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20/06/2024 | FRANCE | N°21/05944

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-3, 20 juin 2024, 21/05944


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 57B



Chambre civile 1-3



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 20 JUIN 2024



N° RG 21/05944



N° Portalis DBV3-V-B7F-UYD7





AFFAIRE :



[H] [J]



C/



Société RIVE DE SEINE dont le nom commercial est 'ORPI RIVE DE SEINE'





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Septembre 2021 par le TJ de VERSAILLES

N° Chambre : 2

N° RG : 19/05

883



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :









Me Marc MANDICAS





Me Franck LAFON





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







LE VINGT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Ver...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 57B

Chambre civile 1-3

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 JUIN 2024

N° RG 21/05944

N° Portalis DBV3-V-B7F-UYD7

AFFAIRE :

[H] [J]

C/

Société RIVE DE SEINE dont le nom commercial est 'ORPI RIVE DE SEINE'

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Septembre 2021 par le TJ de VERSAILLES

N° Chambre : 2

N° RG : 19/05883

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Marc MANDICAS

Me Franck LAFON

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [H] [J]

né le 22 Novembre 1958 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 4]'

[Localité 8]

présent et assisté de Me Marc MANDICAS, Postulant/plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 231

APPELANT

****************

SOCIETE RIVE DE SEINE

dont le nom commercial est 'ORPI RIVE DE SEINE'

RCS 482 830 254

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 avril 2024, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Charlotte GIRAULT, Conseiller et Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller chargé du rapport .

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence PERRET, Président,

Madame Charlotte GIRAULT, Conseiller

Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme FOULON

FAITS ET PROCEDURE :

M. [H] [J], marin de profession, est propriétaire de quatre biens immobiliers, situés aux [Adresse 6], 3 et [Adresse 5] et [Adresse 3], à [Localité 8] (Yvelines).

Sa profession l'obligeant à effectuer régulièrement des déplacements en mer et à l'étranger pour une durée d'absence significative, il a confié la gestion de ses biens à la société Orpi Rive de Seine en lui consentant quatre mandats signés les 18 janvier 2010, 1er juin 2011, 23 juillet 2011 et 10 juin 2012.

Reprochant à la société Orpi Rive de Seine ses fautes de gestion, notamment quant à la gestion de sinistres survenus en 2014 et 2015, M. [J], a résilié l'ensemble des mandats par courrier du 4 août 2017 et a sollicité l'indemnisation de ses préjudices.

Aucune solution amiable n'ayant été trouvée, il a fait assigner la société Orpi Rive de Seine devant le tribunal judiciaire de Versailles par acte d'huissier du 28 décembre 2018 afin de la voir condamnée à l'indemniser de ses préjudices.

L'assignation ayant été déclarée caduque par ordonnance du juge de la mise en état du 4 juin 2019, M. [J] a de nouveau fait délivrer une assignation le 5 juillet 2019 aux mêmes fins.

Par jugement du 9 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Versailles a :

- déclaré les demandes de M. [J] relatives aux pertes locatives partiellement prescrites, mais rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de son action pour le surplus,

- déclaré les demandes de dommages et intérêts présentées par M. [J] recevables, mais les a rejetées au fond,

- dit que chaque partie conservera ses propres dépens dont distraction au profit de Me [S],

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution du présent jugement,

- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires.

Par acte du 29 septembre 2021, M. [H] [J] a interjeté appel du jugement et, par dernières écritures du 26 mars 2024, prie la cour de :

- le recevoir en son appel et l'y déclarer bien fondé,

- infirmer le jugement du 9 septembre 2021,

- constater les nombreux manquements contractuels opérés par la société Orpi Rive de Seine depuis la date à laquelle ont été consentis les mandats de gestion locative,

- dire et juger la société Orpi Rive de Seine responsable des dommages qu'il a subis en raison de la mauvaise exécution des contrats de mandat,

- condamner la société Orpi Rive de Seine à l'indemniser à hauteur du montant des travaux de rénovation et remise en état à effectuer sur ses biens, soit la somme totale de 167 966,17 euros,

- condamner la société Orpi Rive de Seine à lui payer la somme de 158 560,69 euros (À parfaire au jour de l'arrêt) au titre des pertes locatives résultant de la vacance des biens situés [Adresse 6], [Adresse 2] et [Adresse 3] à [Localité 8],

- condamner la société Orpi Rive de Seine à payer à M. [J] la somme de 21 477,48 euros (à parfaire au jour de l'arrêt) au titre du préjudice financier subi par ce dernier du fait du refus de dégrèvement de la Direction Générale des Finances Publiques,

- dire que ces sommes ne sont pas prescrites,

- condamner la société Orpi Rive de Seine à lui payer la somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral subi,

En tout état de cause :

- débouter la société Orpi Rive de Seine de toutes ses demandes plus amples et contraires,

- condamner la société Orpi Rive de Seine à payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Marc Mandicas, avocat aux offres de droit en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, il fait valoir que :

- le mandataire est responsable de ses fautes de gestion sur le fondement des articles 1991 et suivants du code civil,

- alors que la société Orpi était contractuellement tenue d'accomplir les actes conservatoires, elle n'a pas remédié aux graves sinistres dont ont été affectés deux des biens immobiliers sis [Adresse 6] et [Adresse 2] en 2014 et en 2015 ;

- le bien sis [Adresse 6] a vu sa toiture dégradée à la suite d'un orage, et aucun devis cohérent ne lui a été transmis ; le bien a en outre subi un dégât des eaux, la société gestionnaire n'ayant pas pris les mesures de prévention nécessaires après le départ du locataire ; enfin le bien a été squatté et dégradé car laissé vacant en raison du manque de diligences d'Orpi ;

- le bien sis [Adresse 5] a subi des infiltrations pendant plusieurs années sans que la société Orpi entreprenne des démarches pour déterminer l'origine du sinistre et y mette un terme rapidement ;

- la société Orpi n'a pas assuré correctement la remise en location de trois biens (y compris le bien sis [Adresse 3]) causant ainsi la vacance locative des logements, de sorte qu'une indemnisation est due au titre des pertes locatives causées par ces manquements durant les cinq dernières années précédant l'assignation ;

- la société gestionnaire doit répondre des refus de dégrèvement de la taxe sur les logements vacants, non seulement parce que la vacance des biens relève de sa responsabilité, mais également parce qu'elle se devait, lorsque le dégrèvement était dû, d'effectuer les démarches à temps auprès de l'administration fiscale, suivant les termes du mandat ;

- la société gestionnaire a commis d'innombrables fautes : usurpation d'identité au moment de déclarer des sinistres, erreurs dans les déclarations, oubli de la mention du montant des loyers dans un contrat de bail, erreur de report des encaissements, confusions dans les comptes crédités au sujet de la régularisation des charges de copropriété, erreurs et incohérences dans les relevés de compte de gérance, erreurs sur la régularisation des charges, absence d'états des lieux ou états des lieux non conformes.

Par dernières écritures du 13 mars 2024, la société Orpi Rive de Seine prie la cour de :

-la recevoir en ses écritures et les déclarer bien fondées,

- confirmer le jugement du 9 septembre 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Versailles sauf en ce qu'il a écarté la prescription d'une partie des demandes de M. [J],

Statuant de nouveau sur ce point :

- déclarer irrecevables comme prescrites les demandes suivantes :

* indemnisation des pertes locatives de l'immeuble [Adresse 6] à compter du 5 juillet 2014 jusqu'aux présentes conclusions, soit 94 mois de vacance locative, pour la somme de 100 143,84 euros,

* indemnisation des pertes locatives de l'immeuble [Adresse 2] à compter du 19 avril

2015 jusqu'aux présentes conclusions, soit 85 mois de vacance locative, pour la somme de

52 921, 85 euros,

* indemnisation des pertes locatives de l'immeuble [Adresse 3] pour les sept mois de vacance en 2016 pour une somme de 5 495 euros,

* indemnisation des taxes sur les locaux vacants de 2011 à 2014 pour l'ensemble des biens

pour une somme de 14 000 euros,

Subsidiairement,

- débouter M. [J] de toutes ses demandes, fins et conclusions pour le surplus,

En tout état de cause,

- condamner M. [J] au paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [J] aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Me Lafon, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, elle fait valoir que :

- elle n'est tenue qu'à une obligation de moyens de sorte que sa faute de gestion doit être démontrée ;

- elle a tenté de gérer au mieux le bien sis [Adresse 6] mais s'est heurtée à des sinistres récurrents et au refus de M. [J] de procéder aux travaux réparatoires, ce qui n'a pas permis aux locataires qu'elle avait trouvés d'emménager ;

- outre qu'aucun manquement n'est démontré quant à la gestion du sinistre causé au bien sis [Adresse 2], il appartenait au locataire dans les lieux de déclarer le sinistre et au syndicat des copropriétaires de répondre des dommages qui trouvaient leur origine dans les parties communes;

- s'agissant du préjudice de pertes locatives - qui ne pourrait se mesurer qu'à l'aune d'une perte de chance -, outre que l'action est partiellement prescrite, il apparaît que l'obligation de trouver un locataire n'est pas une obligation de résultat ; en l'occurrence le logement sis [Adresse 3] est resté inoccupé durant 7 mois en 2016, ce qui n'apparaît pas disproportionné et découle en réalité de l'aléa qui existe dans toute location immobilière ;

- il n'existe pas de lien de causalité entre le préjudice dont se prévaut M. [J] qui tient à la rénovation totale de son bien ancien, à neuf, et les fautes de gestion alléguées ; la société gestionnaire ne peut être tenue responsable des préjudices causés par d'autres personnes (squatteurs), par des catastrophes naturelles (crue de la Seine de juin 2016) ou qui ont trait à des dépenses que tout propriétaire immobilier est normalement amené à financer ;

- s'agissant des griefs relatifs à la taxe sur les logements vacants, non seulement l'action de M. [J] est partiellement prescrite mais en outre il est mal fondé à en demander le remboursement dès lors qu'il ne justifie pas du montant de ces taxes, et que la vacance de l'immeuble [Adresse 6] est liée au refus de M. [J] de remettre le bien en état après le sinistre ;

- M. [J] ne rapporte pas la preuve des autres fautes de gestion alléguées, qui, de surcroît, ne lui ont causé aucun préjudice distinct.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

" Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

Aux termes de l'article 2224 du code civil " les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ".

L'article 2241 du code civil précise : " La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure. ".

Ce texte d'exception étant d'interprétation stricte, il y a lieu de considérer, au regard de l'interprétation que la Cour de cassation donne à ces dispositions (Civ. 2ème, Avis, 8 oct. 2015, no 14-17.952) que l'article 2241, alinéa 2, ne s'applique qu'aux deux hypothèses qu'il énumère, de sorte que la caducité de l'assignation, en l'occurrence celle délivrée le 28 décembre 2018 par M. [J], anéantit l'effet interruptif de la demande en justice, à défaut de placement de l'assignation dans les délais.

Ainsi, seules les demandes relatives aux faits que le demandeur connaissait ou aurait dû connaître moins de cinq ans avant l'assignation du 5 juillet 2019 sont recevables.

Or, pareille analyse n'est pas contestée par M. [J] qui formule des demandes tendant à être indemnisé, d'une part, de la perte de loyers causée par la vacance locative de trois biens durant des périodes postérieures au 5 juillet 2014, d'autre part, du refus de dégrèvement des taxes foncières qui lui a été opposé en 2017, s'agissant des taxes foncières acquittées sur deux biens vacants.

Il en résulte que les demandes formulées de ce chef sont recevables.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

" Sur la responsabilité de la société Orpi Rive de Seine

Aux termes de l'article 1991, alinéa 1er, du code civil " le mandataire est tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution. "

L'article 1992, alinéa 1er, du même code précise que " le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion ".

Selon l'interprétation que la Cour de cassation donne à cette disposition " Si le mandataire est, sauf cas fortuit, présumé en faute du seul fait de l'inexécution de son mandat, cette présomption ne saurait être étendue à l'hypothèse d'une mauvaise exécution de ce dernier " (Civ. 1ère, 18 janv. 1989, n° 87-16.530) ; dans ce dernier cas, la faute doit être prouvée.

Dès lors, il incombe au mandataire d'établir qu'il a rempli ses obligations ou de prouver qu'il en a été empêché par cas fortuit, à défaut de quoi sa responsabilité est engagée ; dans un second temps, si la mission a été remplie, il appartient au mandant qui prétend qu'elle a été mal exécutée d'établir la faute.

A cet égard, il y a lieu de tenir compte des obligations contenues dans le mandat, celles-ci s'imposant aux parties comme ayant force de loi, par application de l'article 1134 du code civil.

En l'espèce, il a été conclu pour chaque bien immobilier un " mandat général de gestion immobilière " rédigé dans les mêmes termes et stipulant : " Par le présent mandat, le mandataire a pour mission d'accomplir tous actes d'administration, notamment ceux décrits au verso au paragraphe "étendue des pouvoirs", ainsi que les prestations supplémentaires définies ci-après : 1 - Faire exécuter tous travaux dont l'importance nécessite devis et accord préalable écrit du mandant ".

Dans le paragraphe " étendue des pouvoirs ", sont ainsi énoncées les missions suivantes du mandataire :

" 1-Gérer les biens désignés au recto, les louer aux prix, charges, durée et conditions que la mandataire avisera, signer tous baux et locations, les renouveler, les résilier, procéder à la révision du loyer, donner et accepter tous congés, faire dresser tous états des lieux

['] 3 - Procéder à toutes les réparations de moindre coût ; pour les opérations plus onéreuses : réparations, reconstructions, changements de distribution, ' aviser le mandant et obtenir son accord avant de passer à cet effet les devis et marchés avec tous les architectes, entrepreneurs et artisans, en payer les mémoires ; EN CAS D'URGENCE, procéder aux opérations et en aviser tout de suite le mandant "

['] 6 - Acquitter toutes sommes qui pourront être dues par le mandant, notamment toutes impositions, faire toutes réclamations en dégrèvement, présenter à cet effet tous mémoires et pétitions

7 - Prendre toutes dispositions pour assurer la bonne marche et l'entretien des divers services de fonctionnement : eau, gaz, électricité, chauffage '"

- S'agissant des dégâts causés au bien sis [Adresse 6]

M. [J] reproche tout d'abord à la société Orpi sa mauvaise gestion du sinistre lié à l'orage de grêle qui a endommagé la toiture et le velux et a donné lieu à une déclaration de sinistre le 24 juin 2014. Il lui est reproché en particulier d'avoir soumis à l'assurance un devis inadapté ne couvrant pas l'étendue du coût réel des réparations.

Pour écarter la faute de la société gestionnaire sur ce point, le premier juge a considéré qu'il n'était pas démontré que la société Orpi disposait des compétences nécessaires pour déceler que le devis était insuffisant. La société Orpi a toutefois admis dans un courrier adressé à M. [J] le 29 septembre 2016, que ce devis avait été établi sans inspection préalable de la toiture. Aussi, s'il est certain que la société gestionnaire n'avait pas personnellement vocation à inspecter la toiture, elle aurait dû s'assurer, notamment au regard de sa mission consistant à faire réaliser des travaux réparatoires en urgence, que l'artisan sollicité pour un devis avait été mis en mesure d'évaluer les dommages dans toute leur étendue, étant observé qu'il n'appartenait pas au mandataire de l'assureur d'effectuer ce travail que la nature du sinistre rendait nécessaire.

S'agissant ensuite du second sinistre, déclaré le 13 mai 2015, causé par la fuite du robinet du WC, c'est en revanche selon de justes motifs que la cour adopte, que le tribunal a caractérisé le manquement de la société Orpi qui s'est abstenu de la mesure préventive élémentaire consistant à couper l'arrivée d'eau alors que le logement était vide de tout occupant. Outre que cette tâche lui incombait selon les termes du mandat, en ce qu'elle était tenue d' " assurer la bonne marche et l'entretien des divers services de fonctionnement ", il s'agissait d'une fuite décelable à l'occasion d'une visite de contrôle.

Enfin, concernant l'occupation illicite du bien au mois de juin 2017, M. [J] indique dans ses écritures avoir " mis en garde la société Orpi de ne pas faire entrer des locataires dans le logement avant la réparation de la toiture et la remise en état de l'intérieur ". Par ailleurs, il ressort du courrier que lui a adressé Orpi le 5 mars 2015 que celle-ci était dans l'attente de sa décision d'entreprendre des travaux de remise en état du bien, qu'un devis avait été établi et que l'agence avait même trouvé des locataires prêts à louer le bien une fois remis en état. Dans ces circonstances, l'occupation illicite du bien ne peut être relié ni à un défaut d'exécution du mandat ni à une mauvaise exécution de celui-ci.

- S'agissant des dégâts causés à l'appartement du [Adresse 2]

Il est constant que le bien a subi un dégât des eaux en raison d'infiltrations trouvant leur origine dans l'écoulement des eaux de pluie depuis les parties communes.

M. [J] reproche à la société Orpi d'avoir sollicité tardivement, le 19 janvier 2016, et seulement à sa demande, le syndic de copropriété, afin qu'il soit procédé à une recherche de fuites dans les parties communes. De fait, il ressort de différents états des lieux d'entrée et de sortie de locataires entre 2013 et 2014 (peinture écaillée, gonflement du stratifié) qu'à cette époque des dégradations causées par l'eau pouvaient déjà être constatées. En outre, dans son courrier du 7 février 2017, l'expert de l'assureur mentionne une déclaration de sinistre erronée, de par sa date, le 2 février 2016, alors que les dommages au sol étaient consignés dans l'état des lieux de sortie du dernier locataire, le 19 avril 2015.

Compte tenu de l'ancienneté des dégâts, l'agence gestionnaire, en charge de la location et de la relocation du bien, ne justifie pas des mesures prises pour remédier aux désordres dans un délai raisonnable, ce qui constitue un manquement à son obligation de diligence.

- S'agissant de la vacance locative des logements

M. [J] indique dans ses écritures que l'ampleur des sinistres affectant les biens situés [Adresse 6] et [Adresse 2], empêche leur remise en location depuis plusieurs années. Il en résulte que la vacance locative de ces deux biens ne peut être imputée à un défaut de diligence pour trouver un nouveau locataire, les biens en question n'étant manifestement pas louables en l'état. A cet égard, le bien situé [Adresse 6] aurait pu être loué à compter du 1er avril 2015 si M. [J] avait donné son aval à la remise en état des lieux ; la société gestionnaire justifie avoir accompli des diligences à cette fin.

En revanche, alors que le bien situé [Adresse 3] n'a manifestement subi aucun sinistre, la société gestionnaire ne s'explique pas sur la vacance du bien pendant 7 mois en 2016, et ne justifie pas, en l'occurrence, des diligences effectuées durant cette période pour assurer la location du bien, ce qui suffit à établir une faute de négligence dans l'exécution du mandat.

- Sur le refus de dégrèvement opposé par l'administration fiscale

Aux termes du mandat, la société gestionnaire avait pour mission d' " acquitter toutes sommes qui pourront être dues par le mandant, notamment toutes impositions, faire toutes réclamations en dégrèvement, présenter à cet effet tous mémoires et pétitions ".

Comme l'a relevé à raison le tribunal, le mandant étant seul destinataire des avis d'impôt, il lui appartenait de solliciter la société gestionnaire en temps utile, afin qu'elle accomplisse les démarches nécessaires pour obtenir les dégrèvements souhaités par M. [J].

En l'absence de sollicitation en ce sens, il ne peut être reproché à la société Orpi d'avoir manqué à ses obligations qui n'allaient pas jusqu'à solliciter spontanément, pour le compte de M. [J] et sans son accord, un avantage fiscal.

Néanmoins, ne serait-ce qu'au regard de son obligation de rendre compte de sa mission, la société Orpi aurait dû donner suite au courrier de M. [J] du 2 décembre 2016 dans lequel ce dernier faisait état de la nécessité de produire à l'administration des justificatifs lui permettant d'obtenir les dégrèvements. Il ressort en effet de la décision de refus de l'administration fiscale du 7 juillet 2017qu'il était attendu de M. [J] qu'il communique notamment des documents permettant d'apprécier les démarches réalisées pour relouer les biens, le dégrèvement n'étant dû qu'en cas de vacance indépendante de la volonté du contribuable.

Pour ces motifs, ajoutés à ceux du tribunal et que la cour adopte, l'absence de transmission des justificatifs par l'agence immobilière apparaît donc fautive.

- Sur les autres fautes de gestion alléguées

M. [J] évoque une " usurpation d'identité " lors de déclarations de sinistre et impute à la société gestionnaire la responsabilité de la rupture de ses relations contractuelles avec son assureur habitation.

Toutefois, ces affirmations ne sont pas étayées et ne constituent pas des fautes de nature à engager la responsabilité de la société gestionnaire, en l'absence de préjudice certain.

Il en va de même des multiples erreurs que la société gestionnaire aurait commises (oubli du montant du loyer dans un bail, erreur de date dans ses déclarations de sinistre, anomalies dans les comptes) en ce que celles-ci n'apparaissent pas avoir été à l'origine d'un préjudice indemnisable.

" Sur les préjudices

Il est rappelé que conformément aux règles du droit de la responsabilité civile, seuls sont indemnisables les préjudices certains en lien direct avec les fautes commises.

- sur les travaux de remise en état

M. [J] réclame 149 630, 82 euros au titre des travaux à réaliser sur le pavillon du [Adresse 6], cette somme correspondant au montant d'un devis de rénovation complète du bien. Or, aucune pièce produite ne permet d'établir que les dégâts causés par les fuites d'eau sont d'une ampleur telle qu'ils nécessitent la rénovation complète du bien. Il apparaît en revanche que le bien a été partiellement dégradé par des squatteurs et qu'il a été inondé en juin 2016, à la suite d'une crue de la Seine.

En outre, M. [J] ne justifie pas du montant perçu de son assureur concernant le sinistre lié à l'orage de grêle. Or, il est produit un rapport d'expertise (pièce 45 du dossier de l'appelant) dont M. [J] précise qu'il " prend en compte la réparation de la toiture ". Sur ce rapport figure notamment la mention d'une indemnité immédiate de 5 864, 57 euros, soit une somme supérieure au devis remis par la société Orpi (1 675, 30 euros), de sorte qu'il n'est pas démontré l'existence d'un préjudice matériel découlant de la faute commise par la société gestionnaire s'agissant de la déclaration de ce sinistre.

En ce qui concerne la fuite au niveau du robinet d'eau du WC, le dégât des eaux a été évalué à 20 239, 45 euros par l'expert de l'assurance, celui-ci indiquant : " le risque est donné en gestion auprès de l'agence Orpi qui n'a pas observé les mesures de prévention ['] Nous laissons le soin à la compagnie d'appliquer un abattement de 30 % mentionné dans les conditions générales ". De fait, M. [J] indique avoir perçu la somme de 17 159, 61 euros, ce qui représente une différence de 3 079, 84 euros. Or, ce préjudice, qui consiste en un reste à charge, est directement lié à la faute de la société Orpi ayant consisté à ne pas couper l'eau après le départ du locataire.

La société Orpi sera donc condamnée à payer à M. [J] la somme de 3 079, 84 euros en réparation de son préjudice matériel concernant le bien situé [Adresse 6].

M. [J] réclame ensuite la somme de 18 335, 35 euros au titre des travaux à réaliser sur le bien situé [Adresse 2]. Pour ce faire il verse aux débats un devis établi par la société AV Concept le 3 février 2018.

Toutefois, ces dégâts ont vocation à être pris en charge par l'assureur de la copropriété à qui le sinistre a été déclaré et M. [J] ne justifie d'aucun reste à charge qui pourrait être imputé aux négligences de la société gestionnaire.

L'appelant, qui ne rapporte pas la preuve de la réalité de son préjudice, doit donc être débouté de sa demande.

- Sur les pertes locatives

Il ressort des développements précédents que la société Orpi a manqué de diligence dans la gestion locative du bien situé [Adresse 3], alors que l'état du logement ne faisait pas obstacle à l'exécution de sa mission.

Elle doit être tenue directement responsable d'un préjudice de perte de chance de louer le bien pendant sept mois et de percevoir les fruits de cette location. Compte tenu des circonstances, et de l'aléa inhérent au marché de la location, à juste titre relevé par le premier juge, il sera retenu une perte de chance de 70 % sur l'assiette de 5 495 euros (785 x 7), le montant du loyer de 785 euros n'étant pas contesté.

La société Orpi sera condamnée en conséquence à régler la somme de 3 846, 50 euros.

- sur le refus de dégrèvement fiscal

L'appelant demande le remboursement des taxes foncières versées entre 2015 et 2021 s'agissant des biens sis [Adresse 6] et [Adresse 2], pour un montant total de 21 477, 58 euros.

Il ressort de la décision de refus de l'administration fiscale en date du 7 juillet 2017 que la demande de dégrèvement au titre de l'année 2015 a été présentée trop tardivement par M. [J] qui ne pouvait prétendre à aucun dégrèvement en raison de l'expiration du délai de contestation, quand bien même il aurait été muni des justificatifs attendus.

En outre, à partir de 2017, le refus de dégrèvement, qui n'est au demeurant pas établi, ne peut être imputé aux manquements de la société Orpi dès lors que M. [J] a déchargé celle-ci de la gestion des biens le 4 août 2017.

Concernant la taxe foncière de l'année 2016, l'administration fiscale relève que le local rue Trousseline est vacant depuis mars 2014, que M. [J] n'a pas réalisé les travaux à la suite du litige l'opposant à son gestionnaire de bien et son assureur, que ces faits ne constituent pas une impossibilité de remettre le bien en état et qu'en conséquence la vacance de l'immeuble ne peut être considérée comme indépendante de la volonté du propriétaire.

En revanche, s'agissant du bien situé [Adresse 2], l'administration fiscale indique seulement qu'aucun document ne permet d'apprécier que toutes les démarches ont été réalisées pour relouer le bien. Or, il ressort des circonstances de la cause, que la société Orpi était en mesure de communiquer des justificatifs de nature à établir avec quelque vraisemblance que la vacance du bien était indépendante de la volonté de M. [J], notamment en raison du sinistre dégâts des eaux.

Au regard de la nature incertaine d'une demande de dégrèvement, il est donc établi à tout le moins une perte de chance d'obtenir un dégrèvement, directement imputable aux manquements de la société Orpi, et qui sera évaluée, compte tenu des circonstances de la cause à 80 %.

La société Orpi sera condamnée de ce chef à régler à M. [J] la somme de 536 euros (80 % de 640 euros correspondant à la taxe foncière 2016).

- sur le préjudice moral

Les manquements commis par la société Orpi dans le cadre de ses missions ont occasionné divers désagréments à M. [J], qui sera justement indemnisé de son préjudice moral au titre de la perte de temps et des tracas causés, à hauteur de 3 000 euros.

" Sur les frais irrépétibles et les dépens

Succombant, la société Orpi supportera les dépens de première instance et d'appel avec recouvrement direct en application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande en outre de condamner la société Orpi à indemniser M. [J] de ses frais non compris dans les dépens, à hauteur de 6 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare les demandes de M. [H] [J] recevables,

Condamne la société Orpi Rive de Seine à payer à M. [H] [J] la somme de 10 462, 34 euros en réparation de son préjudice,

Condamne la société Orpi Rive de Seine à payer à M. [H] [J] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Orpi Rive de Seine aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Me Mandicas.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame F. PERRET, Président et par Madame K. FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-3
Numéro d'arrêt : 21/05944
Date de la décision : 20/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-20;21.05944 ?
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