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24/06/2024 | FRANCE | N°21/04542

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ch civ. 1-4 construction, 24 juin 2024, 21/04542


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 54C



Ch civ. 1-4 construction



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 24 JUIN 2024



N° RG 21/04542 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UUS4



AFFAIRE :



[R] [W]



C/



[M] [V]

et autre





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Juin 2021 par le Tribunal de proximité de SAINT GERMAIN EN LAYE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 1121000017

>
Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Thierry VOITELLIER



Me Mandine BLONDIN



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT QUATRE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versaille...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54C

Ch civ. 1-4 construction

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 24 JUIN 2024

N° RG 21/04542 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UUS4

AFFAIRE :

[R] [W]

C/

[M] [V]

et autre

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Juin 2021 par le Tribunal de proximité de SAINT GERMAIN EN LAYE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 1121000017

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Thierry VOITELLIER

Me Mandine BLONDIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT QUATRE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [R] [W]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Thierry VOITELLIER de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52

APPELANT

****************

Monsieur [M] [V]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Mandine BLONDIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 689 et Me Xavier VAN GEIT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0377

Madame [K] [V]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Mandine BLONDIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 689 et Me Xavier VAN GEIT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0377

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 29 Avril 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et Madame Séverine ROMI, Conseillère chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne TROUILLER, Présidente,

Madame Séverine ROMI, Conseillère,

Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseillère,

Greffière, lors des débats : Madame Jeannette BELROSE,

FAITS ET PROCÉDURE

Courant 2017, M. [M] [V] et Mme [K] [V] ont, dans le cadre d'un projet d'extension et de réhabilitation de leur maison, fait appel à M. [R] [W], architecte, exerçant sous l'enseigne « Cabinet architecture Halabama ».

M. [W] a établi un « contrat d'architecte » pour une mission complète indiquant une enveloppe financière de travaux de 242 400 euros et des honoraires pour lui de 22 453 euros, hors taxe.

Le 16 novembre 2017, M. [W] a adressé une première estimation des travaux, avec piscine, pour un montant de 242 280 euros, confirmée, le 23 mars 2018, par une estimation détaillée pour un montant de 242 400 euros.

Un permis de construire a été déposé en mairie le 11 avril 2018 et obtenu le 11 juillet 2018.

Les époux [V] ont payé le montant des missions 1 et 2 ainsi qu'un acompte de 1 200 euros au titre de la mission 3, soit au total 7 740 euros.

À partir de novembre 2018, dans le cadre de la mission 3, M. [W] a adressé aux époux [V] différents devis.

Les époux [V] ont constaté que le montant des devis communiqués par M. [W] pour la réalisation du projet avec piscine atteignait 411 968,40 euros. Le 19 décembre 2018, à la suite d'une réunion, ils ont demandé à M. [W] d'établir un projet sans piscine.

Le 20 janvier 2020, M. [W] leur a communiqué une estimation des travaux s'élevant à la somme de 243 937,20 euros, sans piscine et sans la totalité des lots des travaux.

De nouvelles factures ont été adressées par l'architecte les 29 janvier et 11 septembre 2020, pour des montants de 1 680 euros et 1 560 euros.

Par lettres du 15 mai 2020 puis du 1er septembre 2020, les époux [V] ont adressé des mises en demeure à M. [W] lui indiquant qu'ils mettaient un terme à leurs relations et lui demandant de restituer les montants payés.

Une tentative de conciliation auprès du médiateur de l'ordre des architectes a été vainement tentée.

Puis, le 10 décembre 2020, les époux [V] ont assigné M. [W] devant le tribunal de proximité de Saint-Germain-en-Laye.

Par jugement contradictoire du 11 juin 2021, le juge de proximité a :

- prononcé la résolution du contrat conclu le 20 octobre 2017, entre les époux [V] et M. [W], architecte, exerçant sous l'enseigne cabinet d'architecture Halabama, et ce en date du 10 décembre 2020, date de l'assignation,

- condamné M. [W], à payer aux époux [V] la somme de 7 740 euros, en restitution des sommes inutilement payées par ces derniers,

- dit que la somme de 7 740 euros portera intérêt au taux légal à compter du 10 décembre 2020, date de l'assignation,

- dit que les factures émises par M. [W], en date des 29 janvier et 11 septembre 2020, d'un montant de 1 680 euros et 1 560 euros TTC, sont nulles et non avenues,

- condamné M. [W], aux dépens et à payer aux époux [V] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif.

Le tribunal a retenu que M. [W] avait manqué à son obligation contractuelle de conseil et d'information en n'alertant pas les époux [V] que le projet n'était pas réalisable avec leur budget ou en étant incapable de concevoir un projet pouvant s'inscrire dans leur budget. Le tribunal, en applications des articles 1217, 1224 et 1229 du code civil, a en raison du manquement à ses obligations contractuelles, prononcé la résolution du contrat aux torts de l'architecte.

Par déclaration du 15 juillet 2021, M. [W] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 3 octobre 2022, M. [W] demande à la cour d'infirmer le jugement et de :

- dire et juger qu'il n'est pas rapporté la preuve d'une inexécution de sa part de ses obligations contractuelles,

- dire et juger qu'il n'est pas rapporté la preuve que les époux [V] lui ont adressé une mise en demeure d'avoir à exécuter ses obligations contractuelles,

- dire et juger qu'il résulte des pièces versées aux débats qu'il a régulièrement exécuté les missions 1, 2 et 3 convenues au titre du contrat conclu avec les époux [V],

- condamner en conséquence in solidum les époux [V] à lui payer une somme de 9 240 euros en restitution des sommes payées au titre de l'exécution du jugement de première instance, outre les intérêts à compter du 8 septembre 2021 date du paiement,

- condamner in solidum les époux [V] à payer une somme de 240 euros au titre du solde de la mission numéro 3,

- débouter les époux [V] de l'ensemble de leurs demandes,

- les condamner in solidum à lui payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de leurs dernières conclusions, remises au greffe le 23 décembre 2021, les époux [V] demandent à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de :

- débouter M. [W] de toutes ses demandes,

- le condamner au règlement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 janvier 2023, l'affaire initialement fixée à l'audience de plaidoiries du 12 juin 2023 a été renvoyée à l'audience du 29 avril 2024 en raison de l'indisponibilité du président. Elle a été mise en délibéré au 24 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la résolution du contrat liant les parties

En application de l'article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut notamment provoquer la résolution du contrat.

L'article 1224 du même code ajoute que la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

L'article 1229 précise que la résolution met fin au contrat. Elle prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l'assignation en justice. Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procuré l'une à l'autre. Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation. Les restitutions ont lieu dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.

L'architecte est en principe tenu d'une obligation de moyens qui varie selon le contrat qui le missionne.

Toutefois, il doit dans le cadre de son obligation de conseil et pour établir le budget des travaux, d'une part, renseigner le maître d'ouvrage sur le coût prévisionnel des travaux et, d'autre part, se renseigner sur les possibilités financières du maître d'ouvrage avant d'établir les plans et les devis.

Après avoir défini le budget global des travaux, l'architecte doit le respecter. Il commet une faute lorsqu'il ne prévoit pas l'ensemble des travaux nécessaires à la construction d'un ouvrage dont le coût prévisionnel est déterminé. L'estimation globale que l'architecte donne au stade de l'avant-projet définitif le lie dans la mesure où le coût définitif ne peut être sensiblement supérieur au coût prévisionnel. Si un léger dépassement du prix des travaux ne suffit pas, en principe, à engager sa responsabilité, en revanche, il est responsable d'un dépassement important du budget prévisionnel du budget initial. Enfin, l'architecte est responsable des conséquences de l'établissement d'un programme excédant les capacités financières du maître d'ouvrage et d'avoir sous-estimé le prix des travaux.

En l'espèce, selon les documents produits, il ressort que M. [R] [W] a établi un « contrat d'architecte » daté du 20 octobre 2017, pour une mission complète indiquant une enveloppe financière de 242 400 euros et des honoraires pour ce dernier de 22 453 euros plus la TVA. Les époux [V] n'ont pas signé ce document, ils revendiquent le fait que les travaux ne devaient pas dépasser ce montant.

Selon un deuxième document du même jour, sur papier à en-tête du cabinet de M. [W], il indique que sa mission doit se dérouler en quatre phases, soit :

- établir un plan pour la somme de 2 340 euros TTC (mission 1)

- dresser une esquisse d'avant-projet sommaire avec dépôt du dossier de permis de construire en mairie pour la somme de 4 200 euros (mission 2)

- consulter les entreprises pour la somme de 1 440 euros (mission 3)

- effectuer les appels d'offres, les ordres de service, le suivi de chantier et la réception des travaux

Ce document a été signé le 6 décembre 2017 par les époux [V] mais seulement pour les missions 1 et 2.

Ils admettent cependant l'avoir missionné pour les phases 1, 2 et 3 mais par pour la phase 4. Les parties s'accordent sur le fait que les travaux étaient limités à 242 400 euros.

Les époux [V] reprochent à l'architecte un dépassement du budget prévisionnel incompatible avec leur projet d'extension et de réhabilitation de leur maison.

M. [W] affirme, au contraire, avoir rempli sa mission, sans difficultés pour les trois phases. Le permis de construire a d'ailleurs été déposé mais il ajoute que les époux [V] ont voulu modifier le projet, ce qui l'a amené à demander de nouveaux devis.

Par écrit du 29 mars 2018, le projet estimatif était de 242 400 euros, il incluait tous les postes de travaux y compris une piscine. Il était ainsi conforme à l'enveloppe définie.

À l'automne 2018, M. [W] a fait parvenir à ses clients des devis mais pour chaque poste-sauf pour l'électricité-, l'estimatif était dépassé dans des proportions importantes, pour exemple de 7 500 euros pour le lot charpente couverture et de 21 312 euros pour le lot menuiseries extérieures, quant à la piscine le devis s'élevait à 55 736 euros contre 26 000 dans l'estimatif du 29 mars 2018. Ceci démontre que le projet initial n'était pas réaliste et les devis ne pouvaient eu égard à leur dépassement faire l'objet de négociations pour rentrer dans ledit budget, comme le soutient l'architecte.

Le dossier de consultation des entreprises (DCE) présenté par l'architecte n'est pas rempli.

Le 20 janvier 2020, après que les époux [V] ont renoncé au projet avec piscine, M. [W] leur a communiqué une nouvelle estimation des travaux s'élevant a' 243 937 euros TTC mais omettant un certain nombre de postes nécessaires et surtout non corroboré par des devis d'entreprises.

De surcroît, M. [W] n'établit pas que ses clients lui ont demandé des modifications telles que le projet n'était plus réalisable dans le budget initialement fixe'. Comme l'a remarqué le premier juge, les échanges de courriels produits ne sont pas révélateurs de demandes de modifications substantielles du projet par les époux [V] mais ils montrent un échange normal entre un maître d'ouvrage qui demande à son maître d''uvre des conseils pour la réalisation d'un projet immobilier. De plus, les époux [V] se sont, dans ces courriels, toujours inquiétés du dépassement des devis qui leur étaient envoyés réclamant à l'architecte de remplir cette obligation. Ils l'ont finalement mis en demeure de s'exécuter par lettre recommandée du 15 mai 2020.

Ainsi, en établissant un projet irréaliste quant au montant des travaux, M. [W] a manqué à son obligation de conseil, ce qui ne permet pas aux époux [V] de mener à bien leur projet.

Ce manquement de l'architecte est suffisamment grave -puisque son travail dans toutes les phases des missions n'est absolument pas utilisable et que le paiement de ses honoraires n'a pas de contrepartie- pour accéder à la demande des époux [V] de résolution du contrat au jour de la délivrance de l'assignation, avec toutes les conséquences de droit, soit le remboursement des sommes versées avec intérêts.

En conséquence, le jugement est confirmé.

Sur les dépens et les autres frais de procédure

M. [W], qui succombe, a été à juste titre condamné aux dépens de première instance. Il est également condamné aux dépens d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile. Les dépens pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du même code.

Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Le premier juge a fait une application équitable de ces dispositions, les circonstances de l'espèce justifient de condamner M. [W] à payer aux époux [V] une indemnité de 2 000 euros au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en totalité,

Y ajoutant,

Condamne M. [R] [W] à payer les entiers dépens d'appel, qui pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne M. [R] [W] à payer à M. [M] [V] et Mme [K] [V] une indemnité de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et par Madame Jeannette BELROSE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ch civ. 1-4 construction
Numéro d'arrêt : 21/04542
Date de la décision : 24/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-24;21.04542 ?
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