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20/06/2024 | FRANCE | N°23/08070

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-6, 20 juin 2024, 23/08070


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 78K



Chambre civile 1-6



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 20 JUIN 2024



N° RG 23/08070 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WHBI



AFFAIRE :



S.A.S. PEGAS GROUP



C/



S.A.R.L. GROUPE PVR



S.A.R.L. ADEMECA CONCEPT



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Novembre 2023 par le Juge de l'exécution de VERSAILLES

N° RG : 23/02067



Expéditions exéc

utoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 20.06.2024

à :





Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Audrey SCHAEFER, avocat au barreau de VERSAILLES





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VIN...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 78K

Chambre civile 1-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 JUIN 2024

N° RG 23/08070 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WHBI

AFFAIRE :

S.A.S. PEGAS GROUP

C/

S.A.R.L. GROUPE PVR

S.A.R.L. ADEMECA CONCEPT

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Novembre 2023 par le Juge de l'exécution de VERSAILLES

N° RG : 23/02067

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 20.06.2024

à :

Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Audrey SCHAEFER, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. PEGAS GROUP

N° Siret : 844 113 183 (RCS Versailles)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me François VITERBO, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1410 - Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 23445

APPELANTE

****************

S.A.R.L. GROUPE PVR

N° Siret : 519 254 379 (RCS Versailles)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

S.A.R.L. ADEMECA CONCEPT

N° Siret : 477 917 538 (RCS Versailles)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Audrey SCHAEFER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 568 - N° du dossier E0003T8I

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 Mai 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence MICHON, Conseillère chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne PAGES, Présidente,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseillère,

Madame Florence MICHON, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

EXPOSÉ DU LITIGE

Aux termes d'un protocole de cession conclu le 17 décembre 2018, assorti d'une convention de garantie du même jour, la société Groupe PVR a cédé à la société Pegas Group la totalité des titres des actions de la société Fleury, laquelle exploite un fonds de fabrication de petites pièces de précision mécanique, pour un prix de 2 461 000 euros, outre un complément de prix forfaitaire de 200 000 euros.

Concomitamment, les deux opérations formant un tout indivisible dans la convention des parties, aux termes d'un autre protocole de cession du 17 décembre 2018, également assorti d'une convention de garantie, la société Ademeca Concept a cédé à la société Pegas Group la totalité des titres de la société Association des Compagnons Mécaniciens de l'Ouest 'ACMO', laquelle a pour objet la création et l'exploitation de fonds d'industrie, notamment de mécanique générale et de précision, et les opérations pouvant se rattacher à cet objet, pour un prix de 439 000 euros, outre un complément de prix forfaitaire de 50 000 euros et un complément de prix variable de 50 000 euros.

La société Pegas Group, à la suite de la découverte, lors d'un contrôle, d'un défaut sur un lot de pièces dites vitales fabriquées par la société Fleury pour l'un de ses clients, la société Collins Aerospace Systems/ Goodrich, qui elle même a pour client la société Airbus Hélicoptères, ayant mis selon elle en évidence que la société Fleury ne respectait pas les process de fabrication et de qualification imposés par ses clients et délivrait des certificats de conformité contraires à la réalité, poursuit la nullité des cessions susvisées, pour dissimulation d'informations déterminantes et dol, et se prévaut, de ce fait, d'une créance de restitution du prix.

Agissant en vertu d'une ordonnance rendue sur requête le 15 juillet 2020 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Versailles, la société Pegas Group a fait pratiquer à l'encontre de la société Groupe PVR le 22 juillet 2020, des saisies conservatoires de créance entre les mains de la Société Générale, de la BNP Paribas et du Crédit Industriel et Commercial, pour garantir le paiement d'une somme de 2 461 000 euros.

Le même jour, en vertu d'une ordonnance rendue sur requête le 15 juillet 2020 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Versailles, la société Pegas Group a fait procéder, à l'encontre de la société Ademeca Concept, à des saisies conservatoires de créance entre les mains du Crédit Industriel et Commercial, de la BNP Paribas ( saisie infructueuse) et de la Société Générale, pour garantir le paiement d'une somme de 438 591,64 euros.

Ces mesures conservatoires ont été dénoncées le 27 juillet 2020 aux sociétés Groupe PVR et Ademeca Concept.

Par ordonnance de référé en date du 9 décembre 2020, après avoir constaté un trop saisi au regard de l'autorisation donnée par le juge de l'exécution, le juge des référés du tribunal de commerce de Versailles a ordonné la mainlevée d'une somme de 48 866,29 euros, et sa libération au profit de la société Groupe PVR.

Saisi au fond par la société Pegas Group aux fins, notamment, d'annulation de l'acquisition des titres des sociétés Fleury et ACMO et d'allocation de dommages et intérêts, le tribunal de commerce de Paris, par jugement du 31 janvier 2023, exécutoire par provision, a :

débouté la société Pegas Group de ses demandes de nullité de cession d'actions Fleury et ACMO,

condamné la société Groupe PVR à payer à la société Pegas Group une somme de 120 000 euros au titre de la garantie de passif,

condamné la société Pegas Group à payer à la société Groupe PVR 150 000 euros au titre du solde du prix des actions Fleury,

ordonné la compensation judiciaire entre ces deux condamnations,

condamné la société Pegas Group à payer à la société Ademeca Concept la somme de 37 500 euros au titre du complément de prix des actions ACMO,

condamné in solidum la société Groupe PVR, la société Ademeca Concept, M. [L] [Y], Mme [M] [Y], M. [B] [Y] et M. [C] [Y] à payer à la société Pegas Group la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 179,61 euros dont 29,72 euros de TVA.

La société Pegas Group a interjeté appel de ce jugement le 20 janvier 2023.

Elle n'a toutefois pas obtenu du premier président de la cour d'appel de Paris, qui a rejeté sa demande, la suspension de l'exécution provisoire de cette décision.

Le 30 mars 2023, après avoir vainement sollicité de leur adversaire, compte tenu du jugement du tribunal de commerce de Paris, la mainlevée des mesures conservatoires encore en cours, la société Groupe PVR et la société Ademeca Concept ont assigné la société Pegas Group devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Versailles aux fins de mainlevée.

Par jugement contradictoire rendu le 29 novembre 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Versailles a :

débouté la société Pegas Group de l'ensemble de ses demandes,

ordonné la mainlevée des saisies conservatoires de créances du 22 juillet 2020 réalisées à la demande de la société Pegas Group, entre les mains de la Société Générale, du Crédit Industriel et Commercial et de la BNP Paribas à l'encontre de la société PVR et portant sur la somme de 2 461 000 euros,

ordonné la mainlevée des saisies conservatoires de créances du 22 juillet 2020, réalisées à la demande de la société Pegas Group, entre les mains de la Société Générale, du Crédit Industriel et Commercial et de la BNP Paribas, à l'encontre de la société Ademeca Concept et portant sur la somme de 438 591,64 euros,

condamné la société Pegas Group à verser à la société PVR et à la société Ademeca Concept, la somme de 10 000 euros au titre de la résistance abusive,

condamné la société Pegas Group à payer à la société PVR et à la société Ademeca Concept la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

rejeté toute autre demande plus ample ou contraire des parties,

condamné la société Pegas Group aux entiers dépens comprenant le coût de la mainlevée des saisies conservatoires de créances,

rappelé que la décision est exécutoire de droit,

dit en conséquence n'y avoir lieu à statuer sur la demande d'exécution provisoire.

Le 30 novembre 2023, la SAS Pegas Group a relevé appel de cette décision.

Par décision rendue le 22 février 2024, le premier président de la cour a ordonné le sursis à exécution du jugement susvisé.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 7 mai 2024, avec fixation de la date des plaidoiries au 16 mai suivant.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 19 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Pegas Group, appelante, demande à la cour de :

infirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 29 novembre 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Versailles,

Statuant à nouveau :

surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure engagée devant la cour d'appel de Paris eu égard à la nature du litige et à l'importance de ses conséquences,

Subsidiairement :

ordonner le maintien des saisies conservatoires qui conservent leur objet compte tenu de l'appel formé et actuellement en cours devant la cour d'appel de Paris contre le jugement rendu le 13 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Paris,

débouter les sociétés Groupe PVR et Ademeca de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions et de leur appel incident,

condamner les intimées à la somme de 3 000 euros chacune au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe le 2 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, la société Groupe PVR et la société Ademeca Concept, intimées, demandent à la cour de :

confirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Versailles le 29 novembre 2023 en ce qu'il a ordonné la mainlevée des saisies conservatoires des sommes déposées sur les comptes bancaires que la BNP Paribas, le CIC, la Société Générale tiennent pour la société Groupe PVR par actes de Maître [H], huissier à [Localité 5] établis le 22 juillet 2020 // que la BNP Paribas, le CIC, la Société Générale tiennent pour la société Ademeca Concept par actes de Maître [H], huissier à [Localité 5] établis le 22 juillet 2020,

réformer ladite décision en ce qu'elle a condamné la société Pegas Groupe à 10 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive

Y ajoutant :

condamner la société Pegas Group à 95 356,52 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive, somme à parfaire jusqu'à exécution de la décision à intervenir à raison de 7 946,37 euros par mois,

condamner la société Pegas Group à payer une somme de 5 000 euros par société au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens, en ce compris le coût des mainlevées à intervenir.

Le 7 mai 2024, après la clôture de la procédure, la société Groupe PVR et la société Ademeca Concept ont adressé à la cour des conclusions aux fins de révocation de l'ordonnance de clôture.

Le 15 mai 2024, la société Pegas Group a déposé des conclusions en réponse.

Le 16 mai 2024, à l'issue de l'audience de plaidoiries, l'affaire a été mise en délibéré au 20 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture 

Par conclusions déposées le 7 mai 2024, les sociétés intimées demandent à la cour de :

ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture prononcée le 7 mai 2024,

reporter la clôture au 14 mai 2024,

admettre les conclusions au fond signifiées ce jour,

admettre la pièce n°36 signifiée ce jour,

réserver les dépens.

Elles exposent qu'elles n'ont reçu que le 6 mai 2024 à 16 heures 50 des éléments provenant d'une enquête pénale qu'elles avaient demandés au parquet de Versailles, et que bien qu'elles en aient informé la cour et annoncé des conclusions et la communication d'une nouvelle pièce, la cour a prononcé sans les attendre la clôture des débats ; que pour autant, il est nécessaire, pour une bonne administration de la justice, que la communication de ces conclusions et de cette pièce soit autorisée ; qu'en effet, il s'agit de répondre à la communication, par leur adversaire, d'une information volontairement tronquée, dès lors que celle-ci n'a produit qu'une des deux auditions qui constituaient ensemble un dépôt de plainte de la société Airbus, celle de la juriste de cette société, en omettant de communiquer celle de l'ingénieur-expert qui a été réalisée concomitamment.

Par 'conclusions récapitulatives n°3 d'appelante en réponse à la demande de rabat de la clôture' signifiées le 15 mai 2024, qui portent à la fois sur la demande de révocation de ses adversaires, et sur le fond du litige, la société Pegas Group, tout en estimant que les intimées ne justifient d'aucune cause grave qui justifierait le rabat de la clôture au sens de l'article 803 du code de procédure civile, indique s'en remettre à la sagesse de la cour quant à l'appréciation de l'opportunité et du bien fondé de leur demande. Si le rabat de la clôture venait à être ordonné, elle demande toutefois que ses dernières conclusions [ en ce qu'elles portent sur le fond du litige] soient jugées recevables.

Selon l'article 803 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

La partie intimée ne vise à l'appui de sa demande que l'intérêt d'une bonne justice, et ne se prévaut d'aucune cause grave. En outre, à supposer que la cause de sa demande de révocation constitue une cause grave, elle ne s'est pas révélée postérieurement à la clôture, mais avant celle-ci.

A titre surabondant, la cour observe qu'aucune violation du principe du contradictoire n'est caractérisée.

Si les intimées soutiennent que l'appelante leur a communiqué, volontairement tardivement, le 19 avril 2024, une pièce dont elle est en possession depuis le mois de février 2024, la clôture, initialement prévue le 23 avril 2024, a été reportée de quinze jours pour leur permettre de répliquer.

Et force est par ailleurs de relever que les intimées, alors qu'elles ont eu connaissance des nouvelles conclusions et pièces de leur adversaire le 19 avril 2024, et le 23 avril 2024 du report de la clôture avec l'indication que plus aucune pièce ni écriture ne serait reçue après le 2 mai 2024, n'ont saisi le procureur de la République de Versailles pour obtenir les pièces qu'elles entendaient produire en réponse que le 29 avril 2024, en sorte que la réception tardive des pièces réclamées leur est imputable, au moins pour partie.

Les conditions de l'article 803 du code de procédure civile n'étant pas réunies, la demande de révocation de l'ordonnance de clôture est rejetée.

Dès lors que les conclusions au fond et les pièces signifiées le 7 mai 2024 après l'heure de la clôture par les intimées et le 15 mai 2024 par les appelantes sont irrecevables en application de l'article 802 du code de procédure civile, les dernières conclusions des parties qui saisissent la cour sont, pour l'appelante, celles du 19 avril 2024, et pour les intimées, celles du 2 mai 2024, et les pièces produites à l'appui celles qui sont visées dans ces conclusions.

Sur la demande de sursis à statuer

Selon la société Pegas Group, il procéderait d'une bonne administration de la justice qu'il soit sursis à statuer sur la demande de mainlevée de ses adversaires, dans l'attente de l'issue de la procédure pendante au fond devant la cour d'appel de Paris, et ce pour éviter de priver d'effet la décision à venir de cette juridiction. Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge pour rejeter sa demande, elle démontre en effet qu'il existe un risque, qui n'est nullement hypothétique, que les sociétés Groupe PVR et Ademeca dissipent les fonds qui font actuellement l'objet d'une saisie conservatoire avant l'issue de cet appel.

Concluant à la confirmation du rejet de la demande de sursis à statuer, les intimées réfutent les accusations (sic) soulevées par la société Pegas Group à l'appui de cette demande. Elles considèrent que le juge de l'exécution, et donc la cour d'appel, est fondée à examiner leurs contestations sans attendre la décision de la cour d'appel de Paris sur le fond du dossier.

Il est rappelé que le sursis à statuer a pour objet, principalement, d'éviter un risque de contrariété de décisions.

La cour, à la suite du juge de l'exécution, est saisie sur le fondement des articles L.511-1 et L.512-1 du code des procédures civiles d'exécution.

Il relève de son office, en application de ces textes, de dire si la société Pegas Group dispose d'une créance qui paraît fondée en son principe, et si, en outre, le recouvrement de cette créance est susceptible d'être menacé.

Il n'est pas nécessaire, pour répondre à ces deux questions, d'attendre la décision de la cour d'appel de Paris statuant au fond.

L'octroi d'un sursis à statuer, dans une telle espèce, reviendrait à priver les sociétés dont les fonds ont été saisis de la faculté qu'elles tiennent de la loi de contester effectivement le bien fondé des mesures conservatoires dont elles ont fait l'objet avant qu'une décision définitive au fond ne vienne consacrer leur dette à l'égard de la société saisissante.

Et constituerait, de ce fait, un détournement de procédure.

Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Pegas Group de cette demande.

Sur la demande de mainlevée

La société appelante reproche à la société Fleury de s'être livrée à de graves irrégularités et tromperies, et soutient que si elle en avait été informée, elle n'aurait jamais procédé à l'acquisition de l'intégralité des actions composant son capital social. En effet, une telle situation l'expose à des pénalités contractuelles, au risque de devoir remplacer gratuitement les pièces dites vitales non produites selon les spécifications convenues avec son client Collins, et, dès lors que sont en cause des pièces destinées à être livrées à des fabricants aéronautiques et à être montées sur des hélicoptères civils et militaires et sur des avions, aux conséquences d'un 'crash' qui aurait pour origine la non conformité des pièces dites vitales produites par la société Fleury. Outre un risque pénal pour tromperie, qui, ajoute-t-elle, s'est réalisé. Soutenant que la mainlevée d'une mesure conservatoire est, aux termes de l'article L.512-1 du code des procédures civiles d'exécution, une simple faculté pour le juge de l'exécution, et non une obligation, la société Pegas Group considère que les mesures conservatoires litigieuses conservent leur objet, nonobstant la décision rendue par le tribunal de commerce de Paris, qui n'est pas définitive. Le tribunal de commerce, loin d'écarter le dol reproché à la société Groupe PVR, a au contraire retenu les agissements dolosifs de cette dernière, et les mensonges de celle-ci et de son dirigeant, et souligné la gravité de ceux-ci, mais il a rejeté la nullité pour dol à raison de l'absence de preuve de la perte de confiance du client final suite aux révélations qui lui ont été faites, en se fondant à tort sur un élément postérieur à la cession alors que la nullité pour dol par commission ou par réticence, en ce qu'il vicie le consentement, s'apprécie exclusivement à la date à laquelle ce consentement est donné, c'est à dire celle de la signature du contrat. Ce qu'a relevé le premier président de la cour d'appel de Versailles, à l'appui du sursis à exécution du jugement dont appel qu'il a ordonné le 22 février 2024. Le tribunal, qui constatait des dissimulations constitutives d'un dol, avait l'obligation de prononcer la nullité, comme prescrit par l'article 1170 du code civil (sic) qui prescrit une obligation et non une faculté. A titre surabondant, soutient l'appelante, les plaintes déposées par les clients de la société Fleury attestent à tout le moins d'une perte de confiance, qui remet en cause l'appréciation du tribunal sur ce point. Par voie de conséquence, le principe de restitution du prix demeure, constituant le principe de créance. Il existe, par ailleurs, soutient l'appelante, des menaces sur le recouvrement de la créance en cause, au regard de la situation financière des sociétés Groupe PVR et Ademeca, qui, en dehors des sommes appréhendées à l'occasion des saisies conservatoires, n'ont aucun actif pérenne et liquide pouvant couvrir la restitution du prix en cas d'annulation de la cession, et au regard également d'un risque évident d'organisation de leur insolvabilité financière, étant rappelé qu'elles ont été reconnues par le tribunal de commerce de Paris coupables de mensonges délibérés, et de dissimulation dans un domaine 'aux conséquences potentiellement catastrophiques'.

Les sociétés Groupe PVR et Ademeca Concept considèrent que l'existence de la créance invoquée par l'appelante est particulièrement douteuse. Après trois années d'instruction contradictoire, le tribunal de commerce de Paris, éclairé par les parties sur leurs arguments respectifs, a débouté la société Pegas Group de sa demande de nullité des actes de cession fondée sur le dol, en considérant que les éléments constitutifs de celui-ci n'étaient pas réunis, et dit en conséquence qu'il n'y avait pas lieu à restitution du prix. En considération de cette décision, qui est assortie de l'exécution provisoire, la société Pegas Group n'est pas titulaire, à ce jour, d'une créance de restitution des prix de vente. L'appel qu'elle a interjeté ne saurait rendre sa créance en restitution plus certaine qu'une décision rendue par un tribunal, et au demeurant, en cause d'appel, la société Pegas Group reprend la même argumentation et les mêmes éléments que devant le tribunal de commerce, et ne produit aucun élément nouveau notamment de nature à démontrer l'élément constitutif du dol faisant défaut, à savoir le caractère déterminant de l'erreur, lequel s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné. Raison pour laquelle la cour d'appel de Paris ne pourra, selon elles, que confirmer la décision entreprise, et écarter la demande aux fins de nullité des actes de cession. Etant ajouté que, pour leur part, elles ont relevé appel incident du jugement, et contestent notamment la qualification de mensonge retenue par le tribunal. Ainsi, la créance invoquée par la société Pegas Group pour justifier des saisies conservatoires n'est, au jour de la présente procédure, pas suffisamment fondée en son principe. Quant au prétendu risque de détournement des fonds et d'insolvabilité soutenu par la société Pegas Group, il n'est pas étayé.

Et contrairement à ce qu'elle soutient, la société Groupe PVR présente des garanties suffisantes, et les capitaux propres de la société Ademeca s'élèvent à 514 122 euros. Ainsi, il n'y a aucune menace sur le recouvrement d'une créance dont l'existence n'est à ce jour pas suffisamment avérée.

En vertu de l'article L.511-1 du code des procédures civiles d'exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.

En vertu de l'article L.512-1 de ce code, le juge de l'exécution peut donner mainlevée de la mesure conservatoire s'il apparaît que les conditions prescrites par l'article L.511-1 susvisé ne sont pas réunies.

Nonobstant ce que soutient l'appelante, la mainlevée d'une mesure conservatoire qui ne remplit pas les conditions rappelées ci-dessus n'est pas une simple faculté pour le juge de l'exécution, qui ne peut laisser perdurer une mesure illégale pour des considérations d'opportunité.

Pour apprécier le bien fondé de la mesure, le juge de l'exécution se place au jour où il statue, et peut, le cas échéant, tenir compte de faits, survenus postérieurement à la mesure, qui seraient de nature à remettre en cause l'apparence de créance ou l'existence des menaces sur son recouvrement.

Par ailleurs, c'est au créancier prétendu qu'il appartient de prouver que les conditions permettant de recourir à une mesure conservatoire sont réunies, et non au débiteur de faire la démonstration contraire.

La société Pegas Group se prévaut d'une créance de restitution de prix, au motif de la nullité de la vente des titres des sociétés Fleury et ACMO.

Au jour où la cour statue, la nullité a été écartée par le juge du fond, qui, s'agissant du dol, et après avoir rappelé les termes des articles 1130, 1131 et 1137 du code civil, a en retenu, en substance, que le vendeur avait délibérément menti à l'acquéreur, mais que l'acquéreur ne rapportait pas la preuve d'un dommage tel qu'il puisse être démontré qu'il n'aurait pas contracté ou qu'il aurait contracté à des conditions significativement différentes de celles convenues s'il en avait eu connaissance.

La société Pegas Group n'apporte pas, devant la présente cour, qui en tout état de cause n'est pas la juridiction d'appel du tribunal de commerce de Paris, d'élément objectif permettant de considérer que la preuve contraire, à savoir de ce que, sans le mensonge de son vendeur, elle n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes, est susceptible d'être rapportée utilement devant la cour d'appel statuant au fond.

En effet, si la société Pegas Group produit à hauteur d'appel des plaintes des sociétés Airbus Helicoptères et Collins/Goodrich à l'encontre de la société Fleury, issues d'une enquête préliminaire actuellement en cours, elle ne conteste pas utilement l'explication des intimées selon laquelle ces deux sociétés ne sont pas à l'origine de cette enquête, et que leurs plaintes interviennent dans le cadre d'une enquête ouverte à la demande des sociétés Pegas Group et Fleury, qui ont déposé plainte au mois de juillet 2021, soit alors que la procédure devant le tribunal de commerce de Paris était déjà en cours.

Le premier juge sera donc approuvé d'avoir retenu que la société Pegas Group ne dispose pas d'une créance qui paraît fondée en son principe à l'encontre des sociétés Groupe PVR et Ademeca Concept.

Dès lors que les deux conditions ci-dessus rappelées permettant le recours à une mesure conservatoire sont cumulatives, il n'est pas nécessaire, ainsi que l'a retenu le juge de l'exécution, de rechercher si une menace pèse sur le recouvrement de la créance alléguée.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a ordonné la mainlevée des saisies conservatoires réalisées.

Sur la demande de dommages et intérêts

La société appelante considère que le fait qu'elle n'ait pas donné spontanément mainlevée des saisies après que le tribunal de commerce de Paris a rendu son jugement, alors qu'elle en interjetait appel et saisissait le premier président d'une demande de suspension de l'exécution provisoire ne saurait constituer une faute de sa part, d'autant moins au regard de la qualification donnée par le tribunal de commerce de Paris aux agissements de la partie adverse.

Elle fait observer que les saisies ont été pratiquées sur les comptes courants non rémunérés des sociétés intimées près de deux années après la cession des titres composant le capital social des sociétés Fleury et ACMO, et en déduit que les sociétésGroupe PVR et Ademeca Concept n'avaient aucune intention de les placer sur des produits financiers. Par ailleurs, souligne-t-elle, elles ont attendu près de trois années après les saisies conservatoires pour les contester.

Les sociétés intimées soutiennent que les sommes saisies auraient du être restituées dès la signification de la décision, qui était assortie de l'exécution provisoire, soit le 23 janvier 2023, que le refus d'en donner mainlevée est parfaitement dilatoire, et que le placement des sommes saisies leur aurait permis d'appréhender un revenu de 7 946,37 euros mensuel, dont elles ont été privées en raison de la résistance abusive de la société Pegas Group. En effet, si elles avaient placé ces sommes, soit 2 899 591,64 euros, celles-ci auraient produit des intérêts au taux de 3,30%, soit un total sur 12 mois de 95 356,52 euros, somme à parfaire.

A titre liminaire, la cour relève que les sociétés Groupe PVR et Ademeca Concept ne poursuivent pas une indemnisation de leur préjudice à raison de la mise en oeuvre d'une mesure conservatoire injustifiée, mais à raison du refus de la société Pegas Group d'y mettre fin à partir du moment où le tribunal de commerce avait statué comme il l'a fait.

Le juge de l'exécution a relevé que, au vu des échanges intervenus entre les parties, les sociétés intimées ont sollicité dès le 19 janvier 2023 la libération des sommes saisies, ce dont la cour peut effectivement se convaincre puisque les échanges correspondants sont produits à hauteur d'appel.

La cour confirmant le bien fondé de la mainlevée ordonnée par le premier juge, faute de créance paraissant fondée en son principe, les sociétés saisies sont en droit d'obtenir l'indemnisation du préjudice qui leur a été causé par le maintien d'une mesure qui n'était plus justifiée, et qui était, de ce fait, une mesure abusive.

Pour justifier du préjudice allégué, qui en tout état de cause ne peut être indemnisé au delà du 22 février 2024, la décision de mainlevée étant suspendue à compter de cette date par décision de justice, les sociétés appelantes produisent un unique document, envoyé par un établissement bancaire, reprenant les conditions des comptes à terme valables en janvier 2023. Toutefois, elles ne rapportent pas la preuve qu'un placement de ce type aurait été effectivement envisagé, alors que comme le fait observer l'appelante, le produit de la vente des titres était demeuré sur le compte des sociétés de la date de la vente jusqu'à celle des saisies, soit durant une année et demie. Les sociétés, appelantes incidentes s'agissant du montant des dommages et intérêts qui leur ont été allouées, ne rapportent pas la preuve, dans ces conditions, qu'elles ont effectivement subi un préjudice plus étendu que celui que le premier juge à justement évalué à 10 000 euros. En sorte qu'il y a lieu de confirmer le jugement également sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Partie perdante, la société Pegas Group doit supporter les dépens de l'appel.

Elle doit également supporter le coût de la mainlevée des mesures conservatoires objet du litige.

Elle sera par ailleurs déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à régler à chacune des sociétés intimées une somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elles ont été contraintes d'exposer devant la cour d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, dans les limites de sa saisine,

Dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture ; 

CONFIRME le jugement rendu le 29 novembre 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Versailles;

Y ajoutant,

Déboute la société Pegas Group de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile:

Met le coût des mainlevées à intervenir à la charge de la société Pegas Group;

Condamne la société Pegas Group aux dépens de l'appel, et à régler à la société Groupe PVR et à la société Ademeca Concept une somme de 4 000 euros chacune, en application de l'article 700 du code de procédure civile;

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Présidente et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-6
Numéro d'arrêt : 23/08070
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.08070 ?
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