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13/06/2024 | FRANCE | N°22/00461

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-5, 13 juin 2024, 22/00461


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-5



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 13 JUIN 2024



N° RG 22/00461

N° Portalis DBV3-V-B7G-VAB7



AFFAIRE :



[U] [W]





C/

S.A. KPMG









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes de CERGY PONTOISE

N° Section : E

N° RG : F 21/00227



Copies exécutoire

s et certifiées conformes délivrées à :



la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS



la SELEURL ARENA AVOCAT







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TREIZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 13 JUIN 2024

N° RG 22/00461

N° Portalis DBV3-V-B7G-VAB7

AFFAIRE :

[U] [W]

C/

S.A. KPMG

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes de CERGY PONTOISE

N° Section : E

N° RG : F 21/00227

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS

la SELEURL ARENA AVOCAT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TREIZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [U] [W]

né le 28 Mars 1975 à

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

Représentant : Me Arnaud MOQUIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

S.A. KPMG

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Stéphanie ARENA de la SELEURL ARENA AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 637

Représentant : Me Harold BERRIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Avril 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseillère,

Greffier lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB,

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée du 1er août 2002, M. [U] [W] a été engagé à compter du 1er octobre 2002 par la société KPMG, entreprise d'expertise comptable et de commissariat aux comptes, en qualité d'assistant, puis il a été promu senior manager à compter du 1er octobre 2013.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes.

Par courrier du 19 octobre 2017, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui s'est tenu le 30 octobre 2017, puis il a été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée avec avis de réception du 8 novembre 2017.

Contestant son licenciement, le salarié a saisi de conseil de prud'hommes de Nanterre le 14 mai 2018, puis le dossier a été transféré au conseil de prud'hommes de Cergy Pontoise le 13 avril 2021 sur délégation du Premier Président de la présente cour.

Par jugement du 20 janvier 2022, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes a :

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire de M. [W] à la somme de 11 048,25 euros,

- condamné la SA KPMG à verser à M. [W] les sommes nettes suivantes :

* 19 326,85 euros au titre des dommages et intérêts pour clause de non-concurrence,

* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation par la partie défenderesse en ce qui concerne les créances salariales et à compter du jugement en ce qui concerne les créances indemnitaires, et fait droit à la demande d'anatocisme en tant que de besoin,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- mis les éventuels dépens de l'instance à la charge de la Sa KPMG.

Par déclaration au greffe au 14 février 2022, M. [W] a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 18 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, M. [W] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré nul et à tout le moins inopposable le forfait jours qui lui a été appliqué, en tant que de besoin par addition ou substitution de motifs en faisant droit aux moyens qu'il a soulevés,

- juger en tant que de besoin que l'accord collectif KPMG du 22 décembre 1999 ne pouvait valablement instaurer un système de forfait jours, car ne respectant pas les dispositions de l'article L.3121-46 interprété à la lumière des dispositions de l'article 151 du traité TFUE, de la charte sociale européenne, de la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs et de la directive 1993-104 CE du conseil du 23 novembre 1993, de la Directive 2003-88 CE du parlement européen et du conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,

- juger ainsi d'autant plus nul ou à tout le moins inopposable son forfait jours, toutes périodes confondues, alors qu'aucun nouvel accord de forfait jours n'a été convenu par écrit postérieurement à celui initial entaché de nullité et à raison en toute hypothèse du non-respect par KPMG des conditions de mise en 'uvre des forfaits jours prévues par l'avenant 24 bis de la convention collective des cabinets d'experts comptables et de commissaires aux comptes,

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la clause 9 du contrat de travail s'analysait en une clause de non-concurrence et ouvrait droit à l'indemnité de non-concurrence,

- confirmer l'allocation d'une somme en application de l'article 700, mais l'infirmer quant à son montant et son étendue,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé la moyenne des 3 derniers mois de son salaire à la somme de 11 048,25 euros bruts,

- infirmer le jugement en ce qu'il n'a condamné la société KPMG qu'à lui verser les sommes nettes suivantes :

* 19 326,85 euros au titre de dommages et intérêts pour clause de non-concurrence

* 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile

* l'a débouté du surplus de ses demandes,

statuant à nouveau,

- juger qu'il verse aux débats des éléments objectifs concrets et précis de nature à établir la réalité des heures non rémunérées et auxquelles l'employeur pouvait répondre,

- juger qu'en l'absence de réponse de nature à justifier son temps de travail effectif, il y a lieu de faire droit aux demandes de rappel d'heures et, en conséquence,

- condamner KPMG à lui payer :

* 190 249,49 euros au titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,

* 19 024,95 euros outre les congés payés y afférents,

* subsidiairement, fixer le rappel d'heures supplémentaires à la somme de 142 232,12 euros,

outre congés payés y afférents pour 14 223,21 euros,

- condamner KPMG à lui payer :

* 109 592,77 euros au titre des repos compensateurs, subsidiairement, fixer cette somme à 76 050,61 euros,

-juger que, de ce fait, que son salaire mensuel moyen reconstitué pour les 12 derniers mois de travail s'établit à 16 805,07 euros, subsidiairement, fixer ce montant de salaire mensuel moyen à 15 257,05 euros, encore plus subsidiairement, constater que le salaire moyen mensuel effectivement versé à ce jour par KPMG s'établit à 10 156,88 euros,

- condamner KPMG à lui payer, au titre du travail dissimulé, une somme de 100 830,42 euros,

subsidiairement, fixer ce montant à 91 542,28 euros,

- condamner KPMG à lui payer à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice de santé, la somme de 30 000 euros,

- juger que la véritable cause du licenciement repose sur son burn-out et donc sur un motif discriminatoire lié à l'état de santé du salarié, en conséquence, déclarer nul et de nul effet le licenciement de Monsieur [U] [W],

- juger qu'il verse aux débats des éléments de nature à laisser supposer une situation de harcèlement moral et juger qu'il a été victime de faits qualifiables de harcèlement moral, juger que le licenciement, intervenu alors qu'il avait dénoncé la situation de harcèlement moral dont il était victime, est d'autant plus nul,

- condamner KPMG à lui payer, au titre du licenciement nul, la somme de 403 321,69 euros,

subsidiairement, la somme de 366 169,12 euros,

encore plus subsidiairement,

- juger que son licenciement est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse, en conséquence condamner KPMG à lui payer, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 218 465,91 euros, subsidiairement, voir fixer cette indemnité à la somme de 198 341,65 euros, encore plus subsidiairement, voir fixer cette indemnité à la somme de 132 039,44 euros,

- constater que KPMG lui a imposé une clause de non concurrence, en conséquence, condamner KPMG à lui payer, à titre d'indemnité de non concurrence, ayant produit ses effets pendant 3 ans depuis le licenciement, une somme établie conformément à la convention collective, de 151 245,63 euros, outre congés payés y afférents pour 15 124,56 euros, subsidiairement, fixer ce montant à la somme de 137 313,42 euros, outre congés payés y afférents pour 13 731,34 euros, à titre encore plus subsidiaire, fixer cette somme à 91 411,92 euros, outre congés payés y afférents pour 9 141,19 euros,

- condamner KPMG à lui payer, au titre du bonus pour la période du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2017, la somme de 40 000 euros,

- condamner KPMG à lui payer, au titre du bonus pour la période du 1er octobre 2017 au 9 février 2018, la somme de 13 333,33 euros,

- condamner KPMG à lui payer, à titre de rappel sur indemnité de préavis, la somme de 30 015,21 euros, outre congés payés y afférents 3 001,52 euros, subsidiairement, voir fixer ce rappel sur indemnité de préavis à la somme de 25 371,14 euros, outre congés payés y afférents 2 537,11 euros,

- condamner KPMG à lui payer, au titre d'une journée de préavis manquante, incidence de 13ème mois et de congés payés comprise, la somme de 667,53 euros, subsidiairement, fixer cette somme à 606,04 euros, encore plus subsidiairement, fixer cette somme à 403,34 euros,

- condamner KPMG à lui payer un rappel sur indemnité de licenciement de 30 072,78 euros,

subsidiairement, la somme de 23 391,84 euros,

- juger que les rappels, y compris indemnités de non-concurrence, porteront intérêts au taux légal à compter du jour de réception de la demande devant le Conseil de Prud'hommes, avec capitalisation des intérêts,

- juger que les sommes indemnitaires porteront intérêts à compter du jour du jugement à intervenir, avec capitalisation si besoin est,

- condamner KPMG à lui remettre les documents légaux (fiches de paie, certificat de travail et attestation Pôle Emploi) conformes au jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document commençant à courir 15 jours après signification de l'arrêt à intervenir,

- condamner KPMG à lui payer, en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, une somme de 12 000 euros,

- déclarer KPMG irrecevable et en toute hypothèse mal fondée en tous ses moyens, fins et conclusions, ainsi qu'en toute demande valant appel incident et l'en débouter,

- condamner KPMG en tous les dépens, y compris ceux de la procédure de constat sur ordonnance, comprenant les honoraires de l'informaticien et autoriser leur recouvrement dans les termes de l'article 699 code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 13 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la société KPMG demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

*débouté M. [W] de l'intégralité de ses demandes formulées au titre de la contestation de son licenciement,

*débouté M. [W] de sa demande de rappel d'heures supplémentaires, d'indemnité de repos compensateurs, d'indemnité pour travail dissimulé, de rappel d'indemnité de licenciement et de rappel d'indemnité compensatrice de préavis,

*débouté M. [W] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice de santé morale et physique,

*débouté M. [W] sa demande de rappel de bonus au titre des années 2017 et 2018,

*débouté M. [W] de sa demande de rappel d'indemnité compensatrice de préavis et de licenciement,

- infirmer le jugement en ce qu'il :

* l'a condamnée à payer à M. [W] la somme de 19 326,85 euros à titre de dommages et intérêts pour clause de non-concurrence,

* l'a condamnée à payer à M. [W] la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

et statuant à nouveau,

- débouter M. [W] de sa demande d'indemnité de non-concurrence,

- débouter M. [W] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [W] à leur payer la somme de 6 000 euros à ce titre,

- en tout état de cause, débouter M. [W] de sa demande au titre des dépens,

- débouter M. [W] de sa demande d'astreinte.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 19 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

A titre liminaire, la cour considère que les attestations produites de part et d'autre présentent des garanties suffisantes pour valoir en tant qu'éléments de preuve.

Sur les heures supplémentaires

Le salarié réclame le paiement d'heures supplémentaires qu'il estime avoir accomplies depuis le 2 janvier 2015, dès lors non prescrites eu égard à la date de la rupture, et de congés payés afférents, sur la base de l'horaire hebdomadaire légal, en ce qu'il se prévaut,

- d'une part, de la nullité de la convention de forfait-jours conclue le 1er août 2002 résultant du non-respect des dispositions de l'article L. 3121-46 du code du travail, comme de la nullité des dispositions de la convention collective nationale des cabinets d'experts comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974 et de l'accord d'entreprise du 22 décembre 1999 sur la base desquelles il a été conclu, peu important l'avenant à cette convention collective n° 24 bis du 18 février 2015 qui n'a pas donné lieu à la signature d'une nouvelle convention de forfait-jours entre les parties,

- d'autre part, et en toute hypothèse, de l'inopposabilité de la convention de forfait-jours pour non-respect des dispositions prévues par l'article L. 3121-46 précité, devenu L. 3131-60, ainsi que de l'avenant 24 bis, le contrôle et le suivi de la charge de travail n'ayant pas été effectifs, ce que l'employeur ne peut justifier en produisant des documents qui ne reflètent pas la réalité des horaires réellement accomplis alors notamment que les feuilles de temps remplies l'étaient sous le contrôle sévère des associés.

Il indique apporter des éléments suffisamment précis quant aux heures supplémentaires qu'il prétend avoir réalisées dans le respect de sa charge probatoire en ce domaine.

La société fait valoir que les dispositions des articles 4, 4.2, 4.3 de l'accord d'entreprise du 22 décembre 1999 n'ont pas été invalidées par la Cour de cassation, que celles-ci organisent des modalités précises de contrôle du nombre de jours de travail et du suivi régulier de la charge de travail des salariés soumis à une convention individuelle de forfait, qu'en application de l'article L. 3121-65 du code du travail issu de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 les nullités invoquées par le salarié doivent être écartées dès lors qu'elle justifie de la mise en oeuvre des mesures exigées par cet article en matière de contrôle et de suivi de la charge de travail du salarié.

Elle reproche au salarié de ne pas apporter d'éléments suffisamment précis quant aux heures supplémentaires qu'il revendique et justifier pour sa part, notamment au moyen des feuilles de temps renseignées par le salarié, des horaires effectivement réalisés.

Elle soulève la prescription triennale pour les sommes antérieures au 14 mai 2015.

Elle sollicite le rejet de la demande pour le surplus.

Sur la nullité du forfait en jours

Il résulte des dispositions des articles L. 3121-39 et suivants du code du travail, dans leur version applicable au litige, que la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions. La conclusion d'une convention individuelle de forfait requiert l'accord du salarié. La convention est établie par écrit.

Le contrat de travail du 1er août 2002 prévoit qu'il est régi par la convention collective nationale des cabinets d'experts comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974, et qu'en application de l'accord KPMG SA du 22 décembre 1999 sur l'aménagement et la réduction du temps de travail, il est convenu que la durée du travail du salarié s'inscrit dans le cadre d'une convention annuelle de forfait établie sur une base de 217 jours, et qu'il bénéficiera de dix jours de repos ARTT par exercice social entier de présence.

L'employeur ne démontre pas, ni même n'allègue, la conclusion postérieure d'une convention de forfait-jours sur le fondement de nouvelles dispositions ni avoir recueilli l'accord du salarié sur l'application d'un avenant de révision de l'accord collectif litigieux.

Il invoque l'absence de nullité de la convention de forfait en jours en raison du respect allégué des dispositions supplétives de l'article L. 3121-65 du code du travail quand il ne résulte pas des dispositions de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 que le salarié n'est pas en droit d'invoquer l'invalidité de sa convention individuelle de forfait en jours pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de cette loi.

L'article L. 3121-43 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, tel qu'interprété par la Cour de cassation à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, met en oeuvre, d'une part, les dispositions de cette directive qui ne permettent de déroger aux règles relatives à la durée du travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur, d'autre part, l'exigence constitutionnelle du droit à la santé et au repos qui découle du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

Aux termes de deux arrêts du 14 mai 2014 (Soc., 14 mai 2014, pourvoi n° 12-35.033, et Soc., 14 mai 2014, pourvoi n° 13-10.637), la Cour de cassation a invalidé les dispositions de l'article 8.1.2.5 de la convention collective nationale des cabinets d'experts comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974 qui se bornent à prévoir, en premier lieu, que la charge de travail confiée ne peut obliger le cadre à excéder une limite de durée quotidienne de travail effectif fixée à 10 heures et une limite de durée hebdomadaire de travail effectif fixée à 48 heures et que le dépassement doit être exceptionnel et justifié par le cadre, en deuxième lieu, qu'est laissé à l'employeur le soin de prendre les mesures pour assurer le respect des repos quotidiens et hebdomadaires, et, en troisième lieu, que le cadre disposant d'une grande liberté dans la conduite ou l'organisation des missions correspondant à sa fonction et dans la détermination du moment de son travail, le cadre et l'employeur examinent ensemble, afin d'y remédier, les situations dans lesquelles ces dispositions prises par l'employeur pour assurer le respect des repos journaliers et hebdomadaires n'ont pu être respectées, ne sont de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.

Les dispositions des articles 4.2 et 4.3 de l'accord d'entreprise du 22 décembre 1999 qui se bornent à prévoir, que toute personne détermine elle-même l'amplitude de son temps de travail, notamment dans le cadre de la négociation de ses objectifs en début d'exercice social, que le suivi de son activité est effectué, suivant les cas, sur la base des objectifs quantitatifs et qualitatifs négociés et/ou du volume d'activité défini conjointement avec sa hiérarchie, qu'un contrôle hiérarchique effectif de son temps de travail est contradictoire avec sa qualité de professionnel autonome, conformément à son contrat de travail, que l'ensemble du personnel autonome fait l'objet, suivant les cas et les départements, soit d'une procédure de détermination concertée des objectifs annuels et d'appréciation des résultats caractérisée par un entretien annuel dont l'objet est, notamment, d'apprécier les résultats de l'exercice écoulé au regard des objectifs convenus et de déterminer, de façon concertée entre appréciateur et apprécié, des objectifs quantitatifs et qualitatifs pour l'exercice social à venir, soit d'une procédure d'appréciation concertée du volume d'activité annuelle qui se traduit concrètement par un entretien annuel destiné à déterminer conjointement ce volume d'activité pour l'exercice social à venir, ne sont de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.

Au surplus, et en tout état de cause, aux termes de l'article L. 3121-65, I, du code du travail, à défaut de stipulations conventionnelles prévues aux 1° et 2° du II de l'article L. 3121-64, une convention individuelle peut être valablement conclue sous réserve des dispositions suivantes :

1° L'employeur établit un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées. Sous la responsabilité de l'employeur, ce document peut être renseigné par le salarié ;

2° L'employeur s'assure que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;

3° L'employeur organise une fois par an un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération.

Il résulte de l'article 12 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 que l'exécution d'une convention individuelle de forfait en jours conclue sur le fondement d'une convention ou d'un accord de branche ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement qui, à la date de publication de la présente loi, n'est pas conforme aux 1° à 3° du II de l'article L. 3121-64 du code du travail peut être poursuivie, sous réserve que l'employeur respecte l'article L. 3121-65 du même code

En cas de manquement à l'une de ces obligations, l'employeur ne peut se prévaloir du régime dérogatoire ouvert par l'article L. 3121-65 du code du travail. Il en résulte que la convention individuelle de forfait en jours conclue, alors que l'accord collectif ouvrant le recours au forfait en jours ne répond pas aux exigences de l'article L.3121-64, II, 1° et 2°, du même code, est nulle.

L'accord collectif du 22 décembre 1999, notamment en ses dispositions prévues aux articles 4.2 et 4.3, n'est pas non plus conforme aux dispositions de l'article L. 3121-64 du code du travail, dans sa version applicable au litige, et il ne résulte pas des éléments soumis à l'appréciation de la cour que les dispositions des 2° et 3° de l'article L. 3121-65 du même code ont été respectées par l'employeur dès lors, d'une part, que les tableaux de suivi établis par la hiérarchie dont la société se prévaut se bornent à mentionner la répartition des dossiers entre les managers et leurs collaborateurs aux mois de février, juillet, novembre et décembre 2016, d'autre part, que les entretiens annuels qui se sont tenus, notamment entre 2013 et 2016, ont porté sur l'évaluation de la performance du salarié sauf ponctuellement et de manière incidente l'évocation très théorique et générale de la charge de travail de celui-ci essentiellement en nombre de dossiers affectés, sans porter de manière suffisamment précise et concrète sur l'organisation de son travail et l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, tous éléments qui n'établissent pas que l'employeur était effectivement en mesure de s'assurer que la charge de travail du salarié était raisonnable et compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires.

Il résulte de tout ce qui précède que la clause de forfait en jours est nulle pour avoir été conclue sur le fondement d'une convention collective et d'un accord d'entreprise ne satisfaisant pas aux exigences légales, en outre, et en tout état de cause, en raison des manquements de l'employeur à ses obligations prévues par les dispositions supplétives de l'article L. 3121-65 du code du travail.

Le salarié est donc fondé à revendiquer le paiement d'heures supplémentaires sur la base de la durée légale hebdomadaire.

Sur les heures supplémentaires

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences des dispositions légales et réglementaires. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Le salarié sollicite le paiement d'heures supplémentaires qu'il estime avoir accomplies depuis le 2 janvier 2015, demande non-prescrite en application de l'article L. 3245-1 du code du travail en ce qu'elle porte sur des sommes que le salarié prétend dues sur une période n'excédant pas les trois années ayant précédé la rupture du contrat de travail, en s'appuyant sur des tableaux informatiques récapitulatifs détaillant ses horaires jour par jour, semaine par semaine, au cours de la période considérée, pauses méridiennes déduites, complétés de listes d'heures d'émission et de réception de mails établies en suite d'un procès-verbal de constat dressé par un huissier de justice dans les locaux de la société le 27 avril 2018.

Le salarié présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre.

Pour justifier des horaires effectivement accomplis par le salarié, l'employeur fournit les entretiens de performance annuels qui mentionnent des nombres d'heures dites 'chargeables', 'de développement' ou 'fonction' ainsi que des feuilles de temps extraites du système informatique auto-déclaratif via un logiciel de gestion de temps et activités permettant de mesurer la performance du salarié en termes de temps passé et d'activité déployée, au demeurant peu détaillée, sur des projets et tâches sélectionnées, mais que l'employeur ne justifie pas pouvoir établir en eux-mêmes de manière suffisamment fiable, précise et exhaustive l'ensemble du temps de travail effectif du salarié et l'amplitude de celui-ci. Il critique les éléments apportés par le salarié en l'absence de certitude sur la nature professionnelle de mails qui ne sont pas produits et compte-tenu de quelques incohérences affectant les tableaux versés, sans justifier néanmoins de l'effectivité de pauses au-delà des temps déduits à ce titre par le salarié et en produisant ses propres décomptes d'heures supplémentaires établis à partir des données de feuilles de temps qui si elles sont insuffisamment probantes comme il a été dit ci-dessus, font toutefois apparaître l'existence d'heures supplémentaires chiffrées à

27 264,62 euros.

Ainsi, après analyse des éléments apportés de part et d'autre, l'accomplissement d'heures supplémentaires sur la période considérée est établi et il y a lieu de condamner l'employeur à payer au salarié la somme de 85 339,27 euros brut outre 8 533,93 euros brut de congés payés afférents.

Sur le salaire de référence

Calculé sur les douze derniers mois en intégrant la rémunération des heures supplémentaires retenue par la cour, le salaire de référence est fixé à 13 418,78 euros brut.

Sur les repos compensateurs

Il ne résulte pas de l'examen des éléments soumis à l'appréciation de la cour que le salarié a accompli, pour les années concernées, des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires de 220 heures, donnant droit à une contrepartie obligatoire en repos.

Le salarié sera donc débouté de sa demande pécuniaire formée à ce titre. Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur le travail dissimulé

En application de l'article L. 8221-5 du code du travail la caractérisation de la dissimulation d'emploi salarié suppose la démonstration, d'une part, d'un élément matériel constitué par le défaut de mention sur le bulletin de paie de la totalité des heures effectuées par le salarié et, d'autre part, d'un élément intentionnel constitué par la volonté de mentionner sur le bulletin de paie de ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Il n'est pas démontré en l'espèce que l'employeur a, de manière intentionnelle, omis de mentionner sur les bulletins de salaire les heures réellement effectuées par son salarié, ce qui ne saurait résulter de la soumission du salarié à un dispositif de forfait en jours sans certes suffisamment veiller au respect du caractère raisonnable de sa charge de travail mais dont l'aspect frauduleux n'est pas avéré par trois témoignages d'anciennes salariées qui sont impropres à établir que les associés mis en cause minoraient les temps saisis par le salarié au moyen du système auto-déclaratif, ni, a fortiori, qu'une telle pratique était généralisée. Le salarié sera en conséquence débouté de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé sur le fondement de l'article L. 8223-1 du code du travail. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.

Sur le rappel de bonus du 1er octobre 2016 au 9 février 2018

Il ressort des éléments soumis à l'appréciation de la cour qu'en l'absence de stipulation contractuelle prévoyant le versement d'une rémunération variable, le versement d'un bonus de 35 000 euros pour l'exercice 2014/2015 puis de 40 000 euros pour l'exercice 2015/2016, ne suffit pas à faire ressortir, en l'absence de tout autre élément, que le surplus de bonus réclamé en sus de celui intégré à partir d'octobre 2016 à la rémunération fixe mensuelle du salarié et que l'employeur qualifie à raison de discrétionnaire dès lors qu'aucun critère d'attribution de ce surcroît de bonus n'était déterminé puisqu'il était laissé à la libre appréciation de l'employeur, constitue un élément de la rémunération du salarié.

Le salarié est donc mal fondé à solliciter le paiement d'un rappel de bonus sur la base du versement de 40 000 euros brut en décembre 2016.

Le salarié ne justifie pas non plus de la perte de chance qu'il allègue de pouvoir accéder à un bonus au titre des exercices 2016/2017 et 2017/2018.

Le salarié sera donc, par voie de confirmation du jugement, débouté de cette demande.

Sur la demande de reliquat d'indemnité compensatrice de préavis

En raison d'une assiette de calcul inférieure à celle devant être prise en considération compte tenu des développements qui précèdent, le salarié est bien fondé à réclamer une somme supplémentaire de 19 856,34 euros brut outre 1 985,63 euros brut de congés payés afférents. Le jugement est ainsi infirmé de ce chef.

Sur le reliquat d'indemnité compensatrice de préavis correspondant à un jour de préavis

Le salarié ne justifie pas de l'absence d'indemnisation d'un jour de préavis. Il résulte des développements qui précèdent qu'il est rempli de ces droits au titre de l'indemnité compensatrice de préavis. Le jugement sera donc confirmé sur ce chef.

Sur le reliquat d'indemnité légale de licenciement

Compte tenu des développements qui précèdent, le salarié est bien-fondé à prétendre au versement d'un reliquat d'indemnité légale de licenciement d'un montant de 57 459,22 euros [( 13 418,78 € x 0,25 x10 ans) + (13 418,78 € x 0,33 x 5,4 ans)].

Sur les dommages-intérêts pour préjudice physique et moral lié aux heures de travail réalisées

Le salarié fonde cette demande sur le non-respect des limites de durée absolue du travail quotidien ou du travail hebdomadaire et de l'obligation de sécurité pesant sur l'employeur, à l'origine d'un préjudice de santé physique et psychologique.

L'employeur fait valoir que la demande est irrecevable pour porter sur les conséquences indemnitaires alléguées d'une maladie professionnelle, et qu'elle n'est pas fondée en tout état de cause faute de preuve d'un préjudice.

En premier lieu, il n'apparaît pas que le salarié sollicite, sous le couvert d'une demande de dommages-intérêts fondée sur le non-respect par l'employeur de ses obligations en matière de durées du travail et de sécurité, l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle. Le moyen d'irrecevabilité soutenu par l'employeur sera donc en voie de rejet.

En deuxième lieu, il résulte de l'article L. 3121-35, alinéa 1, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprété à la lumière de l'article 6 b) de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, et de l'article 1315, devenu 1353, du code civil, que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur, et que le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation.

Alors que le salarié soutient, du fait de l'accomplissement de nombreuses heures supplémentaires retenues par la cour dans une proportion significative, avoir régulièrement dépassé les seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et les durées quotidiennes et hebdomadaires maximales, l'employeur ne justifie pas du respect de celles-ci.

En troisième lieu, il résulte de l'article L. 4121-1 du code du travail que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

L'employeur ne justifie pas, notamment dans le cadre d'un suivi et d'un contrôle de la charge de travail du salarié qu'il a soumis à un forfait en jours, avoir pris les dispositions nécessaires de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail du salarié restaient raisonnables et assuraient une bonne répartition dans le temps du travail et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, ce dont il résulte qu'il a manqué à son obligation de sécurité.

Ainsi, il y a lieu d'allouer au salarié, en réparation de l'ensemble des préjudices subis à ces divers titres, la somme globale de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur le licenciement

Le salarié conclut à la nullité du licenciement qu'il fonde sur l'existence d' une discrimination en raison de son état de santé, une situation de harcèlement moral et une dénonciation de celui-ci antérieure à la mise en oeuvre de la procédure de licenciement.

L'employeur fait valoir que le salarié ne justifie d'aucun fait propre à faire supposer l'existence d'un licenciement prononcé en raison de son état de santé, qu'il justifie pour sa part des raisons objectives qui fondent le licenciement pour insuffisances professionnelles, que la dénonciation d'un harcèlement moral a suivi l'engagement de la procédure de licenciement et qu'aucun fait établi ne caractérise le harcèlement moral allégué dont l'existence a été écartée par l'enquête interne mise en oeuvre via le CHSCT et la direction.

L'article L.1132-1 du code du travail, dans sa version en vigueur du 02 mars 2017 au 24 mai 2019, prévoit qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat (') en raison de son état de santé.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Par ailleurs, aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

De même, selon les dispositions de l'article L. 1152-2, dans sa version applicable au litige, aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Selon l'article L. 1154-1 de ce code, dans sa rédaction en vigueur du 1er mai 2008 au 10 août 2016, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. En vertu de ce même article L. 1154-1, dans sa rédaction résultant de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 applicable aux faits commis à compter de son entrée en vigueur le 10 août 2016, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Aux termes de l'article L. 1152-3 du même code, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Il résulte des articles L. 1152-1, L. 1152-3 et L. 1154-1 du code du travail que, lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à la dénonciation antérieure de faits de harcèlement moral. Dans le cas contraire, il appartient à l'employeur de démontrer l'absence de lien entre la dénonciation par le salarié d'agissements de harcèlement moral et son licenciement.

- Il convient donc d'examiner en premier lieu l'existence ou non d'une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le salarié soutient que le licenciement est dénué de toute cause réelle et sérieuse pour avoir été décidé en amont de la tenue de l'entretien préalable dès lors que le jour de la reprise de son travail le 4 septembre 2017 il a été privé de tout accès à ses boîtes mails antérieures et à l'espace management des systèmes KPMG comportant tous les historiques, et qu'à compter du 13 septembre 2017 il n'a plus disposé d'aucun accès au réseau et à la messagerie et a été dispensé de toute activité.

Toutefois, il ressort d'un échange de mails du 11 septembre 2017 que ce n'est qu'à cette date que le salarié a signalé à sa hiérarchie de la désactivation de ses accès informatiques que le service informatique lui a confirmé provenir d'une désactivation simple de son compte ' vraisemblablement due à [son] absence de 4 mois', ce à quoi il lui a été répondu que sa demande de réactivation à ses accès réseau avait été appuyée, qu'il était invité à utiliser les ordinateurs fixes mis à sa disposition par son département, et qu'il devait ne pas hésiter à recontacter l'intéressée si la réactivation de ses accès n'était pas effective. Au demeurant, comme il le concède lui-même, il n'était pas privé de la possibilité d'envoyer des mails.

De même, il ressort des éléments portés à l'appréciation de la cour que la suspension de l'accès par le salarié à sa messagerie à compter du 13 septembre 2017 a suivi une dispense d'activité rémunérée dont le salarié a été informé par un courrier daté du même jour qui lui indiquait que celle-ci intervenait dans l'attente des conclusions d'une enquête interne à diligenter par suite d'éléments précis rapportés dans son courrier du 11 septembre 2017 susceptibles de s'inscrire dans le cadre des dispositions des articles L. 1152-1 du code du travail. Au surplus, ce courrier indique que la procédure de licenciement en cours est suspendue et que l'entretien préalable initialement prévu pour se tenir le 14 septembre 2017 est annulé. Enfin, dans ce même courrier l'employeur invite le salarié à lui faire part de son éventuelle opposition à une telle dispense.

Le salarié invoque, en outre, l'impossibilité d'organiser sa défense en vue de l'entretien préalable à licenciement du 30 octobre 2017 et lors de celui-ci, en violation du droit fondamental à une défense effective tiré de l'article 7 de la convention OIT n° 158.

Cependant, ainsi que le soutient à raison l'employeur, il ne ressort d'aucun élément soumis à l'appréciation de la cour que le salarié a été privé de son droit de se défendre compte tenu de l'énonciation de l'objet de l'entretien dans la lettre de convocation qui lui a été adressée et de la tenue d'un entretien préalable au cours duquel le salarié, qui a disposé de la faculté d'être assisté, l'a effectivement été et a pu se défendre contre les griefs formulés de manière claire et circonstanciée par son employeur, ce que corrobore le compte-rendu rédigé par le représentant du personnel l'ayant assisté qui reprend point par point les arguments de réponses apportés par le salarié aux différents griefs portés à sa connaissance par l'employeur, de sorte qu'il a été satisfait à l'exigence de loyauté et du respect des droits du salarié. Il est surabondamment relevé que le salarié ne justifie pas d'une demande précise d'accès à un document particulier en vue de préparer sa défense lors de l'entretien préalable au cours duquel l'employeur a l'obligation de formuler les griefs.

Dès lors, comme soutenu à juste titre par l'employeur, il ne peut se déduire des éléments invoqués par le salarié l'existence ni d'une décision de le licencier avant la tenue de tout entretien préalable ni d'une violation à un droit fondamental.

S'agissant de la lettre de licenciement, celle-ci énonce :

«... Le 1er octobre 2013, vous avez été promu Senior Manager, toujours au sein de la Business Unit GCAP.

Or, depuis cette date, nous vous avons signalé un certain nombre d'insuffisances qui aujourd'hui ne sont malheureusement plus acceptables car en inadéquation avec les attentes légitimes de votre hiérarchie eu égard votre ancienneté dans la fonction.

Vos responsables hiérarchiques ont attiré votre attention à plusieurs reprises quant à vos lacunes et vous ont précisé les actions correctrices qu'il convenait de mettre en 'uvre.

Au titre de l'exercice 2015-2016, vous avez été reçu, le 25 novembre 2015, par [H] [V], votre Performance Partner, Directrice Associée de votre Business Unit, en entretien durant lequel vous avez convenu de vos objectifs pour ledit exercice.

En juin 2016, à l'occasion de votre lnterim Review, [H] [V], vous a rencontré pour faire le point sur les missions réalisées et vos performances à mi-année. Puis Je 3 octobre 2016, un entretien d'évaluation pour l'ensemble de l'année écoulée a eu lieu avec [H] [V].

Au titre de l'exercice 2016-2017, vous avez convenu avec [H] [V] de vos objectifs ainsi que d'un plan d'action le 30 novembre 2016.

A l'occasion de ces entretiens, [H] [V] a constamment attiré votre attention sur la nécessité d'anticiper, de gérer les priorités afin de ne pas laisser des demandes sans accusé de réception ou action, d'améliorer la qualité de vos travaux, d'être plus proactif dans le développement de nouvelles missions. Elle vous a également fait part de la nécessité d'améliorer l'encadrement de vos équipes.

Vous aviez convenu (cf. vos objectifs dument signés) de l'importance de vous mettre à brève échéance au niveau du rôle de Senior Manager tel que défini par le cabinet et de donner la consistance attendue dans votre poste.

Vous avez bénéficié au quotidien du suivi et des conseils de [H] [V] et de [R] [I], Directrice Associée responsable de votre Business Unit. Vous avez également eu l'opportunité de bénéficier de coaching et de participer au séminaire EVE. Vous avez aussi bénéficié d'actions de visibilité en France et à l'international destinées à favoriser vos actions en termes de développement. Vous avez ainsi été investi sur des sujets de transversalité et sur le Solution Day.

Nous avons tenu compte de votre demande de vous permettre de vous investir sur l'offre de pilotage de projets « Project Management Office » (« PMO ») et de la développer, tout en révisant à la baisse le nombre de dossiers qui vous étaient affectés afin de vous en laisser une dizaine, aboutissant ainsi à une charge de travail parfaitement compatible avec les objectifs assignés.

Nous avons compté sur l'amélioration rapide de vos prestations compte tenu de votre forte implication et motivation. Nous espérions que vos lacunes se corrigeraient au fil du temps. Or, il n'en est rien et nous avons été amenés à constater sur le début du premier semestre de l'année 2017 que la qualité de vos travaux n'était toujours pas en adéquation avec les standards de notre cabinet à votre niveau de Senior Manager.

C'est ainsi que le 16 mai 2017, [R] [I] et [H] [V] vous ont fait part de leur insatisfaction persistante découlant de vos insuffisances professionnelles, situation qui n'était plus tenable au niveau de responsabilité qui vous était confié... »,

puis, il y est indiqué que les insuffisances professionnelles sont caractérisées par (en synthèse) :

- un manque d'initiative en matière de structuration de l'offre de services 'PMO' et de développement de la clientèle, soit une insuffisance d'action externe, relationnelle ou organisationnelle malgré des relances de son manager, une organisation non optimale du suivi de missions d'envergure, générant l'insatisfaction des clients ;

- un manque de recul et d'autonomie nuisant à l'efficacité de ses interventions et à la qualité de ses travaux, concernant les projets 'outbound' et les réponses aux appels d'offres d''Eu', ce qui a contraint son manager à le suppléer dans ses missions ;

- des difficultés d'organisation à l'origine d'un traitement insuffisant ou différé de tâches ;

- un manque de documentation de ses dossiers, notamment en raison d'une appréciation défaillante de certains points techniques, ce qui a généré une perte de temps en termes de compréhension et ainsi de traitement de dossiers incomplets, comme des difficultés d'encadrement découlant d'une maîtrise insuffisante de la délégation, s'agissant d'une chargée de projets nouvellement recrutée qui a manqué d'explications et d'organisation pour accomplir ses tâches.

Le salarié fait valoir que sous couvert d'insuffisances professionnelles, il lui est reproché des fautes dans l'exécution de ses missions de sorte que la prescription des faits fautifs doit s'appliquer.

L'employeur réplique que le licenciement est fondé par les insuffisances professionnelles du salarié, ne repose sur aucun manquement ou comportement fautif, notamment d'une insubordination.

Il ne résulte pas des énonciations du licenciement que le salarié a été licencié pour un ou des manquements professionnels relevant d'une mauvaise volonté délibérée de sa part qu'une absence d'écoute et une non prise en compte des remarques de ses responsables en raison de sa 'susceptibilité' ne sauraient suffire à démontrer. Il s'en déduit que le licenciement n'est pas fondé, même partiellement, sur une faute du salarié, de sorte que la prescription de faits fautifs ne peut jouer.

L'insuffisance professionnelle se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification. Afin de licencier le salarié pour insuffisance professionnelle, l'employeur doit invoquer des faits objectifs, précis et vérifiables, qui lui sont imputables.

S'agissant du premier point, soit le manque d'initiative dans le cadre du PMO (project management office), il ressort des éléments portés à l'appréciation de la cour que : le 3 février 2017, le salarié a signé le compte-rendu d'entretien d'évaluation 2016/2017 comportant des objectifs et un plan d'action à ce sujet ; le salarié a organisé à compter du 9 février 2017, puis tenu, en mars 2017, une réunion de présentation de l'offre aux responsables de 'BU' conformément à ce qui leur avait été annoncé par son manager en janvier 2017 en vue d'un accompagnement dans le développement de ce projet ; concomitamment, le salarié a réalisé un tableau mentionnant des personnes à contacter au moyen de 'phonings' et des données propres à effectuer un suivi concret des actions menées ; de plus, il a réalisé au moins un contact avec un directeur associé ; peu après, à compter du 16 mai 2017, il a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie ordinaire successivement prolongé jusqu'au vendredi 1er septembre 2017. De même, dans le dossier 'So', si le manager l'avait interrogé par mail du 26 octobre 2016 pour répondre au client au sujet de l'état d'avancement de certaines actions, un manque d'initiative dans l'exécution de missions identifiées ne s'induit d'aucune pièce, étant impropre à l'établir la circonstance que le manager aurait mené trois réunions au cours de l'arrêt maladie du salarié.

En ce qui concerne le deuxième point, l'allégation, subjective, selon laquelle le salarié aurait montré une absence de 'recul afin de réfléchir à la meilleure approche en fonction de la demande du client et des pays concernés', comme l'invocation d'une absence 'd'efficacité dans l'approche et l'obtention des informations ( par exemple, de vous interroger sur l'utilité ou non de pré remplir certaines données chiffrées pour validation par les pays, d'organiser une conférence internet Webex dès le démarrage avec tous les bureaux locaux de KPMG pour expliquer l'approche, prendre contact dès le début du processus de collecte des honoraires avec les bureaux locaux de KPMG dont vous connaissez la difficulté d'obtenir des honoraires cohérents)', ou la critique selon laquelle 'il est anormal de devoir revenir sur des honoraires pour des raisons de mauvaises analyses ou appréhension de ces derniers', ne sont corroborées par aucun élément porté à la connaissance de la cour quand la seule pièce produite à ce titre est la pièce n° 31 qui est un simple mail envoyé notamment au client 'Tr' pour l' informer d'une 'offre financière amendée' à la baisse en fonction d'un tableau récapitulatif de niveaux de transactions établi le 13 juillet 2017, à l'exclusion de tout élément permettant d'en déduire 'de mauvaises analyses ou appréhension' des honoraires par le salarié, le seul fait qu'une réduction de ceux-ci ait été décidée étant à cet égard insuffisant, peu important l'affirmation selon laquelle le manager a 'réussi à revoir l'ensemble des honoraires des bureaux KPMG en local à la baisse' en apportant des modifications après 'explication du contexte et des enjeux', de surcroît en l'absence de certitude sur l'existence, ou tout au moins la disponibilité, des données ainsi exploitées, au moment ou les travaux critiqués ont été effectués.

Pareillement, le mail relatif au client 'As' du 2 mai 2017 par lequel le manager interroge le salarié sur la rédaction du 'paragraphe relatif au contractuel' et lui indique : 'Vous le savez je ne veux pas voir à la dernière minute car il me faut le temps du recul', ne fait ressortir aucune insuffisance précise imputable au salarié en lien notamment avec une demande circonstanciée de devoir réaliser une tâche identifiée dans un délai défini, et il ressort du mail adressé par le manager à des collaborateurs le 23 août 2017 que l'incompréhension qu'il évoque quant au périmètre d'intervention et aux activités devant être menées, est une simple hypothèse ( 'il semblerait qu'il y ait eu...') sans élément plus précis sur la cause de ces modifications.

Quant au client 'Vo', l'insuffisance mentionnée au sujet d'une intervention tardive du salarié, en avril 2017, après qu'il ait été relancé à diverses reprises relativement à des travaux à réaliser pour ce client, force est d'observer, d'une part, qu'il s'agit d'un problème de règlement de factures entre KPMG UK et KPMG France, d'autre part, qu'il ne ressort d'aucune pièce que le salarié aurait été relancé pour exécuter une tâche précise dans un délai défini, alors que si le client a interrogé le manager sur l'envoi d'un document avec une échéance qu'il indique avoir été fixée au 12 mai 2017, le salarié a immédiatement répondu de manière circonstanciée, par mail du 15 mai 2017, à un mail du même jour de son manager qui lui faisait part de son insatisfaction quant à l'existence d'une relance par le client et l'absence d'échange avec celui-ci en amont pour négocier un délai au 16 mai à midi, en lui expliquant que le planning avancé par le client n'avait pas été validé par KPMG France, qu'il avait contacté sans délai l'équipe centrale KPMG UK manifestement habilitée pour apporter une réponse directe au client en lui rappelant l'absence de validation d'un planning, et qu'il y avait lieu, dès lors, de planifier d'autres travaux selon un calendrier précis en fonction de cette validation, tous éléments non sérieusement contredits.

Sur le troisième point relatif à des difficultés d'organisation, la pièce n° 45 est impropre à établir l'existence d'une erreur commise par le salarié qui serait à l'origine d' 'erreurs en cascades', et la pièce n°27 ne révèle ni ne corrobore la commission d'erreurs par le salarié concernant l'appel d'offres 'Eu'.

S'agissant des missions 'inbound', il ressort des éléments portés à la connaissance de la cour que le salarié soutient à raison, d'une part, qu'aucun délai impératif n'avait été fixé pour apporter une réponse à un mail de KPMG Australie du 5 mai 2017, d'autre part, qu'ayant été placé en arrêt maladie à compter du 16 mai 2017, la réponse a bien été apportée par mail du 18 mai 2017 précisément 'de la part de [W] [U]' .

Quant au retard imputé au salarié dans la passation d'un dossier 'PI', celui-ci n'est pas utilement contredit lorsqu'il indique qu'en raison de contraintes internes cette redistribution n'a pas été immédiate et est intervenue en tout état de cause à temps pour la réalisation de la campagne 2017, et ce alors que l'employeur ne démontre, ni même n'allègue, l'existence d'une incidence négative pour le client.

Enfin, il ne ressort pas à suffisance des pièces n° 34 et 76 que l'envoi des liasses fiscales concernant le client 'He' le 17 mai 2017 en raison d'une date limite de dépôt à l'administration fiscale fixée au 18 mai 2017, est imputable à une mauvaise organisation du salarié dans l'exécution de ses tâches, alors, d'une part qu'il ressort de la pièce n° 27 invoquée, soit un courriel envoyé au salarié par son manager le 2 mai 2017, que s'il existait une problématique au sujet de la facturation d'honoraires, celle-ci était due au fait que '[K]' était 'lent et long', d'autre part, que la tâche a été accomplie par un autre manager à partir d'informations datant du 16 mai 2017, soit le jour où le salarié a été placé en arrêt de travail.

Sur le quatrième point, l'attestation de Mme [E] est en tout état de cause impropre à établir, en raison notamment d'une rédaction très générale, de réelles difficultés d'encadrement, aucun élément ne permettant d'objectiver les insuffisances imputées au salarié notamment en termes de gestion de dossiers en support dans le domaine de la PMO. L'attestation de M. [Y] souffre des mêmes lacunes.

S'agissant des observations écrites portées par son supérieur sur une note de synthèse rédigée le 18 avril 2017 par le salarié, force est de constater que cette note à la présentation soignée et composée de 21 pages particulièrement fournies et détaillées, est surchargée d'une dizaine d'annotations d'aspect très 'scolaire' dont l'auteur n'est pas intrinsèquement identifiable et dont la forme principalement interrogative ne sont pas immédiatement révélatrices de lacunes ou d'erreurs, certaines remarques impliquant l'apport de précisions, à tout le moins, des réponses explicatives, de la part du salarié, ce dont il n'est aucunement fait état.

Enfin, la pièce 45 ne saurait suffire à établir l'existence des nombreuses erreurs imputées au salarié dans le dossier 'Eu', des difficultés dans la reprise de ce dossier eussent-elles été éprouvées par des collègues qui lui ont succédé en raison de son arrêt maladie.

Il résulte de tout ce qui précède l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement pour insuffisance professionnelle. Le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point.

- En deuxième lieu, à l'appui de la discrimination invoquée, le salarié présente les éléments de fait qui suivent :

*au sein du compte-rendu de son entretien d'évaluation 2015/2016 réalisé le 3 octobre 2016, il est félicité par son manager pour son investissement ' à 1000% pour que les clients soient servis dans les délais impartis, avec la qualité requise et un fort esprit d'équipe' malgré un contexte de surcharge de travail par manque d'effectif ; son implication et ses résultats probants sont mis en évidence dans la coordination de projets ; y sont mentionnées la maîtrise de ses réponses aux demandes de propositions du 'network' et la qualité croissante en matière de préparation des réponses 'à AO' pour les groupes français internationaux ; la maîtrise de sa présentation de l'outil 'Link 360" est qualifiée d'excellente ; de très bons contacts au sein du réseau 'GCMS' sont relevés ; cette évaluation se conclut ainsi : ' Encore bravo [U] pour votre résilience et votre investissement sans limite, nous savons pouvoir compter sur votre engagement !' ;

*par courrier du 25 novembre 2016, l'employeur l'a informé de sa décision de lui attribuer un bonus de 40 000 euros en reconnaissance de son investissement personnel et de sa contribution à l'activité du cabinet au cours de l'exercice écoulé ;

*au mois d'avril 2017, des échanges ont eu lieu au sujet du séminaire auquel il devait participer du 23 au 25 mai 2017, lequel contenait un programme 'emerging leader' ; un mail relatif aux instructions d'adhéson s'adresse à lui en tant que 'emerging leader' ;

*il a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie ordinaire le 16 mai 2017, successivement prolongé jusqu'au vendredi 1er septembre 2017 ;

*parmi les entretiens réalisés au sein du service d'affectation dans le cadre de l'enquête interne mise en oeuvre à la suite de sa dénonciation au CHSCT par courriel du 11 septembre 2017 d'une situation de harcèlement moral, une collaboratrice a témoigné du fait qu'à l'issue de l'entretien qu'il a eu le 16 mai 2017 avec une directrice associée, elle l'a vu ' physiquement devenir gris et tenir des propos incohérents' ;

*lors d'un échange de mails dans la soirée du 16 mai 2017 avec les deux directrices associées du service, il les a informées qu'avant de partir du bureau ce même jour, il a dû se rendre chez le médecin en urgence, lequel l'a placé en arrêt de travail et lui a prescrit la prise de médicaments ;

*alors qu'il avait indiqué dans son mail du 16 mai 2017 qu'il était dans l'incapacité de répondre à des mails et appels téléphoniques professionnels, 'devant observer un repos strict', une directrice associée l'a contacté par mail du 13 juillet 2017 et il lui a répondu par mail du 24 juillet 2017 : ' Je suis désolé mais j'ai encore du mal à parler de mon état. Je me repose et tente de me reconstruire pour le moment. En tout cas merci beaucoup d'avoir pris de mes nouvelles.' ;

*concomitamment, il a fait l'objet d'une procédure de licenciement le jour de la reprise de son travail le lundi 4 septembre 2017 sans aucune alerte ou mise en garde préalables.

Il en résulte que le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison de son état de santé.

Alors qu'il a été dit ci-dessus que le licenciement pour insuffisance professionnelle ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, l'employeur objecte que :

*dès son évaluation pour la période 2014/2015, il a été rappelé au salarié des attentes eu égard à son statut de senior manager ; or, si, au cours de cette deuxième année d'exercice de fonctions de senior manager des points d'amélioration sont mentionnés au sein de ce compte-rendu, soit des difficultés à jouer son rôle de chef d'orchestre, à prioriser ses travaux et à être force de proposition dans l'organisation du travail des équipes, ou être techniquement plus précis et remettre des plaquettes revues et finalisées 'à 100%', plusieurs points forts sont préalablement relevés ne se limitant pas à la mention d'une forte implication de sa part, et il est noté, en outre, que lors de l'intérim review le salarié avait fourni un 'énorme investissement' et a 'énormément assisté les associés' et qu'il lui a été demandé un investissement sur des projets innovants à l'international au sein du réseau 'GCMS/SAB' ;

*au sein du compte-rendu d'entretien d'évaluation 2015/2016 l'attention du salarié a été attirée sur le fait qu'il attendait de sa part une amélioration sur de nombreux points au regard de son statut de senior manager ; toutefois, l'employeur ne précise pas de contenu précis du compte-rendu relatif à des points d'amélioration qui ne sont pas indiqués expressément et si l'évaluateur mentionne, à la suite des appréciations élogieuses évoquées ci-dessus, que ' le mot d'ordre pour l'avenir à venir pour [U] est 'Accélération' : dans le développement pour gagner de nouveaux clients par sa propre action et son propre réseau (développer encore plus sa visibilité auprès des autres BU pour plus de travail en transversal) ; dans sa prise de recul dans la gestion des priorités et des travaux : il est préférable de 'perdre 30 minutes ' dans la réflexion et l'organisation des travaux que de 'courir après le temps' ; dans le suivi des colaborateurs, de leur motivation et de leur progression dans une optique à terme de performance manager ; dans l'anticipation et la prise en main de A à Z de travaux de gestion internes (suivi des travaux en transversale, prise en main de projets spécifiques,...)' , il s'en déduit qu'il s'agissait plutôt d'une dynamique à intensifier notamment dans le cadre de la fixation d'objectifs et d'une optique à terme de 'performance manager' ;

*le bonus attribué en fin d'année 2016 l'a été pour son investissement dans un contexte ponctuel de sous-effectif ; cependant, ce bonus visait à le récompenser pour son investissement et sa contribution à l'activité du cabinet au cours de l'exercice écoulé sans mention d'aucune réserve ni d'aucune condition ;

*l'entretien du 16 mai 2017 avec ses deux managers a suivi la révélation de 'nombreuses insuffisances professionnelles' au cours de ce même mois, ce que contredit la motivation développée ci-dessus pour dire le licenciement pour insuffisance professionnelle dénué de cause réelle et sérieuse ;

*il n'était pas en capacité de connaître la cause des arrêts maladie et le salarié, qui ne l'a pas informé d'un éventuel lien entre ces arrêts et ses conditions de travail, a été déclaré apte sans réserve à l'issue d'une visite de reprise du 4 septembre 2017 ; cette précision est indifférente à l'objectivation d'une convocation à un entretien préalable à licenciement, qui ne sera annulée qu'en raison de la dénonciation d'une situation de harcèlement moral, le jour même de la reprise du travail par celui-ci.

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le salarié a subi une discrimination en raison de son état de santé.

- En troisième lieu, s'agissant du harcèlement moral allégué, en revanche, si des pressions le contraignant à effectuer des horaires excédant régulièrement le double de la durée légale ne sont étayées par aucun élément précis, compte tenu notamment du volume des heures supplémentaires retenu ci-dessus par la cour, le salarié présente les éléments de fait qui suivent :

*une surcharge de travail consécutive à un sous-effectif chronique au sein du département GCAP auquel il appartenait comme évoqué par ses évaluations en 2015 et 2016, des attestations de collègues et l'enquête interne, enquête au cours de laquelle Mme [I] confirme elle-même un sous-effectif, Mme [V], associée, évoquant un sous-effectif depuis plusieurs années en ajoutant : 'c'est dur pour nos managers' ;

*une attitude et des propos attentatoires à sa dignité de la part de son manager, Mme [R] [I], dont le point culminant est l'entretien du 16 mai 2017 au cours duquel celle-ci lui a tenu des propos dénigrants, déshonorants et avilissants selon son courrier adressé au CHSCT le 11 septembre 2017, dont les conséquences en termes de manifestations physiques sur sa personne ont été constatées à sa sortie du bureau par une collègue, et dont les incidences sur sa santé ont entraîné le même jour son placement en arrêt de travail pour maladie ; plus généralement, ainsi qu'en ont témoigné des salariés au sein d'attestations et au cours de l'enquête interne, un management dysfonctionnel de la part d'associés pouvant, en présence de collègues, se montrer irrespectueux, hausser le ton, discréditer, réprimander les seniors et juniors, Mme [I] faisant des remarques en s'énervant et pouvant parfois s'échauffer, et qui, à l'instar de son homologue, Mme [H] [V], et selon l'attestation de Mme [P] qui avait des dossiers en commun avec le salarié, l'appelait et le dérangeait sans cesse et le convoquait plusieurs fois par jour dans son bureau d'où s'entendaient des reproches et des cris, Mme [T], autre collègue, attestant du fait que Mme [I] hurlait son prénom à travers les bureaux plusieurs fois par jour simplement pour le faire venir dans son bureau ;

* la privation de travail et d'accès aux systèmes de l'entreprise et à sa messagerie à l'issue de son arrêt de travail pour maladie.

Considérés ensemble, ces éléments de fait laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral.

A l'effet de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, l'employeur se prévaut de ce qui suit :

- il a mis en place des dispositifs de nature à permettre de bonnes conditions de travail et la possibilité pour les salariés de réagir sans délai dans une situation de dégradation des conditions de travail, alors qu'il n'est pas justifié de ce que ces dispositifs, auxquels ne sont rattachées aucunes données temporelles certaines, aient été portés à la connaissance du salarié ;

- aucune alerte quant à ses conditions de travail n'a précédé la dénonciation par le salarié de faits de harcèlement moral qui est intervenue en réaction à sa première convocation à un entretien préalable à licenciement, précision indifférente à la démonstration requise ;

- l'enquête interne a conclu au caractère suspect des dénonciations du salarié en ce qu'elles ont suivi la mise en oeuvre de la procédure de licenciement ainsi qu'à une dureté des conditions de travail en raison d'un sous-effectif et de pratiques managériales strictes, ce que contredisent les éléments apportés par le salarié, dont l'enquête elle-même, laquelle a fait ressortir, au-delà de la synthèse qui en a été faite, premièrement, que le sous-effectif a eu pour effet, plus particulièrement au cours des dernières années, notamment pour le salarié, sa chronicité et ses effets induits sur la charge de travail qualifiée unanimement d'importante, l'augmentation des horaires, l'existence de tensions, pressions et de stress pour les équipes, deuxièmement, le comportement parfois colérique, emporté, de Mme [I] décrite comme une personne 'autoritaire' dont la manière de manager allait jusqu'à hausser le ton des les échanges, voire crier, et s'énerver au point d'être entendue lorsqu'elle faisait des reproches, troisièmement, des pressions exercées sur les managers par les associés, contexte délétère corroboré, s'agissant de l'attitude générale de Mme [I] envers le salarié, par les témoignages évoqués ci-dessus ;

- des photographies de 2015 et du début de l'année 2017 montrent un salarié souriant et heureux d'être en compagnie des deux associées mises en cause, interprétation particulièrement audacieuse de simples clichés photographiques montrant plusieurs personnes prenant la pose dans un contexte de loisir.

Il résulte de ce qui précède que le harcèlement moral est caractérisé.

L'employeur n'établit pas l'absence de lien entre la dénonciation par le salarié de faits de harcèlement moral et le licenciement de celui-ci, dès lors que nonobstant l'annulation de la première convocation à un entretien préalable à un licenciement au sujet duquel aucune précision n'était alors apportée, l'employeur a décidé de licencier le salarié en invoquant des griefs d'insuffisance professionnelle non avérés après la dénonciation de faits de harcèlement moral par courriel du salarié du 11 septembre 2017 et l'enquête mise en oeuvre via le CHSCT qui mettait clairement en évidence l'existence d' agissements de harcèlement moral concernant le salarié en lien direct avec les griefs d'insuffisance professionnelle retenus à son encontre, plus particulièrement une surcharge de travail, un management dysfonctionnel et des pressions engendrées par un sous-effectif chronique au cours des dernières années de la relation contractuelle, tout ce dont il résulte la nullité du licenciement.

Le jugement entrepris sera donc infirmé sur l'ensemble des chefs qui précèdent.

Sur l'indemnité pour licenciement nul

En application des dispositions alors en vigueur de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, le salarié, qui ne réclame pas sa réintégration, a droit une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite de son licenciement et au moins égale à six mois de salaire.

Le salaire brut moyen de référence est fixé à 13 418,78 euros brut.

Compte tenu de son ancienneté et de son âge au moment de la rupture, 42 ans, de la perception partielle sur une durée très limitée d'une allocation d'aide au retour à l'emploi, de l'absence de tout autre élément apporté par le salarié relatif à sa situation professionnelle depuis la rupture, le préjudice moral et matériel de celui-ci résultant de la nullité de son licenciement sera intégralement réparé par l'allocation d'une somme de 200 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul.

Le jugement est dès lors infirmé sur ce point.

Sur la clause dite 'Respect de la clientèle'

Le salarié fait valoir que l'article 9 du contrat de travail doit s'analyser comme une clause de non-concurrence dans la mesure où elle empêche le collaborateur, pendant trois années à compter de la cessation du contrat de travail, de faire concurrence de quelque façon que ce soit, auprès des clients de KPMG dont la clientèle est étendue et dont la part de marché est importante. Il considère qu'ayant été effectivement soumis à une clause nulle et de nul effet faute de toute contrepartie financière, dans toute sa durée, et l'employeur ne justifiant pas de son non-respect, même partiel, il a droit à une indemnisation calculée sur la base de la contrepartie financière prévue à l'article 8.5.1. de la convention collective applicable concernant la clause de non-concurrence, à hauteur de 25 % de la rémunération mensuelle moyenne durant 36 mois.

L'employeur soutient pour sa part que conformément à l'article 6.3 de la convention collective qui prévoit qu'en cas de rupture des relations contractuelles, l'employeur et le salarié doivent examiner les conséquences de cette rupture sur le suivi de la clientèle, cette clause interdit seulement une collaboration avec sa clientèle pour éviter tout détournement de celle-ci, sans atteinte à la liberté de travail, de sorte qu'elle a un objet distinct de celui d'une clause de non-concurrence qui porte interdiction d'une concurrence limitée dans le temps et l'espace. Il ajoute, au visa des articles 1188, 1192 et 1103 du code civil, que le juge ne peut dénaturer la clause claire et précise en l'interprétant ni altérer l'obligation contractuelle voulue par les parties. Il fait valoir que l'indemnité réclamée ne peut excéder 25% du salaire mensuel perçu sur neuf mois en raison de la reprise d'un emploi rémunéré de senior manager au sein d'une société concurrente à compter de novembre 2018 selon son profil Linkedin actualisé au 12 juillet 2022.

L'article 9 du contrat de travail intitulé 'Respect de la clientèle' est ainsi libellé :

'Les clients pour lesquels le salarié est appelé à travailler, même à titre occasionnel, sont des

clients de la société. Il en est ainsi même pour les missions qui lui seraient confiées à titre personnel (expertise, arbitrage, commissariat, enseignement, etc ') et dont les honoraires correspondants doivent être encaissés par la société. Ces fonctions lui font un devoir de ne pas détourner ou tenter de détourner les clients de la société à son profit ou au profit d'un tiers.

En cas de cessation de sa collaboration, à quelque époque et pour quelque cause que ce soit,

le salarié s'interdit :

' de conserver toutes pièces, tous documents, toutes correspondances ou tous programmes informatiques, leurs supports et toutes données enregistrées appartenant soit à la société, soit à des clients ou anciens clients,

' pendant une durée de trois ans à compter de son départ de la société, d'entrer en qualité de

salarié au service d'un client sans l'autorisation écrite de la société.

' d'apporter, sous quelque forme que ce soit, et sans autorisation préalable écrite de la société, sa collaboration à l'un des clients de celle-ci en qualité d'expert-comptable commissaire aux comptes, comptable indépendant, expert fiscal, juridique ou économique, organisateur, conseil ou prestataire de services informatiques ou sous toute autre dénomination correspondant en fait à l'exercice de l'une de ces professions ou activités.

Par 'client' il convient d'entendre toute personne physique ou morale ayant ou ayant eu recours aux services de la société, laquelle a été établi, de ce fait, une facture d'honoraires au cours des trois années précédant la date du départ. La qualité de 'client' est étendue aux filiales, sous-filiales et sociétés mères de personnes morales directement clientes.

' Les interdictions visées au paragraphe ci-dessus auront effet, que le salarié exerce personnellement ou en société ou qu'il entre au service d'un tiers. Elles portent sur une durée de trois ans à dater de la cessation des fonctions. »

L'article 10 du contrat prévoit que, en cas de manquement du salarié à la clause de respect de la clientèle, la société aura le droit à des dommages et intérêts au moins égaux à deux fois le montant des rémunérations perçues au cours des 12 derniers mois de présence.

La clause reproduite ci-dessus, dont le libellé souffre d'imprécisions et dont l'étendue est très significative, notamment en ce qu'elle prévoit, d'une part, l'interdiction de toute collaboration avec l'un des clients de la société en qualité d'expert-comptable commissaire aux comptes, comptable indépendant, expert fiscal, juridique ou économique, organisateur, conseil ou prestataire de services informatiques ou sous toute autre dénomination correspondant en fait à l'exercice de l'une de ces professions ou activités, d'autre part, qu'elle s'applique aux personnes physiques ou morales ayant ou ayant eu recours aux services de la société par facture d'honoraires au cours des trois années précédant la date du départ, la qualité de 'client' étant étendue aux filiales, sous-filiales et sociétés mères de personnes morales directement clientes, porte gravement atteinte par les restrictions qu'elle contient à la liberté du travail, et s'analyse ainsi en une clause de non-concurrence.

Il résulte de l'article L. 1121-1 du code du travail que cette clause produisant les mêmes effets qu'une clause de non-concurrence et s'y assimilant, est illicite faute de réunir les conditions de validité cumulatives selon lesquelles elle doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, tenir compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporter l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, laquelle fait défaut.

L'article 8.5.1 de la convention collective des experts comptables et commissaires aux comptes résultant de l'avenant numéro 26 du 22 avril 23 stipule les conditions de validité des clauses de non-concurrence et fixe la contrepartie financière minimale à 25% en cas de licenciement.

L'existence d'un préjudice et l'évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond.

Au vu des éléments portés à l'appréciation de la cour et considérant le fait que contrairement à ce qu'indique l'employeur, aucun élément n'établit que le salarié a exercé, après la rupture de son contrat de travail, l'activité interdite par la clause, il y a lieu de fixer à la somme de 120 769,02 euros brut l'indemnisation du préjudice résultant de l'illicéité de la clause de non-concurrence, outre

12 076,90 euros brut de congés payés afférents.

Le jugement est donc infirmé sur ce chef quant au montant alloué.

Sur les intérêts légaux

Les intérêts légaux courent, sur les créances de nature salariale ou assimilée, à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes, et, sur les créances indemnitaires, à compter du prononcé du présent arrêt.

Il y a lieu à capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Sur la remise de documents conformes

Le jugement entrepris ne statue pas sur cette demande.

Eu égard à la solution du litige, il convient de faire droit à la demande du salarié de voir condamner l'employeur à lui remettre un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail, une attestation destinée à France Travail, anciennement Pôle Emploi, conformes à l'arrêt.

Le prononcé d'une astreinte n'apparaît pas nécessaire.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

L'employeur sera condamné aux dépens d'appel, avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

En équité, la somme de 3 000 euros sera allouée au salarié au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande formulée par l'employeur sur ce même fondement sera en voie de rejet.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris sauf sur le principe du versement d'une indemnité au titre de la clause de non-concurrence et en ce qu'il statue sur le rappel de bonus du 1er octobre 2016 au 9 février 2018, l'indemnité au titre des repos compensateurs, l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, le reliquat d'indemnité de préavis correspondant à un jour de celui-ci, les dépens et l'indemnité de procédure,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Rejette le moyen d'irrecevabilité relatif à la demande de dommages-intérêts fondée sur le non-respect des limites de durée absolue du travail quotidien ou du travail hebdomadaire et de l'obligation de sécurité ;

Dit que M. [U] [W] a subi une discrimination en raison de son état de santé et un harcèlement moral ;

Dit nul le licenciement de M. [U] [W] pour insuffisance professionnelle ;

Condamne la KPMG à payer à M. [U] [W] les sommes suivantes :

* 85 339,27 euros brut au titre d'un rappel de salaire correspondant à des heures supplémentaires,

* 8 533,93 euros brut de congés payés afférents,

* 19 856,34 euros brut de reliquat d'indemnité de préavis,

* 1 985,63 euros brut de congés payés afférents,

* 57 459,22 euros de reliquat d'indemnité de licenciement,

* 3 000 euros de dommages-intérêts au titre du non-respect des limites de durée absolue du travail quotidien ou du travail hebdomadaire et de l'obligation de sécurité

* 200 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

* 120 769,02 euros brut d'indemnité au titre de la clause de non-concurrence,

* 12 076,90 euros brut de congés payés afférents,

* 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel ;

Dit que les intérêts légaux courent, sur les créances de nature salariale ou assimilée, à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes, et, sur les créances indemnitaires, à compter du prononcé du présent arrêt ;

Dit qu'il y a lieu à capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

Condamne la société KPMG à remettre à M. [U] [W] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail, une attestation destinée à France Travail, anciennement Pôle Emploi, conformes à l'arrêt ;

Dit qu'il n'y a pas lieu de prononcer une astreinte ;

Déboute les parties pour le surplus ;

Condamne la société KPMG aux dépens d'appel, avec le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-5
Numéro d'arrêt : 22/00461
Date de la décision : 13/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-13;22.00461 ?
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