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17/06/2024 | FRANCE | N°21/01769

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ch civ. 1-4 construction, 17 juin 2024, 21/01769


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 54G



Ch civ. 1-4 construction



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 17 JUIN 2024



N° RG 21/01769 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UMG5



AFFAIRE :



S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS



C/



[T], [E] [G],

[D] [M] épouse [G]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Novembre 2020 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 07>
N° Section :

N° RG : 18/06159



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Franck LAFON,



Me Philippe CHATEAUNEUF



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX SEPT JUIN DEUX...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54G

Ch civ. 1-4 construction

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 17 JUIN 2024

N° RG 21/01769 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UMG5

AFFAIRE :

S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS

C/

[T], [E] [G],

[D] [M] épouse [G]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Novembre 2020 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 07

N° Section :

N° RG : 18/06159

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Franck LAFON,

Me Philippe CHATEAUNEUF

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 et Me Erwan LAZENNEC de l'ASSOCIATION CLL Avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0257

APPELANTE

****************

Monsieur [T] [E] [G]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2] (MARTINIQUE)

Représentant : Me Philippe CHATEAUNEUF, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 643 et Me Diane LEBLOND, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0357

Madame [D] [M] épouse [G]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2] (MARTINIQUE)

Représentant : Me Philippe CHATEAUNEUF, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 643 et Me Diane LEBLOND, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0357

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Avril 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Fabienne TROUILLER, Présidente chargée du rapport et Madame Séverine ROMI, Conseillère .

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne TROUILLER, Présidente,

Madame Séverine ROMI, Conseillère,

Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseillère,

Greffière, lors des débats : Madame Jeannette BELROSE,

FAITS ET PROCÉDURE

La société de construction-vente [Adresse 5] a engagé, début 2008, un programme de ventes en l'état futur d'achèvement portant sur un ensemble immobilier de 15 villas à [Localité 3], en Martinique (97).

Dans le cadre de cette opération, le vendeur a souscrit auprès de la société Compagnie européenne de garanties et cautions (ci-après «CEGC») une garantie d'achèvement selon acte du 4 mars 2008.

Par acte authentique du 2 décembre 2008, M. [T] [G] et Mme [D] [M] épouse [G] ont acquis une villa individuelle mitoyenne, constituant le lot n°4 et deux emplacements de stationnement dans cet ensemble immobilier en copropriété dénommé Résidence [Adresse 5], pour un prix de 225 000 euros TTC.

Ce programme immobilier était éligible au dispositif de défiscalisation institué par la loi dite Girardin et codifiée à l'article 199 undecies A du code général des impôts.

La livraison du bien était initialement prévue au plus tard le 30 juin 2009.

Les travaux n'étant pas terminés à cette date, M. et Mme [G] ont sollicité, par un courrier du 26 avril 2010, la mise en 'uvre de la garantie d'achèvement des travaux.

Par un courrier du 23 juillet 2010, la société CEGC leur a confirmé la mise en jeu de cette garantie, par l'intermédiaire de sa filiale, la société SCESRA, bénéficiaire d'un mandat de gestion administrative, technique et financière des sinistres.

Le 3 septembre 2010, la société CEGC a ainsi délivré un ordre de mission de maîtrise d''uvre à l'entreprise Habitat conseil BTP, représentée par M. [B] [Z], lequel a attesté, le 5 octobre 2010, de la reprise du chantier.

Par un courrier du 10 novembre 2010, plusieurs acquéreurs de lots dans cet ensemble immobilier se sont plaints auprès de la société CEGC que les travaux n'avançaient pas.

Par courrier du 28 décembre 2010, ils ont été informés de la fermeture définitive, à compter du 31 décembre 2010, des bureaux de la société SCESRA Martinique, chargés de la gestion de leur litige, désormais suivi par la société CEGC.

Ces propriétaires ont, par courriels des 5 mai et 11 décembre 2011, de nouveau alerté la société CEGC sur le retard pris par le chantier et ont, par courriel du 2 janvier 2012, sollicité de M. [Z] l'organisation d'une réunion, à l'issue de laquelle ce dernier a confirmé la fin des travaux pour le mois de mars 2012.

Désormais constitués en une association de « Défense des intérêts des copropriétaires de la résidence [Adresse 5] », les acquéreurs ont, au mois de mai 2012, demandé à la société CEGC de venir elle-même constater l'abandon du chantier, ce qu'elle a fait au mois de juin 2012.

Aucune avancée n'étant constatée, malgré des relances en ce sens des copropriétaires, ces derniers ont fait établir un constat d'huissier en date des 1er juin et 11 septembre 2012 afin de faire constater l'état d'avancement des travaux.

Ils ont également à cette fin missionné M. [W], expert en bâtiment, qui a établi, en septembre 2012, une note de synthèse dont il ressort que les villas n°4 à 6 et 10 à 14 pouvaient être achevées dans un délai moyen de deux mois à condition que les moyens humains et matériels soient mis en 'uvre.

Le conseil de l'association des copropriétaires a alors, par un courrier du 4 octobre 2012, mis en demeure la société CEGC de prendre, dans les plus brefs délais, toutes mesures utiles en vue de la reprise imminente des travaux et de leur achèvement, impliquant ainsi un redémarrage du chantier dans les 8 jours de la réception du courrier.

Par courriel du 5 octobre 2012, l'association lui a proposé l'intervention d'un nouveau conducteur de travaux, M. [F] [C], en remplacement de la société Habitat conseil BTP et par courriel en date du 9 octobre 2012, M. [S] contacté par l'association, a indiqué à la société CEGC être intéressé par la reprise du chantier.

À la suite des réclamations des copropriétaires, en l'absence de toute avancée du dossier, la société CEGC leur a indiqué, par courrier du 27 décembre 2012, avoir pris contact avec M. [Z], qui lui a confirmé la reprise des travaux, et être dans l'attente de la transmission par M. [X] du chiffrage des travaux restant à réaliser et du calendrier prévisionnel.

Par un courrier du 15 février 2013, la société CEGC a informé la société Habitat conseil BTP qu'elle confiait à M. [S] une mission de contrôle des travaux exécutés et restant à exécuter, laquelle ne remettait cependant pas en cause la mission de coordination qui lui avait été confiée.

Elle a ainsi établi le 15 février 2013, à l'attention de M. [S], un ordre de mission de maîtrise d''uvre d'un montant de 600 euros HT. Au vu de la rémunération proposée et compte tenu de l'étendue de la mission confiée, M. [S] a refusé cette proposition le 18 mars 2013.

Après de nouvelles visites du chantier, à la suite de la rédaction de son document de synthèse, en septembre et novembre 2012, puis en février et avril 2013, M. [W] a établi à cette dernière date un rapport aboutissant aux mêmes conclusions que celles formulées dans sa note de synthèse.

Par un courrier du 13 avril 2013, l'association des copropriétaires a informé le ministre des Outre-mer des difficultés rencontrées.

Des copropriétaires, dont les époux [G], ont saisi, par acte en date du 6 juin 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris afin qu'à titre principal, soit allouée à M. [S] la somme de 16 600,50 euros, pour qu'il soit désigné administrateur des travaux et accomplisse sa mission de pilotage et de coordination des travaux et que la CEGC soit condamnée à titre provisionnel au paiement de cette somme au profit de M. [S].

A titre subsidiaire, ils ont sollicité la désignation d'un administrateur judiciaire afin de percevoir les sommes versées par la CEGC et veiller à leur correcte utilisation jusqu'à l'achèvement des travaux.

Par un acte du 28 octobre 2013, les copropriétaires ont fait procéder à un nouveau constat d'huissier qui atteste qu'aucune villa n'est achevée ni habitable.

La société CEGC ayant établi, le 12 novembre 2013, un nouvel ordre de mission de maîtrise d''uvre à l'attention de la société Bati conseils, en remplacement de la société Habitat conseil BTP, les copropriétaires se sont désistés de leur instance lors de l'audience du 9 décembre 2013, désistement constaté par ordonnance du 13 janvier 2014.

Les travaux se sont achevés le 30 décembre 2014 selon déclaration faite à cette date auprès de la mairie de [Localité 3] par la société Bati conseils.

Le bien des époux [G] leur a finalement été livré le 23 mars 2016.

Par un courrier recommandé du 16 mars 2018, le conseil de M. et Mme [G] a sollicité de la société CEGC réparation du préjudice financier subi.

La société CEGC n'ayant pas donné suite à cette demande, M. et Mme [G] l'ont, par acte d'huissier du 17 avril 2018, fait assigner en indemnisation devant le tribunal judiciaire de Nanterre.

Par un jugement contradictoire du 3 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- déclaré recevable l'action et les demandes indemnitaires de M. et Mme [G],

- condamné la société CEGC à payer à M. et Mme [G] :

- 11 084,18 euros au titre des intérêts intercalaires supplémentaires réglés sur la période de décembre 2010 à décembre 2011, outre les intérêts légaux,

- 10 000 euros au titre du manque à gagner locatif, outre les intérêts légaux,

- 17 737 euros au titre de la perte de l'avantage fiscal, outre les intérêts légaux,

- 5 000 euros au titre du préjudice moral, outre les intérêts légaux,

- ordonné la capitalisation des intérêts,

- débouté M. et Mme [G] de leur demande au titre des intérêts supplémentaires payés du fait des problèmes de trésorerie, au titre des incidents de paiement et au titre de la vente à perte de la villa,

- condamné la société CEGC aux dépens de l'instance et à payer à M. et Mme [G] la somme de 3 500 euros en indemnisation de leurs frais irrépétibles,

- débouté la société CEGC de sa demande de frais irrépétibles,

- ordonné l'exécution provisoire.

Le tribunal a retenu que le désistement d'instance n'avait pas emporté renonciation à l'action, puisque les demandes différaient.

Il a également estimé que les demandes de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier subi par les époux [G] et lié au retard de livraison n'étaient pas prescrites, ce préjudice étant continu et évolutif.

Le tribunal a ensuite retenu, au regard de la chronologie des faits, que le délai d'achèvement avait manifestement été déraisonnable et que la société CEGC était fautive comme étant responsable de ne pas avoir agi en temps utile malgré sa connaissance des retards et malfaçons.

Il a relevé que la société CEGC n'avait pas pris les mesures nécessaires pour remplacer la société Habitat conseil défaillante dans sa mission de conducteur de travaux, alors que le chantier était affecté de nombreuses malfaçons, qu'elle avait attendu plus de trois ans avant de la remplacer, sans prendre de mesure auprès des maîtres d''uvre successivement désignés pour les sensibiliser sur l'important retard pris par le chantier et sur la nécessité de prendre toute mesures utiles pour remédier aux difficultés rencontrées, que la société CEGC avait fait le choix de se substituer au maître d'ouvrage pour terminer les travaux, devenant ainsi responsable du bon déroulement du chantier et qu'elle avait ainsi engagé sa responsabilité civile non en qualité de garant d'achèvement mais en tant que mandataire du maître de l'ouvrage.

Le tribunal a enfin retenu que la société CEGC devait indemniser les époux [G] au titre des intérêts inter locataires, de la perte liée à la défiscalisation et de leur préjudice moral, dans la mesure où les époux avaient dû supporter des intérêts supplémentaires et subi de multiples démarches durant plusieurs années dont une procédure judiciaire compte tenu du retard des travaux.

Il n'a toutefois pas retenu les demandes des époux [G] concernant les intérêts supplémentaires payés du fait des problèmes de trésorerie car aucun lien de causalité n'était démontré entre le retard de livraison et la suspension du prêt intervenu en 2016, ni la demande formulée au titre du manque à gagner locatif , ni celle formulée au titre des incidents de paiement, puisqu'aucun lien entre les frais et le retard de livraison n'apparaissait établi. Enfin, il n'a pas retenu les demandes formulées au titre de la vente à perte de la villa car les époux ne démontraient pas que le prix de la vente retenu en 2017 correspondait au prix réel du marché, aucune pièce n'étant produite.

Par déclaration du 16 mars 2021, la société CEGC a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions n°3, remises au greffe le 5 septembre 2022, la société CEGC demande à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il a déclaré recevables les demandes indemnitaires de M. et Mme [G], l'a condamnée à leur payer 11 084,18 euros au titre des intérêts intercalaires, 10 000 euros au titre du manque à gagner locatif, 17 737 euros au titre de la perte de l'avantage fiscal, 5 000 euros au titre de préjudice moral, la somme de 3 500 euros au titre de leurs frais irrépétibles et les entiers dépens,

- déclarer prescrites et partant irrecevables leurs demandes au titre des intérêts intercalaires, des intérêts supplémentaires réglés du fait des problèmes de trésorerie, du manque à gagner locatif, des incidents bancaires et de la perte de chance d'un avantage fiscal de 2010 à 2014,

- déclarer en tout état de cause infondées l'ensemble de leurs demandes,

- les débouter, en conséquence, de l'ensemble des demandes à ce titre,

- condamner M. et Mme [G] à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner solidairement aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- les déclarer mal fondés en leur appel incident,

- rejeter comme étant infondée la demande de reformation du jugement en ce qu'il a limité à 11 084,18 euros le montant des dommages-intérêts dus au titre des intérêts intercalaires,

- les débouter en conséquence de leurs demandes à ce titre,

- confirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande au titre des intérêts supplémentaires payés du fait des problèmes de trésorerie rencontrés,

- les débouter en conséquence de leurs demandes à ce titre,

- rejeter comme étant infondée la demande de réformation du jugement en ce qu'il a limité à 10 000 euros le montant des dommages et intérêts dus au titre de la perte de chance locative,

- les débouter en conséquence de leurs demandes à ce titre,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. et Mme [G] de leur demande au titre des frais lies aux incidents de paiement subis,

- les débouter en conséquence de toutes leurs demandes à ce titre,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. et Mme [G] de leur demande au titre de la vente à perte de leur villa,

- les débouter en conséquence de leurs demandes plus amples à ce titre,

- rejeter la demande de réformation du jugement en ce qu'il a limité à 17 737 euros le montant des dommages-intérêts dus au titre de la perte de l'avantage fiscal,

- les débouter en conséquence de leurs demandes à ce titre,

- rejeter la demande de réformation du jugement en ce qu'il a limité à 5 000 euros le montant des dommages-intérêts dus au titre du préjudice moral,

- les débouter en conséquence de leurs demandes à ce titre,

- débouter M. et Mme [G] de leurs demandes au titre des frais irrépétibles d'appel et au titre des dépens d'appel.

Aux termes de ses conclusions n°2, remises au greffe le 19 juillet 2022, les époux [G] forment appel incident et demandent à la cour de :

- déclarer la société CEGC mal fondée en son appel, et l'en débouter intégralement,

- débouter la société CEGC de toutes ses demandes,

- confirmer le jugement en ce qu'il les a déclarés recevables en leur action et en leurs demandes indemnitaires, jugé que la responsabilité délictuelle de la société CEGC est engagée, condamné la société CEGC à les indemniser au titre des intérêts intercalaires, du manque à gagner locatif, de la perte de l'avantage fiscal et du préjudice moral, ordonné la capitalisation des intérêts, condamné la société CEGC à leur verser la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles et au paiement des dépens de première instance, ordonné l'exécution provisoire, débouté la société CEGC de ses demandes,

- reformer le jugement en ce qu'il a limité à 11 084,18 euros le montant des dommages-intérêts dus par la société CEGC au titre des intérêts intercalaires payés par eux,

- condamner la société CEGC à leur verser la somme de 12 829 euros, avec intérêt au taux légal à compter du jugement du 3 novembre 2020 sur la somme de 11 084,18 euros, et à compter de l'arrêt à intervenir pour le surplus,

- reformer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande de dommages-intérêts formulés au titre des intérêts supplémentaires payés du fait des problèmes de trésorerie rencontrés,

- condamner la société CEGC à leur verser la somme de 17 330,36 euros, outre les intérêts légaux à compter de l'arrêt à intervenir,

- reformer le jugement entrepris en ce qu'il a limité à 10 000 euros le montant des dommages-intérêts dus par la société CEGC au titre de la perte de chance locative,

- condamner la société CEGC à leur verser la somme de 52 800 euros (66 000 x 80 %) à ce titre, avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 3 novembre 2020 sur la somme de 10 000 euros et à compter de l'arrêt à intervenir pour le surplus,

- reformer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande de dommages-intérêts formulés au titre des frais liés aux incidents de paiement qu'ils ont subi,

- condamner la société CEGC à leur verser la somme de 1 174,96 euros, outre les intérêts légaux à compter de l'arrêt à intervenir,

- reformer le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de leur demande de dommages-intérêts formulés au titre de la vente à perte de leur villa,

- condamner la société CEGC à leur verser la somme de 28 000 euros, outre les intérêts légaux à compter de l'arrêt à intervenir,

- reformer le jugement en ce qu'il a limité à 17 737 euros le montant des dommages-intérêts dus par la société CEGC au titre de la perte de leur l'avantage fiscal,

- condamner la société CEGC à leur verser la somme de 40 450 euros, avec intérêt au taux légal à compter du jugement du 3 novembre 2020 sur la somme de 17 737 euros, et à compter de l'arrêt à intervenir pour le surplus,

- reformer le jugement entrepris en ce qu'il a limité à 5 000 euros le montant des dommages-intérêts dus par la CEGC au titre de leur préjudice moral,

- condamner la société CEGC à leur verser la somme de 25 000 euros, avec intérêt au taux légal à compter du jugement du 3 novembre 2020 sur la somme de 5 000 euros et à compter de l'arrêt à intervenir pour le surplus,

- condamner la société CEGC à leur verser la somme de 5 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

- condamner la société CEGC au paiement des dépens d'appel et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Me [N] pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision,

- débouter la société CEGC de sa demande formulée au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2022, l'affaire a été initialement fixée à l'audience de plaidoirie du 9 janvier reportée au 5 juin 2023 puis a été renvoyée à l'audience du 22 avril 2024 en raison de l'indisponibilité du président. Elle a été mise en délibéré au 17 juin 2024

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes indemnitaires au titre des frais intercalaires, des intérêts supplémentaires liés aux frais de trésorerie, du manque à gagner locatif, des incidents bancaires et de la perte de l'avantage fiscal

L'appelante conteste le raisonnement des premiers juges pour déterminer le point de départ de la prescription quinquennale applicable en l'espèce.

Elle fait valoir, au visa non contesté de l'article 2224 du code civil, que les intimés avaient connaissance du retard de livraison plus de cinq ans avant leur assignation, soit dès le 30 juin 2009 ou dès 2010, date à laquelle ils ont constaté la défaillance du constructeur-vendeur.

Elle estime que les demandes au titre des intérêts intercalaires payés entre 2010 et 2011 sont prescrites depuis 2016, leur assignation du 17 avril 2018 étant tardive et que les intimés ne peuvent se prévaloir d'une aggravation du dommage, en l'occurrence des taux intercalaires supportés entre 2010 et 2011.

De la même façon, elle soutient qu'ils ont eu connaissance dès le 30 juin 2009, de leur préjudice résultant de la nécessité de régler des intérêts supplémentaires.

Concernant les frais de relogement, elle soutient qu'ils sont prescrits pour la période antérieure au 17 avril 2013.

Elle souligne que les frais d'incidents bancaires ont été prélevés soit avant le 17 avril 2013 soit après la date de couverture de la garantie d'achèvement intervenue le 30 décembre 2014.

S'agissant de la perte d'avantage fiscal de 2010 à 2014, elle maintient que celles au titre des années 2010 à 2012 sont prescrites

Les intimés rappellent qu'ils n'ont pas engagé la responsabilité de la CEGC pour le retard imputable au vendeur et soulignent qu'ils forment des demandes de dommages-intérêts pour préjudice subi et non pour le paiement d'une créance contractuelle à échéances successives.

Ils font valoir que le dommage subi consiste à n'avoir pu prendre livraison de leur villa que le 18 juin 2015, point de départ du délai de prescription. Ils ajoutent que ce dommage a eu pour conséquences un manque à gagner locatif, une perte de l'avantage fiscal, des frais supplémentaires et une vente à perte de leur bien.

Réponse de la cour

En application de l'article 2224 du code civil, la prescription quinquennale court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. L'action en responsabilité court par conséquent à compter de la manifestation du dommage. Tant que le titulaire du droit n'a pas connaissance de la survenance du dommage, le délai de prescription ne court pas.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, les intimés ne réclament pas une dette à échéance successive mais des dommage-intérêts en réparation de préjudices financiers.

L'action en responsabilité délictuelle implique la démonstration d'une faute, d'un dommage et d'un lien de causalité.

Dans ces conditions, le point de départ de la prescription ne court qu'à compter de la date à laquelle le dommage s'est manifesté au titulaire du droit.

En l'espèce, la manifestation du dommage a consisté à n'avoir pu prendre livraison de leur villa que le 23 mars 2016. La livraison de la maison a mis un terme à leur préjudice de manque à gagner locatif durant une période où ils auraient déjà dû prendre possession de leur bien. C'est bien à cette date que l'ampleur du préjudice est connue.

En assignant en indemnisation la société CECG par acte du 17 avril 2018, ils ont agi dans le délai légal.

Concernant les demandes au titre du règlement d'intérêts intercalaires sur une période où ils auraient déjà dû prendre possession de leur bien, des intérêts supplémentaires liés aux frais de trésorerie, des incidents bancaires et de la perte de l'avantage fiscal qui sont des demandes de dommages-intérêts, le dommage s'est également manifesté lorsque les époux [G] ont été livrés de leur maison.

Partant, le jugement est confirmé en ce qu'il a déclaré ces demandes indemnitaires recevables et non prescrites.

Sur la responsabilité de la société CEGC

En application des articles L.261-11, L.261-10-1 et R.261-17 du code de la construction et de l'habitation, le vendeur doit souscrire une garantie financière de l'achèvement de l'immeuble dont l'objet est de garantir l'acquéreur d'un immeuble à construire en cas de défaillance financière du vendeur.

Il est admis que le rôle du garant se limite à devoir mettre à disposition du vendeur ou de l'acquéreur les fonds nécessaires à l'achèvement. Il en résulte que la garantie d'achèvement ne couvre pas les retards de livraison.

Néanmoins, la limitation des obligations du garant a pour corollaire la limitation de ses droits et prérogatives. Ainsi, le garant ne peut pas s'immiscer dans les opérations de construction, il n'a pas à se substituer au vendeur maître d'ouvrage, même en cas de carence de celui-ci.

En l'espèce, les intimés n'invoquent pas, à titre principal, de manquement dans l'obligation de financement du garant mais font valoir que la société CEGC s'est volontairement substituée au vendeur dans la maîtrise d'ouvrage, qu'elle a signé plusieurs contrats avec des maîtres d''uvre et des entreprises pour la réalisation des travaux. Ils estiment que c'est en qualité de maître d'ouvrage qu'elle a engagé sa responsabilité et qu'à ce titre, la société CEGC s'est exposée à devoir leur verser des dommages-intérêts pour les retards apportés à la construction.

Pour s'opposer à cette mise en cause, l'appelante fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute, tant au titre du financement des travaux nécessaires à l'achèvement que des diligences accomplies en sa qualité de mandataire du maître d'ouvrage et qu'elle a pris toute disposition pour permettre aux intimés d'entrer dans les lieux dans un délai à tout le moins raisonnable. Elle souligne l'inaction et la passivité des acquéreurs à qui il incombait de désigner un administrateur ad hoc se substituant au vendeur défaillant.

Elle ajoute que ce sont les malfaçons apparues antérieurement à son intervention qui ont généré le retard, qu'une expertise judiciaire a dû être ordonnée concernant trois villas non concernées par ce litige, qu'elle a duré plus de deux ans, que les travaux ont avancé à un rythme normal durant cette période, qu'elle a dû faire de nombreux travaux de reprise, qu'elle a entrepris toutes les actions pour assurer la reprise effective et efficace du chantier et qu'elle a avancé 1 200 000 euros TTC pour cette opération immobilière, soit plus du tiers du coût global du programme.

Selon elle, l'importance des désordres, la logistique des travaux et la refonte globale de la gestion du chantier ont engendré un allongement inextricable des délais d'achèvement des différents lots générant des conséquences financières pour elle. Elle estime que le projet était initialement sous-estimé dans sa complexité et qu'il a logiquement évolué dans sa durée, ce qui ne lui est pas imputable.

Elle liste des travaux effectués entre 2010 et 2012 (mur de soutènement, gouttière, descentes en aluminium sur les 12 villas, charpente, couverture, terrassement, drains, buses, escaliers, garde-corps, traitement anti-termites) et soutient avoir dû financer des travaux complémentaires non prévus au projet initial. Elle ajoute qu'en 2014 elle a fait réaliser des travaux sur les gouttières, l'éclairage extérieur, l'installation électrique, les plinthes et le câblage souterrain.

Comme l'a relevé à juste titre le tribunal sans être contesté, la société CEGC a, conformément à l'article 6 du contrat de garantie d'achèvement, fait le choix de se substituer au vendeur pour achever le chantier.

Il ressort de l'examen des pièces produites, que les premiers juges ont fidèlement repris la chronologie des faits qui n'est pas contestée par les parties.

La société CEGC reprend strictement la même défense que celle présentée en première instance et n'invoque aucune diligence non prise en compte par le tribunal.

Le seul grief qu'elle émet à l'encontre des motifs du jugement, c'est de lui avoir reproché d'avoir attendu plus de trois ans avant de remplacer la société Habitat conseil.

Pour autant, les pièces attestent de ce délai puisque l'ordre de mission particulièrement succinct accordé à cette société le 3 septembre 2010 en tant que coordinateur, dont l'exécution n'est confortée par aucun justificatif ni compte-rendu ni aucun planning, ne sera suivi d'un nouvel ordre de mission donné à la société Bati conseil que le 12 novembre 2013 pour un montant de 43 000 euros HT, validé le 7 mars 2014 seulement, confirmant l'absence significative d'avancement du chantier, voire son abandon, durant ces trois années.

À cet égard, les factures produites, confrontées aux expertises amiable et judiciaires et constats d'huissier, ne suffisent pas à démontrer sa diligence, entre 2010 et 2013 pour la reprise en main du chantier. De même, l'attestation de M. [Z] du 5 octobre 2010 ne rapporte pas plus cette preuve. Aucune pièce ne vient contredire ce quasi-abandon du chantier.

Les courriers qui lui ont été adressés par les acquéreurs n'ont pas suffi à la convaincre d'une action efficace pour permettre l'achèvement. Elle ne justifie au demeurant d'aucun courrier de relance ou de mise en demeure adressé au coordinateur.

Dans ces conditions, les reproches faits à la société GECG, basée à plusieurs milliers de kilomètres, de ne pas avoir désigné d'architecte, de ne pas avoir établi un diagnostic du chantier en amont ni d'étude préalable, d'avoir désigné et maintenu un coordinateur incompétent pendant plus de trois ans en exécution d'un ordre de mission dénué de contenu, de n'avoir fixé aucun planning d'intervention, de ne pas s'être donné les moyens de contrôler son conducteur de chantier et l'avancement des travaux, d'avoir validé une facture ne correspondant pas à l'ordre de mission du 12 novembre 2013 et de ne pas avoir veillé au bon déroulement du chantier alors qu'elle s'est substitué au maître d'ouvrage défaillant sont avérés par les pièces produites.

Ces manquements sont à l'origine de retards supplémentaires, d'un manque de coordination et d'une désorganisation du chantier dont la complexité alléguée n'est pas démontrée. L'expertise judiciaire effectuée à la demande de la société CEGC concernait trois villas individuelles (n°1 à 3) présentant des désordres de toiture, sans lien avec celle des intimés. Elle ne peut suffire à justifier le retard dans l'achèvement de la villa des intimés.

Les experts évaluaient entre six mois et un an l'achèvement du chantier qui a duré finalement cinq années. Les lieux se sont considérablement dégradés pendant ce laps de temps nécessitant des travaux ou des interventions qui n'auraient pas été nécessaires si l'achèvement avait été engagé dès 2010 par la société CECG.

Les intimés rappellent sans être contestés que le programme de construction était avancé à plus de 90 % lorsque la garantie d'achèvement a été mise en 'uvre. Ils justifient avoir initié de nombreuses diligences pour débloquer la situation et les reproches de passivités allégués par l'appelante sont particulièrement infondés.

Au final, si le paiement des travaux nécessaires à l'achèvement a été effectué, au demeurant sans contrôle effectif, ces paiements ne dispensaient pas le garant institué en maître d'ouvrage dès le 3 septembre 2010, de permettre l'achèvement dans un délai raisonnable. Les travaux qu'il a initiés concernaient soit des travaux à réaliser ou à achever soit des mesures curatives pour remédier aux conséquences de l'abandon de chantier et non des travaux de reprises liés à des malfaçons.

Ainsi, c'est par des motifs pertinents et précisément exposés, que la cour reprend à son compte, que le tribunal a retenu que la responsabilité délictuelle de la société CECG était engagée.

Partant, le jugement est confirmé sur ce point.

Sur la demande d'indemnisation au titre des intérêts intercalaires du prêt initial

Pour octroyer une somme de 11 084,18 euros (12 x 872,77 + 610,94) aux époux [G] en réparation du préjudice né du règlement des intérêts intercalaires entre décembre 2010 et décembre 2011, le tribunal a relevé que la mise à disposition des fonds devait être effectuée au plus tard le 6 novembre 2010 et qu'il aurait dû être amorti à compter de décembre 2010 et non à compter du 10 décembre 2011.

À l'appui de son appel, la société CECG fait valoir qu'on ne peut lui opposer un arrangement des emprunteurs avec leur banquier, qu'elle ne peut être condamnée à indemniser des intérêts intercalaires dès le 26 juin 2010 au regard du réel avancement du chantier à cette date et qu'on ne peut lui reprocher une faute avant décembre 2010.

Il doit être rappelé que la responsabilité civile de la société CECG est engagée principalement en sa qualité de maître d'ouvrage qu'elle a endossée à compter du 3 septembre 2010 et ce jusqu'à la livraison de la villa, qui doit s'entendre dans la prise de possession des lieux par les acquéreurs, soit le 23 mars 2016.

Il est exact que les époux [G] n'auraient dû régler des intérêts intercalaires que sur une période de 7 mois et que des intérêts intercalaires sont venus s'ajouter à la durée initialement prévue.

La société CEGC reconnaît qu'elle aurait dû achever la totalité des villas fin 2010. C'est donc à compter de ce moment que ses manquements sont à l'origine du dommage. Ainsi, en raison du retard de livraison, les époux [G] ont dû supporter des intérêts intercalaires supplémentaires non prévus à la signature du contrat et ce, à compter de décembre 2010 jusqu'en décembre 2011, date à laquelle le capital a commencé à être amorti.

Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer le jugement et de rejeter le surplus de la demande.

Sur la demande d'indemnisation au titre des intérêts supplémentaires du fait des problèmes de trésorerie

Pour rejeter cette demande, le tribunal a relevé que si la vocation locative du logement était bien justifiée, les époux [G] ne démontraient pas le lien de causalité entre le retard de livraison et le préjudice invoqué.

À l'appui de leur appel incident, les époux [G] réclament une somme de 17 330,36 euros correspondant aux deux suspensions de prêts de six mois intervenues d'avril à septembre 2012 et de févier à juillet 2016. Ils font valoir que ces suspensions ont eu pour conséquence de retarder de 22 mois l'apurement du capital, générant des intérêts supplémentaires, qu'ils ont dû en réclamer trois mois après le début des remboursements des échéances, que leur situation financière était désastreuse dès octobre 2012, que le tribunal a sur-évalué leurs revenus et que le remboursement du prêt correspondait à 30 % des revenus du couple.

Il ressort des pièces financières produites que les époux [G] ont subi un important redressement fiscal en 2012, d'un montant de 25 000 euros. Ainsi, les époux [G] n'établissent toujours pas que leurs difficultés de trésorerie et les suspensions accordées en 2012 et en 2016 aient été causées par le retard de livraison du bien et qu'elles soient imputables à la société CEGC.

Partant, le jugement est confirmé sur ce point.

Sur la demande d'indemnisation au titre du manque à gagner locatif

Pour octroyer une somme de 10 000 euros aux époux [G] en indemnisation de la perte d'une chance de louer leur bien, le tribunal a relevé que leur demande était partiellement justifiée en l'absence de justification sur l'état du marché de la location.

À l'appui de leur appel incident, les époux [G] réclament une somme de 52 800 euros et font valoir que la valeur locative du bien s'établissait à 1 000 euros et que leur bien aurait pu être loué dès le 26 septembre 2010 et non à compter du 23 mars 2016. Ils estiment que le tribunal a minimisé leur préjudice en ne retenant que 15 % de la valeur locative et qu'il aurait fallu retenir au moins 70 % de cette valeur pour tenir compte des aléas invoqués. Ils soulignent enfin que la zone de [Localité 3] connaît la plus grosse attractivité après [Localité 4].

La société CECG estime que la vocation locative n'est pas démontrée et réclame un débouté de la demande.

Il doit être rappelé que la responsabilité civile de la société CECG est engagée principalement en sa qualité de maître d'ouvrage qu'elle a endossée à compter du 3 septembre 2010 et ce jusqu'à la livraison de la villa, qui doit s'entendre dans la prise de possession des lieux par l'acquéreur, soit le 23 mars 2016.

Les pièces produites établissent que l'offre de prêt comporte deux mentions contradictoires (« Résidence principale » et « construction à usage locatif »), que le bien n'a jamais été loué et qu'il a immédiatement été mis en vente une fois livré. Le courrier du 7 décembre 2009 adressé et rédigé par les époux [G] ne suffit pas à rapporter la preuve de sa vocation locative.

Dans ces conditions, la demande n'est pas fondée et le jugement est infirmé sur ce point.

Sur la demande d'indemnisation au titre des frais d'incidents de paiement

Les époux [G] réclament une somme de 1 174,96 euros, estimant que les incidents de paiement se sont multipliés dès 2011 et 2012 générant de nombreux frais bancaires et qu'en l'absence de revenus locatifs, ils ne pouvaient pas assumer le coût de leur emprunt. Ils soulignent que le tribunal n'a pas précisé les pièces qui auraient été nécessaires en sus de celles produites.

La société CEGC rétorque que le lien de causalité n'est pas démontré et que les premiers incidents de paiement sont prescrits tandis que les derniers, de 2017, sont postérieurs à la date de garantie.

Comme précisé infra, à défaut de rapporter la preuve du lien de causalité entre la faute de la société CEGC et les frais d'incident de paiement mentionnés sur les relevés de compte, le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur la demande d'indemnisation au titre de la vente à perte de la villa

Les époux [G] réclament une somme de 28 000 euros correspondant au prix d'achat initial (225 000 euros) et au prix de vente net vendeur (197 000 euros). Ils font valoir qu'ils se sont trouvés dans l'impossibilité de régler le solde du prix en vue de la livraison de leur villa, soit 22 500 euros et qu'ils n'ont pas eu d'autres choix que de mettre immédiatement en vente leur villa. Ils estiment que si leur villa n'avait pas été livrée avec six ans de retard, ils n'auraient pas été contraints de vendre et soulignent qu'ils ont mis sept mois et demi pour vendre. Ils justifient avoir vendu au prix du marché de l'époque, soit 2 493 euros/m².

La société CEGC réfute tout lien de causalité entre ce préjudice et les manquements reprochés et fait valoir que la vente est en lien avec un défaut de maîtrise de leur budget et qu'elle a été décidée pour des convenances personnelles. Elle ajoute qu'il n'est pas démontré que le prix de vente corresponde au prix réel du marché de cette époque ni qu'ils auraient pu la vendre à ce prix si le bien avait été livré en juin 2010. Subsidiairement, elle réclame la limitation de l'indemnisation à la somme de 15 000 euros.

La cour constate qu'à hauteur d'appel, les époux [G] démontrent que leur bien, vendu 2 493 euros/m² correspondait au prix du marché de l'époque, ce que réclamait le tribunal. L'appelante n'a pas contesté ce point. Ils justifient également que la vente s'est imposée en raison d'un retard de livraison de six ans et que leur situation financière nécessitait une vente rapide. Néanmoins, ce préjudice s'analyse en une perte de chance de vendre leur bien sans perte. Au regard des pièces produites et de la chronologie de la vente, il y a lieu d'indemniser leur préjudice à hauteur de 19 000 euros.

Le jugement est infirmé sur ce point et il est alloué aux époux [G] une somme de 19 000 euros en indemnisation de ce préjudice.

Sur l'indemnisation au titre de la perte de chance de bénéficier d'une défiscalisation

À l'appui de leur appel incident, les intimés réclament une somme de 40 450 euros correspondant à la réduction d'impôt effectivement perdue et font valoir qu'ils devaient bénéficier du dispositif fiscal Girardin à compter du 30 juin 2009. Ils estiment que la société CEGC devant leur livrer leur bien à compter du 26 septembre 2010, il aurait dû bénéficier du dispositif dès l'année 2011 et durant les quatre années suivantes alors qu'ils n'ont pas pu en bénéficier, indépendamment de leur vente. Ils précisent que le délai de six mois prévu dans le dispositif fiscal courrait à compter du 30 décembre 2014, soit la déclaration d'achèvement des travaux et que leur bien n'a été effectivement livré que le 26 mars 2016, soit au-delà des six mois.

Ils estiment que le quantum ne doit pas s'analyser en une perte de chance comme l'a retenu le tribunal puisqu'il ne fait aucun doute qu'ils auraient trouvé un locataire en six mois.

La société CEGC rétorque que si les acquéreurs n'avaient pas fait le choix de vendre, ils auraient pu bénéficier du dispositif fiscal. Elle ajoute que si la livraison n'est pas intervenue dans les six mois de l'achèvement du bien, c'est qu'ils n'ont réglé le solde du prix convenu que le 17 mars 2016.

Contrairement à ce qu'affirment les intimés, le délai de six mois court à compter de l'achèvement « ou de l'acquisition si elle est postérieure », ce qui est le cas en l'espèce, le solde du prix ayant été versé le 17 mars 2016. Dans ces conditions, ils pouvaient bénéficier du dispositif de défiscalisation, s'ils n'avaient pas vendu leur bien.

À juste titre, le tribunal a relevé qu'il n'était pas établi qu'ils auraient trouvé un locataire dans le délai requis de six mois et que le retard de livraison les a simplement privés d'une perte de chance de bénéficier de cette défiscalisation.

Partant, le jugement est confirmé.

Sur l'indemnisation au titre du préjudice moral

À l'appui de son appel, la société CEGC soutient que le préjudice moral résulte uniquement d'une souffrance psychologique particulière nécessitant un traitement thérapeutique, qu'en présence d'un retard de livraison, il n'y a pas d'atteinte aux sentiments d'affection ou d'honneur et que le préjudice des intimés se confond avec le trouble de jouissance.

Les intimés forment également un appel incident sur le quantum de l'indemnisation obtenue et réclament une somme de 25 000 euros. Ils invoquent leur détresse liée à la situation financière désastreuse durant six ans, de multiples démarches, l'impossibilité de mener à bien leurs projets pendant six ans, l'obligation de déménager plusieurs fois alors qu'ils sont âgés d'environ 70 ans.

Le tribunal a retenu, sans être contesté, les nombreuses démarches entreprises par les intimés qui ont également dû initier en 2013 une procédure judiciaire afin de pouvoir prendre possession de leur bien destiné à constituer leur résidence principale.

À elle seule, l'attente durant six années d'une résidence génère un préjudice moral évident, distinct du préjudice de jouissance, et aggravé par l'absence de réponse aux diverses relances, l'inertie fautive du principal interlocuteur et la dégradation de leur bien due à l'abandon du chantier. Néanmoins, ce préjudice ne doit pas être confondu avec le préjudice de jouissance déjà indemnisé.

Au regard des pièces produites, l'indemnisation sera limitée à la somme de 5 000 euros.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Compagnie européenne de garanties et cautions, qui succombe principalement, doit donc être condamnée aux dépens d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile. Les dépens pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du même code.

Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Les circonstances de l'espèce justifient de condamner la société Compagnie européenne de garanties et cautions à payer aux époux [G] une indemnité de 3 000 euros au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d'appel. Elle est elle-même déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement uniquement en ce qu'il a condamné la société Compagnie européenne de garanties et cautions à payer à M. [T] [G] et Mme [D] [M] épouse [G] la somme de 10 000 euros au titre du manque à gagner locatif, outre les intérêts légaux et en ce qu'il a débouté M. [T] [G] et Mme [D] [M] épouse [G] de la demande au titre de la vente à perte de leur maison ;

Statuant de nouveau dans cette limite,

Déboute M. [T] [G] et Mme [D] [M] épouse [G] de leur demande au titre du manque à gagner locatif ;

Condamne la société Compagnie européenne de garanties et cautions à payer à M. [T] [G] et Mme [D] [M] épouse [G] la somme de 19 000 euros au titre de la vente à perte de leur villa, outre les intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt ;

Le confirme pour le surplus ;

Y ajoutant,

Condamne la société Compagnie européenne de garanties et cautions à payer à M. [T] [G] et Mme [D] [M] épouse [G] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Compagnie européenne de garanties et cautions aux entiers dépens d'appel, et ce avec recouvrement au profit de Me Philippe Chateauneuf avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et par Madame Jeannette BELROSE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ch civ. 1-4 construction
Numéro d'arrêt : 21/01769
Date de la décision : 17/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-17;21.01769 ?
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