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13/06/2024 | FRANCE | N°23/07486

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-5, 13 juin 2024, 23/07486


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 54G



Chambre civile 1-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 13 JUIN 2024



N° RG 23/07486 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WFLO



AFFAIRE :



S.A. ALBINGIA





C/

S.A. ALLIANZ IARD

...







Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 04 Octobre 2023 par le Président du TJ de PONTOISE

N° RG : 23/00072



Expéditions exécutoires

Expédi

tions

Copies

délivrées le : 13.06.2024

à :



Me Emmanuel DESPORTES, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Baudouin DE SANTI, avocat au barreau de VERSAILLES,



Me Monique TARDY, avocat au barreau de VERSAILLES,



Me Martine DUPUIS, avocat au ba...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54G

Chambre civile 1-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 13 JUIN 2024

N° RG 23/07486 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WFLO

AFFAIRE :

S.A. ALBINGIA

C/

S.A. ALLIANZ IARD

...

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 04 Octobre 2023 par le Président du TJ de PONTOISE

N° RG : 23/00072

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 13.06.2024

à :

Me Emmanuel DESPORTES, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Baudouin DE SANTI, avocat au barreau de VERSAILLES,

Me Monique TARDY, avocat au barreau de VERSAILLES,

Me Martine DUPUIS, avocat au barreau de VERSAILLES,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TREIZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A. ALBINGIA

agissant en qualité d'assureur dommages ouvrage, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.

N° SIRET : B 4 29 369 309

[Adresse 3]

[Localité 11]

Représentant : Me Emmanuel DESPORTES de la SCP BROCHARD & DESPORTES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 243 - N° du dossier 23138

Ayant pour avocat plaidant Me Emmanuelle DESPORTES, du barreau de Versailles

APPELANTE

****************

S.A. ALLIANZ IARD

en qualité d'assureur de la société BOUYGUES BATIMENT GRAND OUEST, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.

N° SIRET : 542 110 291

[Adresse 2]

[Localité 9] / FR

Représentant : Me Baudouin DE SANTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 522 - N° du dossier 202344

Ayant pour avocat plaidant Me Catherine MAULER, du barreau de Paris

S.A.S. BOUYGUES BATIMENT GRAND OUEST

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.

N° SIRET : 321 00 6 8 92

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentant : Me Monique TARDY de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 005761

Ayant pour avocat plaidant Me Cyril DUTEIL, du barreau de Paris

CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES PARIS VAL DE LOIRE Caisse de réassurances mutuelles agricoles, DITE GROUPAMA VAL DE LOIRE,

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.

N° SIRET : 382 28 5 2 60

[Adresse 1]

[Localité 10]

S.A. GROUPE LOISELEUR HAUTS DE FRANCE GRAND PARIS

Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 322 64 0 8 63

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 2372615

Ayant pour avocat plaidant Me Nicolas CIRON, du barreau de Paris

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Mai 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marina IGELMAN, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas VASSEUR, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,

EXPOSE DU LITIGE

La SCI Le Clos de la Grande Ferme a, en qualité de maître d'ouvrage, fait édifier 130 logements sur 5 bâtiments situés [Adresse 4] (Val-d'Oise).

La SAS Bouygues Bâtiment Grand Ouest, assurée auprès de la SA Allianz Iard, et la SA Groupe Loiseleur Hauts de France Grand Paris, assurée auprès de la société Groupama Paris Val de Loire, sont intervenues à l'acte de construire.

Une police dommages-ouvrage a été souscrite auprès de la SA Albingia.

La réception des travaux a été prononcée le 27 novembre 2009.

Le syndicat des copropriétaires Le Clos de la Grande Ferme ayant constaté l'apparition de désordres structurels et d'affaissement du sol, a procédé à une déclaration de sinistre auprès de l'assureur dommages-ouvrage le 10 octobre 2019.

La société Albingia a désigné le cabinet Eurisk, lequel a déposé un rapport préliminaire le 28 novembre 2019 à la suite duquel l'assureur dommages-ouvrage a notifié au syndic du syndicat des copropriétaires Le Clos de la Grande Ferme une position de non-garantie.

Suite à des investigations supplémentaires, la société Albingia va notifier au syndic une proposition d'indemnisation qui sera refusée.

Par acte en date du 15 novembre 2021, le syndicat des copropriétaires Le Clos de la Grande Ferme a sollicité une expertise judiciaire au contradictoire des sociétés Albingia et Axeria sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.

Par une ordonnance du 9 mars 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Pontoise a désigné Mme [J] [K] en qualité d'expert judiciaire.

Par acte de commissaire de justice délivré les 21, 22 et 23 décembre 2022, la société Albingia a fait assigner en référé la société Bouygues Bâtiment Grand Ouest, la société Allianz Iard, la société Groupe Loiseleur Hauts de France Grand Paris et la société Groupama Paris Val de Loire aux fins de leur voir rendre communes et opposables les opérations d'expertise de Mme [J] [K] désignée par le tribunal judiciaire de Pontoise par ordonnance du 9 mars 2022.

Par ordonnance contradictoire rendue le 4 octobre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Pontoise a :

- débouté la société Albingia de ses demandes, fins et conclusions,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Albingia aux dépens recouvrés directement pour ceux dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu de provision au profit de Maître Stéphanie Grandjean et de Maître Séverine Gallas-Legal, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe le 2 novembre 2023, la société Albingia a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions déposées le 15 décembre 2023 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Albingia demande à la cour, au visa des articles 145 et 245 du code de procédure civile, de :

'au principal, renvoyer les parties à se pourvoir comme elles aviseront,

mais dès à présent, vu l'urgence et par provision,

- rendre communes aux parties requises, notamment Allianz et Groupama, les opérations d'expertise de Mme [J] [K] désignée par le tribunal judiciaire de Pontoise statuant en référé sur la demande du SDC Clos de la Grande Ferme par ordonnance du 9 mars 2022 (RG 21/01029).

- débouter la société Bouygues et Groupama de toute leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner les parties requises à régler la somme de 1 000,00 euros chacune à la société Albingia.

- condamner les parties requises aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction de ces derniers à Maître Emmanuel Desportes.'

Dans ses dernières conclusions déposées le 16 janvier 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Bouygues Bâtiment Grand Ouest demande à la cour, au visa des articles 145 du code de procédure civile, 1792, 1792-4-1 et 1792-4-3 du code civil, de :

'- confirmer l'ordonnance rendue le 4 octobre 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Pontoise,

- débouter en conséquence la société Albingia de sa demande, comme étant dépourvue de motif légitime, toute action au fond étant manifestement irrecevable.

- condamner la société Albingia en tous les dépens, dont distraction au projet de Maître Monique Tardy, membre de l'AARPI Avocalys, avocat postulant, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- condamner la société Albingia à verser à la société Bouygues Batiment Grand Ouest une indemnité de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. '

Dans ses dernières conclusions déposées le 12 janvier 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Allianz Iard demande à la cour, au visa des articles 145 du code de procédure civile et 1792 et suivants du code civil, de :

'- confirmer l'ordonnance de référé du 4 octobre 2023 en ce qu'elle a débouté la compagnie Albingia de ses demandes, en particulier en tant que dirigées à l'encontre de la Compagnie Allianz Iard.

- juger que la compagnie Albingia ne justifie pas d'un intérêt légitime à voir attraite en particulier la compagnie Allianz Iard dans le cadre des opérations d'expertise faute de justifier avoir interrompu la forclusion décennale à son égard avant son expiration le 27 novembre 2019.

- débouter la compagnie Albingia de ses demandes.

- prononcer la mise hors de cause de la compagnie Allianz Iard.

subsidiairement et pour le cas où par extraordinaire l'ordonnance serait infirmée et que les opérations d'expertise seraient communes à la compagnie Allianz Iard,

- recevoir la compagnie Allianz Iard en son appel incident, la déclarer recevable et bien fondé.

- juger que la compagnie Allianz Iard a intérêt et qualité à solliciter que les opérations d'expertise soient déclarées communes et opposables à la société Groupe Loiseleur Hauts de France Grand Paris et à son assureur Caisse Régionale D'assurance Mutuelles Agricoles Paris Val de Loire.

- juger que la demande de la compagnie Allianz Iard à leur encontre ne se heurte à aucune prescription, la prescription quinquennale de droit commun s'appliquant dans les rapports entre constructeurs et/ou leurs assureurs n'étant pas expirée.

- rendre communes et opposables à la société Groupe Loiseleur Hauts de France Grand Paris et à son assureur la Caisse Régionale D'assurance Mutuelles Agricoles Paris Val de Loire dite Groupama Val de Loire les opérations d'expertise judiciaire de Mme [J] [K] désignée par le tribunal judiciaire de Pontoise selon ordonnance prononcée le 9 mars 2022 (RG 21/01029).

En toute hypothèse,

- condamner la compagnie Albingia à payer à la compagnie Allianz Iard la somme de 2 000 euros sur le fondement l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au bénéfice de Maître Baudouin de Santi, avocat aux offres de droit.'

Dans leurs dernières conclusions déposées le 17 janvier 2024 auxquelles il convient de se rapporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, la Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Paris Val de Loire et la société Groupe Loiseleur Hauts de France Grand Paris demandent à la cour, au visa des articles 145, 696 et 700 du code de procédure civile, 1792, 1792-4-1, 1792-4-2, 1792-4-3 et 1792-6 du code civil, L. 241-1 et suivants du code des assurances et l'annexe I de l'article A243-1 du code des assurances, de :

'à titre principal

- juger que la demande de la compagnie Albingia de rendre communes et opposables les opérations d'expertise de Mme [J] [K] à la compagnie Groupama Paris Val de Loire et à la société Groupe Loiseleur Hauts de France Grand Paris est dépourvue d'un motif légitime ;

en conséquence

- confirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Pontoise le 4 octobre 2023 et enregistrée sous le RG n°23/00072 ;

- ordonner la mise hors de cause de la compagnie Groupama Paris Val de Loire et de la société Groupe Loiseleur Hauts de France Grand Paris ;

à titre subsidiaire

- juger que la compagnie Groupama Paris Val de Loire et la société Groupe Loiseleur Hauts de France Grand Paris, sans aucune reconnaissance de responsabilité et de garantie, entendent formuler toutes protestations et réserves d'usage relatives à la demande de la compagnie Albingia tendant à ce que les opérations d'expertise judiciaire de Mme [J] [K] leur soient rendues communes et opposables ;

- juger que la compagnie Groupama Paris Val de Loire et la société Groupe Loiseleur Hauts de France Grand Paris se réservent le droit de mettre en cause tout intervenant à la présente procédure ;

- mettre à la charge exclusive de la compagnie Albingia la provision à valoir sur les frais d'expertise, compte-tenu de sa qualité de demanderesse à l'instance ;

en tout état de cause ;

- débouter la compagnie Albingia de sa demande de condamnation de la compagnie Groupama Paris Val de Loire et de la société Groupe Loiseleur Hauts de France Grand Paris au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

- rejeter toutes demandes plus amples ou contraires au présent dispositif ;

- condamner in solidum tout succombant à payer à la compagnie Groupama Paris Val de Loire et à la société Groupe Loiseleur Hauts de France Grand Paris la somme de 3 500,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner tout succombant aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.'

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La société Albingia appelante relate que le syndicat des copropriétaires Le Clos de la Grande Ferme a omis d'appeler à l'expertise judiciaire l'entreprise générale et l'entreprise en charge du lot Voiries Réseaux Divers, ainsi que leurs assureurs décennaux, régulièrement convoqués aux opérations d'expertise amiable conformément aux dispositions de la Convention de Règlement de l'Assurance Construction (la CRAC) et considère qu'elle est quant à elle fondée à les attraire.

Elle sollicite donc la réformation de l'ordonnance querellée qui a retenu que son action serait prescrite et fait observer que s'il lui a été reproché de ne verser aucune liste des adhérentes à la CRAC, aucun assureur n'avait pourtant contesté son adhésion, tandis que tant la société Allianz que Groupama figurent bien dans la liste des adhérentes.

Or fait-elle valoir, cette convention prévoit une nouvelle cause d'interruption du délai de forclusion prévu par l'article 1792-4-1 du code civil, « par simple lettre recommandée avec AR entre les sociétés adhérentes ».

Elle soutient démontrer que les sociétés Bouygues Bâtiment et son assureur Allianz, Loiseleur Paysage et Groupama ont bien été convoquées par lettre recommandée avec accusé de réception aux opérations d'expertise amiable dommages-ouvrage du cabinet Stelliant, précisant que les premiers constants effectués par l'expert DO au contradictoire des constructeurs et de leurs assureurs ont été effectués bien avant l'expiration du délai décennal le 27 novembre 2019 ce qui implique que les convocations ont été adressées avant cette date.

La forclusion de l'action au fond qu'elle pourrait introduire à la suite des opérations d'expertise de Mme [K] est donc selon elle loin d'être évidente. Elle soutient en conséquence qu'il existe un motif légitime pour faire droit à sa demande d'ordonnance commune, d'autant que l'expert judiciaire a donné son accord aussi dans le but de mieux analyser les désordres, ses causes et, par conséquent, mieux déterminer les travaux de réparation.

La société Bouygues Bâtiment demande la confirmation de la décision qui a retenu que toute action à son égard serait irrecevable.

Elle relate que la société Albingia ne conteste pas que l'ouvrage qui serait affecté de désordres, à savoir le bâtiment [Adresse 12], a été réceptionné le 27 novembre 2009 et que tant le délai de forclusion de l'action en responsabilité fondée sur les dispositions de l'article 1792 du code civil que celui de l'action en responsabilité contractuelle ont pris fin le 27 novembre 2019.

Elle soutient que la société Albingia ne peut se prévaloir à son égard de la CRAC, dont elle n'est pas partie.

La société Allianz, assureur de la société Bouygues Bâtiment, demande également la confirmation de l'ordonnance qui l'a mise hors de cause, faisant valoir que sa demande se heurte à la forclusion décennale de l'article 1792-4-1 du code civil.

Elle avance qu'en l'espèce, l'assignation de la société Albingia est plus de 3 ans postérieure à l'expiration de la forclusion décennale, la réception des travaux étant intervenue le 27 novembre 2009, et qu'elle ne justifie d'aucun acte interruptif survenu dans le délai d'épreuve.

Elle soutient que l'appelante ne démontre pas l'envoi en recommandé du courrier du 12 novembre 2019.

Subsidiairement, elle sollicite que les opérations d'expertise soient également déclarées communes et opposables à la société Groupe Loiseleur et à son assureur Groupama, lesquelles ne peuvent selon elle lui opposer une quelconque prescription, rappelant que la Cour de cassation a récemment précisé que le point de départ de la prescription de 5 ans applicable aux rapports entre constructeurs se situe à la date à laquelle le maître de l'ouvrage a assigné le constructeur demandeur aux fins d'indemnisation de ses préjudices.

Groupama et la société Groupe Loiseleur, dont les travaux pour le lot VRD ont été réceptionnés le 18 mai 2011, demandent la confirmation de l'ordonnance qui les a mises hors de cause, arguant elles aussi de la forclusion de toute action à leur encontre, alors qu'il est selon elles manifeste que ni le maître d'ouvrage, ni la société Albingia n'ont accompli le moindre acte qui aurait pu interrompre l'écoulement du délai de forclusion.

Elle font valoir que, comme l'a justement relevé le juge des référés, le rapport de l'expert mandaté par la compagnie dommages-ouvrage ne mentionne aucunement qu'elles ont été convoquées à la réunion d'expertise réalisée le 25 novembre 2019 dans le cadre de la convention CRAC, et qu'aucun courrier LRAR de convocation n'est au demeurant produit par la compagnie Albingia ; que la première réclamation formulée à leur encontre s'est opérée au moyen de l'assignation du 22 décembre 2022, c'est-à-dire postérieurement au délai de forclusion décennale qui est intervenue le 18 mai 2021.

A titre subsidiaire, elles indiquent formuler toutes protestations et réserves d'usage et demandent qu'il soit acté qu'elles se réservent le droit de mettre en cause tout intervenant à la présente procédure.

Sur ce,

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de fait dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

L'application de ces dispositions suppose l'existence d'un éventuel procès in futurum, sur la base d'un fondement juridique suffisamment déterminé et dans lequel les parties appelées à la mesure seraient susceptibles de voir leur responsabilité engagée.

S'il n'entre pas dans les pouvoirs de la juridiction des référés de constater l'acquisition d'une prescription ou d'une forclusion, un tel moyen peut cependant être examiné sur le point de savoir s'il conduirait, avec l'évidence requise, à l'échec manifeste de toute future action au fond.

Au cas présent, la société Albingia, assureur dommages-ouvrage, admet que le délai de forclusion décennale était parvenu à son terme lorsqu'elle a attrait les intimées dans la présente procédure, mais soutient que celui-ci a été interrompu du fait de leurs convocations avant son expiration aux opérations d'expertise amiable, fondant son analyse sur l'application de la convention de règlement assurances construction, laquelle prévoit au 2e alinéa de son article 9 a) que « les prescriptions visées à l'article 1792-4-1 du code civil sont interrompues par simple lettre recommandée avec AR entre les sociétés adhérentes ».

Tandis qu'il est avéré que ni la société Bouygues Bâtiment, ni la société Loiseleur Paysage ne sont intervenantes à cette convention, il s'avère en tout état de cause que l'appelante ne justifie, contrairement à ce qu'elle prétend, d'aucune convocation des sociétés intimées par lettre recommandée avec accusé de réception avant l'expiration du délai de forclusion.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que le premier juge a retenu que la société Albingia n'apportait pas la démonstration qui lui incombe de l'existence d'un motif légitime au sens des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile et qu'elle devait être déboutée de ses demandes.

L'ordonnance dont appel sera confirmée en ce qu'elle a ainsi jugé.

Sur les demandes accessoires :

L'ordonnance sera également confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie perdante, la société Albingia ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles. Elle devra en outre supporter les dépens d'appel qui seront recouvrés avec distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser aux intimées la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. L'appelante sera en conséquence condamnée à verser à la société Bouygues Bâtiment, à la société Allianz et aux sociétés Groupama et Groupe Loiseleur ensemble, une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Confirme l'ordonnance du 4 octobre 2023 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit que la société Albingia supportera les dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société Albingia à verser à la société Bouygues Bâtiment Grand Ouest la somme de 1 500 euros, à la société Allianz Iard la somme de 1 500 euros et aux sociétés Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Paris Val de Loire et Groupe Loiseleur Hauts de France Grand Paris, ensemble, la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Thomas VASSEUR, président, et par Madame Élisabeth TODINI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-5
Numéro d'arrêt : 23/07486
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;23.07486 ?
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