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18/06/2024 | FRANCE | N°22/05019

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-1, 18 juin 2024, 22/05019


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Chambre civile 1-1







ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE

Code nac : 28A





DU 18 JUIN 2024





N° RG 22/05019

N° Portalis DBV3-V-B7G-VLDW





AFFAIRE :



[V], [C] [J]

C/

[I], [R] [J]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Mai 2022 par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 20/08631


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Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-la SELEURL MINAULT TERIITEHAU,



-Me Stéphanie SINGER







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a r...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Chambre civile 1-1

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 28A

DU 18 JUIN 2024

N° RG 22/05019

N° Portalis DBV3-V-B7G-VLDW

AFFAIRE :

[V], [C] [J]

C/

[I], [R] [J]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Mai 2022 par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 20/08631

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-la SELEURL MINAULT TERIITEHAU,

-Me Stéphanie SINGER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dont le délibéré a été prorogé le 14 mai 2024, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Madame [V], [C] [J]

née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 13]

de nationalité Française

[Adresse 25]

[Localité 16]

représentée par Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20220323

Me Victoire GUILLUY substituant Me Mathilde CAUSSADE, avocat - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 168

APPELANTE

****************

Monsieur [I], [R] [J]

né le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 9]

représenté par Me Stéphanie SINGER, avocat barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : NAN 709 - N° du dossier 169215

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 Février 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sixtine DU CREST, Conseiller chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

FAITS ET PROCÉDURE

[S] [Y] veuve [J] [O] est décédée le [Date décès 3] 2016, à l'âge de quatre-vingt-deux ans, à [Localité 14] au Cameroun où elle passait des vacances, en laissant pour lui succéder, suivant l'acte de notoriété reçu le 12 mai 2016 par M. [B] [U], notaire à [Localité 9], ses trois enfants, [I], [V] et [G], nés de son union avec [X] [J] [O], son conjoint prédécédé.

Par déclaration au greffe du tribunal de grande instance de Nanterre reçue le 26 août 2016, Mme [G] [J] a renoncé purement et simplement à la succession de sa mère.

Par déclaration au greffe du même tribunal reçue le 5 janvier 2017, sa fille unique, Mme [A] [H], a également renoncé à la succession de la défunte.

Ainsi, la succession de [S] [Y] est entièrement dévolue à ses deux autres enfants, M. [I] [J] et Mme [V] [J].

Il dépend notamment de la succession de la défunte un bien immobilier sis [Adresse 25], à [Localité 16] (Essonne).

Par acte d'huissier de justice du 2 novembre 2017, M. [I] [J] a fait assigner sa s'ur, Mme [V] [J], devant le juge aux affaires familiales de Nanterre en partage judiciaire de la succession de leur mère.

Par jugement du 4 juillet 2019, le juge aux affaires familiales de Nanterre a :

ordonné la réouverture des débats,

ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture,

dit qu'il appartenait aux parties de conclure quant à :

la compétence matérielle de la juridiction saisie au vu de l'assignation délivrée à Mme [V] [J] devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nanterre,

la dernière résidence habituelle de la défunte aux fins, le cas échéant, de désignation de la juridiction matériellement et territorialement compétente pour connaître de la demande en partage judiciaire de la succession de [S] [Y],

renvoyé, à cette fin, l'affaire à la mise en état et sursis à statuer sur les demandes des parties.

Par ordonnance du 17 novembre 2020, le juge de la mise en état a :

dit que le juge aux affaires familiales de Nanterre n'était pas compétent pour connaître de l'affaire,

renvoyé l'examen de l'affaire au tribunal judiciaire de Nanterre (troisième section du pôle famille).

Par un jugement rendu le 12 mai 2022, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

Ordonné l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de [S] [Y],

Désigné, pour y procéder, Me [F] [N], notaire à [Localité 21], lequel pourra requérir de toutes administrations et de toutes personnes privées (notamment la [11]) qu'elles lui communiquent toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,

Commis tout juge de la troisième section du pôle famille du tribunal judiciaire de Nanterre pour surveiller les opérations et faire rapport en cas de difficulté,

Dit qu'en cas d'empêchement du notaire et du juge commis, il sera pourvu a leur remplacement par ordonnance présidentielle rendue à la requête de la partie la plus diligente,

Dit que, conformément aux dispositions de l'article 1368 du code de procédure civile, le notaire, agissant dans le respect des règles du contradictoire, devra procéder dans les meilleurs délais et rendre compte, en toute hypothèse dans un délai maximum de un an à compter de sa désignation du déroulement de sa mission au juge commis :

soit en adressant une copie simple de l'état liquidatif dûment accepté et établissant les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir,

soit en adressant un procès-verbal de difficultés circonstancié, accompagné d'un projet d'état liquidatif,

Dit que le notaire désigné devra saisir dans les meilleurs délais le juge commis à tout moment de toutes difficultés faisant obstacle à sa mission,

Dit que les parties ou leur conseil pourront saisir directement le juge commis en cas de retard, de manque de diligence ou de difficulté particulière dans le déroulement des opérations,

Ordonné la vente sur licitation aux enchères publiques à la barre du tribunal judiciaire de Nanterre, en un seul lot, sur le cahier des conditions de vente qui sera préalablement dressé et déposé au greffe par Me Stéphanie Singer, avocat, de la maison située [Adresse 25]

[Adresse 25] à [Localité 16] (Essonne) et cadastrée section AL n°[Cadastre 8], sur une mise à prix de 250 000 euros, réductible d'un quart à défaut d'enchère, après accomplissement des formalités légales de publicité prévues par l'article R.322-31 du code des procédures civiles d'exécution,

Dit que les personnes étrangères au partage seront admises à enchérir,

Autorisé tout copartageant intéressé à faire visiter par l'huissier de son choix le bien à vendre aux fins de rédaction d'un procès-verbal descriptif comprenant les informations prévues à l'article R.322-2 du code des procédures civiles d'exécution et de réalisation de tout diagnostic obligatoire,

Autorisé tout copartageant intéressé à faire procéder par l'huissier de son choix à la visite du bien à vendre dans les jours précédant la vente,

Dit que l'huissier pourra pénétrer dans lesdits biens avec l'assistance, si nécessaire, d'un serrurier et de la force publique ou de deux témoins à condition d'avertir à chaque fois de sa venue les occupants éventuels des lieux au moins sept jours à l'avance,

Dit que Mme [V] [J] est redevable envers l'indivision successorale d'une indemnité mensuelle d'occupation de la maison située [Adresse 25] à [Localité 16] (Essonne) de 1.280 euros, ce depuis le 29 janvier 2016 (lendemain du décès de [S] [Y]) et jusqu'au jour du partage ou de la libération anticipée des lieux,

Dit que Mme [V] [J] devra rapporter à la succession la donation indirecte dont elle a bénéficié de sa mère, ayant consisté en l'occupation gratuite de la maison située [Adresse 25] à [Localité 16] (Essonne) ce depuis le mois de janvier 2011 et jusqu'au jour du décès de [S] [Y], valorisée à la somme de 80 000 euros,

Rejeté la demande de Mme [V] [J] tendant à voir dire qu'elle est créancière de la somme de 118 600 euros sur la succession de sa mère,

Condamné Mme [V] [J] à verser à M. [I] [J] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejeté toutes autres demandes des parties,

Ordonné l'exécution provisoire,

Ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage, sans distraction,

Renvoyé l'affaire à l'audience du juge commis du 16 juin 2022 à 9 heures 30 pour retrait du rôle jusqu'à l'établissement de l'acte de partage ou du procès-verbal des dires, sauf observations contraires des parties adressées au juge commis par voie électronique avant le 14 juin 2022 à 12 heures,

Dit qu'en cas de retrait, l'affaire pourra être rappelée à tout moment à l'audience du juge commis à la diligence de ce dernier, du notaire désigné, des parties ou de leurs conseils ;

Dit que le présent jugement est placé au rang des minutes du greffe qui délivre toutes les expéditions nécessaires

Mme [J] a interjeté appel de ce jugement le 28 juillet 2022 à l'encontre de M. [J].

Par dernières conclusions notifiées le 23 janvier 2024, Mme [V] [J] demande à la cour de :

Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nanterre en date du 12 mai 2022 en ces chefs de jugement :

« ORDONNE la vente sur licitation aux enchères publiques à la barre du Tribunal Judiciaire de NANTERRE, en un seul lot, sur le cahier des conditions de vente qui sera préalablement dressé et déposé au Greffe par Maître Stéphanie SINGER, Avocat, de la maison située [Adresse 25] à [Localité 16] (ESSONNE) et cadastrée section AL n°[Cadastre 8], sur une mise à prix de 250.000 euros, réductible d'un quart à défaut d'enchère, après accomplissement des formalités légales de publicité prévues par l'article R 322-31 du Code des Procédures Civiles d'Exécution,

DIT que les personnes étrangères au partage seront admises à enchérir,

AUTORISE tout copartageant intéressé à faire visiter par l'huissier de son choix le bien à vendre aux fins de rédaction d'un procès-verbal descriptif comprenant les informations prévues à l'article R 322-2 du Code des Procédures Civiles d'Exécution et de réalisation de tout diagnostic obligatoire,

AUTORISE tout copartageant intéressé à faire procéder par l'huissier de son choix à la visite du bien à vendre dans les jours précédents la vente,

DIT que l'huissier pourra pénétrer dans lesdits biens avec l'assistance, si nécessaire, d'un serrurier et de la force publique ou de deux témoins, à condition d'avertir à chaque fois de sa venue les occupants éventuels des lieux au moins sept jours à l'avance,

DIT que Madame [V] [J] est redevable envers l'indivision successorale d'une indemnité mensuelle d'occupation de la maison située [Adresse 25] à [Localité 16] (ESSONNE) de 1.280 euros, ce depuis le 29 janvier 2016 (lendemain du décès de [S] [Y]) et jusqu'au jour du partage ou de la libération anticipée des lieux,

DIT que Madame [V] [J] devra rapporter à la succession la donation indirecte dont elle a bénéficié de sa mère ayant consisté en l'occupation gratuite de la maison située [Adresse 25] à [Localité 16] (ESSONNE), ce depuis le mois de janvier 2011 jusqu'au jour du décès de [S] [Y], valorisée à la somme de 80.000 euros,

REJETTE la demande de Madame [V] [J] de rapport à la succession de la somme de 118.600 euros dirigée contre son frère Monsieur [I] [J], REJETTE la demande de Madame [V] [J] tendant à voir dire qu'elle est créancière de la somme de 118.600 euros sur la succession de sa mère et à voir ordonner à son profit son paiement,

CONDAMNE Madame [V] [J] à verser à Monsieur [I] [J] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC,

REJETTE les demandes de Madame [V] [J] tendant à voir :

- dire que les demandes pécuniaires de son frère sont prescrites,

- dire que le Notaire désigné devra interroger la [11] pour connaître le devenir des valeurs ayant appartenu à sa mère par donation-partage du 10 mai 1993 et qui ont fait l'objet d'une convention d'emploi du prix de vente en date du 22 septembre 1998, et solliciter l'ensemble des relevés de comptes utiles - dire que le Notaire désigné procèdera, à sa demande, à toute autre recherche bancaire utile, à la vérification du devenir des fonds ayant appartenu à la défunte auprès de tous établissement bancaire concerné, afin d'obtenir la copie des relevés de comptes,

- condamner son frère à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens et plus généralement de toutes dispositions non visées au dispositif et faisant grief à l'appelant selon les moyens qui seront développés dans les conclusions ».

Débouter M. [I] [J] de l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et conclusions,

Rejeter la demande de licitation du bien immobilier sis [Adresse 25] à [Localité 16],

Débouter M. [I] [J] de ses demandes aux fins de condamnation de Mme [V] [J] au titre d'une indemnité d'occupation due postérieurement au décès,

Subsidiairement,

Ramener le montant de l'indemnité d'occupation mensuelle à de plus justes proportions en tenant compte de l'état réel du bien immobilier,

Débouter M. [J] de sa demande de rapport de 80 000 euros au titre de l'occupation du bien immobilier avant le décès de la de cujus à l'encontre de Mme [V] [J] et de toute autre demande pécuniaire à son endroit,

Condamner M. [I] [J] au rapport à la succession la somme de 118 600 euros,

Subsidiairement,

Dire et juger que Mme [V] [J] est créancière de la succession à hauteur de la somme de 118 600 euros, et Condamner la succession à son profit le paiement de cette somme,

Ordonner, en tant que de besoin, que le Notaire désigné devra interroger la [11] pour connaître le devenir des valeurs ayant appartenu à Mme [V] [J] par donation -partage en date du 10 mai 1993 et qui ont fait l'objet d'une convention d'emploi du prix de vente en date du 22 septembre 1998, et solliciter l'ensemble des relevés de compte utiles,

Ordonner que le notaire désigné procèdera à toute autre recherche bancaire utile à la vérification du devenir des fonds ayant appartenu à la défunte auprès de tout établissement bancaire concerné, afin notamment d'obtenir copie des relevés de compte,

Condamner M. [I] [J] au paiement de la somme de 5000 euros au profit de Mme [V] [J] en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Le Condamner aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 21 janvier 2024, M. [I] [J] demande à la cour de :

Vu l'article 815 du code civil,

Vu l'article 1360 du code de procédure civile,

Débouter Mme [V] [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Confirmer le jugement du 12 mai 2022 en ce qu'il a :

Ordonné la vente sur licitation aux enchères publiques à la barre du tribunal judiciaire de Nanterre, en un seul lot, sur le cahier des conditions de vente qui sera préalablement dressé et déposé au Greffe par Me Stéphanie Singer, Avocat, de la maison située [Adresse 25] à [Localité 16] (Essonne) et cadastrée section AL n°[Cadastre 5], sur une mise à prix de 250 000 euros, réductible d'un quart à défaut d'enchère, après accomplissement des formalités légales de publicité prévues par l'article R 322-31 du code des procédures civiles d'exécution,

Dit que les personnes étrangères au partage seront admises à enchérir,

Autorisé tout copartageant intéressé à faire visiter par l'huissier de son choix le bien à vendre aux fins de rédaction d'un procès-verbal descriptif comprenant les informations prévues à l'article R 322-2 du code des procédures civiles d'exécution et de réalisation de tout diagnostic obligatoire,

Autorisé tout copartageant intéressé à faire procéder par l'huissier de son choix à la visite du bien à vendre dans les jours précédents la vente,

Dit que l'huissier pourra pénétrer dans lesdits biens avec l'assistance, si nécessaire, d'un serrurier et de la force publique ou de deux témoins, à condition d'avertir à chaque fois de sa venue les occupants éventuels des lieux au moins sept jours à l'avance,

Rejeté la demande de Mme [V] [J] tendant à voir dire qu'elle est créancière de la somme de 118 600 euros sur la succession de sa mère et à voir ordonner à son profit son paiement,

Condamné Mme [V] [J] à verser à M. [I] [J] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC,

Rejeté les demandes de Mme [V] [J] tendant à voir :

Dire que les demandes pécuniaires de son frère sont prescrites,

Dire que le notaire désigné devra interroger la [11] pour connaître le devenir des valeurs ayant appartenu à sa mère par donation-partage du 10 mai 1993 et qui ont fait l'objet d'une convention d'emploi du prix de vente en date du 22 septembre 1998, et solliciter l'ensemble des relevés de comptes utiles

Dire que le notaire désigné procèdera, à sa demande, à toute autre recherche bancaire utile, à la vérification du devenir des fonds ayant appartenu à la défunte auprès de tous établissements bancaires concernés, afin d'obtenir la copie des relevés de compte

Condamner son frère à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens

Réformer le jugement du 12 mai 2019 en ce qu'il a :

Fixé à la somme de 1280 euros par mois le montant de l'indemnité mensuelle dont est redevable Mme [V] [J] est redevable envers l'indivision successorale au titre de l'occupation de la maison située [Adresse 25] à [Localité 16] (Essonne), ce depuis le 29 janvier 2016 (lendemain du décès de [S] [Y]) et jusqu'au jour du partage ou de la libération anticipée des lieux,

Valorisé à la somme de 80 000 euros le montant de la donation indirecte que Mme [V] [J] devra rapporter à la succession la donation indirecte ayant consisté en l'occupation gratuite de la maison située [Adresse 25] à [Localité 16] (Essonne), ce depuis le mois de janvier 2011 jusqu'au jour du décès de [S] [Y], valorisée à la somme de 80 000 euros,

En conséquence,

Ordonner l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de [S] [Y],

Désigner pour y procéder Me [F] [N], notaire à [Localité 21], lequel pourra requérir de toutes administrations et de toutes personnes privées (notamment la [11]) qu'elles lui communiquent toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,

Commettre tout juge de la 3 ème section du pôle famille du tribunal judiciaire de Nanterre pour surveiller les opérations et faire rapport en cas de difficulté,

Dire qu'en cas d'empêchement du notaire et du juge commis, il sera pourvu à leur remplacement par ordonnance présidentielle rendue à la requête de la partie la plus diligente,

Dire que, conformément aux dispositions de l'article 1368 du Code de procédure civile, le notaire, agissant dans le respect des règles du contradictoire, devra procéder dans les meilleurs délais et rendre compte, en toute hypothèse dans un délai maximum d'un an à compter de sa désignation, du déroulement de sa mission au juge commis :

Soit en adressant une copie simple de l'état liquidatif dûment accepté et établissant les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir,

Soit en adressant un procès-verbal de difficultés circonstancié, accompagné d'un projet d'état liquidatif,

Dire que le notaire désigné devra saisir dans les meilleurs délais le juge commis à tout moment de toutes difficultés faisant obstacle à sa mission,

Dire que les parties ou leur conseil pourront saisir directement le juge commis en cas de retard, de manque de diligences ou de difficulté particulière dans le déroulement des opérations,

Ordonner la vente sur licitation aux enchères publiques à la barre du tribunal judiciaire de Nanterre, en un seul lot, sur le cahier des charges et conditions de vente dressé et déposé par Me Stéphanie Singer, avocat, du bien immobilier sis à [Adresse 25], cadastré section AL n° [Cadastre 8], sur une mise à prix de 250 000 euros, réductible d'un quart à défaut d'enchère, après l'accomplissement des formalités légales de publicité prévues par l'article R.322-31 du code des procédures civiles d'exécution,

Dire que les personnes étrangères au partage seront admises à enchérir,

Autoriser tout copartageant intéressé à faire visiter par l'huissier de son choix le bien à vendre aux fins de rédaction d'un PV descriptif comprenant les informations prévues à l'article R 322-2 du code des procédures civiles d'exécution et de réalisation de tout diagnostic obligatoire,

Autoriser tout copartageant intéressé à faire procéder par l'huissier de son choix à la visite du bien à vendre dans les jours précédant la vente,

Dire que l'huissier pourra pénétrer dans lesdits biens avec l'assistance, si nécessaire, d'un serrurier, de la force publique ou de deux témoins, à condition d'avertir à chaque fois de sa venue les occupants éventuels des lieux au moins sept jours à l'avance,

Dire que Mme [V] [J] est redevable envers l'indivision successorale d'une indemnité mensuelle d'occupation de la maison située à [Adresse 25], de 1 180 euros, ce depuis le 29 janvier 2016 (lendemain du décès de Mme [S] [Y]) et jusqu'au jour du partage ou de la libération anticipée des lieux,

Valoriser à la somme 70 600 euros le montant de la donation indirecte dont Mme [V] [J] a bénéficié de sa mère consistant en l'occupation gratuite de la maison située [Adresse 25] à [Localité 16] (Essonne), ce depuis le mois de janvier 2011 jusqu'au jour du décès de [S] [Y],

Rejeter la demande de Mme [V] [J] de rapport à la succession de la somme de 118 600 euros sur la succession de sa mère,

Rejeter la demande subsidiaire de Mme [V] [J] de créance à son profit de la somme de 118 600 euros sur la succession de sa mère,

Condamner Mme [V] [J] à verser à M. [I] [J] de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure Civile en première instance,

Rejeter toutes autres demandes des parties,

Ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage, sans distraction,

Y ajoutant,

Condamner Mme [V] [J] à verser à M. [I] [J] de la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure Civile en cause d'appel,

Condamner Mme [V] [J] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Stéphanie Singer conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 25 janvier 2024.

SUR CE, LA COUR,

Sur les limites de l'appel et à titre liminaire

La cour constate que M. [J] lui demande, au dispositif de ses écritures, de :

« Ordonner l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de [S] [Y],

Désigner pour y procéder Me [F] [N], notaire à [Localité 21], lequel pourra requérir de toutes administrations et de toutes personnes privées (notamment la [11]) qu'elles lui communiquent toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,

Commettre tout juge de la 3 ème section du pôle famille du tribunal judiciaire de Nanterre pour surveiller les opérations et faire rapport en cas de difficulté,

Dire qu'en cas d'empêchement du notaire et du juge commis, il sera pourvu à leur remplacement par ordonnance présidentielle rendue à la requête de la partie la plus diligente,

Dire que, conformément aux dispositions de l'article 1368 du Code de procédure civile, le notaire, agissant dans le respect des règles du contradictoire, devra procéder dans les meilleurs délais et rendre compte, en toute hypothèse dans un délai maximum d'un an à compter de sa désignation, du déroulement de sa mission au juge commis :

Soit en adressant une copie simple de l'état liquidatif dûment accepté et établissant les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir,

Soit en adressant un procès-verbal de difficultés circonstancié, accompagné d'un projet d'état liquidatif,

Dire que le notaire désigné devra saisir dans les meilleurs délais le juge commis à tout moment de toutes difficultés faisant obstacle à sa mission,

Dire que les parties ou leur conseil pourront saisir directement le juge commis en cas de retard, de manque de diligences ou de difficulté particulière dans le déroulement des opérations,

Ordonner la vente sur licitation aux enchères publiques à la barre du tribunal judiciaire de Nanterre, en un seul lot, sur le cahier des charges et conditions de vente dressé et déposé par Me Stéphanie Singer, avocat, du bien immobilier sis à [Adresse 25], cadastré section AL n° [Cadastre 8], sur une mise à prix de 250 000 euros, réductible d'un quart à défaut d'enchère, après l'accomplissement des formalités légales de publicité prévues par l'article R.322-31 du code des procédures civiles d'exécution,

Dire que les personnes étrangères au partage seront admises à enchérir,

Autoriser tout copartageant intéressé à faire visiter par l'huissier de son choix le bien à vendre aux fins de rédaction d'un PV descriptif comprenant les informations prévues à l'article R 322-2 du code des procédures civiles d'exécution et de réalisation de tout diagnostic obligatoire,

Autoriser tout copartageant intéressé à faire procéder par l'huissier de son choix à la visite du bien à vendre dans les jours précédant la vente,

Dire que l'huissier pourra pénétrer dans lesdits biens avec l'assistance, si nécessaire, d'un serrurier, de la force publique ou de deux témoins, à condition d'avertir à chaque fois de sa venue les occupants éventuels des lieux au moins sept jours à l'avance ».

Ces demandes correspondent à des chefs de dispositif dont il demande la confirmation et qui ne sont pas contestés par Mme [J].

Il s'ensuit que la cour ne pourra que les confirmer.

Dès lors, il résulte des écritures susvisées que le jugement est querellé en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a ordonné les opérations de compte, liquidation et partage de [S] [Y], désigné un juge et un notaire commis.

La cour est donc saisie :

De la demande de licitation du bien immobilier sis à [Localité 16] ;

De la demande de versement à la succession d'une indemnité d'occupation formée par M. [J] ;

De la demande de rapport à la succession formée par M. [J] ;

De la demande de rapport à la succession formée par Mme [J] (118 600 euros).

Sur la licitation du bien immobilier

Le jugement a ordonné la licitation du bien aux motifs que Mme [V] [J] n'apportait la preuve d'aucune démarche de vente depuis 2016, alors qu'elle disait être d'accord avec une vente amiable. Il a retenu une mise à prix à hauteur de 250 000 euros en s'appuyant sur une estimation de l'agence [12] de [Localité 20] du 18 mars 2016 produite par M. [J].

Moyens des parties

Poursuivant l'infirmation du jugement en ce qu'il a ordonné la licitation du bien sis à [Localité 16], Mme [J] sollicite, au fondement de l'article 1686 du code civil, le rejet de cette demande aux motifs qu'une vente à l'amiable serait plus avantageuse et qu'il importe au préalable de connaître les droits de chaque héritier dans la succession.

M. [J] réplique que depuis 2016, Mme [J] n'a jamais produit une pièce traduisant sa volonté de vendre ou une démarche en vue de vendre. Il soutient qu'elle souhaite en réalité se maintenir dans les lieux avec son compagnon et ses enfants. Il sollicite donc la confirmation de la vente par licitation.

Appréciation de la cour

Selon l'article 1686 du code civil, si une chose commune à plusieurs ne peut être partagée commodément et sans perte ; ou si, dans un partage fait de gré à gré de biens communs, il s'en trouve quelques-uns qu'aucun des copartageants ne puisse ou ne veuille prendre, la vente s'en fait aux enchères, et le prix en est partagé entre les copropriétaires.

En l'espèce, en dépit des motifs très clairs du jugement de première instance, que la cour adopte, Mme [J] ne produit au débat une pièce traduisant sa volonté de procéder à une vente amiable. Elle ne verse pas un mandat de vente ou une pièce attestant de relations avec un potentiel acquéreur et ce, depuis 2016. Il s'ensuit que le consentement à une vente amiable dont elle se prévaut est dénué de toute crédibilité.

Il n'y a pas lieu de tenir compte des droits de chaque héritier dans la succession puisqu'en l'absence de testament, les règles de partage sont connues. De surcroît, le bien sis à [Localité 16] représente la quasi-totalité de l'actif de la succession.

Il s'ensuit que la cour confirmera le jugement en ce qu'il a ordonné la vente par licitation du bien.

Mme [J] produit une estimation du bien par l'agence [22] du 26 décembre 2022 entre 465 000 et 475 000 euros (pièce 15 de l'appelante).

M. [J] produit plusieurs estimations :

- de l'agence [12] le 18 mars 2016 entre 390 000 et 400 000 euros net vendeur (pièce 5) ;

- de l'agence [15] le 23 décembre 2022 entre 440 000 et 460 000 euros (pièce 27) ;

- de l'agence [24] le 29 décembre 2022 entre 440 000 et 460 000 euros (pièce 28) ;

- de l'agence [17] le 28 décembre 2022 entre 456 000 et 473 000 euros net vendeur (pièce 29) ;

- de l'agence [22] de [Localité 20] entre 465 000 et 475 000 euros (pièce 30).

Compte tenu de la nécessité de prévoir une mise à prix « attirante » de façon à faire monter les enchères, c'est à bon droit que les premiers juges ont fixé la mise à prix à 250 000 euros réductible d'un quart à défaut d'enchère. Le jugement sur ce point sera confirmé.

Sur l'indemnité d'occupation due par Mme [J] postérieurement au décès

Contestant les dénégations de Mme [J], le jugement retient que les pièces du dossier établissent qu'elle réside habituellement et privativement dans le bien immobilier depuis au moins le décès de sa mère. Se fondant sur l'estimation locative produite par M. [J] avec un abattement de 20%, le tribunal a fixé l'indemnité à 1280 euros par mois depuis le 29 janvier 2016 jusqu'au jour du partage ou de la libération anticipée des lieux.

Moyens des parties

Poursuivant l'infirmation du jugement en ce qu'il a mis à sa charge une indemnité d'occupation entre le 1er janvier 2011 et le jour du partage ou de la libération des lieux, Mme [J] demande à la cour, au fondement de l'article 815-9 du code civil, de rejeter cette demande et, subsidiairement, de la ramener à de plus justes proportions. Elle déclare ne pas être opposée au principe d'une indemnité d'occupation. Elle considère qu'il y a lieu de tenir compte de l'état de vétusté et, tenant compte de l'estimation de l'agence [22] et d'un abattement de 30%, elle fait valoir que son montant ne saurait excéder la somme de 700 euros par mois.

Poursuivant la confirmation du jugement sur le principe de l'indemnité d'occupation et son infirmation sur le quantum, M. [J] demande, au fondement de l'article 815-9 du code civil, la condamnation de Mme [J] à verser une indemnité d'occupation à hauteur de 1180 euros mensuels à compter du 29 janvier 2016 et jusqu'à libération des lieux ou partage. Il explique n'avoir pu entrer dans les lieux que récemment pour faire procéder à des estimations et adapter ses demandes en retenant la moyenne des quatre estimations qu'il produit avec un abattement de 20%.

Par ailleurs, il fait valoir qu'il n'y a pas lieu de tenir compte de l'état de vétusté et considère, en tout état de cause, qu'il appartenait à Mme [J], qui vit dans les lieux depuis 2009, d'effectuer les travaux d'entretien nécessaires.

Appréciation de la cour

L'article 815-9 du code civil dispose que chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. A défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.

L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.

L'occupation privative du bien sis à [Localité 16] par Mme [J] depuis le 29 janvier 2016 n'est pas contestée. Ainsi que l'ont à juste titre constaté les premiers juges, le conseil de Mme [J] a accepté le principe d'une indemnité d'occupation par courrier du 12 juillet 2017 (pièce 14 de l'intimé), acceptation corroborée dans ses écritures à hauteur d'appel.

Le moyen tiré de l'état de vétusté du bien doit être rejeté puisque l'indemnité est due quelle que soit la valeur du bien objet de la jouissance privative par un des indivisaires (1e Civ., 3 octobre 2019, n°18-20.430 ; 1ère Civ., 17 octobre 2018, n°17-22.282).

Au surplus, l'état de vétusté allégué par Mme [J] n'est pas démontré. Mme [J] produit deux courriels d'agents immobiliers (pièces 13 et 14) qui font état de la nécessité d'une « remise aux normes » (pièces 13 et 14), des photographies d'un plafond, d'un bac de douche et de ce qui semble être la porte d'entrée et le lieu où sont entreposés les poubelles (pièce 16). Ces éléments établissent que certains endroits de la maison sont en très mauvais état, mais ne sont pas de nature à établir un état de vétusté. De surcroît, Mme [J] occupe le bien, selon elle, depuis le 1er janvier 2012, soit depuis plus de douze ans, de sorte qu'il ne peut être exclu que le mauvais état de certaines pièces résulte de sa propre occupation. A supposer que cet état de vétusté doive entrer en compte dans l'appréciation de l'indemnité d'occupation, ce qui n'est pas le cas, elle serait par conséquent mal-fondée à l'invoquer.

Mme [J] produit un courriel d'estimation de la valeur locative mensuelle par l'agence [24] en janvier 2023 à hauteur de 1600 euros « si la maison faisait l'objet d'une remise aux normes » (pièce 13 de l'appelante) et un courriel de l'agence [17] du 28 décembre 2022 estimant la valeur locative mensuelle à 1600 euros sous réserve de travaux d'amélioration (pièce 14 de l'appelante).

M. [J] produit plusieurs estimations :

- de l'agence [12] le 18 mars 2016 à 1600 euros mensuels hors charge (pièce 5) ;

- de l'agence [15] le 17 janvier 2023 entre 1600 et 1700 euros (pièce 27) ;

- de l'agence [24] le 11 janvier 2023 à 1600/1700 euros si la maison était en état d'usage propre à la location avec des diagnostics cohérents (pièce 28) ;

- de l'agence [17] le 28 décembre 2022 à 1600 euros mensuels sous réserve de travaux d'amélioration (pièce 29) ;

- de l'agence [22] de [Localité 20] à 1000 euros par mois (pièce 30).

Il résulte de ces estimations une valeur locative mensuelle moyenne de 1300 euros à laquelle il convient d'appliquer un abattement lié à la précarité de l'occupation de 20%. Mme [J] ne justifie pas l'abattement de 30% qu'elle demande à la cour d'appliquer.

Il s'ensuit que le jugement sera infirmé et Mme [J] sera condamnée à verser à la succession une indemnité d'occupation de 1040 euros par mois entre le 29 janvier 2016 et jusqu'au jour du partage ou de la libération anticipée des lieux.

Sur la demande de rapport à la succession formée par M. [J]

Au fondement de l'article 843 du code civil, le jugement a ordonné à Mme [J] de rapporter à la succession la somme de 80 000 euros, la donation indirecte consistant en l'occupation gratuite du bien sis à [Localité 16] depuis 2010 et jusqu'au décès de [S] [Y].

Se fondant sur la jurisprudence, il a estimé que le rapport étant une opération de partage, il ne pouvait se prescrire avant la clôture des opérations.

Il a déduit des attestations produites aux débats l'existence d'une occupation depuis 2010.

Il a caractérisé l'appauvrissement et l'intention libérale aux motifs que :

Mme [J] ne démontrait pas avoir entretenu le bien, à supposer que cet entretien soit la contrepartie de son occupation ;

Elle ne démontrait pas que cette occupation répondait à l'obligation alimentaire incombant à sa mère ;

[S] [Y] demeurant ailleurs dans les Hauts-de-Seine ;

L'intention libérale se déduit de la durée prolongée de l'occupation sachant que [S] [Y] avait acquis le bien en février 2009.

Il a chiffré le montant du rapport en se fondant sur l'estimation de la valeur locative produite par M. [J] en y apportant un correctif compte tenu de l'augmentation des loyers entre 2011 et 2016.

Moyens des parties

Poursuivant l'infirmation du jugement en ce qu'il lui a ordonné de rapporter à la succession la somme de 80 000 euros, Mme [J] demande à la cour de rejeter cette demande aux motifs que :

L'intention libérale, qui ne se présume pas, n'est pas démontrée et que la mise à disposition de la maison doit s'analyser comme un prêt à usage conforme à l'article 1107, alinéa 3, du code civil, la maison ayant été mis à sa disposition sous réserve de la prise en charge des faits de jouissance ; elle indique que [S] [Y] n'a jamais transféré la propriété de son bien et y avait accès ;

La mise à disposition du bien répond à l'obligation alimentaire à laquelle était soumise [S] [Y] en application de l'article 852 du code civil, laquelle n'est pas soumise à rapport ;

Aucun élément ne permet d'apprécier la valeur locative entre 2010 et 2016 ;

Les éléments produits ne permettent de démontrer une occupation des lieux qu'à partir du 1er janvier 2012 seulement.

Poursuivant la confirmation du jugement sur le principe du rapport et son infirmation sur le quantum, M. [J] explique n'avoir pu entrer dans les lieux que récemment pour faire procéder à des estimations et adapter sa demande en retenant la moyenne des quatre estimations qu'il produit (soit une demande de condamnation à hauteur de 70 800 euros pour la période entre le 1er janvier 2011 et janvier 2016).

Il conteste le moyen soulevé par l'appelante tiré de l'existence d'un prêt à usage et lui oppose que [S] [Y] disposait de son propre logement à [Localité 10] (Hauts-de-Seine) et qu'elle avait finalement opté pour le projet de finir ses jours en Afrique. Cette mise à disposition de la maison procède, selon lui, d'une intention libérale et d'un appauvrissement puisque la de cujus s'est trouvée privée de la possibilité de louer son bien.

Appréciation de la cour

Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

L'article 843, alinéa 1, du code civil dispose que tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.

Les articles 1875, 1876 et 1877 du code civil dispose que le prêt à usage est un contrat par lequel l'une des parties livre une chose à l'autre pour s'en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s'en être servi. Ce prêt est essentiellement gratuit. Le prêteur demeure propriétaire de la chose prêtée.

En l'espèce, il résulte de l'attestation de Mme [G] [L] [H] (pièce 22 de l'intimé) que Mme [J] occupe le bien sis à [Localité 16] depuis 2010 avec sa famille (et non depuis le 1er janvier 2012 seulement, comme elle le prétend).

M. [J] fait valoir que cette occupation jusqu'au décès a constitué un avantage indirect rapportable à la succession, caractérisé par un appauvrissement et une intention libérale.

Force est de constater que l'appauvrissement est en effet constitué par le fait que ce bien, qui ne constituait pas le domicile de [Z] [Y], aurait pu être loué et que l'occupation de Mme [J] a empêché [Z] [Y] d'en percevoir des loyers pendant un peu plus de quatre ans. Par ailleurs, Mme [J] ne justifie pas avoir participé aux frais de jouissance liés à l'occupation de la maison, elle ne produit que deux factures postérieures au décès (pièces 18 et 19). Ainsi, l'appauvrissement de [Z] [Y] est établi.

Cependant, M. [J] ne produit au débat aucun élément de nature à établir l'intention libérale qu'il allègue. Les premiers juges ont déduit de la durée d'occupation une intention libérale, alors même que ces deux éléments sont, en l'absence d'autres éléments probants, sans rapport l'un avec l'autre (par exemple : prêt à usage d'une durée de plus de dix ans : 1ère Civ., 11 octobre 2017, 16-21.419).

Il s'ensuit que le caractère de donation indirecte, rapportable à la succession, n'est pas démontré.

A l'inverse, dans une lettre écrite le 5 avril 2016 à sa s'ur, M. [J] reconnaît que celle-ci a assumé une partie des frais de jouissance de la maison (pièce 6 de l'intimé : « (eau, gaz, électricité, entretien chaudière à gaz, assurance, taxe d'habitation), frais que tu gères en partie déjà (') »). Mme [J] produit deux factures de 2021 et 2022 d'entretien de la chaudière et du portail (pièces 18 et 19) qui confortent le fait qu'elle a pris à sa charge les frais de jouissance des lieux tel que convenus avec sa mère, qui est demeurée propriétaire jusqu'à son décès.

Or, l'accomplissement de travaux, ou la prise en charge de ceux-ci, par le bénéficiaire de la jouissance de l'immeuble mis à sa disposition par le propriétaire constitue, non la contrepartie, mais la condition de l'usage personnalisé des lieux tel que convenu et un tel arrangement doit bien être qualifié de prêt à usage (par exemple, 3e Civ., 5 mai 2004, pourvoi n° 03-10.042).

[Z] [Y] ne s'est jamais défaite de sa qualité de propriétaire et a même envisagé un temps de revenir habiter dans le bien (page 12 des conclusions de l'intimé, pièce 12 de l'appelante). Elle s'y est rendue fréquemment à l'occasion d'anniversaires ou de réunions familiales, ainsi que cela ressort des attestations (pièces 21 à 23 de l'intimé).

Par conséquent, l'occupation du bien sis à [Localité 16] par Mme [J] avant le décès de [Z] [Y] a constitué un prêt à usage, et non un avantage indirect rapportable à la succession.

Il s'ensuit que le jugement, en ce qu'il a mis à la charge de Mme [J] une obligation de rapporter à la succession la somme de 80 000 euros, sera infirmé et la demande de M. [J] sera rejetée.

Sur la demande de rapport à la succession formée par Mme [J]

Le tribunal a retenu que les pièces produites (acte de donation partage du 10 mai 1993, acte d'emploi des fonds du 22 septembre 1998 et un relevé de comptes du 31 août 2016) étaient insuffisantes à faire droit à la demande de rapport de Mme [J]. Il a ajouté qu'il serait inexact de dire qu'elle serait créancière, sur la succession, d'une telle somme (118 600 euros).

Moyens des parties

Poursuivant l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande, Mme [J] demande à la cour :

D'ordonner le rapport à la succession par M. [J] de la somme de 118 600 euros ;

A titre subsidiaire, de dire qu'elle est créancière de cette somme sur la succession au fondement de l'article 587 du code civil.

Elle fait valoir que M. [J] a profité des fonds déposés sur un compte-titre, qui devaient lui revenir, suite à la donation partage du 10 mai 1993, à la vente du bien sis à [Localité 10] qui lui avait été donné le 28 avril 1998 et à la convention d'emploi du prix de vente du 22 septembre 1998 prévoyant l'utilisation des fonds issus du prix de la vente sur un compte-titre avec réserve d'usufruit au bénéfice de [S] [Y] et dont cette dernière avait la gestion. Selon elle, les fonds ont été versés à M. [J] afin qu'il puisse acquérir un bien immobilier à [Localité 23], ce dernier « n'ayant jamais été à même de démontrer un financement personnel ».

Elle soutient que sa demande subsidiaire n'est pas une demande nouvelle, mais le complément nécessaire de sa demande principale, et est, par conséquent, recevable.

M. [J] fait valoir que la demande subsidiaire de Mme [J], nouvelle en cause d'appel, est irrecevable.

Sur le fond, il poursuit la confirmation du rejet de cette demande. Il conteste avoir utilisé ces fonds et précise qu'il n'avait pas procuration sur le compte-titre contrairement à Mme [J]. Il explique que [S] [Y] avait conservé l'usufruit sur ces valeurs et que Mme [J] lui avait donné tout pouvoir pour en assurer la gestion. Il ajoute n'avoir aucune idée de la façon dont les fonds ont pu être dépensés. Il considère que Mme [J] fait preuve de mauvaise foi et n'apporte aucun élément de preuve sur ce qu'elle allègue. Il précise que le bien de [Localité 23] a été acheté grâce à la vente de son précédent appartement à [Localité 20], un prêt bancaire et un complément payé par la mère de son enfant, sans qu'à aucun moment [S] [Y] n'y prenne part.

Sur la demande subsidiaire, il considère que Mme [J] n'apporte pas la preuve que les fonds n'ont pas été dépensés à son profit.

Appréciation de la cour

En matière de partage où, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse (Cass. 1re civ., 26 mai 2021, n° 19-22.398 : JurisData n° 2021-008156 ; Dr. famille 2021, comm. 124, S. Dumas-Lavenac. - Cass. 1re civ., 25 sept. 2013, n° 12-21.280 : JurisData n° 2013-020497 ; Dr. famille 2014, comm. 41, S. Torricelli-Chrifi. - V. déjà Cass. 2e civ., 3 févr. 1983 : JurisData n° 1983-700175). Dès lors, sont recevables les prétentions formées par une héritière dans ses dernières conclusions, portant sur de nouvelles demandes de rapport successoral à ses cohéritiers. En effet, en application de l'alinéa 2 de l'article 910-4 du Code de procédure civile, l'irrecevabilité prévue au premier alinéa de ce texte ne s'applique pas aux prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses.

Il s'ensuit que la demande subsidiaire de Mme [J], fondée sur l'article 587 du code civil, est recevable.

Sur le fond, force est de constater que, pas plus qu'en première instance, Mme [J] n'apporte d'éléments de preuve suffisants permettant d'établir que M. [J] aurait profité des fonds issus de la vente du bien immobilier sis [Adresse 6] à [Localité 10] (Hauts-de-Seine), donné à Mme [J] dans le cadre de l'acte de donation-partage de 1993, puis vendu en 1995 et dont les fonds issus de la vente ont été versés sur un compte-titre indivis, jumelé avec le compte n°[XXXXXXXXXX04] ouvert dans les livres de la [11] à [Localité 19], géré par [Z] [Y].

Mme [J] produit ses propres relevés de compte [18] sans en tirer aucune conséquence (pièces 6-1, 6-2 et 6-3). Elle produit l'acte de donation-partage et la convention d'emploi des fonds (pièces 1 et 2 de l'appelante). Elle produit un relevé du compte litigieux au 31 octobre 2016 dont il ne résulte pas que des virements ont été opérés au profit de M. [J] (pièce 3).

L'acte de vente du bien de [Localité 20], initialement donné en 1993 par [Z] [J] à son fils, puis racheté par elle à son fils en 1995, indique qu'elle en a payé le prix grâce aux fonds dont elle a bénéficié dans le cadre de la succession de ses parents (pièce 8 de l'appelante).

L'acte d'acquisition du bien de [Localité 23] par M. [J] fait état, contrairement à ce qu'il prétend, d'un versement du prix comptant. Toutefois, ce paiement comptant ne suffit pas à établir que les fonds provenaient du compte-titre précité (pièce 9 appelante).

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la donation déguisée dont fait état Mme [J] n'est pas établie faute de preuve et que c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté cette demande.

Par ailleurs, la demande subsidiaire de Mme [J] n'est étayée par aucun élément, de sorte qu'il ne peut être exclu que les fonds ont pu lui profiter. Elle ne peut, dans ces conditions, être considérée comme créancière de la succession au fondement de l'article 857 du code civil.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de rapport à la succession formée par Mme [J].

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens.

Les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

INFIRME le jugement en ce qu'il a :

Dit que Mme [V] [J] est redevable envers l'indivision successorale d'une indemnité mensuelle d'occupation de la maison située [Adresse 25] à [Localité 16] (Essonne) de 1280 euros, ce depuis le 29 janvier 2016 (lendemain du décès de [S] [Y]) et jusqu'au jour du partage ou de la libération anticipée des lieux,

Dit que Mme [V] [J] devra rapporter à la succession la donation indirecte dont elle a bénéficié de sa mère, ayant consisté en l'occupation gratuite de la maison située [Adresse 25] à [Localité 16] (Essonne) ce depuis le mois de janvier 2011 et jusqu'au jour du décès de [S] [Y], valorisée à la somme de 80 000 euros ;

Le CONFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

DIT que Mme [V] [J] est redevable envers l'indivision successorale d'une indemnité mensuelle d'occupation de la maison située [Adresse 25] à [Localité 16] (Essonne) de 1040 euros, ce depuis le 29 janvier 2016 (lendemain du décès de [S] [Y]) et jusqu'au jour du partage ou de la libération anticipée des lieux,

REJETTE la demande de rapport à la succession à hauteur de 70 800 euros formée par M. [J] ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage ;

REJETTE toutes autres demandes.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-1
Numéro d'arrêt : 22/05019
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;22.05019 ?
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