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25/06/2024 | FRANCE | N°23/00938

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-2, 25 juin 2024, 23/00938


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 51G



Chambre civile 1-2



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 25 JUIN 2024



N° RG 23/00938 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VVTD



AFFAIRE :



[T] [M]





C/



Société [Localité 5] HABITAT PUBLIC











Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Novembre 2022 par le Tribunal de proximité de Colombes

N° Chambre :

N° Section :
r>N° RG : 1121000278



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 25/06/2024

à :





Me Corinne MANCHON



Me Franck LAFON







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT CINQ JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 51G

Chambre civile 1-2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 JUIN 2024

N° RG 23/00938 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VVTD

AFFAIRE :

[T] [M]

C/

Société [Localité 5] HABITAT PUBLIC

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Novembre 2022 par le Tribunal de proximité de Colombes

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 1121000278

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 25/06/2024

à :

Me Corinne MANCHON

Me Franck LAFON

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [T] [M]

né le 22 Mars 1971 à [Localité 6] (92)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Corinne MANCHON, Plaidant et Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 561

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/011661 du 20/01/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANT

****************

Société [Localité 5] HABITAT PUBLIC Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Chiara TRIPALDI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0913 - Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20230050

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Mai 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne THIVELLIER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Anne THIVELLIER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Julie FRIDEY,

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat du 29 juillet 2013, l'établissement public [Localité 5] Habitat Public a donné à bail à M. [T] [M] un logement à usage d'habitation situé [Adresse 4] moyennant un loyer mensuel de 280,90 euros.

Par contrat du 21 mai 2019, l'établissement public [Localité 5] Habitat Public a donné à bail à M. [T] [M] un autre logement situé [Adresse 2] moyennant un loyer mensuel de 423,60 euros.

Par acte d'huissier de justice en date du 25 juin 2021, M. [T] [M] a fait citer l'établissement public [Localité 5] Habitat Public aux fins de le voir condamner, du fait de la présence en sous-sol d'un transformateur de très haute puissance implanté au-dessous de son appartement situé en rez-de-chaussée ayant provoqué des insomnies récurrentes aboutissant à une dégradation de son état de santé entraînant sa reconnaissance par la MDPH d'un taux d'incapacité de 95% alors qu'il était auparavant reconnu à 80%, sur le fondement de la loi du 06 juillet 1989 et de l'article 1231-1 du code civil, à :

- lui verser la somme de 20 029,80 euros à titre de dommages-intérêts correspondant à l'intégralité des loyers versés du 29 juillet 2013 jusqu'en mai 2019 au titre de son préjudice de jouissance,

- lui verser la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral,

- ordonner la publication du jugement à intervenir en première page du site internet de l'établissement public [Localité 5] Habitat Public,

- ordonner la remise du jugement à intervenir à tout occupant actuel ou futur du logement litigieux,

- ordonner l'exécution provisoire du jugement.

Par jugement contradictoire du 4 novembre 2022, le tribunal de proximité de Colombes a :

- déclaré irrecevables les demandes formulées par M. [M] au titre de la période allant du 29 juillet 2013 au 25 juin 2018,

- déclaré recevables en leur principe les demandes formulées par M. [M] pour la période allant du 26 juin 2018 au 31 mai 2019,

- débouté M. [M] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice de jouissance,

- condamné l'établissement public [Localité 5] Habitat Public à verser à M. [M] la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,

- condamné l'établissement public [Localité 5] Habitat Public aux dépens,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit,

- rejeté le surplus des demandes.

Par déclaration déposée au greffe le 9 février 2023, M. [M] a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 13 octobre 2023, M. [M], appelant, demande à la cour de :

- le recevoir en ses demandes,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

* a déclaré irrecevables ses demandes formulées au titre de la période allant du 29 juillet 2013 au 25 juin 2018,

* l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice de jouissance,

*a condamné l'établissement public [Localité 5] Habitat Public à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,

* a rejeté le surplus des demandes,

Statuant à nouveau,

- condamner l'établissement public [Localité 5] Habitat Public à lui payer :

* la somme de 20 029,80 euros à titre de dommages-intérêts correspondant à l'intégralité des loyers versés du 29 juillet 2013 jusqu'en mai 2019 au titre de son préjudice de jouissance,

*la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice moral,

- ordonner à l'établissement public [Localité 5] Habitat Public l'attribution dans un délai d'un mois suivant l'arrêt à venir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, à son profit d'un logement sur la commune de [Localité 5], conforme aux normes actuelles de sécurité et aux contraintes de son handicap et à sa demande de logement en date du 23 décembre 2021 (n°1111221987038GDPUB) et d'un loyer de même montant que celui de son logement actuel,

- ordonner :

* la publication de l'arrêt à intervenir en première page du site internet de [Localité 5] habitat public www.[Localité 5]-habitat-public.fr

* la remise de l'arrêt à intervenir à tout occupant actuel ou futur du logement qu'il occupe situé au rez-de-chaussée du [Adresse 4]

- condamner l'établissement public [Localité 5] Habitat Public à payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à recouvrer par Me Manchon conformément aux dispositions de l'article 37 de la loi 91-647 du 10 juillet 1991, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance et de ses suites.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 20 juillet 2023, l'établissement public [Localité 5] Habitat Public, intimé et appelant à titre incident, demande à la cour de :

- débouter M. [M] de son appel et de toutes fins qu'il comporte,

- juger que la demande portant sur le relogement de M. [M] sous astreinte est irrecevable comme nouvelle, subsidiairement mal fondée,

- le recevoir en son appel incident recevable en la forme et juste au fond.

Y faisant droit,

- infirmer le jugement rendu le 4 novembre 2022 par le juge de contentieux de la protection de Colombes en ce qu'il l'a condamné:

* à verser à M. [M] la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,

* aux dépens,

Statuant à nouveau,

- débouter M. [M] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement rendu le 4 novembre 2022 par le juge de contentieux de la protection de Colombes pour le surplus,

- condamner M. [M] à lui payer la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [M] aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 28 mars 2024.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande d'attribution d'un autre logement

M. [M] demande à la cour d'ordonner à l'établissement public [Localité 5] Habitat Public de lui attribuer, sous astreinte, un nouveau logement sur la commune de [Localité 5] en faisant valoir que son second logement n'est pas adapté à son handicap qui nécessite la présence d'une douche à la place d'une baignoire.

Il soutient que cette demande nouvelle est recevable sur le fondement de l'article 565 du code de procédure civile dès lors que le premier juge était saisi de demandes visant à sanctionner l'obligation légale du bailleur de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à sa sécurité physique ou sa santé, de même que la cour, et que cette demande de relogement est liée à ces manquements répétés et à leur réparation.

L'établissement public [Localité 5] Habitat Public conclut à l'irrecevabilité de cette demande sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile en faisant valoir qu'il s'agit d'une demande nouvelle n'ayant pas été débattue en première instance.

Sur le fond, il expose qu'il n'est pas compétent pour attribuer un logement social et que seule la commission d'attribution est habilitée à cet effet en application des articles L. 441 et suivants du code de procédure civile.

Sur ce,

En application de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 565 du même code dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

L'article 566 du même code dispose que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessair.

En l'espèce, il n'est pas contesté que M. [M] n'avait pas formulé cette demande devant le premier juge.

Il convient de relever que cette demande de relogement concerne un autre bien que celui concerné par la procédure initiale et dans lequel M. [M] résidait déjà au jour où il a introduit l'instance et que ses demandes initiales concernaient une indemnisation de préjudices résultant de l'occupation de son précédent logement, de sorte que cette prétention nouvelle ne tend pas à la même fin que celles soumises au premier juge, de même qu'elle n'en constitue ni l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Etant ajouté que M. [M] n'allègue ni ne justifie de la survenance ou de la révélation d'un fait qui serait survenu depuis le jugement déféré, il convient de déclarer sa demande irrecevable.

En tout état de cause, il apparaît que l'attribution d'un logement social relève de la compétence de la commission d'attribution prévue à l'article L. 441-2 du code de la construction et de l'habitation, de sorte que la cour ne pourrait pas faire droit à cette demande et ordonner à l'établissement public [Localité 5] Habitat Public, bailleur social, d'attribuer à M. [M] un autre logement.

Sur la prescription

M. [M] fait grief au premier juge d'avoir retenu que sa demande, pour la période antérieure au 25 juin 2018, était prescrite en se fondant exclusivement sur une interprétation libérale et erronée d'un passage de l'assignation selon lequel il aurait reconnu avoir constaté la dégradation de son état de santé physique et psychologique dès son entrée dans les lieux.

Il soutient, comme devant le premier juge, que ce n'est que lors de son passage aux urgences en janvier 2019 qu'il a fait le lien entre la dégradation de son état de santé et la présence d'un transformateur électrique sous son logement, ce qui lui a permis par la suite d'établir le lien juridique avec la responsabilité de son bailleur. Il ajoute que ses premières réclamations à ce sujet datent de 2019 et 2020.

Il en conclut qu'il n'était pas capable d'exercer valablement son action avant janvier 2019, de sorte que son action, engagée le 25 juin 2021, est recevable en totalité.

Poursuivant la confirmation du jugement déféré, l'établissement public [Localité 5] Habitat Public fait valoir que M. [M] ne démontre pas que le point de départ de la prescription devrait être fixé au 22 janvier 2019 alors même qu'il a reconnu, dans son assignation, avoir constaté une dégradation de son état de santé dès son entrée dans les lieux. Il ajoute qu'au contraire, il résulte de ses courriers versés aux débats qu'il indique subir la situation depuis 6 ans.

Sur ce,

En application de l'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989, toutes actions dérivant d'un contrat de bail sont prescrites par trois ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer ce droit.

En l'espèce, il est littéralement indiqué, dans l'assignation délivrée par M. [M] le 25 juin 2021 que: 'dès l'entrée dans les lieux, M. [M] a constaté la dégradation de son état de santé physique et psychologique compte tenu de la proximité de son logement avec le transformateur électrique', de sorte qu'il en ressort explicitement la reconnaissance de ce qu'il a constaté la survenance des préjudices qu'il invoque dès son entrée dans les lieux et ce en lien avec la présence du transformateur dont il fait état, sans que ce passage de ses conclusions puisse être sujet à interprétation.

Par ailleurs, M. [M] ne peut se fonder sur le compte rendu du service des urgences de l'hôpital de [Localité 5] du 22 janvier 2019 pour soutenir que ce n'est qu'à cette occasion qu'il a fait le lien entre son état de santé et la présence du transformateur alors qu'il ressort de ce document que M. [M] leur a déclaré qu'il consultait pour des symptômes liés à un transformateur électro-magnétique se trouvant sous son appartement, de sorte qu'il s'en déduit que M. [M] avait déjà fait le lien entre les troubles qu'il invoque et ce transformateur.

De même, le fait que ses premiers courriers de réclamation datent de janvier 2019 ne permet pas utilement de remettre en cause ses déclarations figurant dans son assignation.

Dès lors, l'assignation ayant été délivré le 25 juin 2021, il convient de considérer que les demandes formées par M. [M] pour la période antérieure au 25 juin 2018 sont prescrites comme l'a justement retenu le premier juge.

Ce chef du jugement est en conséquence confirmé.

Sur les demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance et du préjudice moral

M. [M] fait valoir qu'il résulte du courrier de l'établissement public [Localité 5] Habitat Public du 10 septembre 2019 que ce dernier reconnaît sa faute du fait de la présence d'un transformateur électrique sous son logement, les troubles en résultant et sa responsabilité et qu'il en propose la réparation contrairement à ce qu'il soutient.

Il affirme que le logement est dangereux et qu'il est situé sur un transformateur électrique haute tension qui alimente un quartier entier et qui est donc fortement sollicité au niveau électrique. Il en déduit que la responsabilité de l'établissement public [Localité 5] Habitat Public, qui lui a loué ce logement et l'y a maintenu, doit donc être engagée de ce fait.

Il critique le jugement déféré en ce qu'il a retenu que son acceptation d'un second logement avec un réduction de loyer valait acceptation de sa part de la réparation intégrale de son préjudice de jouissance en relevant que contrairement aux dispositions de l'article 2044 du code civil, il n'existe aucun écrit par lequel il aurait renoncé à toute action à l'encontre de son bailleur en raison de se relogement. Il soutient être en conséquence fondé à demander la réparation de son préjudice de jouissance correspondant à l'intégralité des loyers versés, et ce d'autant plus que le second logement n'est pas adapté à son handicap.

Au titre de son préjudice moral, il reprend la motivation du premier juge selon laquelle il ressort des certificats médicaux produits qu'il se plaignait de ne plus dormir en raison des perturbations liées au transformateur; qu'il a été obligé de saisir différentes instances avant de voir son préjudice reconnu par le bailleur; et que cette inertie de l'établissement public [Localité 5] Habitat Public l'a obligé à des démarches et tracasseries constitutives d'un préjudice moral.

Il considère en revanche que le premier juge n'a pas pris en compte l'intégralité des faits ni l'ampleur des conséquences qu'il a subies du fait de la présence du transformateur électrique qu'il indique être placé à moins de 15 centimètres de la dalle du sol de son ancien logement sans aménagement particulier pour l'isoler de l'environnement des ondes électriques émises, alors qu'il aurait dû être placé au minimum à 50 mètres d'une habitation, ce qui l'a privé de sommeil durant six années.

Il relève en outre que son nouveau logement n'est pas adapté à son handicap et qu'il ne peut plus se laver de façon satisfaisante et en toute sécurité, ce qui aggrave son préjudice moral, tout comme son handicap.

L'établissement public [Localité 5] Habitat Public soutient que contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, son courrier du 10 septembre 2019 ne saurait s'analyser en une reconnaissance de sa responsabilité ni en une proposition d'indemnisation d'un quelconque préjudice dans la mesure où il a simplement indiqué être sensible à la situation de M. [M] et lui a accordé un geste commercial pour lui prouver qu'il n'était pas laissé pour compte.

En tout état de cause, si la cour devait retenir le principe même de sa responsabilité, il soutient que sa demande n'est pas justifiée ni dans son principe ni dans son quantum. Il relève que M. [M] ne rapporte pas la preuve du lien de causalité entre la présence du transformateur allégué et l'aggravation de son état de santé en l'absence d'éléments médicaux et qu'il ne justifie pas des troubles qu'il invoque, de sorte que ses demandes ne reposent que sur ses seules déclarations qui ne sont corroborées par aucun élément extérieur alors que la charge de la preuve lui incombe.

Il relève que M. [M] ne démontre nullement n'avoir pu jouir de son logement en totalité durant la période visée.

Il note que M. [M] ne peut demander une indemnisation au titre de son ancien logement au regard de l'inadaptation de son nouveau logement dont il fait état.

Enfin, le bailleur soutient que M. [M] ne justifie pas de son préjudice moral tant dans son principe que de son montant. Il ajoute que l'agencement de son nouveau logement est sans incidence sur l'évaluation du préjudice moral qu'il aurait subi du fait de l'occupation du logement situé [Adresse 4]. Il conteste toute inertie dès lors que seuls deux courriers lui ont été adressés et que la plupart des autres courriers sont postérieurs à son relogement. Il relève qu'en tout état de cause, il incombe à M. [M] de se rapprocher de la MDPH pour bénéficier d'une aide éventuelle à la transformation de son logement.

Sur ce,

En application de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d'espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale, défini par un seuil maximal de consommation d'énergie finale par mètre carré et par an, et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation.

(...)

Le bailleur est obligé :

b) D'assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l'article 1721 du code civil, de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle hormis ceux qui, consignés dans l'état des lieux, auraient fait l'objet de la clause expresse mentionnée au a ci-dessus.

Le manquement du bailleur à ses obligations rappelées ci-dessus peut être sanctionné, si le preneur démontre l'existence d'un trouble de jouissance, par sa condamnation au paiement de dommages et intérêts, évalués en fonction de la gravité, de l'intensité et de la durée du trouble.

En l'espèce, M. [M] soutient que l'établissement public [Localité 5] Habitat Public lui a délivré un logement dangereux du fait de la présence d'un transformateur électrique de haute tension situé juste en-dessous de son appartement.

Par courrier du 10 septembre 2019, l'établissement public [Localité 5] Habitat Public a écrit à M. [M] en réponse à son courrier du 30 mai 2019 dans lequel il se plaignait des conséquences de la présence du transformateur: 'Vous nous avez sollicité afin d'obtenir une réduction de votre loyer actuel au regard des désagréments subis dans votre précédent logement.

Sensible à votre condition, je vous informe que nous allons accéder à votre demande.

Nous allons donc procéder à l'application du prix au mètre carré de votre ancien logement sur celui de votre nouveau logement'.

Pour autant, contrairement à ce qu'allègue M. [M] et à ce qu'a retenu le premier juge, il ne résulte pas expressément de ce courrier une reconnaissance de responsabilité de la part de l'établissement public [Localité 5] Habitat Public quant à la présence d'un transformateur situé sous le logement et de troubles en résultant pour l'intéressé, ni d'une indemnisation en découlant.

M. [M] produit trois photographies (pièces 3): celle d'un transformateur sur laquelle est mentionnée 'Electricité de France - Poste de transformation haute tension - Agriculture 6", les deux autres représentant pour l'une le bas d'une façade d'immeuble avec deux soupiraux sous une fenêtre et pour l'autre un parquet. Pour autant, ces simples photographies ne permettent pas de localiser les biens concernés et d'établir qu'il s'agirait effectivement du logement pris à bail par M. [M] ni que ce poste de transformation serait effectivement situé directement sous son logement.

Quand bien même il serait établi que le logement occupé par M. [M] était situé juste au-dessue d'un tel transformateur, M. [M] n'établit pas de préjudice de jouissance en résultant.

En effet, les éléments qu'il verse aux débats, repris ci-dessous, sont insuffisants à l'établir :

- des extraits d'un guide pratique sur les champs électromagnétiques d'extrêmement basse fréquence et les effets sur la santé, émanant du ministère des affaires sociales et de la santé, sans que M. [M] démontre avoir lui-même subi de telles conséquences.

- une notification de décision de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) des Hauts-de-Seine du 5 janvier 2017 l'informant d'un renouvellement de sa carte d'invalidité jusqu'au 31 mars 2022 et la reconnaissance d'un taux d'incapacité supérieur ou égale à 80%, sans précision quant à l'origine de ces difficultés.

- des courriers de M. [M] de réclamations auprès de divers organismes (son bailleur, le préfet, la mairie, le défenseur des droits) pour les aviser de sa situation.

- un compte rendu de son passage aux urgences de l'hôpital de [Localité 5] le 22 janvier 2019 où il est simplement repris les déclarations de M. [M] quant à ses symptômes et leurs causes, à savoir qu'il 'consulte ce jour pour une sensation de palpitation évoluant depuis plusieurs semaines et s'étant aggravé depuis trois jours avec douleur thoracique, le tout dans un contexte d'anxiété car le patient ne dort plus depuis plusieurs semaines en raison des perturbations sonores liés à un transformateur électro-magnétique se trouvant sous son appartement'. Il est conclu à un trouble anxieux, le reste de l'examen étant sans particularité. L'origine de ce trouble n'est donc pas établi par ce document.

- un certificat médical du 16 janvier 2019 dans lequel le médecin certifie que M. [M] lui 'déclare souffrir de nuisances importantes suite aux champs électromagnétiques de son logement depuis plus de 4 ans situé juste au-dessus d'un transformateur de très haute tension', de sorte qu'il s'agit également des seules déclarations de M. [M] sans autre constatation médicale ni preuve de l'origine de ces troubles.

Ces seuls éléments ne permettent donc pas d'établir l'existence de troubles de jouissance subis par M. [M] qui résulteraient de perturbations sonores l'ayant empêché de dormir depuis son entrée dans les lieux.

En tout état de cause, dans la mesure où il a pu occuper le bien pendant toute la durée du bail et qu'il n'établit pas une impossibilité totale d'utiliser les lieux, il ne saurait être indemnisé à hauteur de l'intégralité des loyers versés depuis l'origine.

Il convient en conséquence de débouter M. [M] de sa demande au titre des troubles de jouissance et de confirmer, par substitution de motifs, le jugement déféré de ce chef.

Concernant le préjudice moral allégué, il convient de relever qu'il a été fait droit rapidement à la demande de relogement de M. [M] qui est intervenu dès le mois de mai 2019 alors que sa première réclamation au bailleur a été faite en janvier 2019, de sorte qu'il ne peut être argué d'une inertie de l'établissement public [Localité 5] Habitat Public comme l'a retenu à tort le premier juge.

Par ailleurs, M. [M] n'établit pas de conséquences sur son état de santé, les éléments médicaux produits ne faisant que reprendre ses allégations sans constatation médicale autre qu'un trouble anxieux dont l'origine et le lien avec ses conditions d'occupation du logement ne sont au surplus pas établis.

Enfin, l'appelant ne peut soutenir que le préjudice moral qu'il invoque au titre de l'occupation de l'appartement situé au [Adresse 4] serait amplifié par une inadaptation de son nouveau logement, s'agissant de deux préjudices dont les causes sont distinctes.

M. [M] est en conséquence débouté de sa demande en dommages et intérêts au titre du préjudice moral et le jugement déféré est en conséquence infirmé de ce chef.

En suite, il convient de débouter M. [M] de ses demandes au titre de la publication et de la remise du présent arrêt dont il ne précise pas, au demeurant, le fondement juridique.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

M. [M], qui succombe, est condamné aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelles, les dispositions du jugement déféré étant infirmé de ce chef.

En équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les demandes des parties à ce titre sont en conséquence rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

Déclare irrecevable la demande de relogement sous astreinte présentée par M. [M] ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné l'établissement public [Localité 5] Habitat Public à payer à M. [M] la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral et aux dépens ;

Statuant à nouveau,

Déboute M. [M] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne M. [M] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux règles relatives à l'aide juridictionnelle et qui pourront être recouvrés par Me Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Anne-Sophie COURSEAUX, faisant fonction de Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-2
Numéro d'arrêt : 23/00938
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;23.00938 ?
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