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20/06/2024 | FRANCE | N°23/07626

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-5, 20 juin 2024, 23/07626


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 28D



Chambre civile 1-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 20 JUIN 2024



N° RG 23/07626 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WFYJ



AFFAIRE :



[B] [Z] [L] [G]





C/

[F] [I] [W] [E]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Octobre 2023 par le Président du TJ de NANTERRE

N° RG : 23/00225



Expéditions exécutoires

Expédition

s

Copies

délivrées le : 20.06.2024

à :



Me Elisabeth ROUSSET, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE



Me Hélène BOULY, avocat au barreau de VERSAILLES,







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT JUIN DEUX MILLE VINGT QUAT...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 28D

Chambre civile 1-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 JUIN 2024

N° RG 23/07626 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WFYJ

AFFAIRE :

[B] [Z] [L] [G]

C/

[F] [I] [W] [E]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Octobre 2023 par le Président du TJ de NANTERRE

N° RG : 23/00225

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 20.06.2024

à :

Me Elisabeth ROUSSET, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

Me Hélène BOULY, avocat au barreau de VERSAILLES,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [B] [Z] [L] [G]

né le [Date naissance 8] 1969 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 3]

Représentant : Me Elisabeth ROUSSET, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN 313

APPELANT

****************

Madame [F] [I] [W] [E]

née le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 14]

Monsieur [A] [Z] [O] [G]

né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 12]

[Localité 13]

Madame [Y] [P] [C] [T]

née le [Date naissance 5] 2000 à [Localité 16]

de nationalité Française

[Adresse 20]

[Localité 6]

Représentant : Me Hélène BOULY de la SELEURL BHB AVOCAT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 310 - N° du dossier 23111526

Ayant pour avocat plaidant Me Denis de LA SOUDIERE, du bareai de Paris

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Mai 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas VASSEUR, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère,

Madame Marina IGELMAN, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,

EXPOSE DU LITIGE

Mme [F] [E] et [R] [G] se sont mariés le [Date mariage 11] 1963, après conclusion d'un contrat de mariage le 2 septembre 1963 aux termes duquel ils ont adopté un régime de séparation des biens.

Trois enfants sont issus de cette union : M. [A] [G], [X] [G] et M. [B] [G].

[R] [G] est décédé le [Date décès 7] 1977, laissant pour lui succéder son conjoint et ses trois enfants.

Les époux avaient acquis le 24 septembre et le 14 novembre 1968, 231 parts de la s.c.i. [Adresse 19], à concurrence de 80% par [R] [G] et 20 % par Mme [E].

Suite au décès d'[R] [G], Mme [E] disposait de la pleine propriété d'1/5ème du bien et l'usufruit d'1/5ème. M. [A] [G], M. [B] [G] et [X] [G] étant titulaires de 3/5ème indivis de la pleine propriété et 1/5ème indivis de la nue-propriété.

Par lettre recommandée du 29 septembre 2022, le conseil de M. [B] [G] a sollicité Mme [E] aux fins d'obtenir le paiement d'une indemnité d'occupation au titre de son occupation privative du bien indivis.

Par actes des 16, 19 et 21 décembre 2022, M. [B] [G] a fait assigner M. [A] [G], Mme [E] et [X] [G] devant le président du tribunal judiciaire de Nanterre statuant selon la procédure accélérée au fond aux fins d'obtenir principalement la condamnation de Mme [E] au paiement d'une indemnité d'occupation.

[X] [G] est décédée le [Date décès 9] 2023. Elle a laissé pour lui succéder sa fille, Mme [Y] [T], qui est intervenue volontairement à la cause.

Par jugement improprement qualifié d'ordonnance de référé contradictoire rendue le 17 octobre 2023, le président du tribunal judiciaire de Nanterre statuant selon la procédure accélérée au fond a :

- fixé le montant mensuel de l'indemnité d'occupation due par Mme [E] à l'indivision [E] -[G] au titre de l'occupation du bien sis [Adresse 4] à 2 708 euros par mois à compter du 29 septembre 2017 et ce jusqu'au partage ou la libération des lieux,

- condamné à titre provisionnel Mme [E] à payer à M. [B] [G] la somme de 20 000 euros au titre de sa quote part des bénéfices de l'indivision pour la période du 29 septembre 2017 au 31 décembre 2022, avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

- rejeté la demande de M. [B] [G] tendant à voir condamner à titre provisoire Mme [E] à lui payer la somme de 700 euros au titre de sa quote part de l'indemnité d'occupation due à compter du 1er janvier 2024,

- rejeté la demande tendant à la capitalisation des intérêts,

- rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens seront partagés,

- rappelé que le jugement est exécutoire de droit à titre provisoire.

Par déclaration reçue au greffe le 10 novembre 2023, M. [B] [G] a interjeté appel de ce jugement en tous ses chefs de disposition.

Dans ses dernières conclusions déposées le 27 mars 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [B] [G] demande à la cour, au visa des articles 815-9 et 815-11 du code civil, de :

'recevoir M. [B] [G] en l'ensemble de ses demandes,

y faisant droit,

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau,

- fixer l'indemnité d'occupation due par Mme [F] [E] accroissant l'indivision à la somme de 3 028,40 euros par mois, ce à compter du 29 septembre 2017 ;

- condamner Mme [F] [E] au paiement d'une indemnité d'occupation de 3 028,40 euros par mois, ce à compter du 29 septembre 2017, outre intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2022 ;

- ordonner la capitalisation des intérêts ;

- condamner Mme [F] [E] à verser à M. [B] [G] la somme de 42 738,32 euros à titre provisionnel correspondant à la quote-part nette de bénéfices lui revenant du 29 septembre 2017 au 31 décembre 2023, outre intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2022 et capitalisation des intérêts ;

- juger M. [A] [G] et Mme [Y] [T] sans droit au titre de la répartition des bénéfices de l'indivision car non privés de jouissance ;

- annuler le prêt à usage en date du 1er janvier 2024 ;

- condamner solidairement Mme [F] [E], M. [A] [G] et Mme [Y] [T] à verser à M. [B] [G] la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral subi par la conclusion du prêt à usage en date du 1er janvier 2024 tiré du non-respect d'une décision de justice et d'un abus de majorité ;

- condamner Mme [F] [E] à verser à M. [B] [G], à titre provisionnel à compter du 1er janvier 2024, la somme de 605,68 euros par mois, avant le 5 de chaque mois, au titre de la quote-part d'indemnité d'occupation revenant à ce dernier ;

- rappeler qu'en cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire ;

- ordonner d'office l'indexation de l'indemnité d'occupation au regard de l'indice de référence des loyers le 1er janvier de chaque année suivant la formule suivante : indemnité d'occupation Année N = IO initiale x indice du 3ème trimestre de l'année N-1 / indice du 3ème trimestre 2023

- juger qu'il appartient à Mme [F] [E] de justifier auprès de M. [B] [G] du règlement des taxes foncières, charges de copropriété non récupérables et cotisations d'assurance pour en obtenir auprès de lui le remboursement à hauteur d'un cinquième ;

subsidiairement sur ce point, et à défaut

- condamner Mme [F] [E], à verser à titre provisionnel avant le 30 juin de l'année N+1 à M. [B] [G] la somme provisionnelle de 7 268,16 euros (605,68 euros par mois X 12 mois), sauf indexation et sauf déduction des charges de l'année N sur présentation des justificatifs ;

- débouter Mme [F] [E], M. [A] [G] et Mme [Y] [T] de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamner solidairement Mme [F] [E], M. [A] [G] et Mme [Y] [T] au paiement de la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Elisabeth Rousset, qui pourra les recouvrer en application de l'article 699 du même code ;'

Dans leurs dernières conclusions déposées le 29 mars 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, Mme [E], M. [A] [G] et Mme [T] demandent à la cour, au visa des articles 815-9, 815-11, 815-13, 815-3 et 1875 du code civil, de :

'- dire et juger M. [B] [G] irrecevable et en tout cas mal fondé en son appel.

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé la valeur locative de l'appartement occupé par Mme [F] [E], sis [Adresse 4], à la somme de 2 708 euros/mois et, statuant à nouveau, fixer ladite valeur locative à la somme de 1 932,90 euros/mois hors charges, soit 1 441,05 euros/mois charges inclues.

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé à 2 708 euros le montant mensuel de l'indemnité d'occupation due par Mme [F] [E] à l'indivision [E]-[G] au titre de son occupation du bien sis [Adresse 4] et, statuant à nouveau, ne pas fixer d'indemnité d'occupation et débouter M. [B] [G] de ce chef.

subsidiairement, et sur appel incident, fixer ladite indemnité d'occupation à 1 932,90 euros/mois hors charges, soit 1 441,05 euros/mois charges inclues (sic), et juger qu'elle n'est due que jusqu'au 31/12/2023.

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le point de départ de la prescription de 5 ans a commencé à courir à compter du 27/09/2017 et, sur appel incident, statuer à nouveau et dire et juger que le point de départ de la prescription est le 21/12/2017.

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme [F] [E] à payer à M. [B] [G] la somme de 20 000 euros au titre de sa quote-part des bénéfices de l'indivision pour la période du 29/09/2017 au 31/12/2022 et, sur appel incident, statuer à nouveau et débouter M. [B] [G] de sa demande de 42 738,32 euros à ce titre.

subsidiairement, ramener et fixer à 12 000 euros la condamnation de Mme [F] [E] au profit de M. [B] [G] au titre de sa quote-part de bénéfices de l'Indivision sur la période de 2018 à 2023.

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande de M. [B] [G] tendant à voir condamner Mme [F] [E] à lui payer 700 euros/mois au titre de sa quote-part d'Indemnité d'occupation à compter du 01/01/2024. Débouter en conséquence M. [B] [G] de sa demande qu'il ramène à 605,68 euros/mois à compter du 01/01/2024.

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande de M. [B] [G] tendant à la capitalisation des intérêts.

- débouter M. [B] [G] de sa demande tendant à faire juger M. [A] [G] et Mme [Y] [T] sans droit au titre de la répartition des bénéfices de l'indivision.

- débouter M. [B] [G] de sa demande d'annulation du contrat de prêt à usage du 01/01/2024.

- débouter M. [B] [G] de sa demande de condamnation des intimés à lui payer la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice (prétendument) subi du fait de la conclusion du contrat de prêt à usage du 01/01/2024.

en tout état de cause, débouter M. [B] [G] de toutes ses demandes plus amples ou contraires.

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande d'indemnités de M. [B] [G] sur le fondement de l'Article 700 du code de procédure civile et le débouter de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'Article 700 du code de procédure civile formée en cause d'appel.

- condamner M. [B] [G] à payer à Mme [F] [E], à M. [A] [G] et à Mme [Y] [T], à chacun la somme de 2 000 euros d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.'

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient à titre liminaire de constater que par erreur la décision attaquée est qualifiée d''ordonnance de référé' dans l'en-tête mais qu'il n'est pas discuté qu'il s'agit en réalité d'un jugement rendu selon la procédure accélérée au fond.

Sur l'indemnité d'occupation et la répartition provisionnelle des bénéfices

Rappelant les dispositions des articles 815-9 et 815-11 du code civil, M. [B] [G] sollicite la fixation d'une indemnité d'occupation à la charge de Mme [E] et la répartition provisionnelle des bénéfices

Il affirme n'avoir pas renoncé à ses droits de propriétaire, soulignant que le droit de propriété, même démembré, est imprescriptible et fait valoir que l'occupation privative et exclusive de l'appartement litigieux par Mme [E] n'est plus contestée à hauteur d'appel.

L'appelant soutient en revanche que les autres indivisaires, qui ne démontrent pas être exclus de la jouissance de l'immeuble, ne réclament pas d'indemnité d'occupation, et qu'il convient en conséquence de dire qu'ils sont sans droit au titre de la répartition des bénéfices de l'indivision.

M. [B] [G] indique pouvoir réclamer la condamnation de Mme [E] à lui verser une indemnité d'occupation mensuelle, concluant à l'infirmation de la décision déférée en ce qu'elle s'est contentée de fixer le montant de l'indemnité d'occupation.

Il soutient que la valeur locative de l'appartement doit être arbitrée à la somme de 3 028, 40 euros et précise que seules les charges locatives peuvent être mises à la charge de l'indivision, ce qui correspond à la somme lui revenant de 42 738, 32 euros pour la période postérieure au 29 septembre 2017, non concernée par la prescription, outre la somme de 605, 68 euros qui peut lui être octroyée au titre de sa part mensuelle des bénéfices de l'indivision, pour lui éviter de devoir saisir chaque année le tribunal.

Concernant le prêt à usage dont font état les intimés, M. [B] [G] le qualifie de manoeuvre illicite puisqu'il s'oppose à la décision de première instance et qu'il constitue un abus de majorité des autres indivisaires, ce qui justifie à ses dires l'octroi de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

Mme [E], M. [A] [G] et Mme [T] affirment en réponse que M. [B] [G] a tacitement renoncé à réclamer toute indemnité d'occupation à sa mère dès lors qu'il s'est abstenu pendant 35 ans de former une demande à ce titre.

Exposant que tous les indivisaires bénéficient du même accès à l'appartement, ils contestent qu'il puisse être décidé que M. [A] [G] et Mme [T] seraient privés de tout droit à solliciter une indemnité d'occupation.

Subsidiairement, les intimés proposent de voir fixer la valeur locative de l'appartement à la somme mensuelle de 1 441, 05 euros, déduction faite des charges et soutiennent qu'aucune 'condamnation' ne peut intervenir à ce titre dès lors que l'indemnité d'occupation ne sera calculée qu'à la fin de l'indivision.

Ils indiquent que M. [A] [G] et Mme [T] ont consenti à Mme [E] un contrat de prêt à usage à compter du 1er janvier 2024 et en déduisent que celle-ci ne peut donc plus être recevable d'aucune indemnité d'occupation à compter de cette date, réfutant toute manoeuvre illicite à ce titre.

Concernant la demande de provision formée par M. [B] [G] sur sa part annuelle des bénéfices de l'indivision pour la période passée, Mme [E], M. [A] [G] et Mme [T] sollicitent à titre principal le rejet de cette demande au regard des circonstances particulières de l'espèce, soulignant l'âge et la mauvaise santé de Mme [E].

Subsidiairement, ils font valoir que le juge dispose d'un pouvoir d'appréciation pour la fixation de cette provision et proposent que la somme allouée à M. [B] [G] soit réduite à la somme globale de 12 000 euros, précisant que la prescription est acquise pour la demande antérieure au 21 décembre 2017.

Sur ce,

sur la fixation de l'indemnité d'occupation

L'article 815-9 du code civil dispose que : 'Chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. A défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal. L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.' 

En vertu de l'article 2227 du code civil, 'le droit de propriété est imprescriptible', et c'est en conséquence à juste titre que le premier juge a indiqué que l'absence de réclamation par M. [B] [G] pendant une période, fût-elle comme en l'espèce longue de plusieurs dizaines d'années, ne pouvait lui être opposée pour faire obstacle à sa demande.

En revanche, la prescription quinquennale de l'article 815-10 du code civil est applicable, son point de départ doit être fixé à la date de l'assignation devant le premier juge, soit le 21 décembre 2022, et M. [G] est donc recevable à solliciter la fixation d'une indemnité d'occupation au profit de l'indivision à compter du 21 décembre 2017. Le jugement attaqué sera infirmé sur le point de départ de l'indemnité d'occupation.

Mme [E] ne conteste plus à hauteur d'appel occuper privativement et exclusivement l'appartement indivis.

Les intimés versent cependant aux débats un contrat de prêt à usage conclu le 1er janvier 2024 aux termes duquel M. [A] [G] et Mme [T] ont consenti à Mme [E] à compter du 1er janvier 2024 et pour une durée de 10 ans un prêt à usage gratuit relatif à l'appartement, la cave et l'emplacement de stationnement indivis, sur le fondement de l'article 815-3 du code civil.

Il n'entre pas dans les pouvoirs de la cour statuant en appel d'un jugement rendu selon la procédure accélérée au fond d'annuler ce contrat au motif qu'il serait frauduleux, cet abus n'étant au demeurant pas démontré. Il convient de déclarer irrecevable la demande formée par M. [B] [G] à ce titre.

En l'état, il convient donc de dire que l'indemnité d'occupation ne sera fixée que pour la période comprise entre le 21 décembre 2017 et le 31 décembre 2023.

Il ressort des éléments versés aux débats par les parties que l'immeuble indivis inclut un appartement d'une superficies de 117 m2 selon le diagnostic de performance énergétique fourni, une cave et un emplacement de stationnement.

M. [B] [G] produit :

- 2 attestations réalisées sur le site 'meilleurs agents' faisant état pour le premier d'une valeur locative de l'appartement comprise entre 24, 5 et 28, 9 euros/m2, et pour le second d'une valeur locative comprise entre 25, 3 et 30, 1 euros/m2

- un courriel de l'agence [17] mentionnant que le prix de location d'une place nominative dans la résidence est de 85 euros/ mois et le prix d'une cave de 100 euros/ mois.

Les intimés versent aux débats :

- une attestation du 31 janvier 2023 réalisées par la société [18] faisant état d'une valeur locative de l'appartement comprise entre 20 et 21 euros/m2,

- une attestation réalisées sur le site 'meilleurs agents' faisant état d'une valeur locative de 21 euros/m2,

Ils justifient d'un projet de construction d'un parking souterrain de 170 places sous le jardin public contigü à la résidence et de l'existence de plusieurs actions en justice visant à la contester.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, le projet de construction du parking voisin étant manifestement de nature à créer des troubles de jouissance pour les riverains il convient de fixer à la somme de 2 000 euros par mois le montant de l'indemnité d'occupation due par Mme [E] à l'indivision. Le jugement querellé sera infirmé de ce chef.

C'est à juste titre que les intimés font valoir que M. [B] [G] confond les deux actions qu'il exerce et, si l'article 815-9 susvisé permet au juge saisi de fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par l'occupant exclusif d'un bien indivis, cette détermination ne saurait s'accompagner d'une condamnation, les comptes entre les parties ayant vocation à se faire à la fin de l'indivision. L'appelant sera en conséquence débouté de cette demande.

sur la répartition provisionnelle des bénéfices de l'indivision

L'article 815-11 du même code indique que : « Tout indivisaire peut demander sa part annuelle dans les bénéfices, déduction faite des dépenses entraînées par les actes auxquels il a consenti ou qui lui sont opposable. A défaut d'autre titre, l'étendue des droits de chacun dans l'indivision résulte de l'acte de notoriété ou de l'intitulé d'inventaire établi par le notaire. En cas de contestation, le président du tribunal judiciaire peut ordonner une répartition provisionnelle des bénéfices sous réserve d'un compte à établir lors de la liquidation définitive. A concurrence des fonds disponibles, il peut semblablement ordonner une avance en capital sur les droits de l'indivisaire dans le partage à intervenir. »

Si M. [A] [G] et Mme [T] indiquent qu'ils ne souhaitent pas solliciter en l'état la condamnation de Mme [E], il n'entre pas dans les pouvoirs de la cour statuant en appel d'un jugement rendu selon la procédure accélérée au fond de dire qu'ils 'sont sans droit au titre de la répartition des bénéfices de l'indivision' comme le demande M. [B] [G] et cette demande sera donc déclarée irrecevable. A titre surabondant, elle apparaît mal fondée puisque la qualité de coindivisaire de M. [A] [G] et Mme [T] n'est pas discutée et qu'ils précisent expressément souhaiter au contraire avoir leur part lors de la répartition des bénéfices à la fin de l'indivision

De même, puisque la répartition provisionnelle des bénéfices ne peut être réalisée qu'a posteriori pour la part annuelle de M. [B] [G] des bénéfices effectivement réalisés, après déduction des charges engages, ce texte ne permet pas à l'évidence de condamner Mme [E] au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle pour l'avenir. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a statué en ce sens.

Les bénéfices de l'indivision sont constitués en l'espèce des indemnités d'occupation dues par Mme [E] entre le 21 décembre 2017 et le 1er janvier 2024, déduction faite des charges de copropriété, à l'exception de celles relatives à l'occupation privative et personnelle par Mme [E]. Il n'est pas discuté que M. [B] [G] a vocation à percevoir 1/5ème des bénéfices.

La répartition provisionnelle des bénéfices est une faculté laissée à l'appréciation du juge. Compte tenu de l'ancienneté de l'occupation de l'immeuble par Mme [E], de son âge et de la faiblesse de ses ressources, il convient de limiter à la somme de 12 000 euros la somme due à titre provisionnel à M. [B] [G] au titre des bénéfices de l'indivision, sous réserve d'un compte à établir lors de la liquidation définitive. Le jugement attaqué sera infirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires

L'ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, M. [B] [G] ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doit supporter les dépens d'appel.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à Mme [E], M. [A] [G] et Mme [T] la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. L'appelant sera en conséquence condamné à leur verser une somme globale de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt rendu en dernier ressort,

Déclare irrecevables les demandes formées par M. [B] [G] d'annuler le prêt à usage du 1er janvier 2024 et de dire que M. [A] [G] et Mme [T] sont sans droit au titre de la répartition des bénéfices de l'indivision ;

Confirme l'ordonnance querellée sauf sur le montant et la période de l'indemnité d'occupation et sur le montant alloué au titre de la répartition provisionnelle des bénéfices ;

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

Fixe le montant mensuel de l'indemnité d'occupation due par Mme [F] [E] à l'indivision [E] -[G] au titre de l'occupation du bien sis [Adresse 4] à 2 000 euros par mois à compter du 21 septembre 2017 et jusqu'au 31 décembre 2023 ;

Condamne à titre provisionnel Mme [F] [E] à payer à M. [B] [G] la somme de 12 000 euros au titre de sa quote part des bénéfices de l'indivision pour la période du 21 décembre 2017 au 31 décembre 2023, sous réserve d'un compte à établir lors de la liquidation définitive ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne M. [B] [G] à verser à Mme [F] [E], M. [A] [G] et Mme [T] la somme globale de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [B] [G] aux dépens d'appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-5
Numéro d'arrêt : 23/07626
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.07626 ?
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