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24/06/2024 | FRANCE | N°21/03688

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-3, 24 juin 2024, 21/03688


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



Chambre sociale 4-3



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 24 JUIN 2024



N° RG 21/03688 -

N° Portalis DBV3-V-B7F-U4SI



AFFAIRE :



[L] [N] [R]



C/



SARL DIASPO ENVIRONNEMENT









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Décembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARGENTEUIL

N° Section : C

N° RG : F20

/00158



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Banna NDAO



Me François TEYTAUD de la AARPI TEYTAUD-SALEH







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT QUATRE JUIN DEUX MILLE VINGT QUA...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

Chambre sociale 4-3

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 24 JUIN 2024

N° RG 21/03688 -

N° Portalis DBV3-V-B7F-U4SI

AFFAIRE :

[L] [N] [R]

C/

SARL DIASPO ENVIRONNEMENT

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Décembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARGENTEUIL

N° Section : C

N° RG : F20/00158

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Banna NDAO

Me François TEYTAUD de la AARPI TEYTAUD-SALEH

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT QUATRE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [L] [N] [R]

né le 18 Octobre 1982 à [Localité 5] ([Localité 5])

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Banna NDAO, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 667

Représentant : Me Emmanuelle METGE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1875

APPELANT

****************

SARL DIASPO ENVIRONNEMENT

N° SIRET : 790 899 306

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J125

Représentant : Me Marylaure MEOLANS de la SELEURL SELARLU MEOLANS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS substitué à l'audience par Me Dimitri COLIN, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Mai 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laurence SINQUIN, Présidente chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence SINQUIN, Présidente,

Mme Florence SCHARRE, Conseillère,

Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseillère,

Greffier lors des débats : Madame Stéphanie HEMERY,

Greffier lors du prononcé : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

FAITS ET PROCÉDURE

La société Diaspo Environnement est spécialisée dans la collecte et le transport de déchets pour le compte de professionnels. Elle emploie 38 salariés au moment du licenciement.

M. [R] a été engagé par la société Diaspo Environnement en qualité de chauffeur super poids lourds par contrat à durée déterminée à compter du 4 décembre 2017 puis par contrat à durée indéterminée à compter du 9 avril 2018.

Les relations contractuelles sont régies par la convention collective nationale des transports routiers.

À la suite d'un accident du travail, le salarié a été placé en arrêt maladie du 10 août au 3 septembre 2019 et suite à un second accident du travail du 16 septembre 2019 au 7 janvier2020. Le 7 janvier 2020 le médecin du travail a rendu une proposition d'aménagement du poste de travail dans les termes suivants: « essai de reprise sur un camion à boîte automatique et manutention aidée par [W] ».

À son retour du 7 janvier 2019, une procédure de rupture conventionnelle a été engagée mais n'a pas abouti la société s'étant rétractée.

Une altercation a opposé le salarié et un membre du personnel de direction, le 15 janvier 2020. Le 17 janvier 2020, le salarié a été mis à pied et une procédure de licenciement pour faute grave a été engagée.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 janvier 2020, la société Diaspo Environnement a convoqué M. [R] à l'entretien préalable à son licenciement.

Par lettre recommandé avec accusé de réception en date du 7 février 2020, la société Diaspo Environnement a notifié à M. [R] son licenciement pour faute grave en ces termes :

Extraits de la lettre de licenciement issus des conclusions d'appelant

« Les faits qui vous sont reprochés sont les suivants:

- Le 08/01/2020, la Direction vous a proposé la signature d'une rupture conventionnelle. Au cours de cet entretien, vous avez accepté le principe de la rupture et il a été convenu que vous reveniez le lendemain pour signer les documents.

- Les 09 et 10/01/2020 vous avez refusé de signer la rupture conventionnelle et avez sollicité une augmentation de l'indemnité de rupture conventionnelle

- Le 13/01/2020 le certificat de rupture conventionnelle et le protocole transactionnel étaient signés mais pas la convocation à l'entretien

- Le 14/01/2020, vous avez prétexté vouloir finalement signer la convocation à l'entretien, et êtes donc venu dans le bureau de la Direction où la Secrétaire Général vous a présentez les 2 exemplaires de la convocation remise en main propre. Une fois ces documents face à vous, vous vous êtes empressé de subtiliser une des deux feuilles et êtes sorti précipitamment de la salle de réunion disant que vous ne souhaitiez pas les signer mais juste les récupérer. La Secrétaire Général vous a suivi, vous a informé que votre comportement était déplacé et vous a indiqué que si vous souhaitiez réellement avoir un droit de regard sur ce courrier vous pouviez le mentionner. S'en est suivi une altercation durant laquelle vous avez tenu des propos déplacés et menaçants envers la Société et la Secrétaire Général qui s'est sentie attaquée par vos allégations.

- Le 15/01/2020, suite à l'altercation survenue la veille notre Responsable Ressources Humaines vous a rencontré afin de vous faire part du choix de l'entreprise à ne pas donner suite à la (sic)

Votre attitude met en cause la bonne marche de l'entreprise d'autant plus que ce n'est pas la première fois que nous avons à déplorer de votre part des accès de colère ou haussement de ton lorsque vous vous adressez aux membres du personnel.

A titre d'exemple, ci-dessous deux situations survenues au mois de novembre dernier :

- Mi-novembre, au cours de votre arrêt de travail, vous avez mobilisé le service Ressources Humaines durant quatre jours consécutifs demandant à ce que l'un de vos problèmes soit réglé urgemment. Cette demande a été prise en compte immédiatement par le service des ressources humaines qui a tenté de le résoudre dans l'heure. A-travers ces échanges que vous avez eu avec notre Responsable Ressources Humaines, vous avez haussé le ton plus d'une fois prétextant qu'elle était incompétente et qu'elle ne voulait pas vous aider. La Responsable Ressources humaines a donc tenté de vous calmer à plusieurs reprises en vous expliquant qu'elle avait déjà effectué les démarches nécessaires pouvant régler votre problème et qu'il ne servait à rien de vous énerver mais qu'il suffisait juste d'attendre que ces modifications soient prises en compte.

Durant ces quatre jours, vous l'avez contacte un grand nombre de fois demandant si les démarches avaient réellement été faites. Pas moins de trois services, notamment les service planning, facturation et la bascule ont pu attester de vos appels fréquents ainsi que de votre mécontentement et agressivité dans le ton employé lorsqu'ils lui ont transférer vos appels. Ce comportement est parfaitement inapproprié à la bonne marche de l'entreprise.

- A la fin du mois de novembre 2019, votre arrêt de travail prenant fin le soir même, la Responsable Plannings vous a contacté. Au cours de cet appel vous avez provoqué une altercation téléphonique, puis vous avez finalement fini par lui raccrocher au nez. Initialement, son appel avait pour but de prendre de vos nouvelles et de savoir si vous étiez en mesure de reprendre votre poste de travail comme l'indiquait votre arrêt de travail.

Pourtant, au cours de cet échange, vous avez déclaré que ses intentions n'étaient pas honnêtes et que « ce n'était pas la peine de vous appeler si c'était pour prendre de fausses nouvelles, ou douter de votre bonne fois ». La Responsable Plannings vous a répondu qu'elle tentait juste d'être aimable en prenant de vos nouvelles, et que n'en ayant aucunes de votre part comme avant chaque potentielle reprise indiquée sur vos arrêts de travail, elle se permettait donc de vous contacter afin d'organiser son planning pour savoir si elle devait vous y intégrer du non.

En effet, suite à votre arrêt de travail survenu au mois de septembre dernier et aux prolongations consécutives, notre service planning a cherché à vous joindre à plusieurs reprises pour des questions d'organisation n'ayant systématiquement aucune nouvelles de votre part à la veille de chaque reprise potentielle. Vos réactions au cours de ces échanges ont créé des inquiétudes auprès de vos collègues, notamment avec la Responsable Plannings tant par les messages que vous véhiculez que par le ton inapproprié que vous avez employé à plusieurs reprises à son égard.

Tous ces agissements sont préjudiciables au bon fonctionnement du service d'exploitation qui tente tant bien que mal d'organiser son planning pour assurer les tournées prévues chez nos clients.

De plus, votre manière de vous exprimer envers les membres du personnel est inappropriée et nous avons eu à regretter qu'elle soit redondantes ces dernières semaines.

D'autre part, nous vous reprochons votre état d'esprit négatif que nous déplorons depuis plusieurs mois ainsi que la manière dont vous vous déchargez de toutes responsabilités concernant les faits suivants :

Depuis votre embauche nous comptabilisons 8 constats repartis sur un peu plus d'une année ayant conduit l'entreprise à vous remettre 2 avertissements et une convocation à entretien préalable le 31 janvier 2019 pouvant aboutir sur une sanction pour votre négligence envers le matériel qui vous a été confié.

La Direction n'a pas souhaité donner une suite à cet entretien, mais elle souhaitait vous rappeler qu'il est essentiel d'être plus vigilant lorsque vous faites usage du matériel confié par la Société.

Suite à cet entretien, nous n'avons noté aucune amélioration puisque les 14 février et 27 février 2019 suivants, vous êtes de nouveau responsable de deux accrochages conduisant l'entreprise à établir deux nouveaux constats d'accidents.

Nous vous rappelons qu'en signant votre contrat de travail, vous vous êtes engagé à respecter les dispositions des articles 2 et 10 qui prévoient :

« La Société SARL DIASPO ENVIRONNEMENT peut confier à Monsieur [R] toute tâche correspondant à sa qualification et/ou à ses compétences et notamment : Conduire le véhicule mis à disposition en respectant le code de la route, la réglementation des transports et les règles de sécurité.

Monsieur [R] veillera à la conservation des véhicules, équipements et plus généralement du matériel confié par l'entreprise pour l'exercice de ses fonctions ou à l'occasion de celles-ci.

Monsieur [R] respectera l'ensemble des consignes de sécurité ainsi que la réglementation en vigueur quant à l'usage des véhicules sur les voies publiques. Celui-ci dispose, de gants, de gilets obligatoires, triangle et chaussures de sécurité.

Tout manquement aux obligations décrites dans les cinq alinéas précédents sera considéré comme une faute justifiant une sanction disciplinaire pouvant aller, selon sa gravité, jusqu'au licenciement sans préavis ni indemnité pour faute grave, indépendamment des poursuites pouvant être exercées devant les juridictions compétentes pour obtenir la réparation du préjudice causé à l'entreprise. »

Tous ces faits sont fortement dommageables pour l'entreprise, et pour le collectif de travail et nous amènent à une perte totale de confiance en vous.

Les explications recueillies auprès de vous, au cours de notre entretien, ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation de la gravité des faits reprochés. En effet, en qualité de Chauffeur poids lourds vous devez effectuer les prestations demandées (collecte, nettoiement, enlèvement...) dans le respect des consignes émises par la hiérarchie, et veiller à la conservation des véhicules, équipement et plus généralement du matériel confié par l'entreprise pour l'exercice de vos fonctions.

Nous pouvons constater en l'espèce que vous n'avez pas respectée ces consignes de votre hiérarchie.

C'est pourquoi, nous vous informons que votre maintien à votre poste dans l'entreprise s'avère impossible et vous notifions votre licenciement pour faute grave. Ce licenciement pour faute grave prend effet immédiatement à la date de présentation de cette lettre, sans indemnité de préavis, ni d'indemnités de licenciement. De plus, nous vous Informons que la période de mise à pied à titre conservatoire dont vous faites l'objet ne sera pas rémunérée.

Le maintien des droits au titre de l'article 14 (avenant 3) de l'ANI vous permet en cas de rupture de contrat de travail de continuer à bénéficier pendant tout ou partie de votre période de chômage des régimes de prévoyance et frais de santé. Compte tenu de la durée de votre contrat de travail, la portabilité de vos droits est limitée à 12 mois. Vous avez la possibilité d'accepter ou de renoncer au maintien des garanties dans les 10 jours suivants la date de rupture de votre contrat de travail.

Vos soldes de tout compte, certificat de travail et attestation Pôle Emploi ainsi que les notes d'informations et les modalités de souscription de l'ANI seront à votre disposition auprès de la comptable, contre remise de la tenue de travail, cartes de service et petit matériel délivrés pour les besoins du service. Nous vous demandons pour cela de prendre rendez-vous avec votre hiérarchie.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur l'expression de nos salutations distinguées. »

Par requête introductive en date du 5 août 2020, M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes d'Argenteuil d'une demande tendant à déclarer son licenciement nul comme reposant sur un motif discriminatoire.

Par jugement du 9 décembre 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes d'Argenteuil a estimé que le licenciement est sans lien avec l'état de santé du salarié et l'a débouté de sa demande de nullité, il a :

- jugé que le licenciement est fondé sur une faute grave démontrée, avec toutes conséquences de droit ;

- condamné la société Diaspo Environnement prise en la personne de son représentant légal à verser à M. [R] la somme de :

* 1067,55 euros au titre de rappel de complément de salaire pour la période d'arrêt du 16 septembre 2019 au 7 janvier 2020 ;

* 106,75 euros au titre des congés payés y afférents ;

* 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté M. [R] du surplus de ses demandes ;

- débouté la société d'une société Diaspo Environnement prise en la personne de son représentant légal de ses demandes reconventionnelles ;

- mis les éventuels dépens à la charge de la société l Diaspo Environnement prise en la personne de son représentant légal.

M. [R] a interjeté appel de ce jugement par déclaration d'appel au greffe du 16 décembre 2021.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Par ses dernières conclusions au fond remises au greffe et notifiées par le RPVA le 9 janvier 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [R] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement rendu le 25 novembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes d'Argenteuil en ce qu'il a :

* jugé que le licenciement est fondé sur une faute grave démontrée, avec toutes conséquences de droit.

* débouté M. [R] du surplus de ses demandes

* débouté la société Diaspo Environnement prise en la personne de son représentant légal de ses demandes reconventionnelles

* mis les éventuels dépens à la charge de la société Diaspo Environnement prise en la personne de son représentant légal

- Réformer le jugement en ce qu'il a :

* condamné la société Diaspo Environnement prise en la personne de son représentant légal à verser à M. [R] :

° 1.067,55 euros au titre de rappel de salaire pour la période d'arrêt du 16 septembre 2019 au 7 janvier 2020

° 106,75 euros au titre des congés payés y afférents

° 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau :

- Juger M. [R] recevable et bien fondé en ses demandes

En conséquence,

- Dire le licenciement nul comme reposant sur un motif discriminatoire et, subsidiairement, qu'il est dépourvu de cause réelle et sérieuse;

- Fixer la moyenne de salaire à la somme de 2 527.68 euros bruts,

- Annuler la mise à pied à titre conservatoire

Sur le licenciement

- juger que le licenciement est nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse

- En conséquence, condamner la société Diaspo Environnement à verser à M. [R] :

* à titre de rappel de mise à pied conservatoire : 834.19 euros

* à titre de congés payés y afférents: 83.42 euros

* à titre de d'indemnité compensatrice de préavis: 5 055.36 euros

* à titre de de congés payés y afférents: 505.54 euros

* à titre de d'indemnité légale de licenciement: 1474.48 euros

* à titre de d'indemnité pour licenciement nul et, subsidiairement, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; 30 327.36 euros - très subsidiairement (application du barème) 5055,36 euros

- A titre infiniment subsidiaire, juger qu'il n'y a pas de faute grave

- En conséquence, condamner la société Diaspo Environnement à verser à M. [R] :

* à titre de d'indemnité compensatrice de préavis : 5 055.36 euros

* à titre de de congés payés y afférents : 505.54 euros

* à titre de d'indemnité légale de licenciement: 1474.48 euros

- En tout état de cause, juger que la mise à pied est abusive

- En conséquence, condamner la société Diaspo Environnement à verser à M. [R] :

* à titre de rappel de mise à pied conservatoire : 834.19 euros

* à titre de congés payés y afférents: 83.42 euros

Sur le complément de salaire

- Condamner la société Diaspo Environnement à verser à M. [R]: à titre de rappel de salaires du 10.08 au 29.12.2019 (complément pour accident du travail) : 2.838,94 euros, outre 283,89 euros au titre des congés payés afférents

Sur la remise tardive des documents de fin de contrat

- Condamner la société Diaspo Environnement à verser à M. [R] à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat : 1000.00 euros

Sur les autres demandes

- Ordonner la remise de :

* la fiche de paie et des documents sociaux de fin de contrat de travail (attestation Pôle Emploi et certificat de travail) conformes aux condamnations à intervenir; un certificat de travail; une attestation pôle emploi; les bulletins de salaires correspondant au préavis; le bulletin de salaire de janvier 2020 et ceux d'août à décembre 2019 rectifiés

* Dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l'exécution forcée devra intervenir par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par cet huissier, par application du décret n°2016-230 du 26 février 2016 et de l'arrêté du même jour devront être supportées par le débiteur en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile

* Assortir les condamnations de l'intérêt au taux légal avec capitalisation des intérêts à compter de la date de réception de la convocation de la partie défenderesse à l'audience de conciliation et d'orientation

* Mettre les dépens à la charge de la société.

* Condamner la société Diaspo Environnement à verser à M. [R] la somme de : 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions au fond des remises au greffe et notifiées par le RPVA le 30 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société Diaspo Environnement demande à la cour de :

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :

- jugé que le licenciement est fondé sur une faute grave démontrée, avec toutes conséquences de droit.

- débouté M. [R] de toutes ses demandes indemnitaires et notamment de ses demandes visant à obtenir le paiement des sommes suivantes :

* 30.327,36 euros au titre du licenciement nul,

* 1.474,48 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 834,19 euros au titre du rappel de salaire pour la période de mise à pied et 83,42 euros au titre des congés payés y afférents

* 5.055,36 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 505,54 euros de congés payés afférents.

- d'infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :

* condamné la société Diaspo Environnement à verser à M. [R] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

* débouté la société Diaspo Environnement de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

* mis les éventuels dépens à la charge de la société Diaspo Environnement prise en la personne de son représentant légal.

- et statuant à nouveau, il est demandé à la cour d'appel de Versailles de :

* juger que le licenciement est fondé sur une faute grave démontrée, avec toutes conséquences de droit;

En conséquence,

A titre principal,

- juger irrecevables les pièces n°49 à 53. 2 de l'appelant comme étant des enregistrements clandestins non indispensables à l'exercice du droit de la preuve de Monsieur [R] et portant une atteinte disproportionnée au droit de l'intimé ;

- juger irrecevables les pièces nº1 à 38 de l'appelant en ce qu'elles n'ont pas été communiquées dans les délais impartis ni simultanément aux conclusions ;

- débouter Monsieur [R] de sa demande de nullité du licenciement ;

- débouter Monsieur [R] de sa demande visant à obtenir le paiement des sommes suivantes:

* 30.327,36 euros au titre du licenciement nul,

* 1.474,48 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 834,19 euros au titre du rappel de salaire pour la période de mise à pied et 83,42 euros au titre des congés payés y afférents

* 5.055,36 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 505,54 euros de congés payés afférents.

A titre subsidiaire.

- Juger irrecevables les pièces numéro 49 à 53. 2 de l'appelant au motif qu'elles ne présentent aucune garantie d'authenticité au regard notamment de leur communication extrêmement tardive et de l'absence de toute authentification par un huissier de justice ;

- juger irrecevables les pièces n°32 à 48 de l'appelant en ce qu'elles ne figurent pas dans le bordereau de pièces, ce qui caractérise un manquement au principe du contradictoire ;

- débouter M. [R] de sa demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- débouter M. [R] de sa demande visant à obtenir le paiement des sommes suivantes

* 30327,36 euros au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1.474,48 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 834,19 euros au titre du rappel de salaire pour la période de mise à pied et 83,41 euros au titre des congés payés y afférents,

* 5.055,36 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 505,54 euros de congés payés afférents,

A titre infiniment subsidiaire, si la Cour jugeait que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse :

- juger applicable l'article L. 1235-3 du code du travail,

- En conséquence, limiter l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à 3 mois de salaire soit 7.300,50 euros,

- Limiter l'indemnité légale de licenciement à la somme de 1.318,15 euros,

- Limiter l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 4.867 euros.

En tout état de cause, il est demandé à la Cour de :

- fixer le salaire de référence de M. [R] à la somme de 2.433,50 euros ;

- juger que le complément de salaire dû par l'employeur au titre de la période d'accident du travail doit être limité à 1.067,55 euros;

- débouter M. [R] de sa demande visant au paiement de la somme de 1.771,39 euros au titre du complément de salaire ;

- débouter M. [R] de sa demande de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat ;

- débouter M. [R] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter M. [R] de toutes ses autres demandes ;

- condamner M. [R] au paiement de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître François Teytaud, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions d'incident remises au greffe et notifiées par le RVPA le 1er février 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société Diaspo Environnement demande à la cour :

A titre principal,

- Révoquer l'ordonnance de clôture rendue le 17 janvier 2024

A tire subsidiaire,

- Rejeter des débats les conclusions signifiées et pièces communiquées le 9 janvier 2024 par M. [R] comme étant tardives.

Par conclusions d'incident remises au greffe et notifiées par le RPVA le 5 février 2024, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens et prétentions conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [R] demande à la cour de :

À titre principal

- rejeter les demandes tendant à la révocation de l'ordonnance de clôture du 17 janvier 2024 et au rejet des conclusions et pièces signifiées par Monsieur [R] le 9 janvier 2024

À titre subsidiaire, en cas de révocation de l'ordonnance

- prononcer le report de l'ensemble des dossiers à une date proche

- condamner la société Diaspo Environnement à verser à Monsieur [R] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Diaspo Environnement aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur la procédure en appel

La clôture de l'instruction a été prononcée le 17 janvier 2024 et l'affaire a été plaidée le 20 février 2024. À la suite d'une difficulté inhérente à la notification de conclusions le premier arrêt avant dire droit a été rendu le 29 avril 2024 afin d'inviter la société Diaspo Environnement à transmettre par RPVA à la cour et à l'avocat de l'appelant, ses conclusions du 14 février 2024. L'arrêt a fixé la nouvelle date de clôture au 15 mai 2024 et l'affaire a été de nouveau évoquée à l'audience du 21 mai 2024. À cette audience, les avocats ont déposé leurs dossiers.

Alors que la clôture de la mise en état de cette affaire et est fixée au 17 janvier 2024, M. [R] a transmis le 9 janvier 2024 un nouveau jeu de conclusions et cinq pièces supplémentaires relatives à un enregistrement audio produit aux débats.

Par des conclusions d'incident en date du 1er février 2024, la société Diaspo Environnement a conclu en sollicitant à titre principal, la révocation de l'ordonnance de clôture du 17 janvier 2024 et à titre subsidiaire, le rejet des débats des conclusions signifiées et pièces communiquées le 9 janvier 2024 par Monsieur [R] comme étant tardives.

Par des conclusions en réponse sur l'incident en date du 5 février 2024 M. [R] demande à titre principal le rejet des demandes tendant à la révocation l'ordonnance de clôture et au rejet des conclusions et pièces signifiées le 9 janvier 2024, à titre subsidiaire en cas de révocation de l'ordonnance, le report de l'ensemble des dossiers à une date proche la condamnation de la société diaspora environnement à la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La cour constate eu égard à l'arrêt avant dire droit et à la régularisation intervenue le 30 avril 2024 concernant la notification des dernières conclusions de l'intimé que la première demande relative à la révocation de l'ordonnance de clôture est désormais sans objet.

La cour constate également que la demande de rejet des pièces formulées par l'intimé a été reprise dans ses dernières conclusions au fond régulièrement communiquées le 30 avril 2024 et que si elles ne peuvent être considérées comme tardives dès lors que la société a été en mesure d'y répondre, elles font l'objet d'un débat au fond qu'il appartient à la cour d'analyser.

Sur le fond

*Dires des parties

M. [R] demande à la cour de prononcer la nullité de son licenciement en raison d'une discrimination liée à son état de santé.

Il relève, en premier lieu, la chronologie des faits ayant conduit à la rupture de son contrat de travail, précisant que lors de son retour de son deuxième accident de travail, le 8 janvier 2020, il a été, le jour même, convoqué à un entretien relatif à une rupture conventionnelle, sans qu'aucune disposition d'aménagement de son poste de travail telle que préconisée par le médecin du travail ait été mise en place.

Il produit également un enregistrement qui selon lui comporte les entretiens menés à compter du 9 janvier 2020 desquels il ressort que la société a opéré des man'uvres d'intimidation et de menaces pour qu'il signe la rupture conventionnelle. Il déclare n'avoir pas voulu signer la rupture conventionnelle en raison du montant insuffisante de l'indemnité estimant que les difficultés financières auxquelles il était confronté, trouvaient en partie leur origine dans des erreurs commises par la société.

Il ajoute que la société a tenté de lui faire signer un document de rupture conventionnelle antidatée, qu'il ignorait pouvoir être assisté lors de son entretien de rupture conventionnelle du 13 janvier 2020. Le 14 janvier 2020, il déclare avoir été agressé verbalement et physiquement par Mme [K] des ressources humaines et le 15 janvier 2020 l'accès à son camion lui a été refusé par Monsieur [Z].

S'agissant de la production des enregistrements, il ne conteste pas que les enregistrements aient été réalisés à l'insu de Mme [K] et de Monsieur [F] mais considère que les enregistrements et leur retranscription constituent l'unique moyen de preuve pour démontrer les manquements et les agissements malhonnêtes de l'employeur.

La société Diaspo Environnement invoque à titre liminaire le non-respect du contradictoire et l'irrecevabilité des enregistrements audio réalisés par M. [R]. Elle soutient que l'appelant a transmis des pièce numérotée 1 à 48 et un bordereaux de communication ne portant que sur 31 pièces. Elle ajoute que dans les conclusions, les pièces invoquées à l'appui des prétentions ne sont pas visées. Elle demande en conséquence d'ordonner à l'appelant de régulariser sa communication de pièces et son bordereau de communication ou à défaut de ne pas examiner les pièces figurant pas sur le bordereau.

La société soulève ensuite l'irrecevabilité des enregistrements audio. Elle considère que les enregistrements sont douteux pour être produits plus de quatre ans après les faits, pour la première fois en cause d'appel, et qu'ils ne présentent aucune garantie d'authenticité, ni la date des entretiens qui y figurent, ni l'identité des personnes qui sont entendues n'étant certaines alors que la société conteste fermement les voix enregistrées par le salarié.

Elle soulève le caractère non indispensable des enregistrements comme élément de preuve en raison du fait que 48 autres pièces étant transmises par le salarié. Elle soutient que les enregistrements ne sont pas non plus indispensables puisqu'ils ne concernent que la procédure de rupture conventionnelle qui a été abandonnée.

La société fait valoir également que la production en justice de ces enregistrements est disproportionnée par rapport à l'atteinte à la vie privée de l'employeur qui sans son consentement à son insu et à plusieurs reprises a été enregistré.

Elle sollicite en conséquence que les pièces 49 à 53. 2 soient jugées irrecevables ou en tout état de cause inopérants.

*Sur le rejet des pièces

Au préalable, il y a lieu de rejeter la demande de rejet des pièces en ce qu'elles n'ont pas été communiquées ne figurent pas au bordereau de communication de pièces alors même que les pièces numéro 1 à 53. 2 figurent bien dans le bordereau annexé aux dernières conclusions notifiées par l'appelant en date du 9 janvier 2024.

Par ailleurs, l'analyse de ses conclusions indique que pour partie d'entre elles, le numéro des pièces figure en référence des éléments de fait invoqués par l'appelant.

Ainsi, le premier moyen tiré du non-respect du contradictoire invoqué par la société sera rejeté.

Sur l'irrecevabilité des enregistrements produits, il convient en premier lieu d'examiner le moyen tiré de l'illicéité des moyens de preuve issus des enregistrements audio produits devant la cour.

*Sur la preuve illicite

Il convient de rappeler qu'en vertu de l'article 9 du code de procédure civile dans l'administration judiciaire de la preuve et les contestations qui s'y rapportent, il incombe à chacun de prouver conformément à la loi les faits nécessaires à la suite au succès de sa prétention. Il y a lieu d'emblée de relever également que si la preuve est libre, elle est néanmoins soumise au principe de loyauté.

Néanmoins, un moyen de preuve illicite n'entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier, lorsque cela lui est demandé, si une telle preuve porte atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, tels le droit au respect de la vie personnelle du salarié, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

Ainsi lorsque cela lui est demandé, il appartient au juge de vérifier que le mode de preuve illicite au regard de l'atteinte qu'il porte à la vie personnelle ou au principe de loyauté, n'a pas à être écarté des débats si sa production est indispensable à l'exercice du droit de la preuve et proportionnée au but poursuivi.

En l'espèce M. [R] qui conteste son licenciement à la charge de la preuve des prétentions qu'il invoque. Il produit des enregistrements audio qu'il dit avoir effectués à partir de son téléphone portable à compter du 9 février 2020, les dits enregistrement correspondant aux entretiens menés avec les responsables de la société.

Or, il suffit de constater que ces enregistrements ont été effectués à l'insu des personnes enregistrées pour considérer qu'ils constituent bien un procédé déloyal dans l'administration de la preuve.

Le salarié fait valoir que les enregistrements et leur retranscription constituent l'unique moyen de preuve pour démontrer les stratagèmes mis en place par l'employeur afin de le licencier pour faute grave.

Le caractère équitable du procès et l'équilibre entre la preuve susceptible d'être apportée par le salarié et la loyauté due à l'employeur dans le cadre d'un conflit qui les oppose doivent être évalués à l'aune de l'objectif poursuivi. En l'espèce, les enregistrement sont effectués, à l'insu de l'employeur par le salarié dans un contexte dans lequel le salarié se sent ignorant des démarches relatives à la procédure de rupture conventionnelle qui lui est proposée par l'employeur et notamment quant au montant des indemnités auxquelles il peut prétendre et alors que l'information sur son droit à être assisté ne lui a pas été transmise.

Ces enregistrements sont également recueillis dans un contexte où multiples contentieux opposaient le salarié à son employeur depuis ses arrêts de travail, cette situation ayant conduit à mettre à mal la confiance du salarié à l'égard de son employeur dans la relation de travail.

L'ensemble de ces circonstances permettent de déduire que les enregistrements n'ont pas été effectués par le salarié dans le but de nuire à son employeur mais simplement pour préserver ses propres intérêts, que l'objectif poursuivi était légitime et que l'atteinte aux droits des salariés enregistrés est strictement proportionnée au but poursuivi. En conséquence, ils doivent être déclarés recevables.

Néanmoins, ces enregistrements comme élément de preuve sont inopérants.

En effet, dès lors que la preuve est déloyale, il appartient au salarié qui produit cet élément de preuve d'établir la véracité des données contenues dans les enregistrements.

Or c'est à juste titre que l'employeur fait valoir que les éléments de preuve transmis sont douteux. En effet, ils ne sont révélés pour la première fois à l'employeur que devant la cour alors que quatre années se sont écoulées depuis le début du contentieux entre le salarié et l'employeur.

Par ailleurs leurs contenus et notamment la date des entretiens et l'identité des interlocuteurs ne sont pas identifiables alors que l'employeur conteste qu'ils s'agissent d'entretiens menés au sein de la société à partir du 9 février 2020 avec la secrétaire générale de la société, Mme [K].

Le salarié ne transmet aucun élément permettant de corroborer les dits enregistrements ou de démontrer que les entretiens qui y figurent, correspondent aux dates prétendues dans ses écritures et que l'identité exacte des personnes enregistrées est bien celle des responsables de la société. Même lorsqu'il fait la démarche de déposer une déclaration de main courante le 16 janvier 2020, le salarié ne fait absolument pas état de ces enregistrements. Enfin aucun collègue ni aucune personne n'atteste des faits qu'il évoque.

Dans ces circonstances, les enregistrements figurant aux pièces 49. 1et suivants seront déclarés inopérants et ces éléments de preuve seront écartés.

Sur la nullité du licenciement

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2017-256 du 28 février 2017, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.

L'article L. 1134-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif à l'application de l'article L. 1132-1, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations et il incombe à la partie défenderesse, au vu des ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

A l'appui de sa demande de nullité de son licenciement, le salarié transmet des courriers et documents médicaux établissant la chronologie des faits intervenus à partir de son retour d'arrêt de travail jusqu'à la rupture, les avis médicaux 30 décembre 2019 et 7 et 21 janvier 2020 qui imposent la nécessité d'adapter le poste de travail, ainsi qu'une déclaration de main courante du 16 janvier 2020. Dans cette déclaration, le salarié fait état de son refus de la rupture conventionnelle, de l'existence d'une feuille antidatée transmise par la secrétaire générale, [V] et le fait d'avoir était traité de « malade ». Il communique également les attestations de Mme [S], M. [D] qui atteste que le salarié n'est pas violent, M. [X] qui le décrit comme un travailleur courageux et arrangeant avec les clients et celle de M. [A] qui confirme ces qualités.

L'ensemble de ces éléments laisse présumer l'existence d'une discrimination liée à l'état de santé du salarié et il appartient à l'employeur de justifier qu'ils s'expliquent par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

La société établit qu'au retour de ses arrêts pour accident du travail, elle n'avait aucune difficulté pour mettre en place les modalités d'adaptation du poste de travail à l'égard du salarié puisque l'ensemble de sa flotte et notamment le camion conduit par le salarié était déjà en boîte automatique et que le salarié disposait déjà d'un transpalette pour limiter les efforts de manutention. Elle justifie également, par un courrier en date du 15 janvier 2020, de la mise en place de son droit de rétractation dans la procédure de rupture conventionnelle signée par le salarié. Elle conteste les menaces et l'agressivité de la secrétaire générale et transmet à ce titre l'attestation de Mme [G], prestataire témoin d'une altercation violente du 14 janvier 2020 et un mail de Mme [K] du même jour qui confirme le choc émotionnel de cette altercation.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la discrimination en raison de son état de santé allégué par le salarié n'est pas justifiée. Outre le fait qu'une chronologie ne suffit pas à démontrer la discrimination, la société établit que la proposition de rupture conventionnelle après le retour de M. [R] était motivée par des considérations liées à une volonté de mettre fin à la relation de travail en raison de son comportement à l'égard du personnel. Elle en justifie par les messages de Mme [B], Mme [K], les attestations de Mme [G] et de Mme [O]. Il apparaît que c'est bien les difficultés relationnelles de M. [R] avec le personnel qui est à l'origine de la décision de rupture et sans rapport avec l'état de santé du salarié.

Sur ce point, la société justifie que les préconisations du médecin du travail concernant l'adaptation du poste de travail et notamment l'octroi d'un véhicule doté d'une boîte automatique et l'attribution d'un transpalette pour la manutention étaient susceptibles d'être mis en place sans difficulté au sein de l'entreprise. Elle démontre aussi que les allégations faites dans la main courante du 16 janvier 2020 par le salarié sont contredites par l'attestation de Mme [G], témoin des faits. Les attestations transmises par le salarié qui font part en termes généraux des qualités d M. [R], ne permettent pas de contredire les faits violents décrits dans les attestations de Mme [G] et Mme [O].

Ainsi, il n'est pas démontré que la rupture trouve son fondement sur une discrimination liée à l'état de santé du salarié et sur ce point, la décision prud'homale sera en conséquence confirmée.

Sur le licenciement pour faute grave

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ;

Par ailleurs, selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié . Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables ;

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

A défaut de faute grave, le licenciement pour motif disciplinaire doit reposer sur des faits précis et matériellement vérifiables présentant un caractère fautif réel et sérieux.

Dans la lettre de licenciement, l'employeur reproche au salarié des faits intervenus le 14 janvier 2020 lors desquels le salarié sous prétexte de vouloir finalement signer la convocation à l'entretien préalable à la rupture conventionnelle a subtilisé les deux documents à la secrétaire générale de la direction de la société, a tenu à son égard des propos déplacés et menaçants. La lettre fait également état de précédents lors desquels le salarié a manifesté des accès de colère et des « haussement de ton » à l'égard des membres du personnel.

Pour justifier de ces griefs, l'employeur transmet le message du 14 janvier 2020, établi par Mme [K] et communiqué à la hiérarchie le jour des faits, pour faire part de son traumatisme suite à l'altercation avec M. [R].

Il transmet également une attestation de Mme [G] qui corrobore la violence de l'attitude du salarié ce jour-là, décrite dans la lettre de licenciement. Le comportement colérique du salarié à l'égard du personnel résulte également l'attestation de Mme [O] et du message du 25 novembre 2019 de Mme [B].

Les explications fournies par le salarié sur les circonstances de la signature de la rupture conventionnelle ne justifient pas la violence manifestée à l'encontre de la secrétaire, cette violence de l'altercation ayant nécessité que la salariée soit immédiatement reconduite à son domicile en étant accompagnée.

Les deux attestations de Mme [S], M. [D] versées aux débats par le salarié décrivent le salarié comme quelqu'un de calme mais en termes trop généraux pour pouvoir contredire les pièces adverses.

Les autres attestations faisant valoir que le salarié était un travailleur courageux sont indifférents pour apprécier l'attitude du salarié à l'égard du personnel. La main courante déposée le 16 janvier 2020 par le salarié ne permet pas de contredire ces pièces qui démontrent la violence du comportement adopté par le salarié. Les pressions de l'employeur, le fait d'avoir été traité de malade ou l'existence d'un document antidaté résultent des seules déclarations du salarié et ne sont établies par aucun élément.

Ce premier grief suffit à caractériser la faute grave et il conviendra de confirmer la décision prud'homale sur ce point. En conséquence, le salarié sera débouté de ses demandes relatives à l'indemnité légale de licenciement, l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que les rappels de salaires tirés de l'annulation de la mise à pied conservatoire dès lors que les faits reprochés tirés des mêmes éléments, permettent de considérer que la mise à pied conservatoire était justifiée.

Sur le rappel de salaire

Se fondant sur l'annexe II et l'article 17 bis de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950, le salarié invoque une garantie de ressources liées à ses arrêts de travail. Il soutient qu'à compter du 2 août 2019, aucun complément de salaire ne lui a été versé et aucun bulletin de salaire lui a été remis à partir de janvier 2020. Il soutient que son salaire aurait dû être maintenu sur la période d'août à décembre 2019 puisqu'il bénéficiait d'une année d'ancienneté et sollicite la somme de 2838,94 euros outre les congés payés afférents au titre du rappel de salaire pour son arrêt maladie du 10 août au 29 décembre 2019.

La société ne conteste pas qu'en vertu de l'article 10 ter.C. de l'annexe numéro 1 ' ouvriers du 27 juillet 1951 de la convention collective, elle est redevable de 100 % de la rémunération du premier au 30ème jour d'arrêt et 75 % de la rémunération du 31ème au 90e jour d'arrêt lorsque il y a soit à une hospitalisation minimale de trois jours, soit une incapacité de travail d'une durée d'au moins 28 jours. Elle fait valoir qu'elle est redevable que de la somme 1067,55 euros sur la période considérée.

Il n'est pas contesté que M. [R] a été placé en arrêt de travail pour accident du travail du

10 août 2019 au 3 septembre 2019 et du 16 septembre 2019 au 6 janvier 2020.

Selon l'article 10 ter de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires dans l'accord du 16 juin 1961 relative aux ouvriers il est prévu que : « En cas d'incapacité de travail constaté d'une part par certificat médical ou s'il y a lieu par contre-visite à l'initiative de l'employeur et ouvrant droit d'autre part aux prestations en espèce' soit au titre de l'assurance accident du travail, le personnel mensualisé bénéficie dans les conditions fixées ci-après d'une garantie de ressources.' C) absences pour accident du travail : Chaque accident du travail constaté conformément aux dispositions du paragraphe 1 du présent article donne lieu, sans application d'un délai franchise, au versement d'un complément de rémunération assurant les garanties de ressources suivantes :

- après un an d'ancienneté :

- le personnel ouvrier victime d'un accident du travail ayant entraîné soit une hospitalisation minimale de trois jours, soit une incapacité de travail d'une durée de 28 jours bénéficie de la garantie de ressources définies ci-après :

- 100 % de la rémunération du premier au 30e jour d'arrêt

- 75 % de la rémunération du 31e au 90e jour d'arrêt'

Les indemnités versées par l'employeur au titre du présent article sont réduites, pour les jours effectivement indemnisés, de la valeur des indemnités journalières auxquels l'ouvrier malade ou blessé a droit, en application de la législation de sécurité sociale de tout régime de prévoyance mais en ne retenant dans ce cas que la part des prestations résultant des versements patronaux.

Les indemnités journalières doivent obligatoirement être déclarées à l'employeur par chaque ouvrier intéressé.

En tout état de cause, l'application du présent article peut conduire à verser à un ouvrier, compte tenu des sommes de provenance perçue à l'occasion de la maladie de l'accident, un montant supérieur à la rémunération nette qu'il aurait effectivement perçue s'il avait continué à travailler sous déduction de la rémunération correspondant au délai de franchise visé au paragraphe 2B du présent article. »

Le salarié ayant été victime successivement de deux accidents de travail, deux arrêts travail distincts doivent être analysé à la lumière de ce texte.

M. [R] justifie que le premier arrêt travail pour un accident du travail est survenu le 9 août 2019, qu'il a été prolongé le 30 août 2019 jusqu'au 3 septembre 2019 avec une reprise du travail le 4 septembre 2019. Il y a lieu de constater que sur cette période, l'arrêt travail est inférieur à 28 jours et n'ouvre pas droit à la garantie de ressources.

Le second arrêt de travail court à partir de l'accident du travail du 16 septembre 2019 jusqu'au 6 janvier 2020. Cette période ouvre droit à la garantie des salaires. Au regard du salaire de base précédant l'arrêt de travail d'un montant de 2286,61 euros, des indemnités journalières perçues, du calcul réparti sur 100 % puis 75 % du salaire et des salaires bruts déjà perçus de l'employeur il y a lieu de confirmer le montant alloué par le conseil de prud'hommes et de confirmer également les sommes allouées au titre des congés payés afférents.

Il y a lieu conformément à la demande du salarié de prévoir que ces condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

Sur la remise tardive des documents de fin de contrat

En cas de défaut de remise ou la remise tardive à un salarié des documents permettant son inscription au chômage et la détermination exacte de ses droits, il y a lieu de réparer le préjudice qui en résulte dès lors que l'intéressé en justifie.

En l'espèce, M. [R] soutient avoir reçu tardivement les documents de fin de contrat en octobre 2020 alors que son licenciement est intervenu en février 2020 mais il n'est justifié d'aucun préjudice à cet égard, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'accueillir favorablement la demande formulée.

Il y a lieu néanmoins au regard des rappels de salaires ordonnés de prévoir que la société devra transmettre au salarié des fiches de paie et les documents sociaux de fin de contrat de travail conformes aux condamnations sans qu'il soit nécessaire de faire droit à la demande du salarié relative à l'exécution forcée par l'intermédiaire d'un huissier.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes d'Argenteuil du 9 décembre 2021 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Rejette la demande de la société fondée sur le non-respect du contradictoire ;

Déclare recevables l'ensemble des pièces versées aux débats par M. [R] y comprit les enregistrements déloyaux ;

Dit que les enregistrements produits sont des moyens de preuve inopérants ;

Dit que les condamnations au paiement de créances de nature salariale confirmées en appel porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et fait droit à la demande de capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

Dit que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt ;

Autorise la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

Ordonne la remise par la société Diaspo Environnement à M. [R] les fiches de paie et les documents sociaux de fin de contrat conformes aux condamnations aux rappels de salaires ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [R] à payer à la société Diaspo environnement la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dont distraction au profit de Maître Teytaud conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus des demandes ;

Condamne M. [R] au paiement des dépens.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Laurence SINQUIN, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-3
Numéro d'arrêt : 21/03688
Date de la décision : 24/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-24;21.03688 ?
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