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25/06/2024 | FRANCE | N°22/03133

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-1, 25 juin 2024, 22/03133


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Chambre civile 1-1







ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE

Code nac : 59D





DU 25 JUIN 2024





N° RG 22/03133

N° Portalis DBV3-V-B7G-VFXH





AFFAIRE :



[M], [Y] [G]

C/

[I] [L]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Mars 2022 par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 20/07954



E

xpéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-la SELARL JURIS,



-la SELARL AVOX







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT CINQ JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Chambre civile 1-1

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 59D

DU 25 JUIN 2024

N° RG 22/03133

N° Portalis DBV3-V-B7G-VFXH

AFFAIRE :

[M], [Y] [G]

C/

[I] [L]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Mars 2022 par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 20/07954

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-la SELARL JURIS,

-la SELARL AVOX

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dont le délibéré a été prorogé les 14 mai et 18 juin 2024, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [M], [Y] [G]

né le 01 Janvier 1965 à [Localité 4] - SÉNÉGAL

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Géraud BOMMENEL de la SELARL JURIS, avocat postulant - barreau de PARIS, vestiaire : C0928 - N° du dossier 190509

Me Julien BOUZERAND de la SELARL JURIS, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : P0570

APPELANT

****************

Maître [I] [L]

né le 12 Décembre 1959 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Jean-marc PEREZ de la SELARL AVOX, avocat barreau de PARIS, vestiaire : J109 - N° du dossier 19.06346

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 Février 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sixtine DU CREST, Conseiller chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

FAITS ET PROCÉDURE

Le 25 octobre 2010, M. [G] a passé commande auprès de la société Energia d'une pompe à chaleur air/air et d'un ballon thermodynamique pour une somme totale de 20 000 euros TTC, qu'il a financé par la souscription d'un crédit à la consommation de 20 000 euros auprès de la société Sofinco, et pour lequel son épouse, Mme [G] s'est portée co-emprunteur.

Le 30 décembre 2010, les travaux d'installation thermique réalisés à son domicile par la société Energia ont été réceptionnés par M. [G] sans réserve.

La société Energia a émis une facture le 12 janvier 2011 d'un montant de 20 000 euros TTC, mentionnant que le prix a été acquitté par virement de la société Sofinco d'un montant de 20 000 euros reçu le 14 janvier 2011.

Arguant du dysfonctionnement de la pompe à chaleur, qui n'assurerait pas une température de confort à l'ensemble de son habitation et de la défectuosité du ballon d'eau chaude installé, lequel aurait été déposé suite à un dégât des eaux sans être remplacé, M. [G] a donné mandat à M. [L], avocat au barreau de la Seine-Saint-Denis, lequel a fait assigner devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Meaux la société Energia, ainsi que la société Sofinco, aux droits de laquelle vient la société Consumer Finance, aux fins notamment de voir ordonner une mesure d'expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 14 septembre 2011, le juge des référés du tribunal de grande instance de Meaux a :

Ordonné une mesure d'expertise ;

Mis la provision à valoir sur la rémunération de l'expert à la charge de M. [M] [G] lequel devra verser à cette fin la somme de 1 500 euros au service de la régie avant le 31 décembre 2011, à peine de caducité de la mesure d'instruction ordonnée,

Dans l'attente des opérations d'expertise, suspendu l'exécution du contrat de crédit souscrit par M. [M] [G] auprès de la société Sofinco, précisant que cette suspension prendrait notamment fin en cas de caducité de la mesure d'expertise pour défaut de consignation de la provision.

La provision n'a pas été versée par M. [G] dans le délai qui lui était imparti. La mesure d'expertise ordonnée par le juge des référés a donc été frappée de caducité.

Par ordonnance du 15 février 2013, le juge chargé du contrôle des expertises, saisi par M. [L] d'une demande de relevé de caducité, a refusé d'y faire droit en l'absence de motif légitime.

Par jugement du 25 novembre 2015, le tribunal d'instance de Meaux saisi au fond des prétentions de M. [G], représenté par M. [L], a :

Déclaré M. [M] [G] irrecevable en son action formée à l'encontre de la société Energia et de son mandataire judiciaire, la SELARL Aurélie Lecaudey, celle-ci comprenant la mesure d'expertise avant dire-droit devenue sans objet,

Débouté en conséquence M. [M] [G] de sa demande de résolution du contrat de crédit subséquente à celle du contrat principal,

Débouté M. [M] [G] de sa demande de nullité du contrat de crédit,

Débouté la société Energia et son mandataire judiciaire, la SELARL Aurélie Lecaudey, de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

Déclaré recevable la demande en paiement formée par la société CA Consumer Finance,

Débouté M. [M] [G] de sa demande au titre de la déchéance du droit aux intérêts formée à l'encontre de la société CA Consumer Finance,

Condamné solidairement M. et Mme [G] à payer à la société CA Consumer Finance la somme de 21 415,48 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,46 % l'an à compter du 27 décembre 2012,

Débouté la société CA Consumer Finance de ses demandes au titre de l'indemnité de résiliation et des primes d'assurances impayées,

Débouté M. [M] [G] de sa demande de désinscription du FICP sous astreinte,

Condamné M. [M] [G] à payer à la société Energia et à son mandataire judiciaire, la SELARL Aurélie Lecaudey, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné solidairement M. et Mme [G] à payer à la société CA Consumer Finance la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

Condamné M. et Mme [G] aux dépens de l'instance.

M. [G] indique avoir fait appel de cette décision le 3 février 2016, la cour d'appel de Paris ayant prononcé la clôture de l'instruction de l'affaire le 30 octobre 2018 et fixé la date des plaidoiries au 22 janvier 2019, sans qu'il n'ait connaissance de la décision rendue par cette juridiction.

Estimant que M. [L] a commis plusieurs fautes dans l'exécution du mandat qu'il lui a confié afin de défendre ses intérêts dans le litige l'opposant à la société Energia, M. [G] l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Bobigny par acte d'huissier de justice du 15 octobre 2019.

Par ordonnance du 3 septembre 2020, le juge de la mise en état de ce tribunal a, sur le fondement de l'article 47 du code de procédure civile, renvoyé l'affaire devant le tribunal judiciaire de Nanterre.

Par un jugement contradictoire rendu le 24 mars 2022, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

Rejeté l'intégralité des demandes de M. [M] [G],

Rejeté les demandes des parties en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamné M. [M] [G] à supporter les entiers dépens de l'instance,

Rappelé que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire.

Par conclusions notifiées le 8 juillet 2022, M. [G] demande à la cour de :

Vu les articles 411 à 413 du code de procédure civile,

Vu les articles 1147 et 1149 anciens du code civil,

Vu les articles 1991 et 1992 du code civil,

Vu les articles 3 et 9 du décret du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat,

Déclarer recevable son appel,

Y faisant droit,

Infirmer le jugement rendu le 24 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Nanterre,

Et, statuant à nouveau,

Condamner M. [I] [L], en sa qualité d'avocat de M. [G], à lui verser la somme de 33 631,14 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice patrimonial qu'il lui a causé,

À titre subsidiaire,

Condamner M. [I] [L], en sa qualité d'avocat de M. [G], à lui verser la somme de 21 631,14 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice patrimonial qu'il lui a causé,

En tout état de cause,

Condamner M. [I] [L], en sa qualité d'avocat de M. [G], à lui verser la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral qu'il lui a causé,

Condamner M. [I] [L] au paiement de la somme de 10 000 euros à M. [G] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et l'appel,

Condamner M. [I] [L] aux dépens.

Par conclusions notifiées le 7 octobre 2022, M. [L] demande à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages-intérêts de M. [G],

Confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de M. [G] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner M. [G] verser à Me [L] une indemnité de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Subsidiairement,

Limiter le préjudice de perte de chance de M. [G] à un pourcentage des frais de remise en état de l'installation litigieuse, évalués à 5 000 euros,

Le débouter de ses demandes plus amples ou contraires,

Statuer ce que de droit sur les dépens.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 21 décembre 2023.

SUR CE, LA COUR,

Sur les limites de l'appel

Il résulte des écritures susvisées que le jugement est querellé en toutes ses dispositions.

Sur les fautes

Le jugement a considéré que M. [G] ne démontrait pas avoir versé la somme de 1500 euros au titre de la consignation, mais que son avocat avait manqué à son obligation d'information et de conseil en n'appelant pas son attention sur les risques d'une absence de consignation.

Il a en outre distingué les faits reprochés à M. [L] au titre de l'absence de déclaration de créances devant les organes de la procédure collective de la façon suivante :

aucune faute ne peut lui être reprochée s'agissant de la « créance » correspondant à une action en résolution ou annulation du contrat puisque cette « créance », qui trouve son origine dans une décision de justice ayant prononcé une telle annulation, n'était pas antérieure à l'ouverture de la procédure collective et n'était donc pas soumise à l'obligation de déclaration préalable (article L. 622-24 alinéa 1 du code de commerce) ; le jugement ajoute qu'en tout état de cause, cette action se heurte à l'impossibilité de poursuivre individuellement un débiteur placé en redressement judiciaire en application de l'article L. 622-22 du code de commerce ;

En revanche, la créance indemnitaire de M. [G] (action en dommages et intérêts) et la créance au titre du crédit d'impôt non obtenu étaient soumises à l'obligation de déclaration préalable prévue par l'article L. 622-24 précité ; en l'absence de toute instance en cours au jour de l'ouverture de la procédure collective, une telle action se heurtait à l'impossibilité de poursuivre individuellement un débiteur placé en redressement judiciaire en application de l'article L. 622-22 du code de commerce ; la faute de M. [G] réside dès lors dans le fait de ne pas s'être tenu informé de la situation de la société Energia afin de pouvoir être en mesure de déclarer ses créances, et de n'avoir par conséquent pas déclaré les créances indemnitaires et de crédit d'impôt de M. [G].

Moyens des parties

Poursuivant l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes d'indemnisation, M. [G] fait valoir, au fondement de l'article 1147 ancien du code civil, que M. [L], investi d'un mandat de représentation et d'assistance, a manqué à son obligation d'information et de diligence tout d'abord, s'agissant de la procédure, en ne procédant pas à la déclaration de la créance indemnitaire, et au titre du crédit d'impôt de M. [G] au passif de la société Energia placée en redressement judiciaire le 5 octobre 2011. Selon lui, ces créances, dont le fait générateur est la faute commise par la société Energia, sont antérieures au jugement d'ouverture de la procédure collective de sorte qu'elles pouvaient fait l'objet d'une déclaration de créances en application de l'article L. 622-24 du code de commerce. Il ajoute qu'il appartenait à M. [L], toujours investi de son mandat, de surveiller la situation de la société Energia dont le redressement judiciaire avait été publié au BODACC le 21 octobre 2011.

En outre, M. [G] fait valoir que M. [L] a manqué à ses devoirs de diligence et de compétence en diligentant une procédure devant le tribunal de Meaux aux fins d'annulation du contrat, de non-paiement du prix de vente et de dommages et intérêts alors que seule une action en résolution du contrat, laquelle n'avait pas pour objet le paiement d'une somme d'argent, demeurait possible à l'encontre d'un débiteur placé en redressement judiciaire. Il considère également que M. [L] a manqué à son devoir de diligence car il aurait dû, parallèlement à cette action, déclarer au passif de la société Energia la créance de restitution du prix de vente. Il soutient que le juge commissaire aurait inscrit la créance au passif en se fondant sur le jugement prononçant la résolution du contrat. Selon lui, la société Energia ayant vu sa situation s'améliorer, cette créance aurait pu être dûment réglée.

Il soutient ensuite que M. [L], s'agissant de l'administration de la preuve, a manqué à son obligation de diligences et de conseil en omettant de consigner la provision sur expertise que son client lui avait versée, et en ne lui proposant pas de pallier cette erreur en ayant recours à une expertise privée.

M. [L] ne réplique que sur l'absence de consignation des faits d'expertise et le défaut de déclaration de créances au passif de la société Energia.

Sur le premier point, il fait valoir que M. [G] ne justifie pas du débit du chèque ni de sa remise à son conseil. Il prétend que M. [G] lui a indiqué avoir adressé directement le chèque à l'expert, ainsi qu'en atteste le talon de chèque produit par l'appelant. Il explique connaître M. [G] depuis plusieurs années ce qui explique l'absence d'écrit dans leurs échanges. Il précise n'avoir eu aucune nouvelle de M. [G] entre le 31 décembre 2011, jour où l'ordonnance de désignation d'expert est devenue caduque, et la mise en demeure de la société Sofinco du 27 décembre 2012. Il en déduit que M. [G] est à l'origine de l'absence de consignation.

Sur le deuxième point, il fait valoir que la publication au BODACC est intervenue le 21 octobre 2011 de sorte que M. [G] avait jusqu'au 21 décembre 2011 pour déclarer sa créance, ce qu'il n'aurait pas pu faire en l'absence de nouvelle de son client. Il ajoute qu'à supposer la déclaration de créance effectuée dans les délais, elle aurait été rejetée du fait de la caducité de la mesure d'expertise et de l'absence de toute procédure subséquente en 2012. S'appuyant sur la jurisprudence, il ajoute qu'en tout état de cause, une action en résolution du contrat sans demande de restitution du prêt était possible à l'encontre de la société Energia, même placée en redressement judiciaire, de sorte que le défaut de déclaration de créance préalable n'est pas en lien de causalité avec l'absence de recours que déplore M. [G].

Appréciation de la cour

Selon les articles 411 à 413 du code de procédure civile, le mandat de représentation en justice emporte pouvoir et devoir d'accomplir au nom du mandant les actes de la procédure. La mission d'assistance en justice emporte pouvoir et devoir de conseiller la partie et de présenter sa défense sans l'obliger. Le mandat de représentation emporte mission d'assistance, sauf disposition ou convention contraire.

L'article 1231-1 (1147 ancien) du code civil dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

L'article L. 622-21 I. du code de commerce dispose que :

« I.- Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :

1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. »

Selon l'article L. 622-17 précité, « I.-Les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance.

II.-Lorsqu'elles ne sont pas payées à l'échéance, ces créances sont payées par privilège avant toutes les autres créances (') ».

L'article L. 622-24 du même code précise :

« A partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat. Lorsque le créancier a été relevé de forclusion conformément à l'article L. 622-26, les délais ne courent qu'à compter de la notification de cette décision ; ils sont alors réduits de moitié. (')

La déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix. Le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance.

Lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n'a pas adressé la déclaration de créance prévue au premier alinéa.

La déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d'une évaluation ('). »

Enfin, l'article L. 622-26 dispose, s'agissant des délais pour déclarer sa créance, que :

« A défaut de déclaration dans les délais prévus à l'article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6. Ils ne peuvent alors concourir que pour les distributions postérieures à leur demande.

Les créances et les sûretés non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus. (')

L'action en relevé de forclusion ne peut être exercée que dans le délai de six mois. Ce délai court à compter de la publication du jugement d'ouverture ou, pour les institutions mentionnées à l'article L. 3253-14 du code du travail, de l'expiration du délai pendant lequel les créances résultant du contrat de travail sont garanties par ces institutions. Pour les titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié, il court à compter de la réception de l'avis qui leur est donné. Par exception, si le créancier justifie avoir été placé dans l'impossibilité de connaître l'obligation du débiteur avant l'expiration du délai de six mois, le délai court à compter de la date à laquelle il est établi qu'il ne pouvait ignorer l'existence de sa créance ».

Sur le moyen tiré du défaut de consignation

Pas plus qu'en première instance, M. [G] ne justifie avoir remis à son ancien conseil le chèque qu'il prétend lui avoir fourni en vue du paiement de la consignation. Il ne justifie pas non plus du débit de la somme de 1500 euros (les relevés de compte qu'il produit en pièce 35 ne comporte pas la mention d'un chèque de 1500 euros). La production de la copie d'un talon de chèque indiquant la somme de « 1500 euros » et le nom de l'expert n'est pas de nature à démontrer une remise de cette somme à M. [L] (pièce 13 de l'appelant).

En revanche, ainsi que l'ont à juste titre retenu les premiers juges, il appartenait à M. [L] de lui rappeler les risques d'une absence de consignation, ce que ce dernier ne justifie pas avoir fait. Il s'ensuit que M. [L], sur ce point, a manqué à son obligation d'information et de conseil.

M. [G] reproche encore à son ancien conseil de ne pas lui avoir conseillé de recourir à une mesure d'expertise privée. La cour constate que la requête en relevé de forclusion intentée par M. [L] au nom de M. [G] devant le juge chargé du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Meaux, a été rejetée notamment parce que « il s'est déroulé 17 mois entre l'ordonnance de référé et la demande de relevé de caducité » (ordonnance du 15 février 2013, pièce 24 de l'appelant). Cet élément confirme le fait qu'en 2012, M. [L] n'a plus eu de nouvelle de son client et qu'il a opté pour tenter d'obtenir un relevé de forclusion. M. [L] ne démontre pas avoir conseillé à M. [G] d'avoir recours au service d'un expert privé, le privant ainsi d'un mode de preuve qui aurait pu servir ses intérêts. Il a donc manqué à son obligation de conseil sur ce point.

Sur le moyen tiré du défaut d'action en résolution du contrat

Il n'est pas contesté qu'en juillet 2011, M. [G] a donné mandat à M. [L] pour que celui-ci assigne les sociétés Energia et Sofinco devant le juge des référés afin que soit ordonnée une expertise et la suspension du contrat de crédit, ce qui a été obtenu par ordonnance du 14 septembre 2011.

Force est de constater que M. [G] ne justifie pas avoir donné mandat à M. [L] pour diligenter d'autres procédures. Cependant, M. [L], ayant été informé par M. [G] de la mauvaise exécution du contrat par la société Energia, était tenu de défendre au mieux les intérêts de son client et de lui conseiller de mener toute procédure utile.

Il résulte de l'article L. 622-21 susvisé que le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance est antérieure au jugement d'ouverture et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

Cependant, une action en résolution du contrat sans demande de restitution du prix demeure possible à l'encontre du débiteur. Échappent à la suspension des poursuites les actions en résolution fondées sur une autre cause que le non-paiement d'une somme d'argent, comme par exemple une inexécution d'une obligation de faire (Cass. com., 12 mai 1992, n° 90-13.945 ; Cass. 3e civ., 24 juin 1998, n° 96-16.711 ; Cass. com., 11 oct. 2016, n° 15-16.099) ou un défaut de conformité et vices cachés (Cass. com., 2 mars 1999, n° 96-12.071). Il en est ainsi même si la demande est accompagnée d'une demande corrélative de restitution du prix, mais la créance de restitution doit être fixée en suivant la procédure de vérification devant le juge-commissaire (Cass. com., 15 juin 2022, n° 21-10.802).

La société Energia a été placée en redressement judiciaire le 5 octobre 2011. M. [L] avait été saisi de la défense des intérêts de M. [G] dès juillet 2011.

Ainsi, il a été jugé que (souligné par la cour) :

« Il résulte des articles L. 622-21, I, et L. 641-3 du code de commerce que le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

Il s'ensuit que l'action en résolution d'un contrat pour inexécution d'une obligation autre qu'une obligation de payer une somme d'argent n'est ni interrompue ni interdite par le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire.

Ayant relevé que M. et Mme [V] demandaient la résolution du contrat de vente conclu avec la SCI Les Gaudinelles pour manquement de celle-ci à son obligation de livraison du bien, soit pour une cause autre que le non-paiement d'une somme d'argent, la cour d'appel en a exactement déduit que cette action, qui n'était pas interdite, était recevable, peu important que M. et Mme [V] aient demandé, en outre, à la cour d'appel de dire que la SCI Les Gaudinelles devait leur restituer les fonds déjà payés.

Le moyen n'est donc pas fondé ».

« Vu les articles L. 622-17, L. 622-21, I, L. 624-2, L. 641-3, L. 641-13 et L. 641-14 du code de commerce,

Il résulte du premier, du deuxième, du quatrième et du cinquième de ces textes que lorsqu'un contrat conclu avant l'ouverture de la procédure collective est résolu, après l'ouverture de cette procédure, pour inexécution d'une obligation autre qu'une obligation de payer une somme d'argent, la créance de restitution, bien que née postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, ne peut bénéficier du traitement préférentiel prévu par ces dispositions, faute d'être née pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période.

En conséquence, le débiteur ne peut être condamné à payer cette créance de restitution et, conformément aux dispositions du troisième et du sixième de ces textes, le créancier, après l'avoir déclarée, ne peut en faire constater le principe et fixer le montant qu'en suivant la procédure de vérification des créances devant le juge-commissaire.

Pour condamner la SCI Les Gaudinelles à payer à M. et Mme [V] la somme de 68 502,04 euros, après avoir jugé que le manquement de cette société à son obligation de livrer le bien en cause justifiait la résolution du contrat, l'arrêt retient que la créance de restitution est une créance postérieure à l'ouverture de la procédure collective et, par conséquent, n'est pas soumise à déclaration au passif de la procédure.

En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés » (Com., 15 juin 2022 n°21-10.802).

Ayant connaissance des faits reprochés par M. [G] à la société Energia, il appartenait à M. [L] de s'informer de la situation de cette société, dont le redressement judiciaire a été publié au BODACC le 21 octobre 2011. M. [L] était recevable à diligenter, même après cette date, une action en résolution du contrat sans solliciter la restitution du prix de vente et, plus largement, sans solliciter le paiement d'une somme d'argent, ce qu'il n'a pas fait.

M. [L] a en effet saisi le tribunal d'instance de Meaux en demandant à la fois l'annulation du contrat et la restitution du prix, outre des dommages et intérêts, rendant son action de facto, eu égard à l'article L. 622-21 précité, irrecevable.

Ainsi, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, M. [L] a donc manqué à son obligation de conseil et de diligences en ne conseillant pas à son client de solliciter la résolution du contrat et, une fois la résolution judiciaire obtenue, en ne procédant pas à la déclaration de sa créance.

Sur le moyen tiré du défaut de déclaration de créances (créance en restitution du prix et créance indemnitaire)

Il résulte de ce qui précède que M. [L] aurait dû déclarer la créance de M. [G], il pouvait le faire même sans titre conformément à l'article L. 622-24 du code de commerce.

Toutefois, cette déclaration de créance n'aurait pas eu le traitement privilégié des créances nées pendant la procédure collective, et M. [L] n'aurait pu en faire constater le principe et fixer le montant qu'en se soumettant à la procédure de vérification des créances par le juge-commissaire après avoir déclaré sa créance. Compte tenu des délais, un relevé de forclusion n'aurait été possible que dans le délai de 6 mois à compter de la date à laquelle il est établi qu'il ne pouvait ignorer l'existence de sa créance, soit la date de la notification de la décision de résolution du contrat.

En ne procédant pas à cette diligence, M. [L] a également manqué à son devoir de conseil et de diligences.

Sur le moyen tiré du défaut de déclaration de créance au titre du crédit d'impôt

Il résulte de la proposition de rectification de l'administration fiscale que M. [G] n'a pu bénéficier du crédit d'impôt pour l'année 2010 ' non en raison d'une modification de l'article 200 quater du code général des impôts ' mais en raison du fait que la facture d'installation des équipements avait été soldée le 14 janvier 2011 (pièce 17-2 de l'appelant). Par conséquent, l'absence du bénéfice du crédit d'impôt pour l'année 2010 est sans lien avec l'intervention de M. [L], de sorte qu'il ne peut être reproché à ce dernier aucune faute de ce chef.

Au total, M. [L] a manqué à son obligation de conseil et de diligences en ne rappelant pas à son client les risques d'une absence de consignation, en ne diligentant pas une action en résolution du contrat contre la société Energia et en ne déclarant pas la créance de M. [G] au titre de la restitution du prix et au titre de dommages et intérêts.

Sur les préjudices et le lien de causalité

Le jugement a retenu que la faute de l'avocat liée au défaut d'information sur les risques d'une absence de consignation n'a pas privé M. [G] de la possibilité d'être indemnisé des préjudices qu'il invoque mais lui a simplement fait perdre un moyen de preuve, auquel il aurait pu pallier par la suite en produisant un rapport d'expertise privé lors de l'instance au fond.

Par ailleurs, il a retenu que la faute constituée par le défaut de déclaration d'une créance indemnitaire et au titre du crédit d'impôt était indifférente dans la mesure où en tout état de cause, M. [G] aurait été irrecevable à diligenter une action en indemnisation contre un débiteur individuel placé en redressement judiciaire (article L. 622-22 du code de commerce). Au surplus, il a retenu que le préjudice matériel sollicité par M. [G] n'était pas étayé. Il a en outre ajouté que la rectification dont avait fait l'objet M. [G] n'était pas motivé par le fait qu'il n'avait en réalité pas droit au crédit d'impôt promis mais en raison de la discordance entre la date à laquelle la facture a été soldée par l'intéressé et l'année pour laquelle il a sollicité le bénéfice du crédit d'impôt.

Sur les autres chefs de préjudice (honoraires, 1500 euros de consignation, frais d'huissier de justice et d'assignation, frais du greffe du tribunal de commerce), il a retenu que M. [G] ne justifiait pas du paiement de ces frais.

Il a retenu le même motif s'agissant des échéances du prêt Sofinco (repris par la société Consumer Finance) et a, au surplus, indiqué qu'elles ne constituaient pas un préjudice indemnisable puisque, à supposer qu'ait eu lieu l'annulation du contrat de prêt subséquente à l'annulation du contrat principal, M. [G] aurait dû rembourser l'intégralité des sommes prêtées.

Enfin, s'agissant du préjudice moral, le tribunal a considéré qu'il n'était pas étayé.

Moyens des parties

Au titre de son préjudice patrimonial, M. [G] fait valoir qu'il a subi une perte de chance d'obtenir la résolution du contrat puis la restitution du prix d'achat en raison des fautes de M. [L].

A titre subsidiaire, il soutient qu'il a perdu une chance d'obtenir la condamnation de la société Energia à lui rembourser le crédit d'impôt qu'elle lui avait promis.

Il produit au débat un rapport d'expertise de l'installation du 19 août 2019 qui, selon lui, démontre les dysfonctionnements de l'installation (sous-dimensionnement et mauvaise installation) de sorte qu'il avait des chances réelles et sérieuses d'obtenir, de la part du tribunal de grande instance de Meaux, la résolution du contrat. Il ajoute qu'une fois la résolution obtenue, il aurait pu déclarer sa créance et en obtenir le paiement puisque la société Energia a finalement fait l'objet d'un plan de redressement et est de nouveau in bonis.

A titre subsidiaire, si la cour considérait qu'il n'avait aucune chance d'obtenir la résolution du contrat et la restitution du prix de vente, il rappelle la modification de l'article 200 quater 1 c) du code général des impôts qui a exclu du bénéfice du crédit d'impôt les pompes à chaleur air/air et, se fondant sur la mauvaise foi de la société Energia qui lui avait promis la possibilité d'en bénéficier, il considère qu'il a subi un préjudice de perte de chance d'obtenir la condamnation de la société Energia à lui rembourser le crédit d'impôt promis.

Au total, il demande donc la condamnation de M. [L] à lui verser au titre de son préjudice patrimonial, la somme de 33 631,14 euros de dommages et intérêts, et à titre subsidiaire la somme de 21 631,14 euros, outre 5000 euros de préjudice moral.

Le préjudice patrimonial se décompose, selon lui, comme suit :

20 000 euros avec intérêts à 5,46% (ou 8000 euros à titre subsidiaire) ;

10 000 euros de dommages et intérêts ;

2000 euros au titre de la perte de chance d'obtenir le remboursement des frais irrépétibles ;

500 euros au titre de la perte de chance de ne pas se voir condamner à rembourser les frais irrépétibles au profit de la société Consumer Finance ;

1500 euros au titre des frais avancés pour l'expertise (chèque n° 5 151 450) ;

750 euros au titre des avances de frais remis en chèque à Maître [L] (chèque 5 151 443 de 300 euros, chèque 5 700 714 de 150 euros, chèque 2 719 268 de 300 euros) ;

300 euros au titre des avances de frais remis en espèce à M. [L] ;

373,64 euros au titre des frais de procédure engagés auprès d'huissiers ;

87 euros au titre de de frais versés au greffier du Tribunal de Nevers ;

225 euros au titre d'un timbre fiscal dématérialisé ;

395,50 euros au titre des paiements effectués à la Société Sofinco.

M. [L] réplique, s'agissant du crédit d'impôt, que l'appelant n'en a pas bénéficié pour l'année 2010, en raison du fait que le matériel a été installé le 30 décembre 2010 mais la facture payée début 2011. Il ajoute que M. [G] a bénéficié du crédit d'impôt en 2011.

Sur l'action en résolution du contrat, il soutient que le rapport d'expertise produit ne permet pas de déduire que M. [G] aurait eu une chance certaine d'obtenir une annulation du contrat. Selon lui, les chances étaient « faibles, voire inexistantes » puisque les défauts constatés ne revêtent pas un caractère de gravité suffisant et l'expert propose des solutions correctives. Il ajoute que M. [G] ne demande pas une perte de chance mais l'intégralité du prix de vente, du prêt, du crédit d'impôt outre les frais de procédure, alors qu'il continue depuis 10 ans d'utiliser le matériel posé par la société Energia. Il en conclue que subsidiairement, la cour devra ramener le préjudice à de plus justes proportions.

Il estime enfin que le préjudice moral n'est caractérisé ni dans son principe ni dans son montant.

Appréciation de la cour

Le professionnel qui a manqué à son obligation de diligence sera condamné à réparer le préjudice en résultant de manière certaine. Ainsi, lorsque ses clients, dûment conseillés et assistés, auraient, de manière certaine, évité le dommage si l'avocat n'avait pas failli, ce dernier sera condamné à le réparer.

Lorsque le dommage causé par la faute de l'avocat consiste en la disparition de la possibilité d'un évènement favorable, sa réparation ne peut être accordée qu'au titre d'une perte de chance, entendue comme la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable, qui doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée. Il appartient à celui qui s'en prévaut d'établir un lien de causalité direct entre la perte de chance alléguée et la faute.

La perte de chance subie par le justiciable qui a été privé de la possibilité de faire valoir ses droits par la faute d'un auxiliaire de justice, se mesure donc à la seule probabilité de succès de la diligence omise.

Il incombe à M. [G] de démontrer qu'une action correctement diligentée devant le tribunal d'instance de Meaux avait des chances certaines, mêmes faibles, de prospérer. Il est dès lors nécessaire pour ce faire de reconstituer la discussion qui aurait pu avoir lieu devant cette juridiction.

Sur le préjudice allégué tiré du défaut de consignation et du défaut d'expertise privée

C'est par des motifs justes et circonstanciés, adoptés par la cour, que le tribunal a considéré que le défaut de consignation et l'absence subséquente d'expertise n'ont pas privé M. [G] d'intenter un recours en indemnisation de son préjudice, la mesure d'expertise ayant seulement pour objet de lui permettre, le cas échéant, d'apporter la preuve des défaillances qu'il invoque. Il sera ajouté qu'une expertise privée n'aurait pas davantage privé M. [G] de diligenter une action contre la société Energia, son action demeurant recevable indépendamment de la production d'un rapport d'expertise. Du reste, la production d'un tel rapport aurait été toujours possible en cours d'instance.

Il n'est donc pas établi de lien de causalité entre les manquements de M. [L] à son obligation de conseil sur ce point et le préjudice invoqué par M. [G] lié à l'impossibilité de faire valoir ses droits en justice.

La demande tendant à obtenir le paiement de la somme de 1500 euros au titre des frais avancés pour l'expertise sera donc rejetée.

Sur le préjudice allégué tiré du défaut d'action en résolution du contrat et du défaut de déclaration de créances

L'article 1224 du code civil dispose que la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

L'article 7 des conditions générales annexées au bon de commande stipule que « La dénonciation des défauts de conformité ou vice caché existants au moment de la livraison, mais révélés après la réception des produits, devra être formulée avant l'expiration du délai de prescription de l'action en garantie prévue aux articles L. 211-12 du code de la consommation et 1648 du code civil (') En cas d'impossibilité d'une réparation ou d'un remplacement, et sous réserve que le défaut revendiqué ne soit pas un défaut mineur, le client pourra demander la résolution de la vente » (pièce 1-1 de l'appelant).

En l'espèce, le 30 décembre 2010, M. [G] a signé le procès-verbal de réception des travaux sans aucune réserve (pièce 5 de l'appelant).

Il résulte cependant du rapport d'expertise du 19 août 2019 produit par M. [G] que l'expert a constaté des :

Défauts d'installation :

Le matériel à l'extérieur a été posé trop proche du mur : « les appareils ont été placés très proche du mur, l'espacement minimal soit 10 cm recommandé par le fournisseur n'étant pas respecté. Ceci a une conséquence négative sur le rendement des appareils »,

« la position des unités intérieures est discutable et nuit à leur efficacité », (p.7 et 8 du rapport en pièce 38 de l'appelant) ;

un sous-dimensionnement de l'installation au rez-de chaussée en cas de températures très basses : « la configuration du chauffage du rez de chaussée est insuffisante pour obtenir une température de confort acceptable pour des températures très basses », « l'installation desservant l'étage est correctement dimensionnée et devrait normalement permettre de chauffer correctement les trois chambres » (p.11 du rapport) ;

L'installation de l'eau chaude sanitaire n'est pas terminée (pièce 38 appelant).

En conclusion, l'expert propose plusieurs « actions correctives » permettant de remédier à la situation (p.12 du rapport).

Ces défauts d'installation et dysfonctionnements (notamment le sous-dimensionnement de l'installation) sont suffisamment graves pour justifier une résolution du contrat. M. [G] avait donc une chance certaine d'obtenir la résolution du contrat, à supposer que son avocat ait engagé cette action.

Toutefois, force est de constater que M. [G] se borne à affirmer qu'il a perdu une chance de voir sa cause entendue par le tribunal d'instance de Meaux et, le cas échéant, la cour d'appel de Paris, sans jamais évaluer la chance perdue.

Confondant la perte de chance avec le préjudice direct, il évalue son préjudice au montant total des sommes qu'il devait rembourser à la société Sofinco alors que, par définition, une perte de chance doit être évaluée à la chance perdue et ne saurait être égale au montant total de l'avantage s'il s'était réalisé. Ainsi, M. [G] se trompe dans le chiffrage de son préjudice et n'explicite pas la chance qu'il a perdu par la faute de M. [L], de sorte que la cour ne peut que rejeter ses demandes.

Enfin, la résolution du contrat de vente, à supposer qu'elle ait été prononcée, aurait entraînée pour la société Energia une obligation de restitution du prix à la société Sofinco, laquelle avait directement payé le prix des installations, et non à M. [G]. Compte tenu de l'indivisibilité des contrats, cette résolution du contrat principal aurait entraîné la résolution du contrat de prêt, de sorte que M. [G] aurait été déchargé de son obligation de payer les échéances du prêt. Son préjudice patrimonial réside dès lors dans le paiement de ces échéances. Or, M. [G] ne produit aucune pièce attestant qu'il a payé le montant du prêt qu'il réclame. Il verse au débat le contrat de prêt (pièce 2), le tableau d'amortissement (pièces 7 et 8), la lettre de Sofinco prononçant la déchéance du terme et le mettant en demeure de payer (pièce 23), mais il ne justifie pas (par la production de ses relevés bancaires par exemple, les relevés bancaires qu'il produit en pièce 35 ne font état du paiement d'aucune échéance) qu'il s'est acquitté de l'intégralité du prêt. Par conséquent, il ne démontre pas son préjudice patrimonial.

Dès lors, faute de démontrer son préjudice patrimonial, M. [G] sera débouté de ses demandes tendant à obtenir le paiement de :

- 20 000 euros avec intérêts à 5,46% (ou 8000 euros à titre subsidiaire) ;

- 10 000 euros de dommages et intérêts ;

- 2000 euros au titre de la perte de chance d'obtenir le remboursement des frais irrépétibles ;

- 500 euros au titre de la perte de chance de ne pas se voir condamner à rembourser les frais irrépétibles au profit de la société Consumer Finance.

S'agissant des autres chefs de demande, la feuille manuscrite sur laquelle M. [G] a récapitulé les frais de procédure et les frais payés à M. [L], ainsi que ses relevés de compte (pièce 34 et 35) ne suffisent pas à établir le caractère indemnisable du préjudice qu'il invoque en l'absence de tout lien démontré avec les fautes.

Ainsi, M. [G] ne démontre pas en quoi les honoraires et les frais d'huissier de justice (assignation en référé et assignation au fond) versés à son ancien conseil correspondaient à des diligences convenues mais non effectuées par ce dernier.

En outre, les démarches auprès du tribunal de commerce de Nevers pour connaître la situation de la société Energia aurait due en tout état de cause être effectuées. Elles ne constituent donc pas un préjudice indemnisable.

Le timbre fiscal correspond à l'appel interjeté contre la décision du tribunal d'instance de Meaux, et ce, conformément au souhait de M. [G]. Il ne constitue donc pas un préjudice indemnisable.

M. [G] sera, par conséquent, débouté de ses demandes au titre du préjudice patrimonial.

Pas plus qu'en première instance, il n'étaye son préjudice moral.

Dès lors, les demandes de M. [G] seront rejetées et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [G] aux dépens de première instance et rejeté les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Partie perdante, M. [G] sera condamné aux dépens d'appel.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [G] aux dépens d'appel ;

REJETTE toutes autres demandes.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-1
Numéro d'arrêt : 22/03133
Date de la décision : 25/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-25;22.03133 ?
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