La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/06/2024 | FRANCE | N°23/07623

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-5, 13 juin 2024, 23/07623


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 74D



Chambre civile 1-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 13 JUIN 2024



N° RG 23/07623 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WFYA



AFFAIRE :



[Z] [V]

...



C/

Etablissement Public LA COMMUNAUTÉ D'AGGLOMÉRATION ROISSY EN FRANCE









Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 04 Octobre 2023 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE

N° RG : 22/00904





Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 13.06.2024

à :



Me Jennyfer PILOTIN, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE,



Me Sandrine FRAPPIER, avocat au barreau de VERSAILLES







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



A...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 74D

Chambre civile 1-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 13 JUIN 2024

N° RG 23/07623 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WFYA

AFFAIRE :

[Z] [V]

...

C/

Etablissement Public LA COMMUNAUTÉ D'AGGLOMÉRATION ROISSY EN FRANCE

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 04 Octobre 2023 par le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE

N° RG : 22/00904

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 13.06.2024

à :

Me Jennyfer PILOTIN, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE,

Me Sandrine FRAPPIER, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TREIZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [Z] [V]

née le 29 Novembre 1979

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Monsieur [R] [V]

né le 01 Février 1978 à

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Jennyfer PILOTIN de la SELASU PILOTIN AVOCAT, Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 138 - N° du dossier 22/00904

Ayant pour avocat plaidant Me Nadia FALFOUL, du barreau des Hauts de Seine

APPELANTS

****************

LA COMMUNAUTÉ D'AGGLOMÉRATION ROISSY EN FRANCE

personne morale de droit public, représentée par son Président dûment habilité

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentant : Me Sandrine FRAPPIER, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 181

Ayant pour avocat plaidant Me Jean-Christophe LUBAC, du barreau de Paris

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Mai 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marina IGELMAN, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas VASSEUR, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,

EXPOSE DU LITIGE

Par un acte administratif du 2 juillet 1982, la commune de [Localité 16] est devenue propriétaire de la parcelle cadastrée [Cadastre 13] située [Adresse 15] qui est accessible depuis une sente cadastrée [Cadastre 12].

Par un acte authentique du 14 décembre 2001, la commune de [Localité 16] a vendu cette propriété à La Communauté d'Agglomération « [Localité 18] », laquelle est devenue la Communauté d'agglomération « [Localité 14] » (la CARPF).

Par une décision du 5 mars 2020, le bureau communautaire de la Communauté d'agglomération a autorisé la cession de plusieurs parcelles, dont celle numérotée [Cadastre 13], à M. [M] [H].

Un procès-verbal de constat, dressé le 7 juin 2022, a mis en évidence l'existence d'une porte métallique verrouillée interdisant l'accès et la circulation sur le chemin adjacent à la [Adresse 15] et qu'une boîte au lettre au nom de Mme [Z] [V] et M. [R] [V] est installée à côté de la porte métallique.

Par acte de commissaire de justice délivré le 21 septembre 2022, l'établissement public La Communauté d'Agglomération [Localité 14] a fait assigner en référé M. et Mme [V] aux fins principalement de leur voir ordonner de rétablir l'accès plein et entier au chemin adjacent à la [Adresse 15] sis sur la parcelle [Cadastre 12] à [Localité 1] notamment en donnant un double des clés des portails à la CARPF, et ce, dans le délai de 10 jours suivant la signification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte.

Par ordonnance contradictoire rendue le 4 octobre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Pontoise a :

- rejeté la fin de non recevoir,

- ordonné à Mme et M. [V] de rétablir l'accès plein et entier au chemin adjacent à la [Adresse 15] sis sur la parcelle [Cadastre 12] à [Localité 1] notamment en donnant un double des clés des portails à la Communauté d'Agglomération [Localité 14], et ce, dans le délai de 10 jours suivants la signification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, pendant un délai de 90 jours,

- s'est réservé la liquidation de l'astreinte,

- condamné Mme et M. [V] à payer à la Communauté d'Agglomération [Localité 14] 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire,

- condamné Mme et M. [V] aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 9 novembre 2023, M. et Mme [V] a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 20 décembre 2023 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. et Mme [V] demandent à la cour, au visa des articles 905, 905-1 et 905-2 du code de procédure civile, de :

'réformer totalement l'ordonnance de référé (RG N° 22/00904) rendue le 4 octobre 2023 par le tribunal judiciaire de Pontoise dans toutes ses dispositions, et en ce que le juge judiciaire de Pontoise a :

- ignoré et donc rejeté la fin de non-recevoir ;

- ordonné à Mme [Z] [V] et M. [R] [V] de rétablir l'accès plein et entier au chemin adjacent à la [Adresse 15] sis sur la parcelle [Cadastre 12] à [Localité 1] notamment en donnant un double des clés des portails à la Communauté d'Agglometation [Localité 14], et ce, dans un délai de 10 jours suivants la signification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jours de retard, pendant un délai de 90 jours ;

- s'est réservé la liquidation de l'astreinte ;

- condamné Mme [Z] [V] et M. [R] [V] à payer à la Communauté d'Agglometation [Localité 14] 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire

- condamné Mme [Z] [V] et M. [R] [V] aux dépens.

et en ce qu'il a :

- débouté les consorts [V],

- condamné les consorts [V],

en donc de juger les consorts [V] en ce qu'ils sont recevables et bien fondés en leurs demandes devant la cour d'appel de Versailles,

et en conséquence de :

- prononcer une fin de non-recevoir à la partie demanderesse, et que la demande en justice soit déclarée irrecevable en sa première demande devant le tribunal judiciaire de Pontoise sauf si la CARPF justifie qu'elle n'a pas procédé à la cession définitive de ladite parcelle appartenant à la CARPF.

si la cour d'appel rejette la demande de fin de non-recevoir précitée :

- juger qu'il n'existe pas de trouble manifestement illicite ;

et en conséquence, juger de l'inexistence juridique d'un acte notarié permettant à l'ensemble des propriétaires indivis à user de la servitude de passage, et que la servitude invoquée et litigieuse ne leur donne plus accès à leur parcelle cadastrée [Cadastre 13].

en tout état de cause :

- juger que la CARPF ne dispose pas de droit indivis ni un droit de passage sur le chemin adjacent à la [Adresse 15], et débouter la CARPF de sa demande de rétablissement de son droit d'usage sur le chemin d'exploitation qu'est ledit chemin, de débouter la CARPF de sa demande tendant au rétablissement par les époux [V] de l'accès plein et entier au chemin adjacent à la [Adresse 15] sur la parcelle cadastré [Cadastre 12] à [Localité 16],

- sommer la CARPF d'exposer ses réelles intentions quant à ses projets dans le périmètre de la servitude, de sa parcelle, du bien des consorts [V] et dans l'ensemble du périmètre,

- annuler et infirmer l'ordonnance du Juge judiciaire de Pontoise en ce qu'il a octroyé à la CARPF une astreinte de 200 euros par jour de retard passé le délai de 10 jours jusqu'au jour du rétablissement de l'accès audit chemin constaté par exploit d'huissier,

- annuler et infirmer l'ordonnance du Juge judiciaire de Pontoise en ce qu'il a jugé que les consorts [V] soient condamnés à verser la CARPF la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- annuler et infirmer l'ordonnance du juge judiciaire de Pontoise en ce qu'il a jugé que les consorts [V] soient condamnés à verser la CARPF les entiers dépens que l'avocat aura le droit de recouvrir conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

et en conséquence de :

- condamner la CARPF aux entiers dépens ;

- condamner la CARPF à la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.'

Dans ses dernières conclusions déposées le 18 janvier 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la CARPF demande à la cour, au visa des articles 835 du code de procédure civile, 544 et 682 du code civil et L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime, de :

'- confirmer l'ordonnance du 4 octobre 2023 du juge des référés du tribunal judiciaire de Pontoise ;

- débouter M. [R] [V] et Mme [Z] [V] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner solidairement M. [R] [V] et Mme [Z] [V] à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement M. [R] [V] et Mme [Z] [V] aux entiers dépens que son avocat aura le droit de recouvrir conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

le tout avec toutes conséquences de droit '

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

M. et Mme [V] sollicitent l'infirmation de l'ordonnance attaquée et exposent pour ce faire qu'ils sont propriétaires d'un bien immobilier situé au [Adresse 3] ; que l'entrée pour accéder à leur bien se fait par une porte menant à un long chemin qui n'a jamais été sécurisé, et qui a donné lieu à plusieurs désordres de tierces personnes (vol, squat, insalubrité...) ; qu'étant les seuls propriétaires pouvant passer par ce chemin, ils ont sécurisé les lieux afin de pouvoir y habiter en sécurité avec leurs 3 enfants ; que ni la ville de [Localité 16], ni la CARPF n'ont tenté de communiquer avec eux au sujet de cette sécurisation ; que dans ce périmètre appelé « [Adresse 15] », il y a des terrains vides insalubres et des maisons abandonnées également insalubres.

Ils relatent encore qu'ils ont installé, dans le chemin, une deuxième porte conduisant chez eux ; qu'un propriétaire mitoyen a clôturé le chemin de passage qui permet à la CARPF d'accéder à sa parcelle [Cadastre 13] en édifiant sans autorisation un mur, bloquant l'accès au véritable chemin de passage dont se prévaut la CARPF ; qu'il est « étrange » que la CARPF n'accède pas par son entrée et souhaite entrer par un autre chemin qui, au final, ne lui permettra pas de rejoindre sa parcelle en raison du mur édifié illégalement.

Ils soulèvent en premier lieu l'irrecevabilité de l'action de la CARPF pour défaut de qualité à agir, faisant valoir qu'en vertu d'une décision du 5 mars 2020, le bureau communautaire de la CARPF a autorisé la cession de la parcelle [Cadastre 13] à M. [M] [H], qui exerce des activités dans le domaine immobilier, et que l'intimée ne démontre pas qu'elle est toujours propriétaire de cette parcelle, ne justifiant notamment pas si M. [H] en est maintenant le propriétaire, l'intimée n'ayant jamais prouvé qu'elle avait ou non procédé à la cession définitive de la parcelle litigieuse.

En second lieu, M. et Mme [V] soutiennent que le premier juge a fait une erreur d'appréciation sur les faits, les plans techniques et les photos, et qu'il a omis de prendre en considération que la servitude donne accès à leur propriété, de sorte qu'en conférant à la CARPF le droit d'y accéder, il l'autorise à empiéter sur leur propriété.

Pour contester les droits indivis revendiqués par l'intimée sur le passage en litige, les appelants avancent que ni l'acte administratif de vente en la forme authentique du 2 juillet 1982, ni l'acte de vente du 14 décembre 2001 ne confèrent de tels droits à la CARPF ; que cette dernière ne bénéficie pas non plus d'un droit de servitude.

M. et Mme [V] demandent donc l'infirmation de l'ordonnance querellée, faisant observer que la CARPF a acquis une parcelle totalement isolée et que techniquement, il ne lui sera pas possible d'y accéder, cette parcelle étant dans une totale impasse.

La CARPF intimée sollicite la confirmation intégrale de l'ordonnance entreprise.

Elle expose que la commune de [Localité 16] a acquis le 14 décembre 2001 la propriété cadastrée [Cadastre 13] située [Adresse 3], laquelle lui a été transmise selon arrêté préfectoral du 9 novembre 2015, et que cette parcelle est seulement accessible par le chemin adjacent à la [Adresse 17], correspondant à la parcelle cadastrée [Cadastre 12] ; qu'elle a été autorisée par décision du 5 mars 2020 du bureau communautaire à céder la parcelle [Cadastre 13] à M. [H], projet actuellement impossible à concrétiser du fait qu'elle ne peut plus accéder à sa parcelle comme en atteste un procès-verbal de constat dressé le 7 juin 2022, mentionnant l'existence d'une porte métallique verrouillée et d'une boîte à lettre aux noms de M. et Mme [V].

Sur la fin de non-recevoir soulevée par les appelants, elle rétorque prouver être propriétaire de la parcelle en cause aux termes des actes ci-dessus évoqués et que les appelants inversent la charge de la preuve en sollicitant qu'elle démontre ne pas avoir effectivement cédé cette parcelle, ce qui au demeurant est une preuve impossible.

Elle demande donc la confirmation de l'ordonnance qui a écarté ce moyen et qui a fait droit à sa demande au titre du trouble manifestement illicite, arguant de l'existence d'une indivision forcée et perpétuelle en présence d'un fonds présentant le caractère d'accessoire indispensable à l'usage et l'exploitation d'un autre fonds.

Elle soutient que les droits nés d'une indivision forcée et perpétuelle sont transmis automatiquement avec la qualité de propriétaire du fonds dont l'indivision est l'accessoire indispensable.

Elle considère que sa demande ne compromet aucunement les droits de M. et Mme [V] et que ce sont eux qui tentent de s'approprier à titre exclusif un bien indivis en fermant l'accès au chemin, causant par là un trouble manifestement illicite, rappelant que d'autres parcelles cadastrées [Cadastre 11], [Cadastre 8], [Cadastre 13],[Cadastre 7],[Cadastre 6], [Cadastre 4], [Cadastre 9] et [Cadastre 10] sont également exclusivement desservies par le chemin adjacent à la [Adresse 15].

Elle prétend que l'existence de cette indivision forcée et perpétuelle est confortée par le relevé des formalités publiques relatif à la parcelle [Cadastre 12] qui indique qu'il s'agit d'une indivision en pleine propriété.

Elle conteste disposer d'une autre voie d'accès à sa parcelle et soutient que les photographies dont arguent les appelants sont tronquées.

Ainsi, elle répète que l'installation sans autorisation des portails métalliques qui interdisent l'accès au chemin adjacent à la [Adresse 15], commun à la desserte des différentes parcelles des propriétaires riverains de cette parcelle, constitue un trouble manifestement illicite et que la mesure octroyée par le premier juge est le seul moyen d'y mettre fin.

Subsidiairement, elle se fonde sur le fait que sa propriété est enclavée au sens de l'article 682 du code civil et qu'il est de jurisprudence constante que le propriétaire d'un fonds enclavé peut réclamer un passage sur les fonds voisins.

Encore plus subsidiairement, elle argue de l'application de l'article L. 162-1 du code rural et de la pêche maritime, faisant valoir que le chemin litigieux doit être qualifié de chemin d'exploitation qui ne peut être obstrué.

Sur ce,

A titre liminaire il sera observé que la demande des appelants figurant ainsi au dispositif de leurs dernières conclusions : ' sommer la CARPF d'exposer ses réelles intentions quant à ses projets dans le périmètre de la servitude, de sa parcelle, du bien des consorts [V] et dans l'ensemble du périmètre', ne s'analyse pas en une prétention susceptible d'entraîner des conséquences juridiques, de sorte qu'il n'y sera pas répondu.

Sur la fin de non-recevoir soulevée par M. et Mme [V] :

Soutenant que la demanderesse initiale à l'action ne démontrerait pas être propriétaire du terrain pour lequel elle sollicite un accès, les appelants soulèvent ainsi plus exactement un défaut d'intérêt à agir de la CARPF.

L'article 31 du code de procédure civile dispose que L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

En vertu de l'acte d'acquisition de la commune de [Localité 16] en date du 2 juillet 1982, de l'acte de vente de la commune de [Localité 16] au profit de la communauté d'agglomération [Localité 18] en date du 14 décembre 2001 et de l'arrêté interpréfectoral portant fusion des communautés d'agglomération « Roissy Porte de France » et « [Localité 18] » au 1er janvier 2016, il est établi que la CARPF est la propriétaire actuelle de la parcelle cadastrée [Cadastre 13].

S'il résulte en effet d'un extrait du registre des décisions du bureau communautaire de la CARPF en date du 5 mars 2020 que cette dernière a été autorisée à céder ladite parcelle, parmi d'autres, à M. [H], aucun élément des débats ne permet de déduire que la cession serait effectivement intervenue.

En application des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile selon lesquelles il incombe à chaque partie de rapporter la preuve des faits nécessaires au succès de sa prétention, force est de constater que M. et Mme [V] échouent à rapporter la preuve que la CARPF ne serait plus propriétaire du bien litigieux.

L'ordonnance querellée sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir.

Sur le trouble manifestement illicite :

Aux termes de l'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le juge du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite est caractérisé par 'toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit' qu'il incombe à celui qui s'en prétend victime de démontrer.

Au cas présent, il ressort du plan cadastral ainsi que de la photographie de la typographie de l'état des lieux des parcelles en litige que celle appartenant à la CARPF se trouve enclavée puisqu'il est impossible d'y accéder depuis la voie publique avec laquelle elle ne communique pas, et qu'elle ne peut le faire qu'en utilisant le chemin cadastré section [Cadastre 12].

A cet égard il convient de relever que l'assertion des appelants selon laquelle le blocage de l'accès à sa parcelle par la CARPF résulterait de l'édification d'un mur par un ancien voisin n'est corroborée par aucun élément, et est au demeurant contredite par les plans et photographies versés aux débats, démontrant que le seul moyen pour la CARPF d'accéder à la parcelle dont elle est propriétaire est bien l'emprunt de la sente dont l'entrée se situe au numéro 36 de la [Adresse 15].

Selon les informations qui figurent au relevé des formalités du service foncier concernant ce chemin cadastré section [Cadastre 12], celui-ci a fait l'objet d'une cession totale en indivision en pleine propriété de la part d'un individu dénommé Desmaziers, au bénéfice de 10 personnes (les consorts [W], [G], [B], [A]), parmi lesquelles ne figurent aucun nom qui se retrouverait dans les origines de propriété de la parcelle de la CARPF, et en tout cas de ceux versés aux débats, à savoir l'acte d'acquisition de la commune de [Localité 16] en date du 2 juillet 1982 et l'acte de vente de la commune de [Localité 16] au profit de la communauté d'agglomération [Localité 18] en date du 14 décembre 2001.

En revanche, ledit relevé des formalités du service foncier fait apparaître qu'une banque a fait inscrire en 2014, notamment sur la parcelle cadastrée [Cadastre 12], un privilège de prêteur de deniers et une hypothèque conventionnelle, à l'égard de M. et Mme [V], de sorte que les concernant, la preuve est rapportée qu'ils disposent de droits indivis sur cette parcelle.

La notion d'indivision perpétuelle et forcée est une création prétorienne visant les hypothèses où une dépendance de plusieurs propriétés a été créée ou conservée pour être utilisée en commun en vue de l'exploitation de ces propriétés, de sorte qu'il ne peut y avoir de partage, sans le consentement unanime des propriétaires des biens dont la dépendance constitue l'accessoire.

Si le droit de propriété peut se prouver par tous moyens, force est toutefois de constater qu'en l'espèce, la CARPF ne rapporte aucun élément qui tendrait à démontrer qu'elle bénéficierait, comme les appelants, de droits indivis sur ladite parcelle.

La juridiction des référés étant celle de l'évidence, il ne lui appartient pas d'instituer le cas échéant un droit de propriété, fût-il indivis, au profit d'une partie dans ces conditions.

Toutefois, en vertu des dispositions de l'article 682 du code civil, le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner, toutes les modalités d'utilisation du fonds étant, selon la jurisprudence, concernées, pourvu qu'elles soient normales.

Il s'ensuit qu'à tout le moins, la CARPF est fondée à invoquer un droit de passage sur la parcelle [Cadastre 12] en vertu de l'existence a minima d'une servitude légale afin de lui permettre d'accéder à sa propriété.

Dès lors que M. et Mme [V] empêchent la CARPF d'utiliser son droit de passage, ce qu'ils ne contestent au demeurant pas, un trouble manifestement illicite est caractérisé et l'ordonnance querellée sera confirmée en ce qu'elle a ainsi jugé, ainsi que s'agissant de la mesure ordonnée afin d'y mettre fin, laquelle en outre, consistant conformément à la demande de la CARPF à lui fournir un double des clés des portails, apparaît particulièrement proportionnée et respectueuse des droits des appelants.

L'ordonnance sera également confirmée sur l'astreinte prononcée, sauf en ce qu'elle a dit que le premier juge s'en réservait la liquidation.

Sur les demandes accessoires :

L'ordonnance sera également confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, M. et Mme [V] ne sauraient prétendre à l'allocation de frais irrépétibles. Ils devront en outre supporter solidairement les dépens d'appel qui seront recouvrés avec distraction au bénéfice de l'avocat qui en a fait la demande.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la CARPF la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. Les appelants seront en conséquence solidairement condamnés à lui verser une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Confirme l'ordonnance du 4 octobre 2023 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit que Mme [Z] [V] et M. [R] [V] supporteront solidairement les dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne solidairement Mme [Z] [V] et M. [R] [V] à verser à la Communauté d'agglomération « [Localité 14] » la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Thomas VASSEUR, président, et par Madame Élisabeth TODINI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-5
Numéro d'arrêt : 23/07623
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;23.07623 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award