litigieux " en fin de bail, les constructions et matériel fixe deviennent propriété de l'Office et ceci, sans indemnité à l'égard du preneur ".

Il résulte de cette stipulation qu'à l'expiration du bail, l'emphytéote, ainsi privé de tout titre d'occupation, est tenu de quitter les lieux, sans qu'il ait été prévu de retarder l'échéance du bail jusqu'à la cession de la " petite parcelle " située en débordement de la propriété de Mme [P], et dont la quotité comme le prix restaient à déterminer.

C'est donc à juste titre que le premier juge a fixé le point de départ des indemnités dues par le preneur à compter de cette date.

Il y a lieu, par ailleurs, de tenir compte de ce que la simple vocation du preneur à acquérir une parcelle à extraire, en application du bail, lui confère un titre d'occupation faisant obstacle à toute prétention du bailleur, dans la limite toutefois de la quotité de la parcelle effectivement cédée.

Ainsi, aucune indemnité n'est due au titre de l'occupation de l'ensemble " boutique-atelier-logement " édifié sur la petite parcelle extraite, de même qu'il ne peut être reproché aux consorts [P] l'occupation de la partie du parking située sous cette parcelle.

L'occupation demeure irrégulière, en revanche, en ce qui concerne le terrain sur lequel est édifié la station-service et qui comporte, dans ses tréfonds, la partie du parking n'ayant pas vocation à être cédée à Mme [P] comme étant étrangère au " débordement d'emprise " visé par le bail.

Le jugement est confirmé sur ce point, ses motifs adoptés pour le surplus.

- Sur l'indemnité d'occupation du terrain et des constructions (hors parking souterrain)

L'établissement [Localité 14] habitat expose que les consorts [P] ont donné la station-service en location-gérance, à compter du 1er juillet 2000, à la société Océane, dont la gérante est la fille de Mme [P], et qu'à ce titre M. et Mme [P] ont perçu une somme mensuelle de 4 878, 37 euros HT (soit 58 540, 44 euros/an HT) au titre de la location du fonds de commerce et des locaux dans lequel le fonds est exploité. Il demande en conséquence le paiement des redevances perçues à ce titre depuis le 5 mai 2007.

Madame [P] demande la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté ce chef de demande, en faisant valoir que l'indemnité qui serait due au titre de l'occupation du terrain sur lequel se trouvent les installations de distribution du carburant et une installation de lavage de voiture ne peut pas être calculée en prenant pour référence la location du fonds de commerce lui appartenant. Elle ne s'estime redevable que la valeur locative du terrain.

Sur ce,

L'indemnité d'occupation, en cas d'occupation sans droit ni titre, est destinée non seulement à compenser les pertes de loyer subies par le bailleur, mais également à l'indemniser du préjudice qu'il subit du fait de l'occupation qui rend indisponible le bien anciennement loué.

Depuis l'expiration du bail, l'établissement [Localité 14] habitat ne perçoit plus de redevances pour l'occupation du terrain, et le bien est rendu indisponible du fait de son occupation irrégulière, de sorte que le principe de l'indemnité d'occupation n'est pas sérieusement contestable.

Toutefois, l'indemnité d'occupation n'est pas destinée à réparer un préjudice seulement éventuel, à l'instar de la perte des fruits que pourrait procurer au propriétaire une exploitation commerciale non souhaitée des lieux occupés.

En effet, dans son courrier du 27 avril 2007, l'OPH de [Localité 14] a indiqué à M. et Mme [P], qu'il " [projetait] de construire sur cette parcelle, en lieu et place de la station-service, un ensemble résidentiel locatif social ", de sorte que l'intimée n'entendait aucunement voir gérée pour son compte la station-service.

Il en résulte que son préjudice ne peut correspondre au montant des sommes perçues au titre de la location-gérance de la station-service et doit se limiter, au vu des seuls éléments d'appréciation versés aux débats, à la valeur locative du terrain, d'une surface de 1 537, 90 m2, fixée par le sapiteur à la somme de 13 841, 10 euros par an (pièce n° 20 du dossier de l'appelante).

Le jugement sera confirmé pour ces motifs ajoutés à ceux du premier juge.

- Sur l'indemnité d'occupation afférente au parking souterrain

Mme [P] fait grief au tribunal de ne pas avoir tenu compte de la " réalité économique " liée à l'exploitation de ce parking, alors que l'expert a constaté que sur les 6 dernières années précédant le dépôt de son rapport, le chiffre d'affaires afférent au parking s'est élevé à la somme de 23 490 euros soit une recette annuelle réelle de 3 915 euros hors taxes pour tous les emplacements (2 923 euros hors taxes pour 56 emplacements).

L'établissement [Localité 14] habitat s'appuie sur le tarif unitaire mensuel de 60 euros par emplacement que les époux [P] ont déclaré avoir appliqué à leurs locations en 2011 et 2012. Il estime que la valeur locative des emplacements peut être fixée au résultat de la multiplication du nombre d'emplacements que comporte ce parking souterrain sur ses deux niveaux, à l'exclusion des emplacements de parking et boxes revenant à Mme [P] (soit 56 emplacements). Il accepte de retenir un taux d'inoccupation moyen de 30 % qu'il juge acceptable, refuse tout abattement de précarité et n'accepte de régler les frais d'entretien qu'au vu du justificatif des frais effectivement engagés.

Sur ce,

Il ressort du rapport d'expertise que M. et Mme [P] ont déclaré au cours des années 2010 à 2012 des recettes de 11 745, 21 euros, soit 3 915 euros par an pour les 100 emplacements que compte le parking.

Toutefois, comme l'a relevé à raison le tribunal, ce chiffre d'affaires effectivement constaté n'est pas représentatif du préjudice réellement éprouvé par le bailleur, qui aurait pu mieux exploiter les lieux.

Il convient par conséquent de rechercher la valeur théorique de la jouissance du parking, ce à quoi s'est employé l'expert.

L'expert sapiteur chiffre un " dû maximum " d'abord sur la base d'un prix de la location à 60 euros l'emplacement, comme proposé par l'intimée, puis, le considérant excessif, sur la base de 56 euros. Il note à cet égard que les résidents bénéficient d'autres parkings, que la rue en impasse permet le stationnement à l'extérieur et que la clientèle bénéficie d'un pouvoir d'achat réduit dans les environs.

Il retient par ailleurs un taux d'inoccupation de 30 %, tout en relevant que lors de sa visite, à peine 15 % des emplacements étaient occupés par des véhicules, pour la plupart poussiéreux, et note qu'un pourcentage d'occupation de 50 % serait un maximum, bien que les calculs soient effectués sur la base de 70 % d'occupation. Sur ce point, il précise : " il reste au tribunal d'apprécier s'il confirme l'abattement de 30 %, voire de 50 % qui serait plus réaliste ".

Il retient en outre un abattement de 10 % correspondant à l'entretien (" car il est impossible de circonscrire les différents frais facturés globalement par les concessionnaires "), et 10 % de précarité (" les époux [P] ne sont pas squatters, et ont bénéficié d'un bail non renouvelé sous une autre forme, d'où la procédure pendante actuelle, leur empêchant tout investissement du fait de leur situation juridique non définie ").

Les frais apparaissent évidents, de sorte que l'abattement de 10 % retenu par l'expert est cohérent dès lors qu'il s'agit d'évaluer, non le bénéfice réel de l'exploitation du parking par les époux [P], mais la valeur locative du bien irrégulièrement occupé.

De même, il apparaît justifié d'appliquer ce que l'expert désigne " taux de précarité " et qui correspond en réalité à une décote représentative de l'état réel des lieux, du fait d'un sous-investissement des lieux occupés, en raison du contentieux entre les parties, et de l'aléa qu'il induit dans la cristallisation des droits des parties.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il sera donc retenu, sur la base de 56 euros par emplacement (56 x 56 euros x 12 = 37 632 euros), le taux d'inoccupation jugé " plus réaliste " de 50 % (37 632 x 0, 50 = 18 816), un taux de précarité de 10 % (18 816 x 0, 90 = 16 934, 40 euros) et 10 % de frais d'entretien (16 934, 40 x 0, 90 = 15 240, 96) pour voir chiffrer l'indemnité d'occupation annuelle à la somme de 15 240, 96 euros.

Le jugement sera réformé sur ce point.

- Sur la prise en compte du règlement des taxes foncières :

Il n'est pas contesté que la taxe foncière est réglée par Mme [P], ce qui représente un montant annuel de 2 355 euros lié à l'occupation des terrains par Mme [P] et qui limite d'autant le préjudice de l'intimée.

Conformément à la demande formulée par l'appelante et aux préconisations de l'expert qui s'est étonné de cet état de fait sans être contredit par l'intimée, il y a donc lieu d'imputer la somme annuelle de 2 355 euros sur le montant des indemnités dues.

Le jugement sera confirmé de ce chef et ses motifs adoptés.

Au résultat, l'indemnité d'occupation sera fixée à la somme annuelle de 26 727, 06 euros (13 841, 10 + 15 240, 96 - 2355) après imputation de la somme de 2 355 euros, en deniers ou quittance.

L'établissement [Localité 14] habitat demande à voir arrêter les sommes à la date du 2 avril 2022 " sauf à parfaire jusqu'à complète et effective libération des lieux ".

Mme [P] sera condamnée en conséquence à verser à l'établissement [Localité 14] habitat la somme de 398 500 euros (26 727, 06 euros x 14, 91) correspondant à l'indemnité due au titre de 15 années d'occupation irrégulière des lieux ; somme arrêtée provisoirement à la date du 2 avril 2022.

Par dérogation à l'article 1231-7, alinéa 2, in fine du code civil, cette somme emportera intérêt à compter du jugement de première instance, étant précisé que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront eux-mêmes intérêt en application de l'article 1343-2 du code civil.

" Sur les dommages et intérêts et la mesure d'expulsion demandés

En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle approuve, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties, en rejetant les demandes de dommages-intérêts dirigées contre Mme [P], tout en ordonnant son expulsion de l'ensemble des terrains et constructions, en ce compris le sol et le sous-sol de la parcelle [Cadastre 9], à l'exception de ceux qui lui sont vendus.

" Sur les frais irrépétibles et dépens

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Succombant, Mme [P] sera condamnée à régler les dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Lafon, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

En outre, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'équité commande de condamner Mme [P] à indemniser l'intimée de ses frais irrépétibles dans la limite de 3 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en qu'il a condamné Mme [G], veuve [P], à payer à la société [Localité 14] Habitat la somme de 34 065,30 euros par an, au prorata du nombre de jours écoulés, à compter du 5 mai 2007 et jusqu'à la restitution effective des lieux, au titre de l'occupation des terrains et emplacements de parking qui appartiennent à la société [Localité 14] Habitat, soit la somme de 476 914,20 euros, provisoirement arrêtée au 5 mai 2021, avec intérêt au taux légal à compter du présent jugement, provisions non déduites,

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Condamne Mme [Y] [G], veuve [P], à payer à l'EPIC [Localité 14] habitat la somme de 26 727, 06 euros par an, en deniers ou quittance, au prorata du nombre de jours écoulés, à compter du 5 mai 2007 et jusqu'à la restitution effective des lieux, au titre de l'occupation des terrains et emplacements de parking qui appartiennent à la société [Localité 14] Habitat, soit la somme de 398 500 euros, provisoirement arrêtée au 2 avril 2022, avec intérêt au taux légal à compter du jugement, provisions non déduites,

Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront eux-mêmes intérêt en application de l'article 1343-2 du code civil,

Y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande de l'établissement [Localité 14] habitat tendant à voir fixer le prix de la vente à la somme de 132.000 euros,

Condamne Mme [Y] [G], veuve [P] aux dépens,

Condamne Mme [Y] [G], veuve [P] à régler à l'EPIC [Localité 14] habitat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame F. PERRET, Président et par Madame K. FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-3
Numéro d'arrêt : 21/06431
Date de la décision : 27/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-27;21.06431 ?
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