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20/06/2024 | FRANCE | N°23/07292

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-5, 20 juin 2024, 23/07292


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 53A



Chambre civile 1-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 20 JUIN 2024



N° RG 23/07292 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WEVZ



AFFAIRE :



[O] [L]





C/

S.A. HSBC CONTINENTAL EUROPE









Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 05 Octobre 2023 par le Cour de Cassation de PARIS

N° RG : Q 21-23.23



Expéditions exécutoires

Expéditions



Copies

délivrées le : 20.06.2024

à :



Me Anne-laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Paul BUISSON, avocat au barreau de VAL D'OISE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53A

Chambre civile 1-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 JUIN 2024

N° RG 23/07292 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WEVZ

AFFAIRE :

[O] [L]

C/

S.A. HSBC CONTINENTAL EUROPE

Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 05 Octobre 2023 par le Cour de Cassation de PARIS

N° RG : Q 21-23.23

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 20.06.2024

à :

Me Anne-laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Paul BUISSON, avocat au barreau de VAL D'OISE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDEUR devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (2ème chambre civile) du 5 octobre 2023 cassant et annulant l'arrêt rendu par la 16ème chambre de la cour d'appel de Versailles le 17 juin 2021

Monsieur [O] [L]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 7] (95)

[Adresse 2]

[Localité 6]

assisté de Me Anne-laure DUMEAU de la SELASU ANNE-LAURE DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628

Ayant pour avocat pladiant Me Cécile PION

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

S.A. HSBC CONTINENTAL EUROPE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 775 67 0 2 84

[Adresse 4]

[Localité 5]

assistée de Me Paul BUISSON de la SELARL SELARL PAUL BUISSON, Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 6 - N° du dossier CSR

ayant pour avocat plaidant Me Etiene GASTEBLED, du barreau de paris

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Mai 2024, Monsieur Thomas VASSEUR, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas VASSEUR, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère,

Madame Marina IGELMAN, Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI ;

EXPOSE DU LITIGE

Le contexte de l'affaire :

La société Apollonia, promoteur immobilier et apporteur d'affaires, proposait à des particuliers un placement financier, assorti d'avantages fiscaux, comprenant l'acquisition d'un bien immobilier et son financement par emprunt.

Dans le cadre de ces opérations, M. [L] a présenté une demande de prêt auprès de la société HSBC France.

Suivant offre de prêt immobilier reçu le 19 avril 2007, acceptée le 2 mai 2007, la société HSBC France a consenti à M. [L] un prêt de 250.685 euros destiné au financement d'un bien immobilier à usage locatif, sis [Adresse 3]).

S'estimant victime d'une fraude organisée ensemble par la société Apollonia, les notaires et les banques prêteuses, M. [L] a déposé plainte le 11 décembre 2009.

L'action engagée par la société HSBC devant le tribunal de grande instance de Pontoise :

M. [L] ayant cessé de rembourser les échéances du prêt souscrit, la banque HSBC France a prononcé la déchéance du terme, le 4 février 2010.

Par un acte du 31 mai 2010, la société HSBC France a fait assigner M. [L] devant le tribunal de grande instance de Pontoise afin d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 208.073,38 euros, avec intérêts au taux légal.

Par ordonnance du 28 avril 2011, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Pontoise a dit qu'il sera sursis à statuer dans l'attente de l'issue de l'instance pénale en cours devant le tribunal de grande instance de Marseille.

Par ordonnance du 15 novembre 2018, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Pontoise a ordonné la révocation du sursis à statuer et la reprise de l'instance au fond.

M. [L] a alors formé une demande reconventionnelle à l'encontre de la société HSBC en dommages-intérêts.

L'action engagée par M. [L] devant le tribunal de grande instance de Marseille :

Par acte du 23 juillet 2010, M. [L] a fait assigner la société Apollonia, les notaires et les banques devant le tribunal de grande instance de Marseille pour voir engager leur responsabilité civile.

Le prononcé de l'ordonnance faisant l'objet de la présente instance d'appel :

A la suite de la demande indemnitaire en dommages-intérêts formée à titre reconventionnel par M. [L], la société HSBC a saisi, par conclusions d'incident signifiées par RPVA le 13 novembre 2019, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Pontoise d'une exception de litispendance entre d'une part, cette demande reconventionnelle formée contre elle et, d'autre part, l'action en responsabilité pendante devant le tribunal de grande instance de Marseille, engagée par M. [L].

Par ordonnance contradictoire rendue le 22 octobre 2020, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Pontoise a :

déclaré la société HSBC France recevable en son exception de litispendance ;

dit qu'il existe une situation de litispendance entre la demande reconventionnelle en dommages et intérêts formée par M. [L] contre la société HSBC France devant le tribunal de grande instance de Pontoise et son action en responsabilité engagée devant le tribunal de grande instance de Marseille, par assignation du 23 juillet 2010 ayant donné lieu à une instance enregistrée sous le numéro RG 10/10101 ;

ordonné le dessaisissement du tribunal de grande instance de Pontoise sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts formée par M. [L], au profit du tribunal judiciaire de Marseille ;

dit que les conclusions au fond des parties ainsi que la copie de l'ordonnance seront transmises au tribunal judiciaire de Marseille après expiration du délai d'appel ;

déclaré la demande de sursis à statuer formée par M. [L] irrecevable pour autorité de la chose jugée ;

sur les autres demandes au fond, renvoyé l'affaire et les parties à l'audience de mise en état du jeudi 10 décembre 2020 pour conclusions en réplique de la société HSBC France et fixation d'un calendrier de procédure ;

condamné M. [L] à payer à la société HSBC France la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'incident.

La poursuite de la procédure n'ayant pas fait l'objet du dessaisissement devant la juridiction pontoisienne :

L'examen des demandes au fond qui n'ont pas fait l'objet du dessaisissement s'est poursuivi devant le tribunal de grande instance de Pontoise.

Par jugement contradictoire du 10 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Pontoise a :

condamné M [L] à payer à la HSBC Continental Europe la somme de 208.073 euros avec intérêts au taux légal conformément aux dispositions de l'article 1154 ancien du code civil ;

déclaré irrecevables les demandes plus amples ou contraires de M. [L] ;

condamné M. [L] à payer à la HSBC Continental Europe la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné M. [L] aux dépens et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

ordonné l'exécution provisoire de la décision.

M. [L] a interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt (RG 23/01131) du 4 avril 2024, la cour d'appel de Versailles (chambre 1-6) :

a déclaré M. [L] recevable en sa demande de sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles saisi après l'arrêt de cassation du 5 octobre 2023 ;

a rejeté cette demande de sursis à statuer ;

a confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

condamné M. [L] à payer à la société HSBC la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné M. [L] aux dépens.

La contestation de l'ordonnance de dessaisissement faisant l'objet de la présente instance :

Par déclaration reçue au greffe le 10 février 2021, M. [L] a interjeté appel de l'ordonnance d'incident (RG 1004157), évoquée plus haut, rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Pontoise.

Par arrêt contradictoire rendu le 17 juin 2021, la cour d'appel de Versailles a :

confirmé l'ordonnance entreprise et, y ajoutant ;

condamné M. [L] à verser à la société HSBC Continental Europe la somme complémentaire de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel avec la faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

prononcé la mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

M. [L] a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Par arrêt rendu le 5 octobre 2023 (pourvoi n° 21-23.235), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a :

cassé et annulé en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

condamné la société HSBC Continental Europe aux dépens ;

en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté les demandes ;

dit que sur les diligences du procureur général près la cour de cassation, l'arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé.

Par déclaration reçue au greffe le 24 octobre 2023, M. [L] a saisi la cour d'appel de céans, en tant que cour de renvoi en exécution de l'arrêt de cassation précité.

Dans ses dernières conclusions déposées le 22 avril 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [L] demande à la cour de :

'- infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état de Pontoise du 22 octobre 2020 en ce qu'elle :

- dit qu'il existe une situation de litispendance entre la demande reconventionnelle en dommages et intérêts formée par M. [L] contre la société HSBC France devant le tribunal de grande instance de Pontoise et son action en responsabilité engagée devant le tribunal de grande instance de Marseille, par assignation du 23 juillet 2010 ayant donné lieu à une instance enregistrée sous le numéro RG 10/10101,

- ordonne le dessaisissement du tribunal de grande instance de Pontoise sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts formée par M. [L], au profit du tribunal judiciaire de Marseille,

- dit que les conclusions au fond des parties ainsi que la copie de l'ordonnance seront transmises au tribunal judiciaire de Marseille après expiration du délai d'appel,

- sur les autres demandes au fond, renvoie l'affaire et les parties à l'audience de mise en état du jeudi 10 décembre 2020 pour conclusions en réplique de la société HSBC France et fixation d'un calendrier de procédure,

- condamne M. [L] à payer à la société HSBC France la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'incident.

- rejeter l'exception de litispendance ;

- débouter HSBC de sa demande de condamner M. [L] au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de l'incident de litispendance ;

- renvoyer le dossier devant le tribunal judiciaire de Pontoise 2ème chambre afin qu'il statue sur la demande de dommages intérêts de M. [L].

- condamner HSBC Continental Europe à payer à M. [L] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner HSBC Continental Europe aux entiers dépens ;'

Pour considérer que la juridiction marseillaise est la juridiction saisie en second, M. [L] indique qu'il convient de se référer non pas à la date de ses conclusions déposées devant la juridiction de Pontoise et formulant une demande reconventionnelle à l'encontre de la société HSBC mais à la date de saisie de la juridiction de Pontoise : l'assignation détermine ainsi l'antériorité de la juridiction saisie s'agissant de l'ensemble du dossier (demande principale et demande reconventionnelle, quelle que soit sa date). Dès lors que l'assignation de la société HSBC devant le tribunal de grande instance de Pontoise date du 31 mai 2010 et que celle délivrée à la requête de M. [L] devant le tribunal de grande instance de Marseille date du 23 juillet 2010, seul le tribunal judiciaire de Pontoise était compétent pour statuer sur la demande reconventionnelle de M. [L]. Ainsi, M. [L] demande l'infirmation de l'ordonnance du 22 octobre 2020 et le renvoi du dossier devant le tribunal judiciaire de Pontoise afin de statuer sur la demande de dommages-intérêts qu'il avait formulée.

Dans ses dernières conclusions également déposées le 22 avril 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société HSBC Continental Europe demande à la cour, au visa des articles 100 et suivants du code de procédure civile, de :

'- confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judicaire de Pontoise du 22

octobre 2020 en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'elle a :

- déclaré recevable HSBC Continental Europe (anciennement HSBC France) en son exception de litispendance,

- dit qu'il existe une situation de litispendance entre la demande reconventionnelle en dommages et intérêts formée par M. [O] [L] contre HSBC Continental Europe (anciennement HSBC France) devant le tribunal judiciaire de Pontoise et son action en responsabilité engagée devant le tribunal judiciaire de Marseille, par assignation du 23 juillet 2010,

- ordonné le dessaisissement du tribunal judiciaire de Pontoise sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts formée par M. [O] [L], au profit du tribunal judiciaire de Marseille.

en tout état de cause,

- débouter M. [O] [L] de sa demande de jonction avec l'instance à laquelle il a été mis fin par arrêt du 4 avril 2024,

- débouter M. [O] [L] de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions,

- condamner M. [O] [L] à verser à HSBC Continental Europe (anciennement HSBC France) une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [O] [L] aux dépens.'

Au soutien de sa demande de confirmation de l'ordonnance du juge de la mise en état, la société HSBC indique que les demandes de M. [L] sont redondantes en exposant que, devant le tribunal judiciaire de Pontoise, il a formé une demande indemnitaire à son encontre à hauteur de 248.178 euros alors même qu'il l'a déjà mise en cause au même titre devant le tribunal judiciaire de Marseille. La société HSBC souligne que le tribunal judiciaire de Pontoise a désormais statué sur ses demandes par le jugement rendu le 10 octobre 2022, confirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 4 avril 2024.

La société HSBC considère que son exception de litispendance est recevable dès lors que ce n'est que dans ses conclusions du 9 août 2019 que M. [L] a formé une demande de condamnation à son encontre. La société HSBC expose que dès qu'elle en a eu connaissance, elle a immédiatement soulevé l'exception de litispendance. La recevabilité de son exception n'ayant pas été remise en cause par la Cour de cassation, la société HSBC considère que l'ordonnance d'incident du 22 octobre 2020 doit en tout état de cause être confirmée sur ce point.

La société HSBC ajoute que la Cour de cassation elle-même a eu l'occasion de confirmer que dans les dossiers liés à l'affaire Apollonia, la situation de litispendance, lorsque les emprunteurs formulaient des demandes reconventionnelles de dommages-intérêts dans le cadre des actions en paiement des banques avec les instances que les emprunteurs avaient eux-mêmes engagées sur le fondement d'une action en responsabilité, était caractérisée (Civ. 1ère, 8 janvier 2020 n° 17-31.288).

La société HSBC considère que la demande de dommages-intérêts que M. [L] a formulée devant le tribunal de grande instance de Pontoise est postérieure à l'action en responsabilité qu'il a engagée devant celui de Marseille, dès lors que l'acte introductif d'instance devant le tribunal de grande instance de Marseille date du 23 juillet 2010 alors que la demande indemnitaire devant le tribunal de grande instance de Pontoise n'a été formée que par conclusions du 18 avril 2018, pour l'audience du 9 août 2019. Ainsi, pour la société HSBC, il y a bien antériorité de la saisine du tribunal de grande instance de Marseille sur ce sujet ce qui implique, en application de l'article 100 du code de procédure civile, que le tribunal de Pontoise se dessaisisse à son profit.

La société HSBC indique également que le tribunal judiciaire de Marseille ordonne désormais systématiquement des disjonctions entre les actions initiées par les banques et les actions responsabilité initiées à Marseille par les emprunteurs.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 mai 2024.

Par message RPVA du jour de l'audience, M. [L] ne s'étant pas fait représenter à l'audience du 15 mai 2024, les parties ont été invitées à présenter leurs observations, d'une part, sur la possibilité de renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Pontoise alors que l'instance dans laquelle a été soulevée l'exception de litispendance est close et, d'autre part, la fin de non-recevoir susceptible d'être relevée d'office, en application de l'article 125, alinéa 2, du code de procédure civile, tirée du défaut d'intérêt, M. [L] ayant lui-même indiqué, dans le second moyen dont il a saisi la Cour de cassation, qu'il avait saisi le tribunal de grande instance de Marseille d'une demande de réparation de son préjudice identique à celle dont il avait saisi le tribunal de grande instance de Marseille.

S'agissant de la demande de note en délibéré, la société HSBC a répondu par un message RPVA du 22 mai 2024 dans lequel elle indique en premier lieu que l'action principale en paiement qu'elle avait engagée devant le tribunal de grande instance de Pontoise a été définitivement tranchée par le jugement de cette juridiction du 10 octobre 2022, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 4 avril 2024, de sorte que l'instance principale à laquelle étaient greffées les demandes reconventionnelles de M. [L] a disparu et que ces demandes ne peuvent survivre à cette extinction. Concernant la seconde question évoquée par la demande de note en délibéré, la société HSBC indique que tant devant la Cour de cassation que devant la cour d'appel de Versailles, M. [L] a lui-même reconnu que les demandes formées devant les tribunaux de grande instance de Pontoise et de Marseille étaient identiques. Elle ajoute que M. [L] a également retenu que, sur le plan chronologique, sa demande en paiement avait été formulée pour la première fois à [Localité 8] ; puis elle reprend les développements de ses conclusions tenant à ce qu'il serait, selon elle, incohérent de n'analyser cette chronologie qu'en considération des actes introductifs d'instance et non pas de l'introduction d'une demande reconventionnelle, lorsqu'une telle demande est formulée.

M. [L] a répondu à la demande de note en délibéré par un message RPVA du 23 mai 2024. Il indique en premier lieu que le fait que la demande principale ait été définitivement tranchée n'est pas un obstacle pour statuer sur la demande reconventionnelle, dès lors que le code de procédure civile, qui prévoit la disjonction d'instance à l'article 367 alinéa 2, n'impose pas au juge de statuer sur les deux demandes dans une même instance. Il ajoute que si la cour de céans infirme l'ordonnance du 20 octobre 2020, l'arrêt rendu au fond le 9 avril 2024 [cette indication procède probablement d'une erreur matérielle de la part de M. [L] qui n'a pu vouloir évoquer que l'arrêt du 4 avril 2024, aucun arrêt n'ayant été prononcé entre les parties le 9 avril] ayant rejeté la demande reconventionnelle n'aurait plus autorité de la chose jugée, suite à la modification de la situation juridique antérieurement reconnue en justice, à savoir la situation de la litispendance. S'agissant de la question relative à la fin de non-recevoir tirée d'un défaut d'intérêt à agir de sa part, M. [L] indique en premier lieu que revenir sur la question de la saisine de deux juridictions de la même demande, sous la qualification d'une irrecevabilité, aurait pour effet de méconnaître l'arrêt de la Cour de cassation du 25 octobre 2023. Il ajoute que la cour de céans ne peut pas modifier la qualification juridique de la litispendance par la qualification du défaut d'intérêt à agir. M. [L] souligne que la litispendance est une exception de procédure, en cela bien différente de l'irrecevabilité, qui touche au fond du droit. Il ajoute que le tribunal judiciaire de Marseille s'est dessaisi de sa demande indemnitaire le 23 novembre 2023 et il renvoie à cet égard à une fiche détaillée de procédure qu'il communique en pièce jointe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article 100 du code de procédure civile dispose : 'Si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l'autre si l'une des parties le demande. A défaut, elle peut le faire d'office.'

Le différend entre les parties porte sur le point de savoir si pour apprécier la date de saisine de chacune des deux juridictions, il convient de ne se référer qu'à l'acte introductif de l'instance, comme le pense M. [L], ou, dans le cas d'une demande reconventionnelle, à la date à laquelle celle-ci a été formée, comme pense la société HSBC.

Il a été répondu sur ce point par la Cour de cassation dans le cadre de l'arrêt dont résulte la saisine de la cour de céans (Civ. 2ème, 5 octobre 2023, pourvoi n° 21-23.235) : en effet, la cassation est intervenue sur le second moyen de M. [L] qui, tiré d'une violation de l'article 100 du code de procédure civile, faisait grief à l'arrêt de retenir, pour déterminer quelle demande avait été formée la première, non pas la seule date des actes introductifs de l'instance devant chacune des juridictions, mais celle à laquelle avait été formée la demande reconventionnelle devant le tribunal de grande instance de Pontoise.

Il en résulte que la Cour de cassation retient que seule la date d'assignation (ou du placement de celle-ci) devant chacune des juridictions faisant l'objet de l'exception de litispendance doit être prise en compte et non pas la date à laquelle est formée, devant l'une d'elles, la demande reconventionnelle. Il convient de ne s'attacher qu'à la chronologie des saisines initiales, même si la litispendance n'est réalisée que par une demande reconventionnelle.

Il convient de rappeler les trois dates suivantes :

31 mai 2010 : assignation par la société HSBC de M. [L] devant le tribunal de grande instance de Pontoise ;

23 juillet 2010 : assignation par M. [L] de la société HSBC devant le tribunal de grande instance de Marseille ;

18 avril 2018 : demande reconventionnelle formée pour la première fois par M. [L] à l'encontre de la société HSBC devant le tribunal de grande instance de Pontoise.

Ainsi qu'il résulte de l'arrêt de la Cour de cassation précité, cette troisième date du 18 avril 2018 est indifférente pour apprécier la condition d'antériorité dans le cadre de l'application de l'article 100 du code de procédure civile.

Dès lors, la juridiction saisie en second lieu est bien le tribunal de grande instance de Marseille.

En conséquence, il ne peut être fait droit à l'exception de litispendance formée par la société HSBC devant le tribunal de grande instance de Pontoise.

Aussi convient-il, en infirmant l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Pontoise en date du 22 octobre 2020, de rejeter la demande de dessaisissement de ce même tribunal au profit du tribunal judiciaire de Marseille s'agissant de la demande reconventionnelle.

Cependant, il ne peut être fait droit à la demande de M. [L] tendant au renvoi du dossier devant le tribunal judiciaire de Pontoise, afin qu'il statue sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts qu'il a formée à l'encontre de la société HSBC, dès lors que la demande principale formée par cette dernière a elle-même été définitivement tranchée par un jugement du tribunal judiciaire de Pontoise du 10 octobre 2022, confirmé par un arrêt (RG 23/01131) du 4 avril 2024 de la cour d'appel de Versailles (chambre 1-6).

En effet, la cour d'appel apprécie l'existence de la litispendance au jour où elle statue et non pas au jour où le tribunal initialement saisi de l'exception de litispendance a statué (Civ. 2ème, 23 février 2017, Bull. n° 40, pourvoi n° 15-24.059 ; Civ. 3ème, 4 avril 2002, n° 00-20.167).

En conséquence, il ne peut y avoir de situation de litispendance dès lors que l'une des deux instances a pris fin, comme c'est le cas en l'espèce, au jour où la cour de céans statue.

Aussi convient-il de rejeter la demande formée par M. [L] tendant à renvoyer l'examen de sa demande indemnitaire devant le tribunal judiciaire de Pontoise.

Surabondamment, M. [L] ne justifie pas d'un intérêt à maintenir une demande indemnitaire devant le tribunal judiciaire de Pontoise alors qu'il résulte de son propre mémoire ampliatif déposé devant la Cour de cassation qu'il a formé la même demande devant le tribunal judiciaire de Marseille.

En effet, il convient à cet égard de rappeler l'intitulé exact du moyen de M. [L] devant la Cour de cassation : « M. [L] fait grief à l'arrêt de dire qu'il existait une situation de litispendance entre la demande reconventionnelle en dommages-intérêts formée par M. [L] contre la société HSBC France, devant le tribunal de grande instance, de Pontoise et son action en responsabilité engagée devant le tribunal de grande instance de Marseille, par assignation du 23 juillet 2010 ayant donné lieu à une instance enregistrée sous le numéro RG 10/10101 et d'avoir ordonné le dessaisissement du tribunal de grande instance de Pontoise, sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts formée par M. [L], au profit du tribunal judiciaire de Marseille, alors que si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l'autre si l'une des parties le demande ; que c'est l'acte introductif d'instance et non la formation de la demande qui date chronologiquement l'antériorité de la saisine ; que, pour juger qu'il existait une situation de litispendance sur la demande de réparation de M. [L] à l'encontre de la banque, la cour d'appel a pourtant retenu que la juridiction saisie en premier, au sens de l'article 100 du code de procédure civile, était celle saisie en premier de cette demande de M. [L], en l'occurrence le tribunal de grande instance de Marseille auprès duquel il avait assigné la banque en réparation de son préjudice, et non celle saisie auparavant par la banque, procédure à l'occasion de laquelle M. [L] avait à nouveau formulé sa demande de réparation à titre reconventionnel, c'est-à-dire le tribunal de grande instance de Pontoise ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé la disposition précitée. »

Ainsi, M. [L] reconnaît lui-même que la demande reconventionnelle dont il avait saisi le tribunal judiciaire de Pontoise est une demande par laquelle il « avait à nouveau formulé sa demande de réparation à titre reconventionnel ».

L'emploi par M. [L] du terme « à nouveau » traduit bien que lui-même considère que la demande de réparation qu'il avait formée à titre reconventionnel devant le tribunal judiciaire de Pontoise se confond avec la demande indemnitaire dont il a déjà saisi le tribunal judiciaire de Marseille, demande actuellement en cours.

Dès lors, M. [L] ne justifie pas d'un intérêt à agir devant le tribunal judiciaire de Pontoise pour une demande dont il a lui-même saisi le tribunal judiciaire de Marseille.

Sur les mesures accessoires :

Chacune des parties succombe en sa demande : la société HSBC succombe, en application de la règle énoncée par la Cour de cassation, en son exception de litispendance, et M. [L] succombe, par l'effet de l'évolution du litige, en sa demande de renvoi de l'examen de sa demande indemnitaire devant le tribunal judiciaire de Pontoise.

Aussi convient-il de laisser à chacune d'elles la charge des dépens et des frais irrépétibles qu'elles ont respectivement exposés à l'occasion de la présente instance d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par un arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme l'ordonnance (RG 10/04157) rendue le 22 octobre 2020 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Pontoise, sauf en ce qu'elle a :

déclaré la demande de sursis à statuer formée par M. [L] irrecevable pour autorité de la chose jugée ;

sur les autres demandes au fond, renvoyé l'affaire et les parties à l'audience de mise en état du jeudi 10 décembre 2020 pour conclusions en réplique de la société HSBC et fixation d'un calendrier de procédure ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Rejette l'exception de litispendance formée par la société HSBC ;

Compte-tenu de l'évolution du litige,

Rejette la demande, formée par M. [L], tendant au renvoi de l'examen de sa demande indemnitaire devant le tribunal judiciaire de Pontoise ;

Dit que les parties conserveront chacune la charge des dépens de l'incident de première instance et de l'appel qu'elles ont respectivement exposés ;

Rejette les demandes respectives formées, aux stades de l'incident de première instance et de l'appel, par chacune des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-5
Numéro d'arrêt : 23/07292
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.07292 ?
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