La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2024 | FRANCE | N°23/04001

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-5, 20 juin 2024, 23/04001


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 39H



Chambre civile 1-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 20 JUIN 2024



N° RG 23/04001 - N° Portalis DBV3-V-B7H-V5PM



AFFAIRE :



S.A.R.L. EURECLA





C/

S.A.S. VERRE IDF











Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 31 Mai 2023 par le Président du TC de NANTERRE

N° RG : 2023R00554



Expéditions exécutoires

Exp

éditions

Copies

délivrées le : 20.06.2024

à :



Me Philippe CHATEAUNEUF, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Martine DUPUIS, avocat au barreau de VERSAILLES







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT JUIN DEUX MILLE VINGT QUA...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 39H

Chambre civile 1-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 JUIN 2024

N° RG 23/04001 - N° Portalis DBV3-V-B7H-V5PM

AFFAIRE :

S.A.R.L. EURECLA

C/

S.A.S. VERRE IDF

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 31 Mai 2023 par le Président du TC de NANTERRE

N° RG : 2023R00554

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 20.06.2024

à :

Me Philippe CHATEAUNEUF, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Martine DUPUIS, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.R.L. EURECLA

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.

N° SIRET : 838 79 4 5 35

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentant : Me Philippe CHATEAUNEUF, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 643 - N° du dossier 2023083

Ayant pour avocat plaidant Me Dariusz SZLEPER, du barreau de Paris

APPELANTE

****************

S.A.S. VERRE IDF

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 511 06 7 9 44

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 2371605

Ayant pour avocat plaidant Me Céline DILMAN, du barreau de Paris

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Mai 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas VASSEUR, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseillère,

Madame Marina IGELMAN, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,

EXPOSE DU LITIGE

La S.A.S. Verre IDF a pour activité depuis le 1er avril 2009, sous nom commercial « Eurecla », tous travaux se rapportant à la vitrerie et aux films adhésifs pour tous les supports. Elle s'est spécialisée dans l'effacement des rayures, la protection des vitrines et la pose de films adhésifs sur surfaces vitrées.

La S.A.R.L. Eurecla Corp a pour activité, depuis le 3 avril 2018, la concession de techniques d'exploitation commerciale sous forme de franchisage ou autrement dans les domaines de la vitrerie et des films adhésifs pour tous supports, tous travaux se rapportant à la vitrerie et aux films adhésifs pour tous supports. Elle est gérée par M. [L] [I].

Par acte sous seing privé en date du 3 juillet 2018, un contrat de concession commerciale Eurecla a été signé pour une durée de 5 ans. En vertu de ce contrat, la société Verre IDF est titulaire d'un droit d'usage des marques françaises Eurecla, Vitrogommage et Vitroprotect et d'une exclusivité territoriale sur le région Ile-de-France et la métropole lilloise.

Par acte sous seing privé en date du 3 juillet 2018, la société Verre IDF a pris en location pour une durée de cinq années, quatre machines de vitrogommage 2018-1, 2018-2, 2018-3 et 2018-4, avec la caisse et accessoires. En contrepartie, il a été convenu le versement par la société Verre IDF à la société Eurecla de redevances de concession commerciale de 5% du chiffre d'affaires et des loyers pour l'utilisation des machines.

Par lettre en date du 28 octobre 2022, la société Verre IDF a confirmé à M. [I] son intérêt pour l'acquisition desdites marques, avec la vente desdites machines de vitrogommage. La lettre d'intention a été contresignée le 2 novembre 2022, et comprenait un calendrier d'exécution avec une date au 1er décembre 2022 de levée de la condition suspensive de financement.

La société Verre IDF a affirmé avoir obtenu l'accord de financement et avoir informé M. [I].

Une réunion a eu lieu le 23 février 2023 entre les parties.

Par lettre avec accusé réception en date du 20 avril 2023, la société Eurecla a annoncé à la société Verre IDF sa décision de ne pas renouveler le contrat de concession, le contrat-cadre de sous-traitance et le contrat de location de matériel et outillage à leur échéance.

Se plaignant d'avoir été privée brutalement de ses accès informatiques au site Eurecla, de ses lignes téléphoniques ainsi que d'un débauchage de ses salariés, la société Verre IDF a demandé le 11 mai 2023 l'autorisation d'assigner en référé d'heure à heure la société Eurecla. Il a été fait droit à cette requête le 16 mai 2023.

Par acte du 19 mai 2023, la société Verre IDF a fait assigner en référé la société Eurecla Corp aux fins d'obtenir principalement, au motif qu'elle s'estime victime d'actes de concurrence déloyale commis à son détriment par la société Eurecla Corp, d'ordonner à celle-ci de lui restituer sous astreinte :

- tous les documents contractuels et comptables (devis, contrats, factures établis par ou signés pour les besoins de l'activité de Verre IDF) lui appartenant,

- tous ses moyens d'exploitation de sa clientèle (accès au site internet, base de données CRM, ligne téléphonique et adresses emails ainsi que leur historique).

Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 31 mai 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre a :

- ordonné à la société Eurecla Corp de restituer à la société Verre IDF :

- tous les documents contractuels et comptables (devis, contrats, factures établis par ou signés pour les besoins de l'activité de Verre IDF) lui appartenant,

- tous ses moyens d'exploitation de sa clientèle (accès au site internet, base de données CRM, ligne téléphonique et adresses emails ainsi que leur historique).

- interdit à la société Eurecla Corp de :

- utiliser la base de données clients de la société Verre IDF

- contacter les clients de Verre IDF aux fins de leur proposer la réalisation de prestations dans le secteur de la vitrerie et films adhésifs pour tout support,

- prononcé pour toutes les condamnations ci-avant une astreinte de 200 euros par jour et par infraction constatée, courant à compter du huitième jour après la signification de l'ordonnance, ce pour une durée de trois mois, et s'est réservé sa liquidation,

- condamné la société Eurecla Corp à payer à la société Verre IDF la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Eurecla Corp aux dépens,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit,

- liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 40,66 euros, dont TVA 6,78 euros,

- dit que l'ordonnance est mise à disposition au greffe de ce tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées verbalement lors des débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe le 22 juin 2023, la société Eurecla Corp a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'elle a :

- liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 40,66 euros, dont TVA 6,78 euros,

- dit que l'ordonnance est mise à disposition au greffe de ce tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées verbalement lors des débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions déposées le 29 mars 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Eurecla Corp demande à la cour, au visa des articles 700, 873 du code de procédure civile et L. 131-3 et 4 du code des procédures civiles d'exécution, de :

'à titre principal et in limine litis,

- juger que le président des référés du tribunal de commerce de Nanterre n'était pas compétent ratione loci pour connaître les prétentions de la société Verre IDF qui consistaient dans les demandes de mesures urgentes provisoires et à tout le moins conservatoires ; qu'en conséquence, il n'avait pas le pouvoir de prononcer les mesures de l'ordonnance du 31 mai 2023.

en conséquence,

- infirmer l'ordonnance rendue le 31 mai 2023 en toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau :

- renvoyer la société Verre IDF à mieux se pourvoir devant le président des référés du tribunal de commerce de Paris.

subsidiairement,

- infirmer l'ordonnance rendue le 31 mai 2023 en toutes ses dispositions, et notamment en ce

qu'elle a :

- ordonné à la société Eurecla de restituer à la société Verre IDF :

o tous les documents contractuels et comptables (devis, contrats, factures établis par ou signés pour les besoins de l'activité de Verre IDF) lui appartenant ;

o tous ses moyens d'exploitation de sa clientèle (accès au site internet, base de données CRM, ligne téléphonique et adresses emails ainsi que leur historique).

- interdit à la société Eurecla de :

o utiliser la base de données clients de la société Verre IDF ;

o contacter les clients de la société Verre IDF aux fins de leur proposer la réalisation de prestations dans le secteur de la vitrerie et films adhésifs pour tout support.

- prononcé pour toutes les condamnations ci-avant une astreinte de 200 euros par jour et par infraction constatée, courant à compter du huitième jour après la signification de la présente ordonnance, ce pour une durée de trois mois, le juge des référés près le tribunal de commerce de Nanterre se réservant sa liquidation.

- condamné la société Eurecla à payer à la société Verre IDF la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

et statuant à nouveau :

- débouter la société Verre IDF de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

sur l'appel incident de la société Verre IDF en liquidation d'astreinte à la somme de 54 800 euros :

à titre principal et in limine litis,

- se déclarer incompétente pour liquider l'astreinte prononcée par le juge des référés du tribunal de commerce Nanterre, dont ce dernier s'est expressément réservé la liquidation, en application de l'article L.131-3 du code des procédures civiles d'exécution ;

subsidiairement,

- débouter la société Verre IDF de sa demande de liquidation d'astreinte comme mal fondée.

en précision des mesures ordonnées par le président des référés du tribunal de Nanterre :

- débouter la société Verre IDF de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

à titre reconventionnel,

- ordonner à la société Verre IDF de cesser d'utiliser le signe « Eurecla » à titre de nom commercial et de justifier dans le délai de 7 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir de ce qu'elle a procédé à la radiation au registre de commerce du nom commercial « Eurecla » et cela sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard ;

- condamner la société Verre IDF à payer à la société Eurecla la somme totale de 170 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice économique.

en toute hypothèse,

- condamner la société Verre IDF à payer à la société Eurecla la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Verre IDF aux entiers dépens qui pourront être recouvrés pour ceux d'appel directement par Me Châteauneuf, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.'

Dans ses dernières conclusions déposées le 21 mars 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Verre IDF demande à la cour, au visa des articles 42, 74, 853, 873, 514 et 700 du code de procédure civile, L. 441-6 I du code de commerce, 1103, 1193, 1194,1343-2, 1948 et 2286 du code civil, de :

' in limine litis

- constater que la clause attributive stipulée au contrat de concession commerciale n'est pas opposable en référé à la société Verre IDF ;

- constater que la société Eurecla est irrecevable à invoquer la clause attributive stipulée au contrat de concession commerciale auquel elle n'est plus partie depuis septembre 2021 ;

en conséquence,

- juger que le président du tribunal de commerce de Nanterre était parfaitement compétent pour statuer sur les demandes formées en référé par la société Verre IDF ;

- constater que la société Verre IDF est victime d'actes de concurrence déloyale graves commis à son détriment par la société Eurecla,

- constater que ces actes causent un préjudice très grave à la société Verre IDF ;

- juger que ces comportements excèdent le cadre normal de la concurrence et caractérisent un trouble manifestement illicite ;

en conséquence,

à titre principal

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de commerce de Paris le 31 mai 2023 (sic).

- préciser que la restitution de tous les moyens d'exploitation de la clientèle de Verre IDF porte

notamment sur tous contrats, codes d'accès, identifiants et mots de passe permettant la titularité, l'administration et l'exploitation des éléments suivants :

- le site internet https://Eurecla.com/ ;

- la base de données CRM ;

- les adresses emails @Eurecla.com suivantes : [Courriel 8]; [Courriel 11]; [Courriel 13];[Courriel 10]; [Courriel 7];[Courriel 9]; [Courriel 12] ainsi que leur historique ;

- les lignes téléphoniques suivantes : 01.42.42.32.32 ; +33 6 74 20 48 52 ; +33 7 81 45 59 29 ; +33 7 67 39 83 99 ;

- les pages ouvertes au sein des réseaux sociaux Facebook (https://www.facebook.com/Eurecla),Instagram (https://www.instagram.com/Eurecla-vitrogommage/)etLinkedIn (https://www.linkedin.com/company/Eurecla/).

- dire que, si nécessaire, la société Eurecla prendra attache avec tout tiers utile afin d'organiser la cession des contrats correspondants au profit de la société Verre IDF permettant le transfert

effectif des moyens d'exploitation à son profit ;

à titre subsidiaire

- interdire à la société Eurecla d'exploiter les éléments suivants :

- le site internet https://Eurecla.com/ ;

- la base de données CRM ;

- les adresses emails @Eurecla.com suivantes : [Courriel 8]; [Courriel 11]; [Courriel 13];[Courriel 10]; [Courriel 7];[Courriel 9]; [Courriel 12] ainsi que leur historique ;

- les lignes téléphoniques suivantes : 01.42.42.32.32 ; +33 6 74 20 48 52 ; +33 7 81 45 59 29 ; +33 7 67 39 83 99 ;

- les pages ouvertes au sein des réseaux sociaux Facebook (https://www.facebook.com/Eurecla),Instagram (https://www.instagram.com/Eurecla-vitrogommage/)et LinkedIn (https://www.linkedin.com/company/Eurecla/).

en tout état de cause

- se déclarer compétente pour liquider l'astreinte prononcée par le président du tribunal de commerce de Nanterre ;

- liquider l'astreinte à la somme de cinquante-quatre mille huit cents (54 800) euros et, par conséquent, condamner la société Eurecla à régler ce montant à la société Verre IDF ;

- fixer une nouvelle astreinte de mille (1 000) euros par jour et par infraction constatée, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

- se réserver de liquider cette nouvelle astreinte ;

sur les demandes reconventionnelles de la société Eurecla :

- juger n'y avoir lieu à référé sur les demandes reconventionnelles de la société Eurecla ;

en conséquence,

- renvoyer la société Eurecla à mieux se pourvoir ;

à défaut, sur les demandes reconventionnelles de la société Eurecla

- juger que les demandes reconventionnelles formulées par la société Eurecla sont irrecevables

ou, à tout le moins, infondées ;

en tout état de cause et y ajoutant,

- condamner la société Eurecla à payer à la société Verre IDF la somme de 15 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; -

- condamner la société Eurecla aux entiers dépens d'appel. '

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constater' ou de 'dire et juger' qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques.

sur l'exception d'incompétence

La société Eurecla soulève in limine litis une exception d'incompétence territoriale fondée sur l'existence d'une clause attributive de compétence convenue entre les parties.

Elle affirme que cette clause n'est pas opposable à la partie qui agit en référé uniquement dans les cas de mesures d'instruction in futurum dont l'efficacité nécessite qu'elles puissent être ordonnées par un juge géographiquement proche de leur lieu d'exécution.

Concluant à la compétence du tribunal de commerce de Paris, l'appelante soutient que l'article 20.2 du contrat de concession commerciale prévoit une clause compromissoire au profit de cette juridiction spécifiquement pour les actions en référé nécessitées par l'urgence, et affirme que cette clause est licite et opérante, les deux parties étant des sociétés commerçantes et cette clause étant apparente.

La société Verre IDF rétorque qu'une clause attributive de compétence territoriale est inopposable à la partie qui saisit le juge des référés et qu'elle était donc fondée à saisir le juge du lieu du siège social de la société Eurecla.

Elle ajoute que la société Eurecla, qui a cédé le contrat de concession commerciale à la société Gong Tools, est irrecevable à se prévaloir des clauses contractuelles.

Elle indique enfin que le fondement de son action étant délictuel, elle pouvait saisir le tribunal du lieu de résidence du défendeur.

Sur ce,

L'article 48 du code de procédure civile dispose que 'toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée'.

En l'espèce, le contrat de concession comprend un article 20-2 qui stipule que 'en cas de litige relatif au contrat tenant notamment à sa formation, sa validité, son interprétation, son exécution ou son inexécution, son interruption ou sa résiliation, les parties conviennent de soumettre le litige à la compétence exclusive d'un tribunal arbitral. (...) La présente clause n'empêchera pas la saisine du tribunal de commerce de Paris en référé aux fins de mesures provisoires ou conservatoires ou nécessitées par l'urgence.'

Cependant, la clause attributive de compétence territoriale est inopposable à la partie qui saisit le juge des référés. En outre, l'action de la société Verre IDF est fondée sur la responsabilité délictuelle et non sur le contrat, la stipulation contractuelle ne pouvant donc trouver à s'appliquer.

En conséquence, il convient de dire que la société Verre IDF pouvait saisir la juridiction du lieu de résidence du défendeur et de rejeter l'exception d'incompétence invoquée par la société Eurecla.

sur le trouble manifestement illicite

Contestant tout trouble manifestement illicite, la société Eurecla affirme que les mesures de restitution ordonnées par le premier juge sont mal fondées dès lors en premier lieu que le contrat de concession commerciale était conclu pour 5 ans à compter du 1er mai 2018 et que son expiration est donc intervenue le 30 avril 2023, aucun renouvellement tacite ne pouvant intervenir en application de l'article 2 du contrat.

Elle souligne que le ce contrat prévoyait une clause de non concurrence d'1 an à son terme et qu'en vertu de son article 15, la société Verre IDF n'avait plus le droit de faire une quelconque référence à la dénomination Eurecla ni à ses produits, à savoir la technologie brevetée exploitée exclusivement par Eurecla, pour son activité dès le 30 avril 2023.

L'appelante en déduit qu'elle n'a fait qu'anticiper de deux jours ouvrables la terminaison de cette convention en faisant procéder le 26 avril 2023 à :

- la suppression de tout accès aux adresses Emails et aux bases de données CRM de la société Verre IDF,

- le blocage de l'ensemble des lignes téléphoniques fixes et mobiles,

- le reroutage des appels entrants vers son propre standard,

ces mesures conservatoires n'ayant selon elle que pour finalité d'assurer l'exécution par la société Verre Ile-de-France de ses propres obligations et ne pouvant caractériser un trouble manifestement illicite.

La société Eurecla affirme que la société Verre Ile-de-France ne justifie pas de l'existence des contrats en cours devant se terminer le 28 avril 2023 et pour lesquels le matériel de la société Eurecla aurait été nécessaire, tout comme elle ne démontrerait pas que son activité aurait été perturbée du fait de l'arrêt de son accès aux moyens de communications, alors qu'elle ne justifie de l'existence à cette date de commandes pouvant être passées par des clients pour des prestations en dehors du territoire couvert par la clause de non-concurrence et à réaliser à partir du 1er mai 2023.

Elle indique qu'en tout état de cause, aucun trouble n'était plus susceptible d'être constaté à la date à laquelle le premier juge a statué puisque la société Verre IDF avait à cette date créé de nouvelles adresses mail professionnelles, un nouveau nom de domaine, de nouveaux numéros de téléphone, un nouveau logo et qu'elle pouvait avoir accès à la base de données CRM (gestion de la relation client).

L'appelante soutient en deuxième lieu que les restitutions ont été ordonnées sans vérification des stipulations contractuelles, de l'existence des objets concernés ou de la qualité de possesseur desdits objets.

Elle expose ainsi qu'elle n'avait en sa possession aucun document contractuel ou comptable appartenant à la société Verre IDF et qu'elle ne disposait que d'un accès au logiciel de gestion de la relation client Kwixeo en sa qualité de gestionnaire administratif de l'abonnement, accès qui devait prendre fin pour l'intimée à la fin du contrat, celle-ci ayant alors la charge en vertu de l'article 15-3 du contrat de procéder à l'extraction des données qu'elle avait contribué à collecter et saisir, son préjudice résultant en conséquence de sa propre négligence.

La société Eurecla précise que dès son assignation, la société Verre IDF reconnaissait avoir eu accès à ses données figurant sur le logiciel Kwixeo à la suite de démarches de sa part auprès du prestataire.

Concernant les mesures de restitution des moyens d'exploitation de la clientèle tels que l'accès au site internet, à la ligne téléphonique, aux adresses emails, ainsi que leur historique, l'appelante soutient que le contrat de concession commerciale prévoyait clairement que dès la fin du contrat, la société Verre IDF ne pourrait plus utiliser les signes contenant la marque Eurecla ni garder les lignes téléphoniques (article 15-1 du contrat), l'arrêt de ces moyens ne pouvant donc constituer un trouble manifestement illicite et les mesures ordonnées par le premier juge constituant au contraire une violation des clauses contractuelles convenues entre les parties.

Elle souligne que le nom de domaine sous lequel ont été exploités les courriels et le site Web appartient à un tiers à l'instance, à savoir la société estonienne OÜ Gomgtools.

Contestant ensuite les mesures d'interdiction prononcées dans l'ordonnance querellée, la société Eurecla soutient que :

- elle pouvait licitement conserver et exploiter la base de données clients de la société Verre IDF en vertu du contrat de concession commerciale et ce même après l'expiration du contrat,

- le contrat interdisait à la société Verre IDF durant 1 an d'avoir une activité concurrente à la sienne en Ile-de-France et dans la métropole lilloise et l'intimée était dès lors mal fondée à se plaindre qu'elle puisse contacter ses clients sur ce territoire.

La société Eurecla affirme que les actes de concurrence déloyale dont fait état la société Verre IDF sont postérieurs à l'ordonnance attaquée et ne peuvent donc motiver sa confirmation.

Elle indique que la cour ne saurait transférer à la société Verre IDF la propriété d'actifs incorporels (site internet, noms de domaine, adresses électroniques) contenant la dénomination 'Eurecla' dès lors que :

- la société Verre IDF ne bénéficie d'aucun droit opposable à cette dénomination et n'avait plus le droit de l'utiliser après le terme du contrat,

- la cour statuant en appel du juge des référés n'a pas le pouvoir de procéder à une expropriation des droits de propriété intellectuelle, qui appartiennent en outre à la société OÜ Gomgtools, non partie à l'instance,

- les lignes téléphoniques lui appartiennent et il n'existe en outre aucun lien entre ces lignes et les actes de concurrence déloyale dont se plaint la société Verre IDF.

Elle soutient que seul le tribunal arbitral est compétent pour se prononcer sur une éventuelle inexécution du contrat de concession commerciale.

Affirmant en réponse que le contrat de concession commerciale a été cédé par la société Eurecla à la société Gong Tools, la société Verre IDF fait valoir que, dès lors que le cédant informe par écrit son cocontractant de la cession du contrat et que ce dernier exécute le contrat entre les mains du cessionnaire, la cession du contrat est valable ; qu'en l'espèce, M. [T] [I], alors gérant d'Eurecla, l'a informée, par email du 20 septembre 2021, de la cession du contrat de concession commerciale à la société Gong Tools, qu'elle a alors accepté tacitement cette cession en exécutant l'ensemble de ses obligations contractuelles à l'égard de la société Gong Tools, la société Eurecla ne lui adressant plus aucun courrier ni aucune facture à compter de cette date. Elle en déduit que la société Eurecla ne peut plus se prévaloir des dispositions de ce contrat de concession commerciale.

L'intimée affirme que les actes de concurrence déloyale commis par la société Eurecla caractérisent un trouble manifestement illicite.

Elle expose utiliser depuis 2009 et à titre exclusif le nom commercial 'Eurecla', précise avoir engagé contre M. [T] [I] une action en justice pour revendiquer la propriété des deux marques 'Eurecla' qu'il a déposées le 25 septembre 2020 et le 8 octobre 2020.

Rappelant la chronologie des relations entre les parties, la société Verre IDF affirme que, dans un contexte de pourparlers en vue de la cession à son profit des marques et brevets et des machines par les sociétés Eurecla Corp et Gong Tools, M. [I] l'a brutalement informée du non-renouvellement des contrats de concession commerciale et de location de matériel le 26 avril 2023, soit 4 jours avant le terme du contrat, organisant ainsi son éviction de son fonds de commerce et la captation de sa clientèle puisqu'elle pouvait lui ôter tous les moyens d'exploitation de son activité (standard et lignes téléphoniques, site internet, adresses emails, base de donnée CRM).

Elle soutient avoir été victime des actes de concurrence déloyale suivants :

- débauchage de 2 salariés : M. [E], commercial de la société Verre IDF, qui a commencé à travailler pour la société Eurecla dès le 28 avril 2023 et M. [L] [I],

- contact massif de la société Eurecla avec ses partenaires commerciaux et clients dès le 26 avril 2023 en leur indiquant ses propres coordonnées bancaires,

- appropriation de ses contrats (captation des nouveaux clients, réalisation de prestations devisées par la société Verre IDF, facturation de prestations réalisées par la société Verre IDF), la société Eurecla ayant récupéré son numéro de téléphone et ses adresses emails et récupérant ainsi les clients qui pensent contacter la société Verre IDF,

- dénigrement de la société Verre IDF par la société Eurecla à l'occasion du non-renouvellement du contrat de concession, ayant conduit certains clients à refuser de travailler avec elle,

- appropriation de ses investissements en mentionnant les coordonnées de la société Eurecla sur le site internet et les réseaux sociaux animés par la société Verre IDF.

Réfutant les arguments indiqués par la société Eurecla tirés des clauses contractuelles, la société Verre IDF soutient que le contrat de concession commerciale a été cédé à la société Gong Tools, que les stipulations du contrat sont dénaturées par l'appelante, aucun article ne lui permettant notamment d'utiliser les données de la société Verre IDF à des fins commerciales ou de s'approprier sa clientèle.

L'intimée souligne que le premier juge pouvait ordonner des mesures destinées à mettre un terme à un comportement dont l'illicéité est flagrante, afin de limiter le préjudice en résultant pour elle, même en présence d'une contestation sérieuse.

Elle expose que la société Eurecla a brutalement coupé son accès à son CRM et a utilisé ces données pour les exploiter, qu'elle utilise ses numéros de téléphone et adresse Emails pour détourner et s'approprier sa clientèle, qu'elle exploite son site internet et ses réseaux sociaux alors que leur contenu lui appartient (avis clients, photographies, chantiers réalisés), ce qui justifie les interdictions et restitutions prévues par l'ordonnance, qui doivent être complétées dès lors que la société Eurecla refuse de façon fallacieuse de les exécuter.

Subsidiairement la société Verre IDF sollicite que la société Eurecla soit interdite d'exploiter ces éléments à défaut de les lui restituer.

Sur ce,

Aux termes de l'article 873 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite s'entend de toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit. Le dommage est réalisé et il importe d'y mettre un terme.

L'illicéité du trouble suppose la violation d'une obligation ou d'une interdiction préexistante et doit être manifeste. Il appartient à la partie qui s'en prévaut d'en faire la démonstration avec l'évidence requise devant le juge des référés.

La concurrence déloyale est constituée de l'ensemble des procédés concurrentiels contraires à la loi ou aux usages, constitutifs d'une faute intentionnelle ou non et de nature à causer un préjudice aux concurrents tels que la confusion (créer dans l'esprit du public une confusion avec l'entreprise concurrente de telle sorte que la clientèle se trompe et soit attirée), le dénigrement et le parasitisme (se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment de la notoriété acquise ou des investissement consentis).

Des actes de concurrence déloyale peuvent être constitutifs d'un trouble manifestement illicite et il entre dans les pouvoirs du juge des référés de les constater et d'en ordonner la cessation.

Il appartient à la société Verre Ile-de-France d'établir l'existence du trouble manifestement illicite dont elle se prévaut.

Il apparaît que les parties étaient liées par un contrat de concession commerciale conclu le 3 juillet 2018 qui stipulait notamment :

- article 1-1 : 'le concédant concède au concessionnaire (...) :

- le droit exclusif et l'obligation de prester (sic) les services,

- le droit et l'obligation d'utiliser à titre exclusif les matériels et outillages pour la prestation des services' ;

- article 1-2 : 'les parties conviennent expressément que l'exploitation d'un site internet pour distribuer les produits et services par le concédant est possible (...). La clientèle de ce site appartient au seul concédant.' ;

- article 2-1 'la durée du contrat est de 5 ans à compter de son entrée en vigueur.' ;

- article 2-2 : 'le contrat ne pourra se renouveler tacitement. Les relations contractuelles entre les parties prendront fin au terme à défaut pour les parties de conclure un nouveau contrat.';

- article 3-2-1 'Il est expressément précisé que la marque ainsi que tous signes distinctifs Eurecla restent la propriété inaliénable et indivisible du concédant et de ses ayants-droits (...). Le concessionnaire reconnaît qu'il n'a acquis aucun droit, titre ou intérêt dans la Marque à l'exception du droit de l'utiliser dans le seul cadre de l'exploitation et selon les modalités du contrat.' ;

- article 4-5-1 : 'le concédant indiquera au concessionnaire un ou des logiciels informatiques développés par un ou des tiers ou par le concédant. (...) Le concessionnaire s'engage exclusivement à louer ou acheter le logiciel au concédant ou aux tiers que le concédant aura référencé à cet effet'

- article 15 intitulé 'obligations des parties à la cessation du contrat' :

- 15-1 : 'le concessionnaire devra cesser dans les 48 heures suivant la cessation des effets du contrat d'exploiter le territoire sous la marque et de faire référence à la marque (...) Le concessionnaire devra cesser immédiatement toute utilisation, de quelque manière et à quelque titre que ce soit, de l'ensemble des pages internet du site internet, du blog, ou de la page d'un site de réseau social qu'il avait créé pour faire la promotion sous la marque à compter de la date de cessation du contrat.

Le concessionnaire devra notamment : cesser la promotion des produits et des services par internet, cesser d'utiliser l'ensemble des éléments de la charte graphique (...)',

- 15-3 :'le concessionnaire cessera immédiatement toute utilisation du logiciel. La propriété des données est toutefois reconnue au concessionnaire. A ce titre, le concessionnaire procédera à l'extraction des données brutes qu'il a contribué à collecter et saisir et ce au plus tard à la date de cessation des effets du contrat qu'il lui reviendra d'anticiper. (...) Le concessionnaire, pour tenir compte de la contribution du concédant à la notoriété de la marque qui a, de manière déterminante, permis et facilité la collecte desdites données, accorde au concédant (...) un droit d'usage et d'exploitation desdites données. '

Les sociétés Eurecla et Verre IDF ont également conclu le même jour un contrat-cadre de sous-traitance et un contrat de location de matériel et outillage, prévoyant tous deux que la cessation des effets du contrat de concession entraînerait automatiquement la cessation de leurs effets respectifs.

La société Verre IDF affirme que ces contrats ont été cédés à la société de droit estonien Gong Tools, en se fondant notamment sur le courriel de [T] [I] du 20 septembre 2021 aux termes duquel celui-ci indiquait 'y'a pas trop de sujet car les marques ont été transférées à l'entité OÜ GomgTools et que le contrat a été cédé à OÜ GomgTools également. Pas d'avenant car il n'y a aucune obligation de communication du concédant', étant précisé qu'il est démontré que la société GomgTools a effectivement établi par la suite des factures adressées à Verre IDF au titre de 'royalties'.

Force est cependant de constater que les conditions de la cession de contrat prévues à l'article 1216 du code civil ne sont pas remplies puisque celui-ci dispose qu' 'un contractant, le cédant, peut céder sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, avec l'accord de son cocontractant, le cédé' , alors que la demande d'accord à la société Verre IDF n'est pas démontrée en l'espèce, et que ' la cession doit être constatée par écrit, à peine de nullité', aucun écrit en ce sens n'étant versé aux débats.

En conséquence, il convient de dire que n'est pas établie avec l'évidence requise en référé l'existence d'une cession de contrat, étant au surplus précisé que la position de la société Verre IDF est contradictoire puisqu'à supposer établie la cession des contrats à la société Gong Tools, c'est celle-ci qui serait titulaire des droits sur la marque Eurecla et c'est à son encontre qu'aurait dû être engagée, au moins partiellement, son action.

De même, il convient de dire qu'en l'état, n'est pas acquise l'existence d'un trouble manifestement illicite sur le fondement de la perte des marques concédées par la société Eurecla, faute de démonstration par la société Verre IDF du caractère fautif du dépôt effectué en 2020, une instance étant pendante au fond sur ce point.

Par courrier du 20 avril 2023, la société Eurecla a indiqué à la société Verre IDF son souhait de ne pas renouveler le contrat de concession, le contrat-cadre de sous-traitance et le contrat de location de matériel et outillage, indiquant 'par conséquent, ces contrats cesseront de produire leurs effets le 30 avril 2023" et réclamant :

- la transmission des informations relatives aux clients Grands Comptes et aux travaux et prestations réalisées pour eux en application de l'article 16 du deuxième contrat,

- l'organisation d'un état des lieux de restitution des matériels et outillages conformément aux troisième contrat.

Dans cette lettre, la société Eurecla rappelait également à la société Verre IDF qu'elle restait tenue des obligations contractuelles de confidentialité, de non- concurrence, de non-sollicitation, de cessation de l'usage de la marque et des droits de propriété intellectuelle et de cessation de l'usage du logiciel, et la mettait en demeure de respecter ces obligations.

La société Verre IDF verse aux débats des constats de commissaire de justice attestant que :

- le 26 avril 2023, les accès informatiques de la société Verre IDF au site Eurecla ont été coupés, ainsi que les boites mails et accès au logiciel de CRM,

- le 28 avril 2023, les trois lignes téléphoniques des portables de la société Verre IDF ne fonctionnaient pas et aboutissaient à un message préenregistré indiquant que la société était fermée pour inventaire,

- le 11 mai 2023, les appels téléphoniques dirigés vers les 3 numéros de portables des salariés de la société Verre IDF étaient redirigés vers une personne se présentant comme la société Eurecla.

Il convient de dire que le fait pour la société Eurecla d'empêcher la société Verre IDF dès le 26 avril 2023, soit antérieurement à l'expiration du contrat, d'accéder au logiciel de CRM, l'empêchant ainsi de récupérer l'ensemble des données lui appartenant, alors que le contrat de concession prévoyait en son article 15-3 susmentionné que 'la propriété des données [du CRM] est toutefois reconnue au concessionnaire. A ce titre, le concessionnaire procédera à l'extraction des données brutes qu'il a contribué à collecter et saisir et ce au plus tard à la date de cessation des effets du contrat qu'il lui reviendra d'anticiper', caractérise une violation manifeste du contrat constituant un trouble manifestement illicite.

L'ordonnance querellée sera donc confirmée en ce qu'elle a condamné la société Eurecla sous astreinte à transmettre à la société Verre IDF 'tous les documents contractuels et comptables (devis, contrats, factures établis par ou signés pour les besoins de l'activité de Verre IDF) lui appartenant'. Il n'apparaît pas utile d'ordonner une nouvelle astreinte dès lors que l'intimée reconnaît que cette obligation a été respectée en cours de procédure.

La société Verre IDF justifie que la société Eurecla a, dès le 28 avril 2023 et durant plusieurs mois, envoyé des courriels à certains de ses clients pour leur demander de remplacer les coordonnées bancaires de la société Verre IDF par celles d'Eurecla, leur a envoyé des devis, voire leur a facturé des prestations effectuées antérieurement par la société Verre IDF, en profitant frauduleusement de la récupération des lignes téléphoniques et du site internet, entretenant ainsi volontairement la confusion liée à l'utilisation du terme 'Eurecla'.

Ce faisant, il est démontré avec l'évidence requise en référé que la société Eurecla, en se plaçant dans le sillage de la société Verre IDF et en prenant contact directement avec ses clients sans les informer loyalement de la reprise de l'activité par une nouvelle société, a violé l'obligation légale de ne pas commettre d'actes de concurrence déloyale, ce qui caractérisait un trouble manifestement illicite au jour où le premier juge a statué, justifiant l'interdiction faite à la société Eurecla sous astreinte de contacter les clients de Verre IDF aux fins de leur proposer la réalisation de prestations dans le secteur de la vitrerie et films adhésifs.

Cependant, le jeu normal de la concurrence étant amené à reprendre entre les deux sociétés et la société Verre IDF ayant disposé d'un temps suffisant pour se réorganiser il convient de dire que cette interdiction n'est plus justifiée. Il sera donc ajouté à la décision déférée de ce chef.

A l'inverse, il convient de dire que, passé la date du 30 avril 2023 correspondant à la date d'expiration des contrats, il n'est pas démontré que la société Verre IDF pouvait, en application des stipulations convenues entre les parties, prétendre continuer à exploiter les sites internet et réseaux sociaux comportant la marque 'Eurecla', disposer de la ligne téléphonique de la société Eurecla, bénéficier des adresses mails se terminant par @Eurecla.com ou utiliser le logiciel de gestion de la relation client (CRM) fourni par Eurecla.

En conséquence, aucun trouble manifestement illicite n'est caractérisé à ce titre, et l'ordonnance querellée sera infirmée en ce qu'elle a ordonné la restitution à la société Verre IDF de tous ses moyens d'exploitation de sa clientèle (accès au site internet, base de données CRM, ligne téléphonique et adresses emails ainsi que leur historique). Aucune mesure d'interdiction d'exploitation ne peut davantage être prononcée en l'absence de trouble manifestement illicite.

De la même façon, la rédaction du contrat n'est pas suffisamment claire sur les obligations respectives des parties pour déterminer avec la certitude requise que la société Eurecla, propriétaire des données du logiciel, se serait engagée à ne pas utiliser la base de données clients de la société Verre IDF à la cessation du contrat et l'ordonnance attaquée sera infirmée en ce qu'elle a ordonné cette interdiction.

Sur la liquidation de l'astreinte

La société Eurecla invoque l'incompétence de la cour statuant en appel du juge des référés pour statuer sur la liquidation de l'astreinte, faisant valoir que le président du tribunal de commerce s'est réservé cette liquidation.

Elle indique subsidiairement que cette demande est mal fondée, puisqu'elle affirme avoir exécuté l'ordonnance querellée :

- elle a contacté Kwixeo pour que la société Verre IDF puisse retrouver son accès,

- elle a organisé la restitution du numéro de téléphone de la société Verre IDF ([XXXXXXXX01]) et conteste que le numéro [XXXXXXXX02] puisse faire l'objet d'une restitution puisqu'il avait fait l'objet d'un transfert définitif entre les parties en 2018, précisant en outre qu'il s'agit d'une demande nouvelle,

- elle n'est pas en mesure de restituer un site Internet dès lors que l'ordonnance attaquée ne décrit pas le site concerné, qu'elle n'est pas titulaire du nom de domaine du site www.Eurecla.com et ne peut donc le restituer et qu'en tout état de cause, la société Verre IDF ne peut prétendre à aucun droit sur ce site car elle lui en a cédé la propriété en 2018,

- elle ne peut davantage restituer des adresses Emails compte tenu de l'imprécision de l'ordonnance, cette mesure n'étant en outre pas exécutable dès lors qu'elle n'est pas titulaire des adresses @Eurecla,

- elle conteste avoir utilisé la base de données clients de la société Verre IDF et affirme ne plus y avoir accès depuis le 16 juin 2023, précisant que la présentation de ses devis ou factures résulte de l'utilisation du logiciel Qwixeo qui est librement commercialisé,

- elle réfute tout contact avec les clients de la société Verre IDF hors le cas où elle aurait répondu à des entreprises qui se seraient directement adressées à elle.

La société Verre IDF sollicite la liquidation de l'astreinte, faisant valoir que, dès lors que le premier juge s'en est réservé la liquidation, la cour d'appel peut l'effectuer en application de l'effet dévolutif de l'appel.

Elle indique que la société Eurecla n'a pas respecté les obligations mises à sa charge par le premier juge et sollicite l'octroi des sommes suivantes :

- 800 euros : défaut de restitution de tous les documents contractuels et comptables avant le 20 juin 2023 (4 jours d'astreinte),

- 18 000 euros : défaut de restitution de ses moyens d'exploitation de sa clientèle (90 jours d'astreinte),

- 18 000 euros : non exécution de l'interdiction faite à Eurecla d'utiliser sa base de données (90 jours d'astreinte),

- 18 000 euros : non exécution de l'interdiction faite à Eurecla de contacter sa clientèle (90 jours d'astreinte).

Sur ce,

Selon l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution, 'l'astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l'exécution, sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir."

En vertu de l'effet dévolutif de l'appel, le premier juge s'étant réservé la liquidation de l'astreinte, il entre dans les pouvoirs de la cour de statuer sur la demande de liquidation formée par la société Verre IDF.

L'astreinte, qui est indépendante des dommages-intérêts, a pour finalité de contraindre la personne qui s'y refuse à exécuter les obligations qu'une décision juridictionnelle lui a imposées et d'assurer le respect du droit à cette exécution.

Aux termes de l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, le montant de l'astreinte est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter, l'astreinte pouvant être supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution provient en tout ou partie d'une cause étrangère.

La liquidation de l'astreinte, c'est-à-dire l'évaluation du montant dû par le débiteur récalcitrant ne consiste pas à simplement procéder à un calcul mathématique en multipliant son taux par le nombre d'infractions constatées ou de jours sans exécution mais à apprécier les circonstances qui ont entouré l'inexécution, notamment la bonne ou la mauvaise volonté du débiteur.

Il convient de dire en premier lieu qu'aucune liquidation d'astreinte ne peut intervenir pour le défaut de restitution des moyens d'exploitation à la société Verre IDF ou la non-exécution de l'interdiction faite à Eurecla d'utiliser sa base de données en raison de l'infirmation de l'ordonnance de ce chefs.

L'astreinte commençait à courir le 16 juin 2023 au regard de la date de signification de l'ordonnance litigieuse.

La société Verre IDF reconnaissant que la restitution de ses documents contractuels et comptables a eu lieu le 20 juin 2023, avec 4 jours de retard sur le délai imparti par le premier juge, c'est à juste titre qu'elle réclame la liquidation de l'astreinte à ce titre à la somme de 800 euros et il sera ajouté à la décision attaquée de ce chef.

Concernant l'irrespect de l'interdiction faite à Eurecla de contacter sa clientèle, la société Verre IDF ne produit aucun justificatif postérieur au 16 juin 2023, les seuls documents produits concernant un appel de la société Eurecla à la société Louboutin à la demande de celle-ci dans le cadre d'échanges sur une fracture contestée (pièce 63-5 de l'intimée) et un courriel publicitaire général adressé par la société Eurecla en février 2024 (ses pièces 90 et 91), qui correspond à une utilisation de la base de données qui ne fait pas l'objet d'une interdiction. Aucune liquidation d'astreinte n'est donc justifiée à ce titre.

Sur les demandes reconventionnelles formées par la société Eurecla sur le fondement du trouble manifestement illicite

La société Eurecla sollicite de faire cesser le trouble manifestement illicite résultant des graves manquements de la société Verre IDF à ses obligations contractuelles :

- absence de retrait de la mention 'Eurecla' à titre de nom commercial sur son extrait d'immatriculation au RCS,

- absence de cessation de son activité concurrente en région Ile-de-France et dans la métropole lilloise jusqu'au 30 avril 2024.

Elle soutient que les arguments de la société Verre IDF portant sur la validité, l'interprétation, l'exécution du contrat de concession arbitrale relèvent de la compétence du tribunal arbitral.

La société Eurecla demande de condamner la société Verre IDF à lui payer la somme totale de 170 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice économique, affirmant démontrer que l'intimée n'a pas respecté l'obligation de non- concurrence prévue au contrat en réalisant au moins 56 prestations en Ile-de-France et dans la métropole lilloise entre le 1er mars 2023 et le 29 mars 2024.

La société Verre IDF conclut au rejet des demandes reconventionnelles de la société Eurecla, affectées selon elle de contestations sérieuses au motif que :

- la société Eurecla ne dispose plus d'aucun droit sur la marque Eurecla qu'elle n'a pas renouvelé en 2019,

- l'appelante ne peut plus se prévaloir des stipulations contractuelles en raison de la cession du contrat de concession, outre que la clause de non-concurrence qui y figure est disproportionnée et déséquilibrée faute d'intérêt légitime à protéger.

Sur ce,

sur le trouble manifestement illicite

Au regard des discussions susmentionnées relatives à la validité des droits de la société Eurecla sur la marque qu'elle revendique et à l'antériorité de l'utilisation de la dénomination 'Eurecla' par la société Verre IDF, dans un contexte dans lequel une action sur ce fondement a été engagée, aucun trouble manifestement illicite n'est constitué quant à l'utilisation du nom commercial 'Eurecla' par la société Verre IDF et la demande de la société Eurecla à ce titre sera rejetée.

Quant au respect de la clause de non-concurrence effectivement prévue au contrat de concession, elle était limitée à une durée d' 'un an après la cessation des effets du contrat' si bien qu'aucun trouble manifestement illicite ne peut davantage être caractérisé à ce titre.

sur la provision

Aux termes de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce, statuant en référé, peut dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.

Ce texte impose donc au juge une condition essentielle avant de pouvoir accorder une provision, celle de rechercher si l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

À l'inverse, sera écartée une contestation qui serait à l'évidence superficielle ou artificielle. Le montant de la provision allouée n'a alors d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

De surcroît, s'il n'appartient pas à la juridiction des référés d'ordonner la compensation de créances réciproques qui ne seraient ni liquides, ni exigibles, elle conserve en revanche le pouvoir d'apprécier si l'éventualité d'une compensation entre lesdites créances est de nature à rendre sérieuse ou non la contestation de l'obligation invoquée par la partie qui demande une provision.

En l'espèce, à supposer même que la société Verre IDF n'ait pas respecté la clause de non concurrence prévue au contrat en ce qu'elle énonçait que le concessionnaire s'interdisait pendant un an l'exploitation de toute activité concurrente à celle du réseau Eurecla sur la région Ile-de-France et la métropole lilloise, la société Eurecla étant elle-même susceptible d'être considérée comme s'étant rendue fautive d'actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Verre Ile-de-France comme il l'a été indiqué plus haut, l'existence d'une compensation possible entre les dommages et intérêts dont pourraient être mutuellement redevables les deux société rend sérieusement contestable la demande provisionnelle de la société Eurecla, qui sera en conséquence rejetée.

Sur les demandes accessoires

L'ordonnance querellée sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Chaque partie succombant partiellement en appel, chacune conservera la charge de ses propres dépens.

En équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance querellée sauf en qu'elle a ordonné à la société Eurecla Corp de restituer à la société Verre Ile-de-France tous ses moyens d'exploitation de sa clientèle et interdit à la société Eurecla Corp de utiliser la base de données clients de la société Verre IDF,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Verre IDF d'ordonner à la société Eurecla Corp de lui restituer les moyens d'exploitation de sa clientèle et d'interdire à la société Eurecla Corp d'utiliser sa base de données clients ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes reconventionnelles de la société Eurecla ;

Met fin à l'interdiction pour la société Eurecla de contacter les clients de Verre IDF aux fins de leur proposer la réalisation de prestations dans le secteur de la vitrerie et films adhésifs pour tout support ;

Condamne la société Eurecla à verser à la société Verre IDF la somme de 800 euros au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par le premier juge ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en appel,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens d'appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Monsieur Thomas VASSEUR, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-5
Numéro d'arrêt : 23/04001
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;23.04001 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award